dimanche 4 juillet 2010

Les agents communaux Fluzeau (1796-1797) et Bordron (1797-1799)

La folle époque du Directoire
Après la chute de Robespierre en juillet 1794, les révolutionnaires parisiens s’orientent vers la création d’un nouveau régime, qu’on appelle le Directoire (loi d’août 1795). Il durera jusqu’au coup d’état de Napoléon à la fin de l’année 1799. Dans les nouvelles institutions, l’administration communale est directement soumise à la municipalité du canton, où siègent des représentants de chacune des communes la composant sous l’égide d’un président élu. Les maires passent dorénavant sous l’autorité des « présidents des municipalités cantonales ». Ce dernier est assisté d’un « commissaire du Directoire » qui possède la réalité du pouvoir, et nommé par le département. Le maire élu dans sa commune devient « agent municipal », faisant fonction d’officier public. Il doit participer chaque décade (semaine de 10 jours) aux réunions de la municipalité cantonale, dont il est le rapporteur politique pour sa commune. Dans les faits il est placé sous les directives du commissaire cantonal, lequel reçoit ses ordres du commissaire départemental. La période révolutionnaire a vu aussi la création du garde champêtre, emploi à temps partagé. Le premier connu à Saint-André-Goule-d’Oie est le nommé Poirier fils, en 1799. Puis on aura Jean Charles Trotin, décédé en 1814.

Le règlement de l’armée du Centre des révoltés vendéens, commandée par Royrand, adopta un règlement le 4 avril 1793 applicable à Saint-André. Celui-ci prévoyait de remplacer les municipalités en place par des conseils de 3 à 9 membres, lesquels « seront élus par acclamation et non par scrutin » parmi ceux qui n’ont point pactisé avec la Révolution. Les conseils devaient constituer une compagnie de soldats et désigner leurs présidents qui tiendraient le rôle de commandant de la force armée. Puis ils eurent un rôle politique, comportant notamment l’établissement d’un état des biens des « soi-disant patriotes », à mettre sous séquestre, en symétrie avec la loi du 28 mars 1793 qui avait confisqué les biens des émigrés (1).

La métairie de Fondion, achetée comme bien national en 1791, fut en 1794/1795 administrée par le conseil de la commune de Saint-André (2). Ce « conseil » était très probablement l’institution aux mains des royalistes que nous venons d’évoquer, sinon les républicains auraient garanti à son propriétaire, René Robin, la libre disposition de son bien. Avec la défaite militaire des Vendéens René Robin reprit la gestion de sa métairie dans l’année 1795, année au cours de laquelle le comité royaliste de la commune dû probablement se mettre en sommeil et disparaître.

Le 15 floréal an 3 (4 mai 1795) le « comité de la commune » de Saint-André-Goule-d’Oie donna à sa demande un certificat à Mme Duvigier, l’épouse de Charles de Lespinay, propriétaire de Linières (3). Compte tenu de la date, le mot comité désigne probablement une autre institution provisoire sous protection de l’armée républicaine. 

Le curé réfractaire de Saint-André vivait bien normalement de retour dans la paroisse, sous couvert des dispositions du traité de la Jaunaye et muni d’une lettre du général républicain Hoche en cette année 1795. Les troupes républicaines étaient cantonnées alors dans leurs casernes des centres urbains importants, ne s’aventurant en pays insurgé que pour des raids militaires contre les troupes de Charette, elles-mêmes menant un combat de guérillas. Officiellement le territoire de Saint-André était considéré comme en état de siège. Le général Charette, que soutenait François Cougnon et d’autres habitants de la commune, a été capturé en mars 1796. Au milieu de cette même année, le gouvernement du Directoire put enfin mettre en place des collectivités locales à ses ordres.

Nous n’avons pas trouvé de listes de citoyens ayant le droit de vote dans les assemblées primaires du canton de Saint-Fulgent, conformément à l’arrêté du 16 décembre 1796. Les Archives départementales conservent cette liste pour les cinq communes du canton du Gué-de-Velluire seulement : 859 citoyens actifs


L’installation de la municipalité cantonale de Saint-Fulgent


Pour le canton de Saint-Fulgent, les autorités du département de la Vendée ont adressé une lettre le 27 messidor an 4 (15 juillet 1796) à des patriotes (non cités), en vue de former et installer des administrations municipales de canton dans la région insurgée. Elles avaient reçu une lettre du ministre de l’Intérieur lui-même. La situation sortait de l’ordinaire, puisque la lettre ministérielle désignait les patriotes choisis. Elle indiquait, en effet, qu’un commissaire spécial du directoire exécutif parisien « lui a présenté les divers citoyens à contacter pour former les administrations municipales des cantons de Montaigu, Rocheservière, la Bruffière, Brouzils et Saint-Fulgent » (4). Ce commissaire spécial était le citoyen Letellier, chef du bureau de l’Esprit public au ministre de l’Intérieur. Il avait été nommé le 18 germinal an IV (7-4-1796) « pour recueillir sur les choses et sur les hommes toutes les connaissances qu’il croira les plus efficaces » pour « faire cesser le régime militaire dans la Vendée » (5). Les populations étant très hostiles aux autorités à une écrasante majorité, il ne faut donc pas s’étonner de cette démarche. Elle était éloignée des principes républicains affichés, mais elle devait apparaître aux yeux du gouvernement comme une nécessité de survie.

