mardi 1 octobre 2013

Les seigneurs de la Chapelle à Chauché

Le village de la Chapelle à Chauché est situé près du bourg, le long de la route qui conduit à Saint-Fulgent. Il occupe la pente douce d’un coteau exposé au midi. En bas coule un petit ruisseau prenant sa source plus à l’Est et se jetant non loin dans la Petite Maine, juste à l’endroit où il coule sous la route qui conduit du bourg de Chauché au village de la Limouzinière.

Non loin du menhir du Champ de la Pierre, l’emplacement, l’environnement et l’exposition du village de la Chapelle, suggèrent une histoire très ancienne. Il est probable que s’y construisirent des habitats au temps de la préhistoire.D’ailleurs, un archéologue a trouvé en 1880 au village de la Chapelle une « hache en bronze sans rebord et absolument plate » (1).

Menhir de la Limouzinière                            Vestiges trouvés dans les alentours

On sait qu’une route romaine passait à proximité, et le lieu a été qualifié de villa (2), ce qui désignait au temps des romains une grande ferme avec les habitations de son personnel. Mais il faut attendre le Moyen Âge pour commencer à raconter son histoire à partir de documents écrits. Et cette histoire est celle d’une seigneurie, dépendant de Languiller, son seigneur suzerain aussi à Chauché.

En 1310 Jean Begaud épouse Colette de la Chapelle 


Le premier seigneur (ou l'un des premiers) du bourg de la Chapelle « moderne » devait s’appelait Begouin (plus tard écrit Begouen), et il a donné son nom au bourg de la Chapelle Begouin. Nous n’avons pas de document pour l’affirmer avec certitude, mais cette pratique se rencontre suffisamment dans les environs pour s’en convaincre. Ainsi à Saint-André-Goule-d’Oie, un nommé Foucaud a donné son nom au lieu du Coin Foucaud, un nommé Loriau a donné son nom au Coudray Loriau, un nommé Amauvin a donné son nom à la Roche Mauvin. Begouin a aussi probablement donné son nom au lieu de la Bégouinière (devenue la Bouguinière), près de la Brosse Veilleteau, tous deux situés aux Essarts. Ces noms propres accolés aux noms des villages ont disparu pour la plupart dans les documents vers la fin du 18e siècle. On n’est pas certain que ces noms propres soient ceux des fondateurs, c’est-à-dire des défricheurs des terroirs. Dans les exemples ci-dessus ces terroirs étaient des fiefs nobles à qui on a accolé le nom des seigneurs possesseurs. Ces derniers usaient plus volontiers de l’épée des chevaliers que de la hache des bûcherons. 

La Chapelle était qualifiée de « bourg », le mot est employé encore au 17e siècle dans certains papiers de la seigneurie. Cela signifiait normalement que c’était le chef-lieu d’une paroisse, celle de la Chapelle Begouin. Or celle-ci a bien été absorbée organiquement par décision de l’évêché vers le 13e siècle dans la nouvelle paroisse de Chauché, mais tout en gardant une existence civile, voire spirituelle particulière. L’abbé Aillery, dans sa chronique paroissiale de Chauché à propos de l’église du village de la Chapelle, a écrit : « suivant la tradition, cette église aurait été d’abord l’église paroissiale dont le chef-lieu aurait été transféré à Chauché » (3). Et ce transfert doit être situé au moment de la première mention de la paroisse de Chauché aux 12/13e siècles dans le pouillé du diocèse de Poitiers, à la même période de la création des paroisses voisines de Saint-André-Goule-d’Oie et de Chavagnes-en-Paillers. Dans des documents de la seigneurie de l’année 1693, en revanche, il est indiqué que « l’hôtel noble de la Chapelle [est situé] paroisse de Chauché ».

La Begaudière (Saint-Sulpice-le-Verdon)
C’est en 1310 seulement qu’apparaît dans les archives consultées le premier seigneur de la Chapelle, Jean Bégaud, par son mariage avec Colette de la Chapelle (4). Le patronyme de cette dernière n’est pas indiqué. Son mari était seigneur de la Bégaudière. Située à Saint-Sulpice-le-Verdon près de la Chabotterie, la Bégaudière était une demeure grandiose au Moyen Âge, selon l’historien Guy de Raignac.

Au moins à partir de cette époque les seigneurs de la Chapelle n’habitent plus sur place et ils confieront la gestion de leurs terres à des régisseurs, comme à la Drollinière voisine (devenue Linières). Ces seigneurs ne sont plus que les héritiers de titres et de domaines créés par le système féodal dans les siècles précédents. Malheureusement, l’absence de documents ne nous permet pas de reconstituer les créations de ces petits fiefs. Nous ne pouvons que suivre ensuite l’évolution, aussi la pérennité, de ce système féodal pendant cinq siècles, jusqu’à son abolition par la Révolution française.

Archives départementales de la Vendée
En 1683, la foi et hommage de la seigneurie de la Chapelle au seigneur de Languiller (Chauché), son suzerain, fut faite sur procuration par Auvinet, fermier de la Chapelle Begouin. On y découvre que celui-ci était analphabète. Dans le texte notarié il est écrit que « le serment et baiser [sont] réservés », sous condition de recevoir « les droits de mutations dus ». Il est vrai qu’avec un fermier ne sachant pas écrire, on n’imagine pas une cérémonie d’hommage entre chevaliers. Et ce sont les notaires qui signent l’acte à sa place (5).

 Jean Ier Bégaud et Colette de la Chapelle eurent quatre enfants : Geoffroy, Nicolas, Jean et Gilette. L’aîné, Geoffroy, hérita des fiefs de la Bégaudière et de la Chapelle, puis ce fut son frère Nicolas, prêtre, lequel rendit un aveu le 5 juin 1380 à Languiller pour certaines choses en la paroisse de la Chapelle de Chauché, mais pas le droit de fief (6). On voit ensuite le fils aîné de Geoffroy, Sauvestre Ier Begaud, marié à Isabeau Buor, qui rendit un aveu le 24 mai 1401 et mourut avant la fin de l’année 1402 (7). Il avait eu Jean II qui fut seigneur de la Begaudière et de la Chapelle. C’est probablement lui qui fut poursuivi à l’assise (tribunal) de Languiller de 1473 à 1483, à cause d’un blâme pour son aveu (8). C’est la descendance de son frère, Sauvestre II Begaud (lequel décédé avant 1472), qui lui succéda à la Chapelle, Jean III Bégaud d’abord, fils de Sauvestre II Begaud et de Marie Nicolleau (9). Après lui, son frère, Pierre Begaud, fut seigneur de la Chapelle et rendit un aveu en 1499 pour la Chapelle Begouin à Languiller (10). Il serait le frère puîné de Sauvestre, selon Beauchet-Filleau, mais alors pas le même que celui cité un siècle plus tôt.

Les seigneurs au 16e siècle


Pierre Begaud est mort le 20 avril 1536 (11). En 1535 il s’était fait représenter par son neveu à l’assise de Languiller (12). Le 10 juin suivant, Loys Begaud, principal héritier, fait sa foi et hommage à Languiller (13). Le 19 juin 1536, c’est désormais Louise Begaud, comme héritière principale de Pierre Bégaud, son père, qui présente ses deux fois et hommage à Languiller, l’un pour la Chapelle et l’autre pour la Barotière (14). Elle était aussi héritière de Jean Begaud (15). L’année d’après elle rend ses deux aveux, mais le procureur fiscal de Languiller réclame un blâme contre eux (16). Elle recommença ses deux fois et hommages en 1541 et plaidait encore en 1545 pour se défendre devant la cour d’avoir payé le rachat dû à cause de la mort de son père. Elle se défendit encore d’avoir fait construire un moulin à eau sur la Petite Maine sans la permission de Languiller, alors même qu’il ne portait aucun tort « au moulin à eau de Foucher » dépendant de Languiller, et qu’il serait compris dans la valeur de rachat de son fief (17).

Christophe, écuyer et seigneur de la Bégaudière et de la Chapelle vers le début du 16e siècle, se maria deux fois, d’abord avec Renée de la Ramée (fille de Jean, seigneur du Breuil et de la Poitevinière près de Montaigu), morte le 31 mars 1547, puis avec Jeanne Poitevin. Avec cette dernière il eut six enfants : Jean IV, Jacques (mort en 1555), Pierre, Jeanne (épouse d’Amaury de Salla), Guyonne et Louise (18).

Jean IV Begaud succéda à son père Christophe comme seigneur de la Chapelle. Il épousa, le 28 novembre 1531, Madeleine Mauclerc, fille de Guy, écuyer, seigneur de la Muzanchère, et de Catherine Chabot. Il eut pour enfants René et Claude, ce dernier étant l’auteur de la seconde branche des Begaud (19).

Dans un aveu du seigneur de Languiller en 1550, à son suzerain, le baron des Essarts, il est indiqué que le seigneur de la Chapelle s’appelle alors Jean Bégaud (20). Il devait un hommage-lige et un hommage simple au seigneur de Languiller pour son fief de la Chapelle, sous lequel il tenait lui-même en vassalité le fief de la Pitière à Chauché et le fief de la Fraignaie aux Essarts, ce dernier consistant alors en une pièce de terre du tènement de la  Corère (Essarts). 

La Barotière
Sous un autre hommage simple à Languiller, Jean Begaud tenait aussi le fief voisin de la Barotière, à l’époque appartenant à René d’Aubigné, qui était aussi seigneur de la Péronière et de la Parnière (Brouzils). Déjà à cette époque, les droits de terrage de la seigneurie de la Chapelle sur sept à huit villages des environs étaient souvent perçus en commun, parfois à moitié, avec d’autres seigneurs des environs. Au total nous avons là une seigneurie morcelée dans ses droits seigneuriaux au milieu du 16e siècle, qui avait dû être plus riche dans les temps plus anciens. Elle n’était plus qu’un élément dans le patrimoine foncier de ses propriétaires, extérieurs à Chauché, changeant au gré des mariages et des héritages, et géré au jour le jour par des régisseurs selon les règles du droit féodal.

Poitevinière, moulin à eau
René Bégaud décéda le 13 septembre 1577. Son fils, René Bégaud, dut se justifier de sa noblesse. Il était seigneur de la Bégaudière, de la Poitevinière et de la Chapelle Begouin, et ses terres furent saisies par les fonctionnaires du roi parce qu’il ne payait pas les droits de francs fiefs (perçus auprès de roturiers possédant des terres nobles). Il obtint mainlevée de cette saisie le 27 avril 1582, après avoir produit ses titres de propriétés et leurs antériorités pour prouver sa noblesse. Il avait pour cela remonté jusqu’au début du 14e siècle, au père de Jean Bégaud, le premier seigneur connu de la Chapelle, Pierre Begaud le Vieil. Une conséquence heureuse pour nous de ses déboires, est d’avoir facilité les recherches généalogiques des historiens ensuite.

René Begaud avait épousé le 10 janvier 1566, Marguerite de Machecoul, fille de Jean, seigneur de Vieillevigne, et de Bonaventure d'Avaugour. Comme son beau-père, il était protestant et il combattit dans leurs rangs pendant les guerres de religion. Lors de la prise de Fontenay-le-Comte par les catholiques en 1574, il fut fait prisonnier et resta enfermé plusieurs années au château des Loches (Indre-et-Loire), jusqu’à la pacification. Son château de la Bégaudière fut incendié pendant sa captivité et ne se releva pas de ses ruines complètement (21).

Henri IV
L’arrivée au pouvoir d’Henri IV en 1589 favorisa sa carrière. En 1595, il est noté comme chambellan et gentilhomme ordinaire de la chambre du roi (22). Cette dernière appellation désigne à cette époque divers emplois au service direct du roi, en principe à l’année (dit « ordinaire »).

René Begaud rendit un aveu à Montaigu le 5 juillet 1600 pour son fief de la Begaudière situé au bourg de Saint-Sulpice-le-Verdon, tenu à foi et hommage lige et ligence de 40 jours dans son hôtel de la Begaudière à la demande des officiers de Montaigu. Il déclare devoir « 13 deniers de plaict de mortemain pour tout droit de rachat, payable au prieur séculier de l’aumônerie de Montaigu quand la foi change par muance d’hommes de ma part ». Sous cet hommage il tient à Saint-Sulpice le fief de la Rousselière ou fief Voireau, le village de la Caillaudière aux Thireaux, et le tènement appelé Lochonnière (23). 

Il vivait encore en 1601 (24)

Les seigneurs au 17e siècle


C’est son fils, Gilles Begaud, qui rendit des aveux à Languiller en 1606 et 1617 (25). En 1610, celui-ci « voulu faire bâtir en forteresse au rez de chaussé sa maison de la Bégaudière », mais il essuya un refus de son suzerain, le baron de Montaigu, M. de la Tremoïlle (26). À partir de là, la Bégaudière ne fut habitée que par intervalles par ses seigneurs, qui y avaient installé un intendant-régisseur, comme à la Chapelle Begouin (26).

Gilles Begaud ne semble pas s’être marié et après sa mort, après 1623 où il fit une acquisition pour les pasteurs anciens et chefs de famille de la religion réformée, ses sœurs se partagèrent l’héritage. Elles s’appelaient Adrienne, Suzanne et Bonaventure. On ne sait pas ce qu’est devenue Adrienne.

Suzanne, dame de la Begaudière, fut la deuxième épouse d’Honoré de Verrines et hérita de la Bégaudière.

Bonaventure épousa Charles Viaud (ou Viault), écuyer seigneur de Lestorière. Cette seigneurie était située alors sur la paroisse de la Chapelle-Seguin (dans les Deux-Sèvres actuellement, devenue ensuite la commune de l’Absie), près de Moncoutant. Charles Viaud possédait aussi le château de la Papinière, à proximité de la Sèvre nantaise, dans la paroisse voisine de Largeasse. Situées à une centaine de mètres l’une de l’autre, les maisons nobles de la Papinière et de Lestorière appartenaient donc à ces deux paroisses voisines. Chauché se trouvait à environ 75 kms de distance.


Charles Viaud, fils de René Viaud et de Jeanne de Mallemouche, partagea noblement l’héritage de ses parents en 1610, comme aîné, avec ses frères Jacques et Pierre. Par sentence du 13 juillet 1634, Charles Viaud fut confirmé au rang des nobles. Il avait présenté pour cela neuf hommages et dénombrements de la seigneurie de Lestorière, rendus au seigneur de Tennessue en remontant jusqu’à Jean Viaud, qualifié de valet, le 16 avril 1404 (27).

Sa femme, Bonaventure Bégaud, fut mise sous la sauvegarde du roi par arrêt de la cour des Grands Jours de Poitiers (tenue extraordinaire d'une cour de justice, que le Roi faisait présider par un conseiller au parlement de Paris.) du 13 novembre 1634. Cela signifiait qu’elle relevait de la justice du roi, à l’exclusion des autres, ce qui était à l’époque plus qu’un honneur, une présomption d’une meilleure justice. À moins qu’il s’agisse d’une mesure de contrôle sur la fille d’un protestant. Nous ne connaissons pas les raisons de cette décision.

En elle s'éteignit la branche aînée de la famille Begaud. Sa fille, Anne Viaud, épousa Daniel Prévost, seigneur de la Fraignée.

Dans un acte d’arrentement en 1644 d’une pièce de terre appelée la Vigne du Grand Pâtis à la Chapelle, pour quinze boisseaux de seigle, les deux propriétaires en commun sont d’une part Gabrielle de Razais, veuve d’André de Vérinnes autrefois seigneur de la Bégaudière, et d’autre part Daniel Prevost et Anne Viaud (28). André de Vérinnes était le fils de Suzanne Begaud et d’Honoré de Verrines.

Bourg de Saint-Sulpice-le-Verdon autrefois
Dans cet acte on voit Daniel Prevost habiter le château de la Bégaudière à Saint-Sulpice-le-Verdon et sa cousine, Gabrielle de Razais, habite dans le bourg de Saint-Sulpice avec ses enfants. On fait le même constat dans un acte notarié de transaction daté de 1641.

Pierre de Verrines, fils de Gabrielle de Razais, fut seigneur de la Chapelle en 1648. Il fut aussi seigneur de la Bégaudière (29), et vendit ce domaine en 1669 pour payer ses dettes (30).

Au partage des biens entre les cousins, Daniel Prevost devint le seul seigneur de la Chapelle. Il était seigneur de la Fraignée comme son père, mais son fils n’est désigné uniquement que comme seigneur de Lestorière.

Sur la seigneurie de la Fraignée, comme sur celle de Lestorière, on ne sait presque rien. On relève seulement qu’en 1491, un Mathurin Prevost, seigneur de la Fraignée, est capitaine de Saint-Maixent (31). De plus, Colbert de Croissy, dans son rapport au roi de 1664 écrit qu’il existe en Poitou toute une noblesse de niveau moyen, catholique ou protestante, et « parmi ceux de la RPR (religion prétendument réformée, désignant ainsi le protestantisme dans le langage officiel de l’époque) le sieur Prévost de la Fraignée est un vieux gentilhomme fort considéré parmi ceux de la RPR il réside ordinairement à Montaigu, en Bas-Poitou ; a servi, en son temps, assez bien ; est considéré dans sa religion et parmi les gentilshommes, qui le prennent souvent pour arbitre. Il serait encore propre à commander. Il a perdu plus de 50,000 écus au jeu. » (32). Nous n’avons pas pu établir si ce vieux gentilhomme de 1664 est aussi le seigneur de la Chapelle ou un de ses parents, mais un lien existe probablement avec lui.

Miniature du 15e siècle : Bataille d'Azincourt
L’historien G. de Raignac indique qu’il existe de nombreuses branches de la famille Prevost en Bas-Poitou. Connue depuis la fin du 13e siècle, cette famille est de celles, selon lui, qui ont pris la relève à partir du 14e siècle des anciennes familles féodales décimées dans les défaites désastreuses de Crécy et Azincourt (33). La branche qui existe toujours est celle de la Boutetière, dont fait d’ailleurs partie le dernier propriétaire du domaine de Linières au début du 20e siècle.

Au début du 16e siècle on repère une famille Prevost au Bignon de Chauché, rendant aveu à la seigneurie de la Merlatière. Elle a probablement un lien avec le nouveau propriétaire de la Chapelle, mais sans que nous ayons pu l’établir, malgré les recherches de G. de Raignac sur les Prevost du Bignon (34).

Daniel Prevost, seigneur de la Chapelle, était déjà veuf en 1658 (35). De son premier mariage il eut trois enfants : Daniel, Renée et Jeanne. Renée épousa Jean Sermonton qui fut un temps seigneur de la Chapelle (36). Jeanne épousa le seigneur Vaz de Mello (famille d’origine portugaise établie en Bas-Poitou). Leur père se remaria avec Gabrielle Le Geay.

En 1664 le procureur fiscal et en même temps fermier de la Chapelle est René Bousseau sieur de la Vrignaie. Il était alors le gendre de Pierre Basty, procureur de la Rabatelière pour Charlotte Françoise de la Rabatelière, marquise de Merville (37).

Leur frère Daniel épousa le 25 mars 1674 Marie Brunet à Fontenay-le-Comte (38). Le marié est « seigneur de Lestorière, demeurant ordinairement en sa maison noble de Lestorière, paroisse de Largeasse, écuyer, fils de messire Daniel Prévost, chevalier, seigneur de la Fraignée et de feue dame Anne Viaud, ses père et mère, majeur ». Le père de la mariée s’appelle Mathurin Brunet, écuyer et seigneur de la Raslière, habitant la paroisse du Payré (devenue Foussais-Payré, près de Mervent, en 1968). Sa mère s’appelle Suzanne Massé.

Louis Armand Prévost vend son fief au seigneur de la Rabatelière en 1729


Daniel Prévost succéda à son père Daniel vers 1683 (39) comme seigneur de la Chapelle Begouin. Il l’est toujours dans un acte de 1700 (40). Après cette date, c’est son fils et unique héritier (41) qui lui succède comme seigneur de la Chapelle Begouin. Dans le chartrier de la Rabatelière, la première mention de ce fils, Louis Armand Prévost, écuyer seigneur de Lestorière, la Raslière, la Chapelle et autres lieux, apparaît en 1723 (41), mais il est probable qu’il avait hérité de son père avant cette date.

Médaille de chevalier de l'ordre de Saint-Louis
Ce fils fit une brillante carrière militaire, étant en décembre 1715 colonel (maréchal de camp d’infanterie) pour sa majesté d’un régiment d’infanterie à son nom. Plus tard il devint chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis. Cet ordre avait été créé par un édit de Louis XIV du 5 avril 1693. À l’origine il était réservé aux officiers de religion catholique ayant servi au moins 10 années dans les armées (doublée plus tard), et renouvelant leur serment de fidélité absolue au roi lors de la remise de l’insigne de l’ordre (42). Napoléon le remplaça par la légion d'honneur. Louis Armand Prévost aussi demeura comme son père au château de la Raslière près de Mervent.

Dans l’année 1717 il confia au notaire des Essarts, François Verdon sieur de Mesnière (ou Megnière), le « pouvoir de veiller à la conduite des revenus de la terre de la Chapelle Chauché et d’en tenir les assises » (43). C’est dire qu’il n’avait pas le temps de s’occuper de sa terre de Chauché. Qui plus est, le notaire se plaignit jusqu’en 1740 de n’avoir pas été payé de ses services !

Et Louis Armand Prévost vendit la seigneurie de la Chapelle le 14 février 1729 à M. Montaudouin (44) pour 27 000 livres. La vente eut lieu chez des notaires du Châtelet de Paris, M. de Lestorière habitant alors dans cette ville, même si sa demeure ordinaire était au Payré en Bas-Poitou. L’acquéreur se fit représenter par un compatriote nantais, Charles Bouchaud, qui avait une habitation à Paris, étant député de Nantes au Conseil de Commerce de Paris (45). Il s’appelait René Montaudouin de la Clartière, écuyer seigneur des Bouchauds, la Basseville, les Touches, la Rabatelière et autres lieux, demeurant au lieu de la Fosse à Nantes, paroisse de Saint-Nicolas. Il portait le titre de conseiller-secrétaire du roi, maison et couronne de France et de ses finances près le parlement de Bretagne, qu’il avait acheté, cette charge conférant la noblesse (46). Il continua le commerce maritime de son père, faisant des armements nombreux sur l’Afrique, l’Amérique pour la pêche à la morue et la traite des Africains vers les Amériques (46). Il avait acheté la vicomté de la Rabatelière à Pierre Bruneau le 10 octobre 1725, pour un montant de 150 000 livres. Cette branche des Bruneau de la Rabatelière avait su se constituer par achats successifs un vaste domaine érigé en vicomté, suscitant aussi la création de la nouvelle paroisse de la Rabatelière en 1640. René Montaudouin acheta non seulement la Chapelle Begouin, mais aussi les seigneuries de la Jarry (Saligny), la Grassière (Chavagnes), Aubigny (Roche-sur-Yon) et Montorgueuil (Champ-Saint-Père). Plus tard son fils acheta  la seigneurie de Languiller à Chauché (1745). Il disposait sur place d’un homme d’affaires avisé, Alexandre Bousseau demeurant dans le bourg de Chauché, et certains seigneurs locaux, poursuivis par leurs créanciers, s’adressèrent à lui pour vendre des domaines. Deux ans avant l’acquisition de la Chapelle, Bousseau écrivait à son patron à Nantes « Il faudrait à présent la Chapelle, pensez-y je vous en conjure. Ne pensez-vous pas aux domaines de M. de Puytesson ? ». C’était en août 1727 et le mois d’après il réitère : « Ne pensez-vous point en la terre de la Chapelle ? Elle vous accommode fort quand vous devriez l’acquérir pour 300 pistoles ». En novembre de la même année, les négociations ont commencé et cette fois-ci il trouve que son patron a trop offert : « Vous promettez plus que de raison de la Chapelle, tant pis pour M. de Lestorière s’il ne finit pas le marché, laissez reposer cela et vous verrez un retour assurément » (47).

Au moment de cette vente en 1729 le fief de la Chapelle Begouin comprenait, outre l’hôtel noble dans le bourg de la Chapelle et ses droits seigneuriaux, une métairie à la Chapelle (Hermouet métayer), une borderie (exploitée en régie par Orion) et divers bois taillis, ainsi que la métairie de la Borelière (Guesdon métayer).  Il y avait aussi des « droits de fiefs sur le bourg de la Chapelle, Barotière, Girardière, la Boule, Brosse Veuilleteau », plus « les terrages de la Benetière, Naulière, Barotière, la Boule, Brosse Veilleteau et autres ». L’acte de vente comprend « tous fiefs dépendant de la Chapelle », mais sans les citer. En revanche il énumère avec précision seize rentes dues en céréales à la seigneurie de la Chapelle.