Louis Merlet, marchand dans le bourg de Saint-Fulgent, a été installé le 8 juillet 1796 dans ses fonctions de commissaire du directoire exécutif près l’administration du canton de Saint-Fulgent, le lendemain de sa nomination (6). Arrêté par les révoltés au début de la guerre de Vendée, il fut libéré en octobre 1793 grâce au fameux geste de Bonchamps. À la suite de quoi il se réfugia à Sainte-Hermine avec d’autres Fulgentais. C’est alors qu’il fut nommé maire de Saint-Fulgent, selon un certificat en date du 26 germinal an 2 (15-4-1794) (7). Dans sa lettre du 8 juillet au commissaire du directoire exécutif près l’administration du département de la Vendée à Fontenay (Coyaud), il demande qu’on le renseigne et l’instruise dans sa nouvelle fonction.

Le 2 août suivant il décrit l’état de son administration. « Nous n’avons aucune loi ni archives de l’ancienne administration, car les brigands ont tout brûlé ». Il n’y a pas de gardes champêtres dans les communes, faute de pouvoir les payer. Les agents des communes ne peuvent rien faire faute de papiers, ni de registre (avec modèle pour les instruire). L’état de la population est impossible à fournir faute de papier, de secrétaire, de local et de fonds. Enfin il n’est pas possible de payer l’impôt (8).

Le 27 août 1796, Merlet s’excuse auprès de Coyaud de ne pas lui avoir écrit plus tôt, « ce n’est que faute de papier et d’encre, car j’ai eu beaucoup de peine à m’en procurer ». Cette correspondance, obligatoire au minimum chaque décade, devait renseigner les autorités sur l’état d’esprit dans les campagnes et les difficultés du maintien de l’ordre. C’est dire si elle nous intéresse.

En cet été 1796 quelles sont les préoccupations de la municipalité cantonale ? Il y a d’abord les prêtres qui exercent le culte, mais qui doivent prêter un nouveau serment (loi du 7 vendémiaire). Merlet a convoqué les prêtres du canton à venir au chef-lieu à cet effet. Puis il hésite : ceux de Chauché, la Rabatelière et Bazoges sont d’accord pour jurer. Mais ceux de Chavagnes et de Saint-André refusent de le faire. L’agent de Chavagnes, l’incontournable Rechin, qui se veut avant tout au service de ses administrés, ce qui le fait mal voir des républicains, prévient Merlet que, s’il insiste pour le serment, il va provoquer un soulèvement populaire. Alors celui-ci demande quoi faire à l’autorité départementale. Il faut dire que le soulèvement n’est plus d’actualité chez les gens du pays, décimés et épuisés. Mais ils refusent toujours autant l’anticléricalisme officiel, et ses prêtres insermentés sont fanatiques ou courageux (c’est peu de dire qu’à l’époque on se divisait sur l’appréciation). À Bazoges par exemple, on s’est remis à faire sonner les cloches, ce qui était strictement interdit. Alors Merlet a donné l’ordre à l’agent de la commune de se faire donner les battants des cloches.



François Fluzeau, agent d’André Goule d’Oie (fin 1796-été 1797)


Nous avons oublié ici le mot saint dans la désignation de la commune, conformément à la loi de l’époque, interdisant tous les signes de féodalité et religieux. Les noms des communes avaient été rebaptisés pour effacer toute connotation avec l’Ancien Régime ou en relation avec la religion. La commune de Saint-André-Goule-d’Oie était devenue André-Goule-d’Oie, tout simplement. Saint-Fulgent avait été transformé en Fulgent-des-Bois. Nous savons que l’initiative a eu beaucoup de mal à prendre racine et qu’elle n’a pas duré longtemps. Merlet respectait la loi sur ce point, pas Fluzeau, l’agent de Saint-André-Goule-d’Oie.

François Fluzeau (1763-1824) s’appelait en réalité à l’état-civil Jean François Fluzeau. Il est dommage qu’il se soit fait appeler comme son cousin et homonyme François Fluzeau (1750-1820). L'arrière-grand-père de Jean François était le grand-père de François. Moyennant quoi il est parfois difficile de les distinguer sans la comparaison des signatures. Et quand celle-ci n’est pas possible, on est obligé de rester prudent. 