Les Montaudouin de la Rabatelière au 18e siècle 


Avec son épouse Marie Bertrand, René Montaudouin eut sept enfants. Il était mort (subitement vers 1733) quand sa veuve intenta un procès devant la justice du Châtelet de Paris contre Louis Armand de Lestorière (48). Elle reprochait à ce dernier de ne pas lui avoir donné les titres de propriété de la Chapelle Begouin après la vente, conformément au contrat signé.

En fait il les avait donnés, en remettant la clé du coffre contenant ces papiers et gardé dans sa maison de la Chapelle. Mais il manquait les papiers entre les mains du notaire Verdon des Essarts. Ce dernier exigeait d’être payé par M de Lestorière de ses services de fondé de pouvoir de la seigneurie de la Chapelle depuis 1719, en contrepartie de leur restitution. Pendant toute la durée du procès, et au moins jusqu’en 1741, Marie Bertrand fut la propriétaire en titre de la seigneurie de la Chapelle Begouin.

L’aîné de Marie Bertrand, René Montaudouin, lui succéda. En 1746, c’est lui qui recevait une déclaration roturière en tant que seigneur de la Chapelle (49). Il épousa le 9 octobre 1754, Jeanne-Élisabeth Picot d'Eprémesnil, mais leurs deux enfants moururent en bas âge. La Rabatelière et la Chapelle furent ensuite gérées dans l’indivision de sa succession entre ses frères, Nicolas et Thomas. Un partage de 1779 attribua l’essentiel des domaines aux enfants de Nicolas, René Thomas et Thérèse Montaudouin.

Cette dernière était dans sa dix-huitième année lorsqu'elle épousa, en 1780, dans l'église Sainte-Croix de Nantes, René-Élisabeth de Martel, chevalier, seigneur du Pé et baron de Riez, âgé de 27 ans. Elle devint veuve cinq ans plus tard, avec une fille unique dont la mort suivit de près celle de son père.

Thérèse de Martel resta veuve et se réfugia à Nantes pendant la guerre de Vendée. À la pacification elle retourna à la Rabatelière et contribua avec sa fortune au relèvement des ruines de son château, de ses métairies, de l’église paroissiale de la Rabatelière et au soulagement de nombreuses personnes des environs. Elle apporta sa contribution au rachat de l’église de Saint-André-Goule-d’Oie pour la rendre à sa destination de lieu de culte, ayant été vendue comme bien national. C'est qu'elle était propriétaire sur la paroisse avec les métairies de la Mancellière, de la Porcelière et de la Racinaueière. Ces actions contribuent à expliquer les marques de considération à son égard, que l’on voit toujours dans l’église paroissiale de la Rabatelière.

Morte en 1827, les héritiers de Thérèse de Martel vendirent ses domaines de la Rabatelière et de Chauché l’année d’après au comte Charles-Henri-Marie de la Poëze.

Les Bossard, fermiers de la Chapelle à la veille de la Révolution


Les premiers fermiers de la Chapelle choisis par M. Montaudouin furent Pierre Orion (1678-1735) et son gendre à compter du 1 juin 1730 (50). Orion avait une fonction de régisseur au château de la Rabatelière et en tint les comptes de recettes et mises en 1734 et 1735. Son gendre était Nicolas Cailleteau (1689-1755) qui avait épousé le 8 juillet 1727 à Chauché Jeanne Suzanne Orion. Il deviendra fermier de Languiller.

En 1756 la Chapelle et Languiller étaient louées au même fermier : la veuve Cailleteau (Jeanne Orion, épouse de  Nicolas Cailleteau) et ses enfants. On la voit en 1759 payer ses fermes en nature et en argent au régisseur du château de la Rabatelière (51). Puis Thomas Montaudouin (1711-1768), consenti un bail à ferme de la Chapelle le 10 janvier 1759 à René Bossard et sa femme Marie Anne Cailleteau (gendre et fille de la veuve Cailleteau). À la mort de ces derniers, leur fils aîné, Pierre Nicolas Bossard (1755-1784) avait assumé la charge de preneur au bail. En 1782 la seigneurie de la Chapelle est partagée entre Thomas René de Montaudouin (neveu du précédent), et un autre neveu, René Guichardy de Martigné Heuzer seigneur du Port de Roche à Fougeré. Le 10 juillet de cette année-là ce dernier afferme à Pierre Nicolas Bossard, pour lui et ses frères, la métairie de la Borelière, la borderie de Maurepas et 23 rentes. Celles-ci sont en argent, ou seigle, avoine et froment sur la Chapelle et plusieurs paroisses environnantes, avec 3 mesures de volumes différentes. La ferme est convenue pour 9 ans (1782-1791), moyennant 800 livres rendables chaque année à terme échu au château de la Rabatelière (52).

Maurepas
Pierre Nicolas Bossard (1755-1784) est mort en 1784. Après cette date la ferme a dû être assumée par un tuteur apparemment. Elle a été ainsi reconduite verbalement, maintenant la même valeur de souche morte de bestiaux apportée par le fermier qu'en 1759 : 1000 livres. Ce montant comprenait la souche morte de la métairie de la Borelière, et celle-ci était gérée depuis dans une autre ferme. De plus, les chevaux et brebis garnissant la borderie et métairie de la Chapelle et la borderie de Maurepas, ont fait l’objet d’un arrangement à part.

En 1789, Le frère puîné de Pierre Nicolas Bossard, François Bossard, se retrouve seul avec sa sœur Louise Perrine. Leur sœur Marie Anne est morte en 1782. François Bossard a 20 ans et a été émancipé d’âge, et Louise Perrine doit se marier avec Jean Grivet le 23 novembre 1789. En conséquence, elle quitte la communauté d’avec son frère, et ils font un partage le 16 novembre 1789 de leurs meubles et effets tant morts que vifs, leur appartenant en commun, et mettent fin à leur communauté de biens. Quant aux biens immeubles, ils restent en communauté « jusqu’au partage qu’ils feront plus tard à leur commodité à la première réquisition de l’un d’eux ». Les meubles et effets morts ont été estimés à 800 livres, dont la moitié sera enlevée par Louise pour laisser à son frère la jouissance entière des lieux à la Chapelle. Les meubles vifs sont les bestiaux garnissant la borderie et métairie de la Chapelle et la borderie de Maurepas faisant partie de la ferme de la seigneurie de la Chapelle. La part de leur souche morte revenant à Louise est 215 livres (53).

Le 27 avril 1787 François Bossard a payé le montant de sa ferme de la Chapelle échue de la Saint-Georges 1787 en 4 quittances de beurre pour les pauvres de 148 livres pour le compte de la propriétaire, et 952 livres en argent, formant le total du prix de la ferme à 1100 livres. Sur ce montant il fallait déduire l’impôt du dixième, soit 85 livres 16 sols, calculé hors la valeur du don en beurre (54). 

En 1791 François Bossard, demeurant à la Chapelle Begouin, vend le quart d’une borderie appelée « la Citadelle » et située au Plessis Cougnon à Chauché. Il en était possesseur à titre successif de René Bossard et Marie Anne Cailleteau, ses père et mère. L’acheteur est Louis Roy, laboureur demeurant au Plessis Cougnon. Le prix payé valorise la borderie à 8000 livres. Le montant, ainsi que la surface correspondante, sont difficiles apprécier à cause de l’hyper inflation du moment (55).

En 1790, François Bossard avait perdu la ferme de la métairie de la Borelière, de la borderie de Maurepas et des 23 rentes foncières appartenant à René Guichardy de Martigné. Les nouveaux preneurs sont les frères Jean, Pierre et Gabriel Remaud, laboureurs demeurant ensemble à la Chapelle. Pierre Piveteau, laboureur demeurant à la Pitière (Chauché) se porte caution pour eux. Le bail est conclu pour 9 ans (1790-1799), moyennant 890 livres par an. Cela représente une hausse de 11%, très faible comparée à la hausse générale des prix, surtout que la plupart des rentes étaient en nature de céréales, sujettes à la spéculation ambiante. A lui seul, l’acte notarié ne permet pas de comprendre à la fois la hausse et le changement de fermier (56).

François Bossard fut élu commandant de la garde nationale de Chauché en 1790. Vers la fin de cette année un nommé Jacques Cauneau de Chauché (farinier au moulin des Landes Jarries) le prit à partie un dimanche dans une auberge du bourg où Bossard se trouvait avec sa petite troupe. Il « déclama contre la Constitution pour décourager les citoyens qui étaient de ladite garde nationale ». Pour mettre fin aux menaces qu’il subissait, François Bossard fit « venir des personnes constituées pour arrêter Cauneau dans son projet ». Il s’en suivit que Cauneau monta une machination quelques temps plus tard pour accuser Bossard d’avoir voulu l’assassiner. Ce dernier passa quelques semaines en prison à la Roche-sur-Yon. Après enquête auprès de nombreux témoins, le tribunal le libéra et le lava de tout soupçon (57). L’affaire est révélatrice des fractures et tensions existant dès cette fin d’année 1790 à Chauché.

François Bossard a déménagé au village de Villeneuve près du bourg de Chauché. Il a acheté le deux du mois de prairial l’an 6 de la république (21 mai 1798) le bien national de la chapelle Begouin en ruine avec son emplacement, ainsi que celui du petit cimetière proche, pour 1600 F (58). Il avait signé le 2 février 1792, avec 39 autres propriétaires sur l’ancienne paroisse de la Chapelle de Chauché, un mandat donné à Jacques Guesdon et Jean Marchand pour participer collectivement à l’enchère de la mise en vente de la Chapelle de Chauché le 3 février 1792 (59). Cette vente ne se réalisa pas et la chapelle fut démolie au mois de septembre suivant.

Il acheta d’autres biens nationaux : la borderie de Maurepas le 2 vendémiaire an 5, qui avait fait partie de sa ferme autrefois signée avec les Montaudouin, et la métairie de la Girardière acheté avec Merlet le 25 floréal an 6 (14 mai 1798) (60). Cette proximité avec le commissaire exécutif de la municipalité du canton de Saint-Fulgent, indique aussi un lien politique avec le camp des révolutionnaires. Ainsi s’est-il fait voler des habits et du linge dans sa maison, en son absence, par une bande de huit partisans royalistes dans la nuit du 15 au 16 septembre 1799. Ils faisaient une expédition punitive contre des républicains bien en vue de Chauché, qui se termina près du château de Linières dans une embuscade et 2 morts.

En mars 1799 il avait été élu président de la municipalité du canton de Saint-Fulgent. C’était un poste aux pouvoirs très restreints. Les électeurs n’étaient alors plus qu’une poignée minoritaire de quelques dizaines de personnes, ayant gagné les élections par un coup de force orchestré par Benjamin Martineau.  


(1) Société d'ethnologie et de folklore du Centre-Ouest, Aguiaine : revue de recherches ethnographiques, 1984, J.-Loïc Le Quellec, un pionnier de l’archéologie vendéenne : Ferdinand Mandin (1850-1921), page 179.
(2) Gourraud, Revue de la Société d’Émulation de la Vendée (1876), page 91 (vue 69 dans la bibliothèque numérisée des Archives de Vendée).
(3) Abbé Aillery, Chroniques paroissiales de Chauché (1892), page 342.
(4) Beauchet-Filleau et Ch. de Chergé, Dictionnaire historique et généalogique des familles du Poitou (2e édition 1891), T 1, page 407.
(5) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 75, seigneurie de la Chapelle Begouin, hommage de la Chapelle Begouin et la Barotière à Languiller du 3 décembre 1683 par Auvinet.
(6) La Chapelle de Chauché, Archives de Vendée, fonds Mignen : 36 J 101 pour Chauché. Dans ces notes, Nicolas Begaud, prêtre, n’est pas l’oncle de Sauvestre Ier Begaud, mais son frère.
(8) Assise de Languiller en 1473, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 36, page 2. Et assise de Languiller en 1483 : 150 J/M 36, page 5.
(9) Idem (4).
(18) Archives de Vendée, G. de Raignac, Dépouillement d’archives publiques et privées concernant les familles vendéennes : 8 J 100, volume 4, pages 71 et 72, vue 40/238.
(19) Idem (4).
(20) Archives de Vendée, Travaux de G. de Raignac : 8 J 101, aveu de Languiller et autres fiefs à la baronnie des Essarts le 2 juillet 1605, reprenant le texte d’un aveu de 1550.
(21) Idem (4).
(22) 150 J/C 77, seigneurie de la Chapelle Begouin, déclaration roturière des teneurs de la Begouinière à René Begaud du 10-12-1595.
(23) Aveu du 5-7-1600 de la Begaudière à Montaigu (extrait), copie d’Amblard de Guerry dans son classeur d’aveux aux Archives de la Pouzaire (famille Begaud).
(24) 150 J/C 82, seigneurie de la Chapelle Begouin, acte de transformation d’un terrage en rente entre René Bégaud et Borgleteau le 1-10-1601.
(25)  150 J/C 74, seigneurie de la Chapelle Begouin, acte de réception d’hommage de la Chapelle Begouin (Gilles Begaud), du 19 septembre 1617 à l’assise de Languiller.
(26) G. de Raignac, De châteaux en logis, Itinéraires des familles de Vendée (1997) T 6, page 77.
(27) Alfred Richard, Vérification de privilèges pour l'élection de Niort de 1627 à 1683. Imprimerie Moreau à Melle (1868), seconde partie, page 10 et 11.
(28) 150 J/C 77, seigneurie de la Chapelle Begouin, arrentement d’une terre pour 15 boisseaux de seigle par le seigneur de la Chapelle du 7-9-1644.
(29) Assise de Languiller en 1648, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 38, page 4.
(30) Idem (20).
(31) Archives de Vendée, G. de Raignac, Généalogies des Prevost : 8 J 34-1.
(32) Colbert de Croissy, Rapport au Roi de Colbert de Croissy sur le clergé, la noblesse, la justice et les finances dans la généralité de Poitiers en 1664, page 339.
(33) Idem (24).
(34) Archives de Vendée, G. de Raignac, Généalogie des Prévost, 8 J 34, tome 1, page 73 et s.
(35) 150 J/C 78, seigneurie de la Chapelle Begouin, déclaration roturière des teneurs de la Brosse Veilleteau à Daniel Prevost du 26-10-1658.
(36) Idem (26).
(37) Vidimus des titres de propriété du seigneur de la Rabatelière faits en 1664, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 49, page 105. 
(38) Archives de Vendée, notaire de Fontenay : 3 E 38 G, Jacques Barraud, année 1674, (vue 136/714), contrat de mariage Daniel Prevost et Marie Brunet du 25-3-1674.
(39) Idem (5).
(40) 150 J/C 84, seigneurie de la Chapelle Begouin, sentence arbitrale de Percheron entre les seigneurs de Languiller et de la Chapelle du 25-2-1700.
(41) 150 J/C 84, seigneurie de la Chapelle Begouin, papier censaire de la seigneurie de la Chapelle arrêté le 23 janvier 1723.
(42) J. C. Cassard, L’âge d’or capétien 1180-1328, Gallimard Folio histoire de France, 2021, p. 774.
(43) 150 J/C 75, seigneurie de la Chapelle Begouin, mémoire en appel de Marie Bertrand au Parlement de Paris du 29-12-1740.
(44) 150 J/C 75, seigneurie de la Chapelle Begouin, contrat de vente de la terre et seigneurie de la Chapelle Begouin de M. de Lestorière à M. Montaudouin du 14-2-1729.
(45) Création royale à partir du 16e siècle, c’est l’ancêtre de la chambre de commerce de Paris. Elle connut des fluctuations. En 1664 un nouveau conseil du commerce est institué, où dix-huit villes y sont représentées à raison de deux députés chacune.
(46) P. Levot, Biographie Bretonne (1857), T2, page 488.
(47) Lettres du 20-8-1727, 17-9-1727 et 2-11-1727 de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 7. 
(48) Idem (43).
(49) 150 J/C 85, seigneurie de la Chapelle Begouin, déclaration roturière de Catherine Orion du 10-7-1746.
(50) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 6, 2e et 8e feuille non paginée à la fin du registre.
(51) Ibidem, pages 13 et 78.
(52) Ferme du 10-7-1782, de la Borelière, Maurepas et rentes, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/124.
(53) Ibid. notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, partage du 16-11-1789 entre François Bossard et sa sœur de leur communauté à la Chapelle.
(54) Livre des recettes et dépenses 1786-1787, page 15, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : I 55.  
(55) Ibid. notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, vente du 9-3-1791 d’une portion de la borderie de la Citadelle au Plessis Cougnon de François Bossard à Louis Roy.
(56) Ibid. notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, ferme du 25-4-1790 de la métairie de la Bordinière, borderie de Maurepas et 23 rentes, de Montaudouin aux Remaud.
(57) Affaire François Bossard/Jacques Cauneau, jugement du tribunal du district de la Roche-sur-Yon en 1791, Archives de la Vendée : L 1771.
(58) Archives de Vendée, vente de biens nationaux, emplacement de l’église de la Chapelle Begouin du 2 prairial an 6 : 1 Q 263, no 1188.
(59) Notaires de Saint-Fulgent, étude Chateigner : 3 E 30/125, mandat du 2-2-1792 pour participer à l’enchère de la mise en vente de la Chapelle de Chauché.
(60) Archives de Vendée, vente de biens nationaux, métairie de la Girardière achetée par Merlet et Bossard le 25 floréal an 6 ayant appartenu à Montaudouin : 1 Q 263.


Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2013 complété en février 2024

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mardi 3 septembre 2013

Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècle

Dans les papiers du notaire de Saint-Fulgent, conservés aux Archives de la Vendée à la Roche-sur-Yon, on trouve sept procès-verbaux d’assemblées d’habitants de Saint-André-Goule-d’Oie entre 1763 et 1784.

De nombreuses études ont été faites sur ces assemblées d’habitants sous l’Ancien Régime, qui nous aident à comprendre ces procès-verbaux. L’institution est originale vue d’aujourd’hui, et elle nous permet d’approcher la vie collective de cette communauté à cette époque. Nous avons présenté les deux dernières réunions de 1784 pour décrire la vie de la fabrique de la paroisse (les biens et revenus ou temporel), au sujet de l’élection d’un nouveau fabriqueur et de travaux dans l’église et au presbytère (voir l’article publié en janvier 2013 : La fabrique de St André Goule d'Oie au 18e siècle.

La confusion du temporel et du religieux


Voyons maintenant ce que nous apprennent les cinq autres assemblées sur Saint-André. En ce qui concerne leur fonctionnement, nous ne noterons pas de traits originaux ou particuliers, mais une question mérite d’être soulevée pour décrire la société d’alors, elle se rapporte à la distinction entre le civil et le religieux. Elle n’était pas très prononcée à Saint-André-Goule-d’Oie.

En effet, la communauté des habitants, aussi appelée « général de paroisse », qui se réunissait dans ces assemblées pour gérer ses problèmes civils (le paiement des impôts, l’entretien des chemins, la construction d’un lavoir, la répartition de la charge du logement des troupes de passage, les frais d’équipement des tirés au sort pour la milice, la gestion d’une école, etc.), et pour gérer le temporel de la paroisse, se confondaient l’une l’autre. Telle était la pratique à Saint-André-Goule-d’Oie, différente parfois ailleurs dans le royaume.

Il est vrai qu’à la différence des villes, les campagnes n’avaient jamais connu les franchises communales (dans ce dernier cas on parlait de « communes »). Le bourg de Saint-André avait bien été un bourg franc à l’origine, c’est à dire libre des grosses redevances seigneuriales, mais pas le reste de la paroisseCes communautés d’habitants pouvaient vivre sous l’emprise du seigneur local comme à Mesnard la Barotière et à la Rabatelière, ou relativement en indépendance comme à Saint-André, où aucun des arrière-fiefs implantés sur le territoire de la paroisse n’a constitué longtemps à lui seul une seigneurie avec son seigneur à sa tête, à l’origine d’une communauté propre. De plus, ils n’avaient pas l’exclusivité de la propriété foncière. On n’a pas trouvé de charte d’affranchissement du bourg de Saint-André, où le seigneur de Linières, ne vivant pas sur place, a simplement voulu dans la 2e moitié du 15e siècle, attirer des habitants dans son domaine en allégeant les redevances perçues. On pense qu’il n’y eut pas de charte formelle, et on doute que le seigneur ait voulu établir un contrôle sur la communauté des habitants de la paroisse à cette époque. Il n’habitait pas sur place.

Procession des flagellants
À cette donnée particulière il faut ajouter que la place de la religion dans la société d’alors était centrale. Le profane et le sacré concouraient ensemble, depuis le Moyen-Âge, à jalonner les vies. Cette distinction que nous faisons entre civil et religieux fait anachronisme, jusqu’aux efforts de l’Église catholique pour préserver la religion du profane, qu’on commence à observer vers la fin du 17e siècle. À titre d’exemple, un édit d’avril 1695 a dispensé les curés des paroisses d’annonces administratives au prône de la messe (1). Mais il ne fut pas appliqué à Saint-André, où les réunions d’assemblées étaient annoncées en chaire. C’était bien commode et on n’y voyait pas à mal. Ce faisant, on n’appliquait pas encore la directive de l’évêque de Luçon de 1768, qui recommandait de lire après la messe les informations comme les convocations aux assemblées, quitte à en avertir préalablement l’assistance à la fin du prône (2).

La tutelle de l’administration royale


Ce que les procès-verbaux de l’assemblée des habitants ne disent pas, c’est que chaque convocation de l’assemblée devait être autorisée par l’intendant du Poitou (ancêtre du préfet) ou son représentant. L’autonomie de ces assemblées était donc toute relative. La tutelle royale avait remplacé celle des seigneurs existant aux débuts des communautés d’habitants, et elle fit l’objet de déclarations royales au 18e siècle (3). Servant à collecter l’impôt, l’assemblée reçu à cet effet ses directives de l’Intendant, ce dernier s’immisçant en conséquence dans son fonctionnement. D’autant que beaucoup de communautés n’avaient pas de biens et s’endettèrent fortement au 17e siècle. En 1667 un édit enjoignit aux communautés de rentrer dans leurs biens aliénés depuis 1620, de rembourser les acquéreurs en 10 années et de payer l’intérêt des emprunts restant à 4,17 %, en levant des cotisations sur les habitants. Il devint interdit de vendre des biens communaux (4).

Le procès-verbal commence généralement ainsi : « Aujourd’hui dimanche 29 juin 1763, par devant nous notaires royaux de la sénéchaussée de Poitiers soussignés, étant au-devant de la principale porte et entrée de l’église paroissiale de Saint-André Degouledois, à l’issue de la grande messe dite et célébrée par le sieur Chevreux, prieur dudit lieu, a comparu en sa personne maître Pierre Monnereau, syndic de la paroisse dudit Saint-André, lequel après avoir fait sonner la cloche et les habitants s’étant rassemblés … ». Nous sommes sous le règne de Louis XV, où la sénéchaussée à cette époque recouvre des compétences exclusivement judiciaires sur un territoire précis. Et le fondement des pouvoirs des notaires est alors totalement judiciaire.

Mais l’assemblée pouvait être réunie à la requête d’un juge. C’est ce que fit le lieutenant général du Poitou en requérant le 27 février 1632 le curé, le syndic et le fabriqueur de la paroisse des Essarts. Ceux-ci organisèrent en conséquence une assemblée paroissiale le 19 avril 1632 suivant. Il avait été saisi par Renée Jousseaume, dame de la Barette (petite seigneurie proche du bourg), qui réclamait la poursuite du droit des seigneurs de la Barette d’être inhumés dans la chapelle Notre-Dame se trouvant dans l’église des Essarts, où ils avaient aussi un droit de banc. Les seigneurs de la Barette avaient déserté les Essarts pendant plusieurs dizaines d’années, mais Renée Jousseaume était revenue y habiter et voulait retrouver les droits de ses ancêtres. L’assemblée accepta sa requête moyennant de devenir bienfaitrice en donnant chaque année à la cure des Essarts 1 boisseau de froment et à la fabrique 3 boisseaux seigle, plus une rente foncière annuelle et perpétuelle de 30 livres à la cure pour dire une messe basse avec un salve regina tous les samedis de l’année (5).

L’organisation des assemblées : où, quand, convocation, animation


Exemple de ballet
La réunion des habitants a lieu sous le ballet de l’église paroissiale de Saint-André, c'est-à-dire un porche abrité construit devant l’entrée de l’église. On se réunissait dans l’église dans les temps plus anciens, mais là aussi les autorités ecclésiastiques l’interdisaient désormais pour éviter de transformer les lieux en un champ clos de disputes profanes. Le presbytère, avec son étage au-dessus du rez de chaussée, était à l’époque adossé à l’église et à ce ballet. L’ensemble du prieuré constitué par l’église, le presbytère et quelques bâtiments et servitudes occupait deux boisselées (24 ares) au milieu du bourg, entouré aux trois quarts par le chemin conduisant à Sainte-Florence. S’y ajoutait une ouche d’une boisselée. Le presbytère comprenait au rez de chaussée une cuisine, un salon, un cabinet, un cellier, et trois chambres à l’étage. Une cour à l’extérieure conduisait à deux toits (animaux), deux petites écuries, un jardin et une grange, avec un grenier par-dessus (6).