Son métier est marchand, et c’est peut-être lui (ou son cousin) qui avait été élu en 1790 par l’assemblée primaire du canton de Saint-Fulgent pour faire partie des 9 électeurs du canton à l’assemblée votante départementale. En 1792 il a disparu de cette liste. Puis il a été élu par les électeurs de Saint-André comme agent de la commune à l'été de 1796, fonction dont il a démissionné en septembre 1797En cette même année 1796 il a été élu (ou son cousin) pour un an assesseur auprès du juge de paix du canton de Saint-Fulgent (9). Plus tard, en 1800, il sera élu au conseil municipal, et le préfet le désignera comme adjoint au maire.

Dans sa liste de « noms de quelques brigands de la Vendée dont j’ai entre les mains des preuves écrites de conviction », Goupilleau de Montaigu note en 1793, un « François Fluzeau, marchand, commandant, et demeurant à Sainte-Florence » (10). Goupilleau ignore donc à cette date que Fluzeau habitait la Brossière, mais il savait qu’il avait un grade de commandement dans les armées vendéennes. Là encore, on pense qu’il s’agit de Jean François Fluzeau. Dans une liste des officiers de la Vendée militaire publiée en 1887, on relève son nom ainsi : « Fluzeau, capitaine de Sapinaud 1793 à 1796 » (11). Charles Henri de Sapinaud avait remplacé le général de Royrand après 1793 dans l’armée du Centre.

Cette désignation des agents municipaux en 1796 par les habitants, posa question aux autorités locales, quand les personnes désignées étaient « d’anciens chefs rebelles ». En effet, l’article 4 de la loi du 14 frimaire sur ces élections, écartait ces derniers des fonctions publiques. Le commissaire du département, Coyaud, interrogea le ministre de l’Intérieur pour savoir comment appliquer la loi dans les cas comme Saint-André. Il reçut une réponse prudente : « Sans doute il serait à souhaiter que toutes les administrations ne fussent composées que de patriotes purs et fidèles », mais il conseilla la sagesse et beaucoup de circonspection pour appliquer l’article 4 (12). Ce qui valut à Fluzeau de rester à son poste.

la Brossière (St André Goule d'Oie )
Sa famille est implantée à la Brossière depuis au moins le début du 17e siècle, et leur nom s’écrivait alors Feluzeau. On y trouve son grand-père François (1660-1744), marié à Louise Crepeau. Jean François était le fils de Jean Fluzeau (1732-1802) qui avait été élu syndic de la paroisse de Saint-André  par l’assemblée des habitants en 1783.

Il a été décoré de l'insigne royal du Lys le 1e janvier 1815 par le général Suzannet, signant le titre à la Chardière de Chavagnes-en-Paillers. Il y est qualifié d’ancien capitaine d’infanterie dans les armées royales. Son parcours de combattant n’a pas été repris par les livres d’Histoire de la guerre de Vendée, mais il mérite d’être tout aussi connu que celui de François Cougnon par exemple.  Le prénom qu’il a porté a certainement constitué une difficulté pour connaître son identité d’état-civil.

Né en 1763, il s’est marié d’abord en 1806 avec sa cousine germaine, Jeanne Monique Brisseau, puis en 1821 avec Jeanne Françoise Fluzeau, une cousine au 5e degré. Avec cette dernière il eut deux filles : Augustine Françoise Euphrosyne et Zélie Céleste Anastasie. Cette dernière épousa en 1852 Léon Batiot, avocat de métier, qui fut désigné juge de paix à Saint-Fulgent.

Ils eurent quatre filles nées à la Brossière et deux autres nées à la Glacière de Saint-Fulgent. L’une d’elle, Marie Armance, épousa en 1882 Paul Chauvreau, originaire de la Chapelle Palluau, et mit au monde sept enfants, dont quatre atteignirent l’âge adulte. La descendance de (Jean) François Fluzeau fut nombreuse même si son nom n’est plus porté (13).

Il a acheté le 29 juillet 1796 le presbytère et l’église de Saint-André-Goule-d’Oie pour la modique somme 1 124 F. Une estimation de ce montant avait été faite le 24 juillet précédent par Jean Coutaud, cultivateur demeurant à Chavagnes, et Jean Rondeau, cultivateur à Saint-André-Goule-d’Oie, en présence de Louis Merlet, commissaire du canton de Saint-Fulgent. Il parait vraisemblable que le sieur Rondeau dont il est question ici, soit le même qui avait évalué le domaine de Linières pour le compte de la vicomtesse de Lespinay à la même époque. Il semble qu’il était propriétaire à la Brossière. Les mêmes biens furent à nouveau vendus deux ans plus tard à un étranger de la commune, René Robin de Sainte-Florence, qui avait déjà acheté la métairie de Fondion confisquée au prieuré. François Fluzeau a donc abandonné son achat (14). Pourquoi ?