La réunion avait lieu naturellement à la sortie de la messe, où presque tous les paroissiens se rendaient chaque dimanche. Pas de tambour ici pour signaler la tenue des assemblées, mais la sonnerie de la cloche de l’église. Elle jouait un rôle majeur dans la vie de la paroisse, annonçant les joies et les deuils, les catastrophes et les réunions d’assemblées. On sait qu’une deuxième cloche fut installée en mai 1789 dans le clocher de Saint-André.

L’initiateur de la réunion est clairement désigné : le syndic. Ancêtre du maire dans les campagnes, il est le mandataire de la communauté désigné par l’assemblée des habitants. Dans les campagnes du Poitou il était unique. À ce titre il avait pour rôle de convoquer et d’animer la réunion. À Saint-André il fait pendant avec le fabriqueur qui gère la fabrique de la paroisse et tient le même rôle dans l’assemblée si l’ordre du jour se rapporte au temporel de l’activité religieuse de la paroisse, en binôme avec le curé. C’est bien là le signe d’un début de séparation entre le civil et le religieux avec ce partage des rôles, même s’ils utilisent la même cloche pour annoncer le début de la réunion. C’est la Révolution qui introduira le tambour, instrument du garde champêtre et de la laïcité à Saint-André, pour émanciper de la cloche de l’église l’annonce des affaires civiles.

Nous ne connaissons pas bien Pierre Monnereau (1724-1784), syndic de Saint-André-Goule-d’Oie en 1763/1764. Il habitait le bourg, fils de Pierre Monnereau et de Marie Masson. Son père avait été fermier du fief de la Boutarlière dans les années 1730 (7).  Le fils s’était marié le 3 février 1756 avec Anne Rose Jagueneau (8). Ce devait être un bourgeois, au vu de son entourage familial. Son frère Louis est huissier royal et son beau-frère Pierre Garnaud, est notaire, greffier à l’Oie où il habitait (9) (appelé Herbergement Ydreau), procureur fiscal de la baronnie des Essarts et huissier au Châtelet (10). Le syndic exécutait les décisions de l’assemblée des habitants, engageait les dépenses et recevait les revenus de la communauté, l'engageait en justice, informait l’intendant d’évènements notables. Parfois il était agent de l’administration pour organiser le recrutement de la milice, les corvées royales (pour les chemins) et le logement des troupes. Ses gages étaient d’environ 30 livres en 1786, prélevée comme accessoires de la taille (11).

La gestion de l’impôt royal de la taille : exonération d’un noble


Le texte du procès-verbal de 1763 aborde ensuite l’ordre du jour, unique, avec les explications données par le syndic. Il concerne le paiement de l’impôt royal de la taille.

Jan Massys : Collecteurs d'impôt
Nous avons fait état de sa naissance en 1479 à Saint-André-Goule-d’Oie dans un article publié en mai 2012 : La naissance de la taille à St André Goule d’Oie en 1479. Rappelons que c’était un impôt personnel basé sur les revenus supposés de chaque chef de famille (en pays d’élections). Dans le midi, la taille, dite réelle, était imposée sur la base d’un compoix (ancêtre du cadastre). C’était la paroisse qui était imposée en Poitou et qui devait répartir cette somme à prélever sur les chefs de « feux » la composant. La communauté était collectivement responsable de la bonne rentrée de l’impôt, suivant le principe de « solidité », comme on disait à cette époque (pour solidarité).

Un problème est posé ici à la paroisse par Charlotte du Puyrousset, propriétaire du fief du Coudray : elle prétend s’exonérer du paiement de la taille à partir de l’année 1763. Elle a entamé une requête à cet effet auprès des fonctionnaires de l’élection de Châtillon-sur-Sèvre, devenue Mauléon dans les Deux-Sèvres, (à laquelle était rattachée Saint-André-Goule-d’Oie), chargés de la perception de la taille. Le mot élection (choix) se rapporte à la désignation de ces fonctionnaires, élus disait-on, sauf que le mot avait alors un sens différent de celui de maintenant. À la suite de quoi elle « a fait assigner les procureurs syndics corps et communauté dudit Saint-André en la personne du dit sieur Monnereau, par exploit de Garnaud huissier royal ». La notion de procureur-syndic est synonyme ici de celle de syndic. Et on voit bien que la communauté des habitants est regardée comme une personne morale, suivant la conception moderne de celle-ci.

Le Coudray
La prétention de Charlotte de Puyrousset est fondée sur sa qualité de noble, l’exonérant de payer la taille. Vu de maintenant et du principe de l’égalité de tous devant l’impôt, il faut rappeler l’ancien principe de l’époque : les nobles, étant chargés de répondre aux convocations du roi pour combattre (l’impôt du sang), n’avaient pas à payer cet impôt créé pour compenser l’exonération du service militaire appliquée aux roturiers. Son mari, Louis Corbier, qui était un bourgeois (on le saluait dans les textes de « noble homme »), payait la taille. Mais il était mort le 13 novembre 1761 et sa veuve, noble de naissance, prétendait jouir de l’exonération fiscale due à son état.

Dans le droit féodal, une femme noble épousant un roturier devenait roturière. Mais au décès de son mari, elle redevenait noble par une déclaration en justice de vivre désormais noblement (12). S’agissant d’une femme, on voit là l’écart existant entre le principe fondant l’exonération fiscale et la réalité, surtout à cette époque. En conséquence, l’assemblée, dûment instruite probablement du droit en vigueur, décida d’accéder à la demande de Charlotte de Puyrousset. Sa part dut être répartie sur l’ensemble des autres personnes imposées dans la paroisse. Rappelons que l’exonération du paiement de la taille s’appliquait outre aux nobles résidents dans la paroisse, aux curés, aux valets de chambre, aux titulaires d’offices divers (ex. poste) et aux septuagénaires (13).

Revenons au déroulement de la réunion : après avoir expliqué le problème, Pierre Monnereau a donné « lecture à haute et intelligible voix de ladite requête et assignation », puis il a formulé la question à décider. Ou l’on défend la position mise en œuvre par les collecteurs d’impôts de prélever la part de la taille prévue pour la demanderesse en 1763, ou bien celle-ci est rayée des rôles de la taille (répertoire contenant la liste des contribuables et le montant des contributions). Sa part étant ensuite répartie au prorata des valeurs de chacune des autres personnes imposées (selon la formule indiquée : « au marc la livre à la prochaine taxe sur le général des habitants de ladite paroisse de Saint André Degouledois »).

Les participants à l’assemblée


Vient ensuite un point intéressant du procès-verbal, il énumère le nom « des habitants en corps politique », c'est-à-dire constitués en corps politique autonome et responsable et « comparant par les personnes … ». Suivent dix-neuf noms d’hommes avec le village de leur domicile, et pour terminer : « … autres, faisant la plus sûre partie des dits habitants, corps et communauté de ladite paroisse de Saint-André ».

Jan Massys : Notaire
Cette dernière formule indique que les dix-neuf noms sont une partie des personnes présentes, qu’il y en a d'autres. Sur ce nombre, six apposeront leur signature sur le procès-verbal, signe d’une alphabétisation bien minoritaire. Quant à « la plus sûre partie des habitants », la formule raisonne comme un air appuyé d’oligarchie. Elle est reprise systématiquement dans tous les procès-verbaux par les notaires de la région, comme une de ces formules juridiques dont la portée est appréciée des initiés. Elle parait faire référence à une décision du roi en 1458, ordonnant de consulter : « la plus grande et saine partie des habitants de la ville … », ce qui donnait l’occasion de réunir l’assemblée de ses notables en présence des notaires sous la présidence du seigneur du lieu (14). Cette formule consacrée avait déjà été employée en 1302 par Philipe le Bel, lors de la première assemblée qu’il avait convoquée à Notre-Dame, composée de barons, prélats et représentants des villes, pour enregistrer ses décisions (15). Elle désignait alors les élites du royaume.

Le mode de désignation des membres présents ne semble pas avoir existé de manière formelle. Et pas question à Saint-André-Goule-d’Oie d’une désignation par ordres séparés : clergé, noblesse et tiers-état, comme dans certaines grandes communes. Avec deux prêtres dans la paroisse et deux ou trois nobles n’habitant pas toujours sur place, la question ne se posait pas. En revanche, au sein du tiers-état, l’électeur pouvait avoir le poids de son patrimoine, mais nous ne disposons d’aucune information sur les modalités de désignation des présents à Saint-André. Beaucoup d’auteurs indiquent qu’en principe chaque chef de feux devant payer l’impôt pouvait participer à l’assemblée, souvent avec des conditions d’âge (25 ans) et de ressources minimums. Ils étaient seuls à délibérer mais pas toujours seuls à être présents. Le chef de feu représentait une maison avec toute la famille y vivant : conjoint, frères et sœurs, enfants, etc. S’agissant de réunion pour désigner les collecteurs d’impôts, il y eu parfois un fort absentéisme. Dans ce cas l’Intendant procédait à des nominations et l’absentéisme était sanctionné d’amendes. 

La formule citée suscite un doute sur le caractère démocratique de cette assemblée. Mais là encore le mot démocratie fait anachronisme pour l’époque. À cet égard, la réalité est complexe et souvenons-nous que sous l’Ancien Régime tout y est particulier. Des études ont montré qu’il y eut de vraies assemblées représentatives avec des votes individuels (16), y compris impliquant des femmes en de rares cas. Mais la pratique générale, pour autant qu’on puisse en être sûr au vu des procès-verbaux, n’allait pas jusque-là. Pour Saint-André, on ne peut rien dire de précis sur ce point. De toute façon, les principes de souveraineté populaire et d’égalité des citoyens étaient alors inconnus.

Il fallait un nombre minimum de présents pour décider valablement semble-t-il (17). En réalité sur tous ces points de détails, les usages variaient d’une paroisse à l’autre, même s’il existait des ordonnances royales sur le sujet. La notion d’habitant a pu parfois inclure un critère de patrimoine, d’où le montant minimum d’impôts à payer pour avoir le droit de participer à la prise de décision. Et les élections sous la Révolution reprendront cette notion de minimum de ressources pour définir l’électeur, non sans débats néanmoins.

Le rôle des collecteurs de la taille


Les trois personnes nommées en premier sont les collecteurs « de la présente année ». Paroissiens élus pour un an ayant la charge de collecter l'argent de la taille, ils n’avaient pas le droit de refuser leur désignation. En pays d’élection ils étaient aussi en principe asséeurs, c'est-à-dire chargés du calcul de l’assiette de l’impôt et de l’établissement du rôle, les deux fonctions avaient été unifiées depuis 1625. Le rôle était ensuite contrôlé par un fonctionnaire avant d’être publié. Les collecteurs se déplaçaient chez les habitants, effectuant en général quatre paiements étalés au cours de l’année. Les recours des habitants contre les collecteurs étaient examinés par le général de paroisse, dès lors qu’ils prenaient un tour judiciaire. C’est que les collecteurs étaient responsables sur leurs propres biens des sommes prélevées. Une déclaration du roi du 28 août 1685 prévoyait la désignation des collecteurs « bons et solvables ».

On a un exemple intéressant de cette responsabilité en 1783 à Vendrennes. Au mois de novembre, les trois collecteurs nommés pour l’année 1784, craignant de rencontrer des difficultés, demandent au syndic de réunir l’assemblée des habitants de la paroisse. Une épizootie avait tué nombre de bestiaux dans les fermes, créant une insolvabilité certaine pour certains contribuables, et le risque de fuite de la paroisse de certains d’entre eux. Les collecteurs ont fait poser la question suivante aux habitants : veulent-ils exonérer dès maintenant certains assujettis, auquel cas il faut les nommer, ou taxer tout le monde comme à l’habitude ? Faute de réponse, les collecteurs préviennent qu’ils devront taxer tout le monde, aux risques et périls de la fortune du général de la paroisse. C’est que les collecteurs ne veulent pas payer à la place des infortunés, et ils préviennent qu’ils répartiront les montants non perçus sur le général de la paroisse.

Les habitants répondirent qu’ils n’étaient pas assez nombreux et proposèrent de se réunir à nouveau le même jour, à l’issue des vêpres du début d’après-midi. Manœuvre dilatoire, car à la sortie des vêpres, « personne n’a rien voulu répondre et chacun d’eux s’est retiré quoique d’abondant sommé et requis par ledit sieur Boisson, syndic, de délibérer et donner leur avis ». Et à la fin du procès-verbal le notaire est obligé de noter : « Aucun des habitants présents n’a voulu signer, ni déclarer s’ils le savent ou non ». On touche ici à la limite du possible dans la participation des intéressés à la gestion de cet impôt collectif (18). 

Les votes ou décisions de l’assemblée


Il est temps maintenant de donner le nom des dix-neuf personnes de Saint-André citées dans le procès-verbal des notaires en 1763 : « Jacques Richard demeurant à la Bourolière, Jean Rochereau à la Boninière, François Ripaud à Fondion, les trois collecteurs de la présente année, Jean Brisseau, Jean Fluzeau demeurant à la Brossière, Jacques Parpaillon au Coudrais, Jean Bordron, François Thoumazeau demeurant les deux au bourg du dit Saint-André, Jean Fonteneau, Nicolas Boudaud demeurant à la Javellière, Pierre Mandin au bourg, Nicolas You à la Gandouinière, Jacques Chaigneau à la Jaumarière, François Brisseau à la Gandouinière, Mathurin Sellier au Pin, François You à la Brossière, Jean Allain à la Mancellière ».

Natacha : Le penseur
Et le vote ? Nous avons vu qu’il pouvait exister suivant les formes les plus variées qu’on trouvera aussi avec les débuts de la démocratie élective à partir de la Révolution. Mais nos procès-verbaux de Saint-André sont muets sur ce point. La formule rituelle employée par les notaires est : « Après avoir mûrement réfléchi et délibéré … a été d’avis … ». Pour la demande précise de Charlotte de Puyrousset, les habitants se rangeant de son côté, indiquent que la « taxe sur elle imposée hors leur consentement et celui des collecteurs de la présente année par le commissaire qui a fait le rôle de la taille et autres impositions de la paroisse dudit Saint-André ». Apparemment le fonctionnaire de contrôle dépassait son rôle et on lui a fait « porter le chapeau ». Même si le texte des procès-verbaux est muet sur les modalités du vote, cela ne veut pas dire pour autant que les décisions prises ne reflétaient pas l’assentiment de la majorité de l’assemblée.

Le procès-verbal des deux notaires présents (Frappier et L. Jagueneau) se termine enfin par les dispositifs propres à ce type d’acte : pouvoir au syndic d’exécuter la décision prise, requête aux notaires d’en dresser acte, lieu, date, nom des soussignés et signatures de l’acte notarié (19).

La gestion de l’impôt royal de la taille : paiement par le métayer


Six mois plus tard, le 8 janvier 1764, nouvelle assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d’Oie (20). Comme la précédente elle est convoquée par le syndic Pierre Monnereau dans les mêmes conditions, et toujours pour un problème de collecte de la taille. Cette fois-ci le propriétaire et le fermier d’un pré se « renvoient la balle » pour le paiement de l’impôt. Le fermier a renvoyé « le collecteur pour l’amas de la taille » (ramassage), Jacques Parpaillon, sur le propriétaire, arguant du fait que le bail avait cessé. Et le propriétaire prétend que le bail est toujours en cours et que c’est au fermier de payer la taille, qui est un impôt sur le revenu. Les protagonistes ont fait signifier leur position par huissier au collecteur. On est donc au début d’une procédure judiciaire et le collecteur en a saisi le syndic qui doit soumettre à l’assemblée des habitants la décision à prendre sur ce différent naissant.

Le propriétaire fait partie d’une famille bien connue de Saint-Fulgent, ayant des biens aussi à Saint-André : les Proust. Ses parents ont occupé des postes de fonctionnaires (procureur fiscal, subdélégué de l’intendant, etc.). Il s’appelle Joachim Proust de La Barre, propriétaire du pré des Coutauds à Saint-André (près de la Bergeonnière). Il est capitaine sur les vaisseaux marchands d’un armateur nommé La Pinière, et il loue ses biens fonciers dans la région. Le fermier est Madame veuve Guyet et son fils, Simon Charles, eux-aussi de Saint-Fulgent. Elle est veuve depuis cinq ans et son fils a trente ans alors, pas encore marié. Nous avons raconté sa biographie dans un article d’avril 2013, étant le père de Joseph, châtelain de Linières à partir de 1800, qui a épousé l’ex vicomtesse de Lespinay. Le mot de fermier ici n’est pas à prendre dans son sens habituel, désignant quelqu’un qui travaille la terre qu’il loue. Les Guyet affermaient et faisaient travailler la terre par d’autres.

L’assemblée des habitants va donner tort aux fermiers, au motif « qu’ils ont fait la récolte des foins et regains de l’année dernière et fait pacager jusqu’à présent, tout comme ils peuvent le faire jusqu’à la Saint-Georges prochaine, temps auquel expirera leur ferme », reprenant le constat du propriétaire. Le vrai problème est ici que l’année d’un bail commence le 23 avril et que l’année fiscale commence le 1e janvier. L’argument de la décision ne paraît pas à lui seul suffisant pour la justifier, mais on ne peut en dire plus, faute de connaître les usages alors en vigueur dans la paroisse sur ce problème de chevauchement des dates d’une même année.

Le procès-verbal n’est pas plus explicite que le précédent sur l’existence d’un vote et son décompte, reprenant la formule que les habitants : « après avoir entre eux mûrement réfléchi et délibéré … ont été d’avis que … ».   

La participation aux assemblées de Saint-André-Goule-d’Oie


Cette fois les présents cités nommément sont vingt-cinq, et dix d’entre eux signent l’acte notarié. Celui-ci indique que l’ensemble des présents (dont on ne connaît pas le nombre) composent « la plus sûre et majeure partie des habitants de ladite paroisse de Saint-André ». Le mot « majeure » apparaît ici, à la différence de la fois précédente. Il certifie, par la signature des notaires, que les présents (cités et non cités) représentent au moins la moitié plus un des chefs de feux imposés à la taille, si l’on veut lire ce mot au sens strict. C’est dire l’importance du présentéisme dans cette assemblée.

On n'avait retrouvé que huit personnes nommées, aussi présentes à l’assemblée précédente de juin 1763, soit le tiers. D’abord Jean Bordron, le fabriqueur de la paroisse, fidèle au poste, par ailleurs maréchal-serrurier au bourg, certainement une personnalité, le plus assidu de tous dans la liste des personnes citées. Puis on a Jean Fluzeau, qui sera plus tard élu syndic, Pierre Monnereau, qui laissera sa fonction de syndic l’année suivante, Jacques Parpaillon, qui ne sera plus cité dans la liste des présents plus tard, Mathurin Seiller, cité à nouveau plus tard, Nicolas You, Pierre Mandin et Nicolas Boudaud.

Apparaissent André Fonteneau et Charles Trottin, qu’on retrouve cités dans les assemblées postérieures. Enfin quinze autres noms sont indiqués pour la première fois, qu’on ne retrouvera presque plus par la suite, remplacés par d’autres, et cette fois-ci les notaires n’ont pas noté leur adresse. L’interprétation de ce constat est délicate, faute de connaître l’usage des notaires dans ces relevés de noms. On a le sentiment de beaucoup de noms pris au hasard, à cause de leur renouvellement. Celui-ci est moins fort néanmoins qu’il n’y parait, à cause de l’importance de la période d’observation, environ une vingtaine d’années.

L’élection du sacristain en 1765


Sacristain sonneur
En 1765, l’assemblée des habitants réunie au mois de juin aborde un autre sujet : l’élection d’un sacristain dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie (21). La convocation de l’assemblée n’est pas indiquée, mais il y a tout lieu de croire qu’elle a été faite par le curé dans son prône au cours de la messe. Le lieu de réunion est toujours le même devant la porte d’entrée de l’église sous le ballet, à une heure identique, c'est-à-dire à l’issue de la messe du dimanche, précisée cette fois à 11 h. Le rassemblement s’est fait au son de la cloche comme à l’accoutumé. Le changement réside dans l’initiative de la réunion. C’est le curé qui l’a prise, sans que le procès-verbal ne cite le syndic ou même le fabriqueur. Bien sûr cela se comprend par l’ordre du jour. Mais cela signifie aussi le rôle notoire du curé dans la vie de la paroisse, et la participation des habitants aux décisions concernant son fonctionnement au plan administratif et matériel.

Le procès-verbal continue en relatant les explications du curé qui mène la réunion. Il a instruit depuis plus d’un an le nommé Pierre Michelleau et il le trouve en état maintenant de « s’acquitter exactement de son devoir ». En conséquence il demande aux habitants de le nommer sacristain. Lesquels « ont dit et déclaré être d’avis et consentant que ledit Pierre Michelleau soit nommé sacristain de cette église de Saint-André Degouledois, le trouvant idoine (22) et capable de ladite charge, pourquoi ils l’ont tous d’une voix unanime nommé pour lui jouir des émoluments, exemptions et prérogatives annexés à ladite charge … » Le sacristain était ordinairement exonéré des corvées là où il y en avait, du tirage pour la milice et de la taille, et il pouvait toucher un salaire. C’est qu’il était sollicité assez souvent dans cet emploi à temps partiel comme nous dirions aujourd’hui. Il devait balayer l’église, y enlever les toiles d’araignée, sonner les cloches aux heures dites (en particulier l’angélus), assister le curé aux offices, aux baptêmes, aux mariages, à l’administration des sacrements des malades et « faire ce qu’il faut aux enterrements », etc.

On voit dans cette décision que le curé en est à l’origine, mais que le choix officiel appartient à l’assemblée, acté par des notaires, y compris ensuite l’acceptation de la personne choisie. Nous savons qu’aux Sables-d’Olonne, il y eut cinq candidats en 1754 et les habitants ont fait leur choix à la majorité (23). La richesse des villes probablement, comparée à la modestie des campagnes !

Des paroissiens sous influence ?


Église actuelle de Boulogne
Dans les procès-verbaux de Saint-André on constate une harmonie entre le curé et les paroissiens. Mais ce n’était pas toujours le cas. C’est ainsi qu’à Boulogne en 1776, le curé avait fait adjuger aux enchères par le fabriqueur deux bancs dans l’église, et en avait fait sortir un appartenant à mademoiselle de la Guérinière. Certains habitants avaient en conséquence provoqué une réunion de l’assemblée des habitants de la paroisse. Était présent un avocat du général de la paroisse. Il rappela que les enchères n’avaient pas été décidées par l’assemblée des paroissiens et que pour cela elles n’étaient pas valables. On voit bien ici à la fois le pouvoir de l’assemblée face au curé dans une affaire de gestion interne à l’église paroissiale, et sa capacité juridique allant à se faire représenter par un avocat. Le curé et l’avocat surent dialoguer au cours de l’assemblée, et le procès-verbal enregistra un accord entre eux. Une des enchères fut validée, l’autre pas, et le banc de la demoiselle de la Guérinière fut réintégré moyennant le paiement d’une location (24).

À Chauché la discorde entre le curé était bien profonde en 1777 avec une bonne partie des habitants. Le syndic de la paroisse réunit une assemblée des habitants à l’issue de la messe, dans les formes habituelles. Il l’informa de ce que le curé Forestier de Chauché avait secrètement écrit au lieutenant général du Poitou (magistrat), pour lui demander d’imposer d’office les habitants de la paroisse à la taille, et non pas selon les critères décidés par l’assemblée des habitants. Ils furent 58 personnes présentes à l’assemblée pour émettre une protestation à envoyer au même fonctionnaire. On ne connaît pas la suite, mais le procès-verbal de leur délibération est instructif (25) : « Les habitants ont intérêt de faire connaître au lieutenant général, le caractère du curé Forestier et l’esprit de domination qui l’anime dans une affaire de paroisse qui ne le regarde et ne l’intéresse en rien ». Ils accusent le curé de vouloir favoriser des membres de sa famille et des amis. Il va jusqu’à refuser le confessionnal à ceux qui s’opposent à lui sur ce sujet, réussissant même à convaincre certains de ses confrères voisins à en faire de même. 

Le curé Charles Louis Forestier (1723-1787) était le fils de René Forestier, sieur de la Rivière, et de Marie Augereau, et avait 7 autres frères et sœurs nés à Chauché (26). Il eut un neveu qui se maria avec une fille du fermier de Languiller, Pierre Cailleteau, ce dernier se rangeant du côté républicain plus tard. Or les Cailleteau, ainsi que les Roy et les Cauneau, sont au nombre des pétitionnaires. On a donc du mal à faire un lien entre cette division en 1777 et les futures lignes de fracture engendrées par la Révolution parmi les habitants de Chauché. Ajoutons qu'un de ses frères, Pierre Mathurin Forestier, fut commissaire dans l'armée royaliste du Centre, où se retrouvaient les Chauchéens.