Il a démissionné de sa charge d’agent au mois de septembre 1797, à cause de la loi du 19 fructidor an 5. C’était une loi d’épuration concernant tous les fonctionnaires, en les obligeant à prêter un serment « de haine à la Royauté ». Fluzeau fut au nombre de ceux qui préférèrent démissionner selon Merlet. Dans une lettre de ce dernier à l’administration du département, on apprend le 27 septembre 1797 que tous les membres de l’administration municipale du canton de Saint-Fulgent, agents et adjoints, à l’exception du président, de deux agents et de deux adjoints, ont donné leur démission en vertu de la loi du 19 fructidor an 5. Notamment, Fluzeau, agent de Saint-André, qui est alors remplacé par Jean Bordron fils. Mandin, adjoint, est remplacé par Chatry, boulanger. À Chauché Bossard remplace Renolleau comme agent, et Mathurin Bossu remplace Bonnin comme adjoint (15). Adieu l’élection, l’heure était aux nominations, l’essentiel pour les républicains d’alors était de garder le pouvoir. Cette démission nous révèle la discorde existant entre François Fluzeau et le parti des révolutionnaires de Saint-Fulgent.  

François Fluzeau offrit même l’asile d’une grange chez lui à la Brossière pour permettre au curé de Saint-André, Allain, d’y dire des messes clandestines après son serment du 19 fructidor. À la différence de l’agent de la commune, le curé avait prêté serment pour continuer d’exercer son ministère. Il estimait que celui-ci était plus important que des contingences politiques. Mais il refusait que son serment soit affiché à la porte de l'église paroissiale, craignant les reproches de certains paroissiens, d’où son refuge dans la grange clandestine de la Brossière. Il n’y célébra pas la messe longtemps car il fut arrêté le 18 décembre, ayant été condamné le 28 novembre par le directoire à Paris (le gouvernement) à la déportation en Guyane. Mais il réussit à s'échapper de la prison de Rochefort avant l’embarcation, et sortit vivant des persécutions.

Il est difficile d’isoler la gestion du maire de St André pendant son mandat. Toutes les décades, il devait assister aux réunions de la municipalité cantonale, la seule vraie collectivité politique locale en activité. En lisant le courrier régulier de son commissaire exécutif, Louis Merlet, on peut voir les sujets traités.

Le 9 octobre 1796, les habitants de Saint-Fulgent sont venus demander à ce dernier l’autorisation de restaurer l’église paroissiale en ruine (16). Il n’a pas osé dire non de lui-même, se rappelant sans doute qu’il avait été fabriqueur de la paroisse avant 1789. Alors il demande à son interlocuteur de Fontenay : « Est-ce possible ? ». L’anticléricalisme était une opinion politique, obligatoire chez les républicains, et comme telle était portée selon le caractère de ses militants. Il est arrivé à Merlet d’assister le 29 mai 1797 comme témoin à un mariage religieux clandestin célébré par l'abbé Brillaud (non jureur), ce qui parait bien en contradiction avec ses paroles et ses actes de commissaire du canton. En revanche on le voit d’une grande sincérité pour défendre ses intérêts. Et il parait sensible au pouvoir, en quête de reconnaissance.

Les loups aussi lui donnaient du souci. Par bandes de 7 à 8, ils décimaient les troupeaux de bestiaux de toutes espèces, de jour comme de nuit. Ils ne fuyaient plus les personnes, et ce sont ces dernières qui étaient obligées parfois de les laisser passer dans les chemins. Merlet demanda l’autorisation de faire employer l’armée pour chasser dans les bois et forêts, nombreux à l’époque. Il notera que le 19 février 1797, lors d’une battue générale dans les bois organisée par plusieurs cantons, « on a tué un loup monstrueux dans la forêt de l’Herbergement ».

Cette armée, justement, lui cause des soucis. La troupe en poste à Saint-Fulgent, à qui il doit sa sécurité, manque de pain et de viande, alors elle se livre au pillage. En plus, les troupes qui passent sur la grand’route de Nantes à la Rochelle demandent du ravitaillement au passage. Les chefs ordonnent des réquisitions. Merlet se plaint à Fontenay le 6 septembre 1796 : l’armée a demandé 6 quintaux de viande. Or les bestiaux manquent dans les fermes pour le trait, faute d’argent pour acheter ceux qui manquent, à cause des vols et incendies subis pendant la guerre de Vendée. Là où il y avait 12 bœufs avant, il n’en reste que 2 à 3, écrit-il, ajoutant : « une mauvaise récolte s’annonce, il y moins de terres en culture qu’avant, et seulement un tiers de moins d’hommes qu’avant les troubles ». Il appui le trait, étant lui-même propriétaire dans la même situation que les victimes de l’extermination. Il faut rappeler que la dépopulation (le mot est de Gracchus Babeuf) a été de près d’un quart en moyenne sur l’ensemble de la Vendée militaire. 

Le 14 octobre 1796, le pont de Girouard (sur la Grand’route en direction du hameau de l’Oie) s’est brisé suite au renversement d’un roulier (transporteur de marchandises). Merlet explique le lendemain qu’il l’a fait raccommoder pour rétablir la circulation. Mais il demande que l’administration départementale entreprenne une vraie réparation, pour ce pont et aussi pour celui de la Brossière, sur la même route, qui menace de s’effondrer lui aussi (17). Quelques semaines plus tard, les ouvriers envoyés commencèrent par refuser de travailler, car ils voulaient être payés en grains, n’ayant pas confiance en la monnaie officielle.

Le 27 mars 1797, Simon François Gérard, ex juge de Paix de la Caillère, vient d’arriver à Saint-Fulgent comme juge de Paix. Il prend en main le secrétariat de l’administration cantonale. Aussitôt il demande à être nommé notaire public. Merlet donna un avis favorable, mais cela n’aboutit pas, malgré que dans le canton il n’y avait plus que Bouron à Chavagnes pour assurer la charge de notaire (18).

Dans la même lettre, Merlet indique que seules les communes de Chavagnes, la Rabatelière et Saint-Fulgent ont des registres d’état-civil. Saint-André n’en a pas encore, et aucun des agents ne veut faire des avances et payer le droit de timbre pour avoir un registre à remplir. Au mois de juin suivant il se plaindra qu’on manque de crédits dans les communes pour acheter l’encre. Encore faut-il que les citoyens veuillent bien faire leurs déclarations de naissance, mariages et décès. Or c’est loin d’être le cas, à cause de la profonde coupure entre les autorités et la population. Merlet se veut rassurant : « beaucoup déclarent et on s’engage à dénoncer ceux qui ne le font pas ».

Les fonctionnaires chargés de confectionner les sections (évaluations par nature des biens) pour l’impôt foncier, refusent de travailler, n’étant plus payés (19). Dans sa même lettre du 9 mai 1797, Merlet note : « trois communes n’ont pas de registres d’état-civil, mais elles en ont reçus depuis 15 jours et ça va se faire » (20). C’est ainsi que le registre de Saint-André a été mis en place le 25 avril 1797. Entre cette date et le 1e janvier 1793 il n’y a donc pas de registre, sauf celui clandestin du curé et quelques actes reconstitués après coup, mais concernant très peu de personnes. Et encore, le registre à partir de mai 1797 révèle la réticence d’une partie de la population à faire les déclarations. Il faut attendre la paix napoléonienne pour considérer le registre comme exhaustif. Cette réticence de la population est révélée clairement par cette note ironique lue dans le registre d’état-civil interrompu de Chauché en 1793, écrite après coup par le futur maire Cailleteau : « nota : s’il manque plusieurs actes au présent registre ou autres de la présente année, le lecteur est invité de ne pas s’en étonner. La guerre civile qui vient d’éclater dans ce pays, jointe à la haine des aristocrates pour le nouvel ordre de gouvernement, en sont la cause. Beaucoup d’individus aveugles et simples dédaignent de faire enregistrer leurs naissances ou morts. Un jour viendra néanmoins où ces « honnêtes gens » seront victimes de leur zèle pour l’éloignement de la chose publique » (21).

le Conseil des Anciens
Les impôts sont un souci pressant dans ce pays ruiné et miséreux. Merlet plaide pour le non recouvrement de l’impôt foncier. Tout a été pillé et incendié, écrit-il, et les propriétaires doivent d’abord reconstruire et remplacer les bestiaux manquants. Et il sait de quoi il parle. Il écrit même au « Conseil des Anciens de la législation française » à Paris une lettre touchante le 12 juillet 1797 (22). « Tout citoyen doit regarder comme un devoir sacré de destiner une partie de sa fortune à la splendeur et à la gloire de l’État » y proclame-t-il dans le style emphatique de l’époque. Mais dans le canton de Saint-Fulgent il n’y a plus de fortune, indique-t-il !