En 1764, un mandataire de la congrégation de l’Oratoire vint de Nantes aux Essarts pour discuter du financement de messes avec la fabrique. La congrégation avait reçu de la baronne des Essarts en 1621, une rente de 500 £ par an, pour, entre autres, faire dire une messe basse par jour dans l’église des Essarts pour l’âme de Charles de Luxembourg (oncle de la donatrice) et de ses prédécesseurs. C’est donc l’Oratoire qui finançait les messes aux Essarts. Le mandataire, bibliothécaire à Nantes, fut reçu par le général de la paroisse et se plaignit de l’ambiance causée par des « paroissiens indécrottables ». On se mit d’accord sur une redevance de 200 £ par an pour les messes (27). Ces chefs de feux des Essarts n'ont donc pas été impressionnés par l'intellectuel venu de Nantes. 

Au-delà des frictions engendrées inévitablement dans toute relation humaine, ces trois petites histoires à Boulogne, Chauché et aux Essarts, nous interrogent à propos de l’influence des curés sur les paroissiens en ces temps anciens. Elle était importante bien sûr au plan spirituel, et même dans le domaine profane. Mais avec des limites à ne pas dépasser comme on le constate, à cause du pouvoir des assemblées paroissiales. On a aussi vu à Saint-Fulgent et à Saint-André que c’est la générale de la paroisse qui décidait en final des réparations à entreprendre dans le presbytère. C’est pourquoi, l’exagération de la « mainmise » des curés sur les paysans pour expliquer la révolte des Vendéens en 1793, aboutit à une présentation déformée de la réalité. Les pouvoirs et les influences étaient plus équilibrés qu’on ne le pense dans les paroisses de l’Ancien Régime à Saint-André-Goule-d’Oie et dans les environs. Il faut en déduire surtout la richesse de la vie sociale dans ces paroisses, qui, elle, n’a pas été pour rien dans la genèse de la révolte. Les révolutionnaires de 1793 ont préféré dénoncer la mainmise des curés pour se dédouaner d’avoir le peuple contre eux. Avec le recul, les historiens d’aujourd’hui auraient du mal à faire de même.

On espère que le curé de Saint-André est resté en dehors de la cabale de Chauché. Dans le procès-verbal des habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie de 1765, apparaît une indication nouvelle sur le vote de l’assemblée : les habitants présents consentent à l’unanimité, ce qui veut dire à contrario qu’ils décident à la majorité dans les autres décisions.

Quant à l’échantillon des personnes citées dans l’acte notarié, il comporte dix-sept noms, dont sept signeront. Nous les citons, car les notaires ont indiqué leur profession, intéressante pour les bâtisseurs d’arbres généalogiques : « lesquels dits habitants comparant par Jean Brisseau laboureur, Jean Bordron serrurier, André Fonteneau laboureur, François Moreau aussi laboureur, Mathurin Bretin journalier, François Thoumazeau laboureur, Jean Rondeau aussi laboureur, Gabriel Cartron aussi laboureur, Louis Michelleau tailleur d’habit, François Brisseau, Louis Sionneau aussi laboureurs, Charles Trotin cabaretier, Pierre Rousseau journalier, Mathurin Sellier et Jacques Sellier laboureurs, faisant et composant la plus saine et majeure partie des habitants du dit lieu ». Le métier de laboureur ici signifie agriculteur, ne laissant pas présager s’il s’agit d’un fermier ou d’un propriétaire. Il est le plus fréquent, mélangé sans préséance avec des métiers d’artisans, commerçants et journaliers (qui se louaient à la tâche). Cela veut dire que le critère du patrimoine n’a pas sélectionné les présents dans cette assemblée.

La gestion de l’impôt royal de la taille : imposé selon le domicile du propriétaire où la localisation du bien foncier ?


Le procès-verbal suivant porte la date du 20 décembre 1772 (28), soit sept ans plus tard. On a peine à imaginer qu’il n’y a pas eu de réunions entre temps, ne serait-ce que pour renouveler le mandat de syndic, qui était de deux ans, et pour désigner les nouveaux collecteurs de la taille chaque année. C’est le mystère des archives des notaires de l’époque à Saint-Fulgent. Les enregistrements des actes notariés se faisaient aux Herbiers, mais leurs archives ont disparu.

On peut aussi se demander s’il y avait bien un procès-verbal rédigé par des notaires à chaque réunion. Il n’était pas gratuit, et nous restons sur un doute à cet égard. D’autant que l’assemblée pouvait désigner un greffier suivant la réglementation en vigueur (29). Cette question de la fréquence des réunions nous parait importante pour apprécier la place prise par l'institution dans la vie des gens. 

Mgr Gauthier d'Ancyse
La convocation de l’assemblée par le syndic comporte une petite nouveauté. Conformément à la nouvelle directive de l’évêque de Luçon en 1768 (Gauthier d'Ancyse), la réunion a été annoncée par lui « dimanche dernier à l’issue de la messe », et non plus par le curé à la fin de son prône. On verra plus loin que la nouvelle directive épiscopale n’a pas toujours été strictement respectée.

Dès le début de l’acte les notaires citent le nom « des collecteurs nommés pour l’amas de la taille de ladite paroisse pour l’année prochaine 1773 » : Jacques Charpentier, Pierre Siret et Louis Seguin. On va donc reparler de la taille, ce qui pourrait accréditer une affirmation de certains historiens : les communautés d’habitants sont nées d’une nécessité fiscale. Et à Saint-André on ne parle que de cela dans les affaires civiles conservées dans les archives, et en particulier on observe le silence sur l’école, parce qu’elle n’existait très probablement pas.

Le syndic se nomme alors Louis Rochereau, âgé de 53 ans. Il s’agit vraisemblablement d’un propriétaire au village de la Boninière (1719-1779), fils de Louis Rochereau et de Marguerite Bordron, marié à Anne Marie Boudaud le 2 janvier 1743 (vue 1 dans les Archives numérisées du registre paroissial de Saint-André).

Un autre problème est soulevé, posé par deux bordiers, François Brisseau et André Rondeau son gendre, qui « auraient fait dire au prône de la messe de cette paroisse le 16 août dernier qu’on n’eut plus à les comprendre au rôle de la taille et autres subsides de cette dite paroisse pour raison d’une borderie à eux appartenant située en cette paroisse, pour laquelle ils sont imposés à la somme de 19 livres de taille principale ». Leur motif tient à leur changement de domicile, car désormais ils habitent Chauché et non plus Saint-André, et ils ne veulent pas payer dans les deux paroisses à la fois. Dans notre cas, qu’est-ce qui primait, la situation du bien ou celle du propriétaire ? L’intendant du Poitou avait prévu l’obligation d’informer l’administration avant le 5 septembre pour faire prendre en compte un changement d’adresse (30).

Il avait aussi chargé en 1701 les curés de recueillir les déclarations des fermiers et métayers sur la description des domaines qu’ils exploitaient : prés, bois, vignes, terre, etc., quantité de charrues et de bêtes de traits. Les curés devaient ensuite remettre ces déclarations aux collecteurs (30). Il fallait pallier à l’analphabétisation des fermiers et peut-être à l’honnêteté des déclarations en l’absence des propriétaires. On voit ainsi les curés devenir auxiliaires du fisc !

Sur la demande des collecteurs, il appartient donc à l’assemblée de prendre une décision sur ce point. « À l’instant tous lesdits habitants s’étant réunis et assemblés en corps politique, après avoir mûrement réfléchi entre eux, en délibérant sur la demande des dits collecteurs, ils ont dit d’une voix unanime qu’il leur serait d’un préjudice évident si les domaines qui sont situés en leur paroisse fussent joins à ceux d’une autre paroisse ». Le transfert du montant d’impôt de Saint-André à Chauché « ne serait pas juste », est-il expliqué. On comprend cette position, mais se faisant on oublie de prendre en compte l’intérêt des deux bordiers. On touche là à un des inconvénients du mode collectif de cette levée d’impôt au niveau des paroisses.

Et le texte continue : « Au moyen de quoi ils consentent tous que la borderie et domaines des dits sieurs Brisseau et Rondeau qui sont situés en cette dite paroisse soit taxée à la taille et autres subsides d’icelle comme à l’ordinaire, soit en leur nom ou de ceux qui peuvent les exploiter… ». L’assemblée donne mandat aux collecteurs de prélever la taille auprès des exploitants de la borderie et de faire poursuite judiciaire en cas de refus. Et comme les collecteurs sont normalement responsables de « l’amas » de la taille sur leurs propres deniers, elle décide d’avance que le montant litigieux sera alors réparti sur « le général de la paroisse », c'est-à-dire sur la collectivité, suite à la persistance probable du refus de paiement.

On trouve vingt-sept noms cités comme personnes présentes dans le procès-verbal et quinze le signeront. Le sujet a-t-il plus mobilisé que les autres ? On pourrait le penser, mais là encore il faut rester prudent, faute de connaître les usages des notaires sur ce point. Bien sûr, ils composent « la plus saine partie des habitants de la paroisse de Saint-André », mais aussi « et majeure partie ». Malheureusement les notaires ne notent pas les adresses et les professions de ces personnes dans ce procès-verbal.

 Un an plus tard, le 26 décembre 1773, une nouvelle assemblée des habitants (31) revient sur le même sujet, soulevé par François Brisseau et André Rondeau. André Rondeau est seul, son beau-père étant décédé depuis peu, mais il maintient sa position.

Apparemment il y a urgence à délibérer, car l’information préalable n’a été faite que la veille par le même syndic, Louis Rochereau, à l’issue de la messe (le jour de la fête de noël). Les trois collecteurs pour la nouvelle année 1774 sont aussi présents : Jacques Bigot, Jean Rochereau et Jean Métaireau. Et c’est parce qu’ils sont nouveaux que l’affaire revient devant l’assemblée.

Mauléon anciennement Châtillon-sur-Sèvre
En effet, l’affaire a suivi son cours depuis un an : les demandeurs ont « fait assigner lesdits habitants pour les voir déroler par devant messieurs de l’élection de Châtillon où l’instance est encore pendante et instruite ». Les collecteurs ne voulant pas être responsables sur leurs deniers de la somme litigieuse, demandent expressément à l’assemblée de confirmer sa décision, de l’assumer lors de la procédure judiciaire et d’affecter la somme litigieuse à percevoir en 1774 sur l’ensemble de la collectivité paroissiale. L’action judiciaire a visé « lesdits habitants », c’est-à-dire une personne morale dirait-on en droit moderne.

Le texte indique : « lesquels dits habitants s’étant à l’instant assemblés en corps politique et après avoir entre eux réfléchi et délibéré sur la demande des dits collecteurs ont tous dit d’une voix unanime qu’ils persistaient dans leur délibération du dit jour 20 décembre 1772 ». Et toujours l’unanimité, concept assis normalement sur un décompte des voix des présents.

Ils sont vingt-quatre habitants dont le nom est cité, et seize d’entre eux signent le procès-verbal. À noter que onze seulement sont les mêmes qu’à la réunion précédente, ce qui ne fait que confirmer nos observations précédentes.

Des historiens ont avancé que cet impôt de la taille poussait les assujettis à vivre pauvrement en apparence, à ne pas étaler leurs richesses, à cause de son mode de calcul basé sur l'estimation de celles-ci. Pour ce que nous pouvons observer à Saint-André, nous resterons prudents sur ce point, car les rôles fiscaux ont disparu dans les dégâts de la guerre de Vendée. Ils nous montreraient les montants payés et les assiettes fiscales. Était-ce les biens (comme la taxe foncière) ou les revenus (comme l’impôt sur le revenu) que l'on imposait ? Il semble bien que ce soient les biens immeubles, difficiles à cacher, et alors la remarque sur l’attitude des assujettis perd de sa force. Mais alors comment expliquer la querelle ayant existé à Chauché ? Le texte ne détaille pas le fond du sujet soulevé, mais confirme bien le côté au moins en partie subjectif des calculs de répartition de l’impôt dans la paroisse.

Onze ans après on trouve le procès-verbal des deux dernières réunions d’assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien Régime, la même année en 1784. Elles concernent des affaires religieuses. La première est animée par le fabriqueur Jean Bordron, en présence du syndic et du curé, pour pourvoir à son remplacement dans ses fonctions. La deuxième est animée par le curé lui-même, en présence du syndic et du nouveau fabriqueur, pour décider de travaux à entreprendre dans l’église et au presbytère.