Jean Bordron fils, agent de Saint-André-Goule-d’Oie (été 1797-fin 1799)


C’est un « patriote pur », surnommé « la couette », selon l’historien de Chavagnes (23). Jean Bordron va rester à partir de l’été 1797 jusqu’au terme de cette fonction d’agent communal, à la fin de 1999.
C’est le fils du premier maire de la commune en 1790. Il était né en 1771, et il a donc 26 ans quand on le voit arriver avec sa belle écriture sur le registre d’état-civil.

À l’époque où il est agent communal, Jean Bordron est toujours célibataire. Il est propriétaire au bourg, mais nous ne savons pas quel métier il exerce, sans doute forgeron comme son père.

Il signe en tant qu’« agent municipal ». L’expression a la même signification que celle officielle de « agent communal ». Dans ses actes, il indique avoir été « élu pour rédiger les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès des citoyens ». En fait d’élection on sait qu’il n’en a rien été, mais c’était la formule officielle.

Nouveauté : il obéit aux autorités en écrivant André Goule d’Oie sur le registre, le mot saint a disparu sur le registre plus d’un mois après le début de l’année révolutionnaire et son entrée en fonction. Exactement il disparaît le 18 brumaire an 6 (8-11-1797).

Le contexte politique national l’explique, et à Saint-Fulgent Merlet veille. Un des problèmes politiques du régime du Directoire réside dans la succession des coups d’État, souvent pour corriger le résultat des élections législatives annuelles aux Conseils. Ainsi, après l’occupation des salles de séance des assemblées en septembre 1797 par le général Augereau, on conforte la partie la plus républicaine du Directoire. Le régime se durcit dans l’anticléricalisme, y compris localement à Saint-Fulgent. Ainsi, le 28 novembre 1797, le gouvernement condamne condamne à la déportation en Guyanne le curé de Saint-André (Allain) et le vicaire de Saint-Fulgent (Brillaud).

À n’en pas douter, le fils Jean Bordron est proche des républicains. Cet engagement politique va le conduire à acheter sans réticence des biens nationaux. En avril 1798 il acheta la métairie du Coin pour 132 100 F. avec un de ses cousins des Essarts, Pierre Bordron. La métairie avait été confisquée au neveu du général Royrand, ancien général de l’armée catholique du Centre, Charles César Royrand. Ses bâtiments étaient en ruines, ayant été incendiés. La métairie de 32 hectares avait été évaluée par le commissaire du directoire exécutif près l’administration municipale du canton de Saint-Fulgent, Louis Merlet, qui a beaucoup évalué de biens nationaux dans le canton (24). Le même jour Jean Bordron acheta la borderie du Peux, de même provenance pour 34 100 F (25). Le 25 novembre 1799, Jean Bordron fils obtint l’adjudication de la ferme d’une borderie à la Porcelière, confisquée à M. de Montaudouin (émigré, frère de la châtelaine de la Rabatelière), et non encore vendue. Le bail a été adjugé à 100 F par an pendant trois ans. François Bossard de Chauché s’est porté caution (26). La somme est nettement sous-évaluée.

Dans la municipalité cantonale, on voit en décembre 1797 que les personnes désignées pour estimer les biens fonciers refusent de le faire à Chauché et à Saint-André. Ils « n’ont pas d’instructions claires pour estimer les bois futaies », s’excuse-t-on. En rétorsion, Merlet, nomme au mois de janvier 1798 des commissaires répartiteurs dans ces communes récalcitrantes, à charge pour elles de les payer à raison de 3 livres par jour (27).

En janvier 1798 les soldats, sur réquisition du commissaire du canton, ont abattu deux croix à Saint-André, l’agent de la commune ne voulant pas l’ordonner, « soi-disant par crainte » écrit Merlet. On ne rangera donc pas le fils Bordron au nombre des extrémistes, et sa crainte était probablement de la sagesse, surtout pour un jeune homme de 26 ans.

Un an plus tard, en février 1799, Martineau ayant remplacé Merlet à la tête de l’exécutif municipal du canton, il se plaint de l’agent de Saint-André-Goule-d’Oie. Malgré le rappel 5 à 6 fois en séance du conseil, d’avoir à faire fermer l’église paroissiale « où se rassemble le peuple » tous les dimanches, Bordron ne bouge pas et laisse faire. Pourtant un nommé Robin, de Sainte-Florence-de-l’Oie, avait acheté l’église et le presbytère le 1e juillet 1798. Apparemment il n’avait pas osé interrompre l’usage de l’église pour le culte, et Jean Bordron non plus. Depuis son évasion de la prison de Rochefort on est sans nouvelles du curé Allain. Peut-être s’est-il réfugié à nouveau à Saint-André ou dans la paroisse de Saint-Mars-la-Réorthe où il réapparu à la pacification napoléonienne. Même pour les historiens sa cachette est semble-il restée secrète. Il est probable en conséquence qu’aucun prêtre ne participait à ces prières dominicales dans l’église paroissiale de Saint-André à cette époque.

Au mois de mars avaient lieu les élections annuelles. Pour inciter le peuple à aller voter, on institua « la fête de la souveraineté du peuple » en 1798 et 1799. Elle devait être organisée dans chaque commune. La recommandation était de mettre en scène des vieillards, des jeunes filles, d’y chanter, etc. et d’y voter ! Dans la contrée elle rencontra un faible écho. Ainsi le 13 mars 1798 Merlet écrit à propos de la fête de la souveraineté du peuple : « l’administration a été d’avis que, comme le peuple est si fanatique et si peu soumis aux lois, que les agents ne pourraient pas trouver 12 vieillards dans chaque commune. Ils ont été d’avis de célébrer cette fête au chef-lieu de canton et qu’ils donneraient le plus d’éclat brillant qui serait dans leur pouvoir. Ils ont nommé les 12 vieillards qu’ils ont crus digne d’occuper cette place » (27). Il n’en dit pas plus, quel dommage !

On ne sait pourquoi, Étienne Benjamin Martineau a été nommé en avril 1798 en remplacement de Louis Merlet, « commissaire du directoire exécutif près l’administration municipale du canton de Saint-Fulgent », le commissaire du canton, pour faire plus simple. Le 20 décembre 1796 déjà, Martineau, qui était alors président de l’administration du canton, avait écrit à Coyaud, commissaire du pouvoir exécutif départemental à Fontenay, pour dénoncer Merlet comme un « coquin. La preuve matérielle de ses vols et dilapidations ne m’est pas encore acquise, mais j’ai la certitude intime qu’il abuse de son pouvoir pour nuire aux intérêts de la République …….. Je laisse au citoyen Bossard le soin de peindre quelques-uns des forfaits de ce vil coquin » (28). On a là très probablement l’explication du changement d’hommes.

En mai 1798 l’agent municipal de Saint-Fulgent accusa Merlet de prendre des arbres dans des bois futaies de la région appartenant à la nation (anciennement à des émigrés). Ainsi le bois du Vrignais, dépendant de Linières, est cité. Mais le juge de paix Gérard fit son enquête, disculpant Merlet. Ce dernier aurait bénéficié de l’accord de l’administration de se servir en bois pour réparer les maisons après la guerre civile, une réparation de dommages de guerre en quelque sorte (29).

Martineau note qu’en août 1798, la commune de Saint-André-Goule-d’Oie est toujours récalcitrante à établir la matrice des rôles des contributions. On a nommé d’office deux républicains inflexibles, Gérard et Merlet, pour y exercer le rôle de répartiteur, sachant « épier » les propriétaires ! 

D’après un dessin de Fious : 
Exécution du roi Louis XVI
Le 21 janvier 1799, Martineau envoie son procès-verbal de la « célébration de l’anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français » (mort de Louis XVI). Les agents des communes étaient absents. Ils n’étaient qu’une dizaine de personnes dans le bourg de Saint-Fulgent pour la cérémonie. Pour François de Neufchâteau, ministre de l’intérieur d’alors, les fêtes étaient politiques ou morales servant à « former à la fois l’homme et le citoyen » et il n'y avait pas moins de 14 fêtes nationales en 1798. On sait que l’affichage des intentions contredisait les actes suivant une caractéristique forte de la Révolution depuis ses débuts.

Le 22 mars 1799, devait avoir lieu l’assemblée primaire du canton pour désigner ses électeurs.  Elle avait lieu en mars de chaque année, et devait désigner notamment le président de l’administration cantonale et le juge de paix (celui-ci sous réserve de l’accord de l’administration). Le commissaire, disposant de la réalité du pouvoir, véritable sentinelle du gouvernement (formule employée par L. Merlet), était, rappelons-le, nommé par l’administration départementale. C’est lui, Martineau, qui la présidait pour la convoquer. Ensuite l’assemblée votante devait désigner le président et les membres du bureau de vote.

Ce fut un pugilat, digne des coups de force et des manœuvres qui se déroulaient dans les chambres à Paris. D’un côté une majorité de 58 % des 78 électeurs présents (pour tout le canton) s’opposaient fermement à Martineau. De l’autre un petit groupe de 33 électeurs le soutenait. Qui composait les deux groupes ? On n’a que la version de Martineau, et selon lui, ses adversaires, qu’il ne nomme pas, sont manipulés par trois à quatre meneurs du camp royaliste. Lui-même et son camp représentent « les patriotes les plus purs et les plus sincères ». On devine que la réalité a été un peu plus compliquée. Il accuse ses adversaires d’avoir, la veille du jour prévu pour l’assemblée votante, fomenté des cabales, manœuvré, même désigné les personnes à élire. La campagne électorale ne serait-elle autorisée que pour un seul camp ?