Le syndic est alors Jean Fluzeau (la Brossière) et nous avons fait un compte rendu de ces deux textes en janvier 2013 dans: La fabrique de St André Goule d'Oie au 18e siècle.

Des paroisses aux communes avec la Révolution


Une réforme de 1787 entreprit de mieux formaliser par le vote la désignation des membres de ces assemblées, représentant des propriétaires. Des débats difficiles accompagnèrent son élaboration, anticipant le déroulement des premiers jours de la Révolution deux ans plus tard. Le premier projet faisait disparaître la notion d’ordres (noblesse, clergé et tiers-état), mais elle réapparut dans le projet final, en doublant le nombre des représentants du tiers-état. Dans les paroisses rurales comme Saint-André l’assemblée municipale aurait été composée du seigneur et du curé, membres de droit, et de 9 habitants élus pour 200 feux. L’élection se serait déroulée au sein de l’ancienne assemblée générale, restreinte aux habitants payants au moins 10 livres d’imposition foncière. Les éligible devaient payer au moins 30 livres, avoir 25 ans d’âge et résider dans la paroisse depuis au moins un an (32).

Cette réforme commença à entrer en vigueur, mais les soubresauts qui précédèrent la Révolution ont eu pour effet de suspendre son application jusqu’à fin 1788. L’Assemblée Constituante reprit la réforme et la loi du 14 décembre 1789 créa la commune en France, au sens où nous l’entendons de nos jours. Puis le 10 brumaire an 2 (31-10-1793) la Convention décréta que « toutes les dénominations de ville, bourg et village étaient supprimées et remplacées par une seule, celle de commune. ». Ainsi, la communauté des habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie devint une commune dans les mêmes limites géographiques fixées depuis l’origine au Moyen Âge, avec une modification en 1640 pour la création de la Rabatelière.

Quant à la taille, elle disparut dans les premiers mois de la Révolution Française et les fabriques peu de temps après, avec l’appropriation nationale des biens d’Église et la constitution civile du clergé.

Nous n’avons pas de trace écrite, mais il est très probable que la dernière assemblée paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien Régime, fut celle qui rédigea au début de mars 1789 son cahier de doléances, et désigna deux représentants à l’assemblée provinciale du Poitou. On sait que le roi convoqua les États Généraux des trois ordres le 8 août 1788 pour le printemps suivant. Le 27 février 1789 le procureur du roi en la sénéchaussée de Poitiers lança les réunions des assemblées des communautés d’habitants pour formuler leurs cahiers de doléances et élire leurs députés à l’assemblée provinciale de Poitiers (33). On n’a pas d’archives non plus pour la plupart des cahiers de doléances de la Vendée. La paroisse a aussi dû déléguer deux représentants pour se rendre à l’assemblée du tiers état du Poitou, que nous ne connaissons pas. À la Rabatelière on désigna Jean Marchand qui avait été aussi syndic (34). Il habitait alors la Bordinière. Il fut élu adjoint au maire de Saint-André en 1793, demeurant aux Plessis-le-Tiers. L’assemblée du tiers se réunit à Poitiers dans la chapelle du collège Sainte-Marthe le 17 mars pour la première fois. Elle élit ses députés aux États Généraux de Versailles.

Pour terminer il faut souligner l’ancrage et l’importance de cette institution de l’Ancien Régime, telle que nous venons de l’observer, dans la vie de certaines paroisses comme Saint-André-Goule-d’Oie et de ses habitants. La transformation apportée en ce domaine par la Révolution fut aussi profonde. À grands traits elle concerna les points suivants :

-    Remplacement de l’assemblée des habitants par un conseil de notables élus pour gérer les affaires de la commune, devenu conseil municipal. Désormais la définition des électeurs et les modalités de désignation des organes représentatifs apportaient une règle identique et précise dans tout le royaume, garantissant la naissance d’une véritable démocratie élective. Mais les notables élus étaient moins nombreux que les participants aux assemblées d’avant à Saint-André. Au-delà des règles formelles, nettement novatrices, la nouvelle institution a pu paraître moins « participative » comme on dirait de nos jours, dans la paroisse étudiée.

-    Mise sous tutelle des maires remplaçant les syndics, devenant fonctionnaires de l’État et obligés d’exécuter les directives reçues du district et du département. Par rapport à la surveillance des intendants, le peu d’autonomie antérieur des exécutifs locaux a alors connu un recul. Cette innovation a contribué au drame de l’assassinat à Saint-André-Goule-d’Oie du maire et de son adjoint par les révoltés de mars 1793. Ils ont reproché aux édiles d’avoir exécuté l’ordre reçu de l’administration départementale, en établissant la liste des conscrits pour le tirage au sort.

Nouvelle religion des révolutionnaires
-  Affranchissement de l’action municipale par rapport à la religion, accentuant le mouvement amorcé très lentement en ce sens depuis le concile de Trente. Mais désormais ce n’est plus l’Église qui veut s’affranchir du profane, c’est le nouvel État qui veut s’affranchir de l’Église alors toute puissante et omniprésente. Il y a plus : la laïcité à la française, loin de viser la neutralité à sa naissance, voulut éradiquer à cette époque la religion catholique au point de prétendre la remplacer. Ce fut le début d’une nouvelle « guerre de religion », avec plus tard l’école pour terrain de combat.

-   Transformation politique exigeant de nouvelles valeurs de vie communautaire tout à fait inconnues jusqu’ici dans les campagnes. Aux communautés particulières des paroisses on substitua la communauté des citoyens de la nation, à vocation universelle. Les valeurs qui fondaient le nouvel ordre politique n’ont pas consisté seulement à mettre en place une démocratie élective, mais en même temps à faire table rase du passé. À la société nouvelle et aux théories nouvelles, il fallait des élites nouvelles et un homme nouveau (35). Quand les premiers élus de Saint-André-Goule-d’Oie, désignés selon la nouvelle loi, ont émis le vœu qu’une partie des biens du prieuré fut exclue de la liste des biens nationaux, le procureur-syndic de Montaigu leur répondit qu’il s’agissait là d’une position « criminelle ». Rien de moins ! La loi, expression de la volonté générale, devait être exécutée avec fidélité, et face à elle, les initiatives permises dans les anciennes communautés paroissiales avaient perdu toute légitimité. Pour éviter l’incompréhension il fallait une appropriation de ces nouvelles idées, qui ne s’est pas faite dans le bocage vendéen.

Ce choc entre les anciennes et les nouvelles valeurs atteignit progressivement un point de non-retour, pour déboucher en mars 1793 sur le soulèvement spontané, populaire et armé des populations du bocage vendéen. À partir de là, même les meilleures innovations de la Révolution furent rejetées. La participation aux élections officielles semble être restée autour de 10 % des électeurs, principalement avec ceux qui adhéraient à la Révolution. De plus, le « Conseil supérieur » de l’armée catholique et royale en 1793, dans son « règlement général sur la formation des conseils provisoires dans les villes et bourgs du pays conquis », prévoyait de casser les conseils de paroisse existants pour les reconstituer autrement, invoquant entre autres « que dans plusieurs endroits, ces conseils se sont formés par des élections populaires incompatibles avec les vrais principes du gouvernement monarchique » (36). Cela n'aurait pas été nécessaire à Saint-André-Goule-d’Oie qui se trouvait dans le champ d’application du règlement du camp de l’Oie de l’armée du Centre, adopté le 4 avril 1793. Il prévoyait en son article 2 que les membres du conseil de paroisse « seront élus par acclamation et non par scrutin. »

En juillet 2012 nous avons publié un article consacré à une lettre en date du 24 décembre 1790, du procureur-syndic du district de Montaigu au curé de Saint-André-Goule-d’Oie. On y voit à l’œuvre une partie de ces transformations résultant du remplacement de l’assemblée paroissiale par une instance municipale. Décembre 1790 : le curé de St André Goule d’Oie sous surveillance.

On peut aussi remarquer enfin qui étaient les « leaders » de la population à Saint-André-Goule-d’Oie dans le choix des fabriqueurs et des syndics. C’étaient des hommes du même milieu que la masse des habitants, ni nobles ni bourgeois, instruits ou plus exactement sachant lire et écrire. Pour cela c’étaient de gros laboureurs, propriétaires au Coudray ou à la Boninière, ou fermiers de la grande métairie des Noues, ou bien des artisans importants, les seuls possédant un peu d’instruction. Cela peut paraître naturel, mais il faut le noter pour se garder d’une certaine vision partisane, préférant voir les paysans sous contrôle des nobles. En revanche, apparaît clairement le « leadership » du curé de la paroisse. Ce choix des leaders se continuera avec les capitaines de paroisse pendant la guerre de Vendée, et même avec les maires désignés ensuite, puis élus à partir de 1848.



(1) J. P. Guitton, La sociabilité villageoise dans la France d’Ancien Régime, Hachette littératures (1998), page 74.
(2) A. C. Brechoteau, Les assemblées d’habitants dans le diocèse de Luçon 1750-1792, (mémoire ICES), septembre 2003.
(3) J. Gallet, Seigneurs et paysans en France (1600-1793), Éditions Ouest-France, 1999, page 185.
(4) Guy Cabourdin et Georges Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, 3e édition, Armand Colin, 1998, Archives de Vendée : BIB 1200 (J 8), communauté d’habitants.
(5) Assemblée paroissiale des Essarts du 19 avril 1632, Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, page 43 et 44.
(6) Archives de Vendée : vente de la maison ci-devant curiale de Saint-André-Goule-d’Oie avec sa borderie : 1 Q 267 no 1401 et 1 Q 240 no 261.
(7) Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille de Vaugiraud : 22 J 31, transaction entre de Vaugiraud et Monnereau sur des droits de lods et vente à la Boutarlière vers 1730. Voir aussi le registre paroissial de Chauché à la date du 11-1-1734, où fut enterrée Marie Masson (vue 31).  
(8) Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-André-Goule-d’Oie, mariage de P. Monnereau et A. R. Jagueneau le 3-2-1756 (vue 134).
(9) Archives de Vendée, notaire de Vendrennes, Louis Coutand : 3 E 020, acte du 13-12-1781, vue 152.
(10) On achetait les emplois à l’époque. Les huissiers à cheval du Châtelet de Paris pouvaient   parcourir tout le royaume pour mettre à exécution les décisions passées sous le sceau du Châtelet.
(11) Dr Prouhet, Contribution à l’étude des assemblées générales de communautés d’habitants en France sous l’Ancien Régime, Bulletin et Mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest, 2e série 1902, p. 75 et s.  
(12) François Lange, La nouvelle pratique civile, criminelle et bénéficiale, Paris (1687, 3e édition), Première partie, page 107.
(13) Idem (11), page 138 et s.
(14) Idem (12).
(15) J. C. Cassard, L’âge d’or capétien. 1180-1328, Gallimard, Folio histoire de France, 2021, p.571.   
(16) Idem (2).
(17) Glaire, Valsh, Alex et Orse, Encyclopédie catholique, répertoire universel et raisonné, (1840) T1.
(18) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/10, assemblée des habitants de Vendrennes du 23-11-1783 
(19) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 29-6-1763.
(20) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 8-1-1764.
(21) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/4, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 9-6-1765.
(22) Compétent.
(23) Idem (2).
(24) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8, assemblée d’habitants du 11-2-1776 à Boulogne.
(25) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/8, assemblée des habitants de Chauché du 26-10-1777 sur la perception de la taille.
(26) www.famillesdevendee.fr : famille Forestier.
(27) L’oratoire et les Essarts, Archives de Luçon, Chroniques paroissiales, 3e série, mélanges 4 num 503 210, vue 1/11 et s.
(28) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/6, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 20-12-1772.
(29) Reynald Secher, La Vendée-Vengé, Perrin (2006), page 47.
(30) Idem (11), page 132 et s.
(31) Archives de Vendée, archives notariales de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/7, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie du 26-12-1773.
(32) Idem (11), page 80.
(33) Plaintes, doléances et remontrances du tiers état de 4 paroisses du Bas-Poitou dressées pour les États Généraux de 1789, Archives de Vendée : BIB 2468.
(34) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 69, famille Guesdon.
(35) Alain Gérard, Vendée les archives de l’extermination, Édition du C. V. R. H. (2013), page 623 et s.
(36) Louis de la Boutetière, Le chevalier de Sapinaud et les chefs vendéens du Centre, Yves Salmon Éditeur (1982), page 49.


Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2013, complété en décembre 2023

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