Le matin même, l’assemblée votante était toujours divisée. Elle réussit à composer son bureau de vote. Les premiers électeurs furent désignés : Joseph Guyet, l’amant de Mme de Lespinay vivant à Linières, dit « le parisien », Merlet, Rechin, Jean Cailleteau. Il faut ici préciser que pour les Poitevins l’épithète de "parisien" était une sorte d’insulte, ils la donnaient à leurs chiens ou à leurs bœufs. (A. de Béjarry dans « Souvenirs Vendéens »), ce que semble ignorer Martineau, il est vrai originaire de la plaineMais la réunion s’arrêta sans que le procès-verbal soit précis sur les circonstances. On se disputa. En début d’après-midi, le camp Martineau mis à exécution une scission de l’assemblée, prétextant que les participants étaient manipulés et n’étaient pas tous libres de leurs votes. Ces scissionnaires se réfugièrent dans une autre salle pour passer au vote en toute indépendance. C’est ce qui fut réalisé non sans difficultés. La majorité suivit la minorité dans son déplacement, bâtons en mains pour quelques-uns, empêchant la tenue de la réunion. Une diversion dans le jardin pour faire fuir les perturbateurs fut un échec, sous les « propos tumultueux et menaçants » des opposants. Finalement l’agent de Saint-Fulgent requis le commandant de la force armée en poste, pour protéger l’assemblée des 33 scissionnaires. Les membres de l’administration cantonale élus par eux furent : Bossard (Chauché), Bordron fils (Saint-André), Denechaud (Bazoges) et Martineau. Le nouveau président de l’administration du canton fut Bossard de Chauché (30).

Faisant partie des scissionnaires autour de  Martineau, ce procès-verbal cite les noms de quelques gouledoisiens : Merand, assesseur du juge de paix (demeurant à la Brossière), Bordron père, propriétaire, Bordron aîné, agent de la commune, Bordron jeune, Poirier fils, garde champêtre, Charles Amiaud, cultivateur. À cet égard il faut relever que Marie Bordron, fille de Jacques, un des frères de Jean Bordron père, était mariée avec Jacques Cailleteau. Celui-ci était l’oncle du maire républicain de Chauché.

Etienne Benjamin Martineau est un médecin qui a la plume facile. Il est imprégné des influences de son temps : grandiloquence et sensibilité à la mode de Rousseau. Il a l’accusation facile contre ses collaborateurs, le juge de paix Gérard et le marchand Merlet. Il ne parait pas s’imposer au lecteur de son courrier par son énergie, mais à cause de l’antagonisme entre eux, on hésite à suivre Gérard qui l’accuse de lâcheté.

Après ce mois de mars agité, le courrier de Martineau est marqué d’alertes, vraies ou fausses, de rassemblements royalistes qui apeurent les autorités. On trouve aussi une accusation de prévarication contre Merlet, une maladresse du juge de paix Gérard à Chavagnes, et des menaces des autorités envers lui pour lui faire rendre une somme d’argent de 500 F qu’il doit à l’administration. Et à Chavagnes, l’agent Rechin et l’adjoint ont démissionné. Personne ne veut les remplacer. Déjà en réponse « aux rassemblements à André les jours fériés qui se poursuivent », en février dernier il a dû « faire fermer les lieux ». On relève ici les mots employés : le dimanche est appelé un jour férié et l’église : les lieux. Bref, les problèmes s’accumulent.

Luçon autrefois
Martineau annonce le 13 juin 1799 son départ pour habiter Luçon, et il demande qu’on le remplace au 1e messidor prochain (19 juin). La raison n’est pas dite, est-ce un problème de santé ? (31). Est-ce lié à l’accouchement de sa femme qui avait mis au monde une fille, Élise Agathe Martineau, à Linières le 8 janvier 1799, et qui se trouva à nouveau enceinte peu de temps après (32) ? Peut-être ne se sentait-il pas en sécurité dans le canton de Saint-Fulgent. L’actualité fut remplie dans cette dernière année du Directoire, d’accrochages et d’attaques opérés par des partisans royalistes et par de vrais bandits, sans que les rapports des autorités nous aident à les distinguer. D’ailleurs en septembre 1799 une bande de partisans vint à Linières y piller le logis de Martineau, heureusement absent. Ils venaient d’agresser deux républicains de Chauché : Bossard, agent de la commune, et Bossu, ex assesseur du juge de paix. Dans la traque qui s’en suivit on eut à déplorer un mort dans chaque camp (33).

Le déménagement définitif de Martineau au printemps 1799 fit pousser des ailes au juge de paix. Il fit du zèle auprès de l’administration départementale pour être nommé à sa place. Il dénonça la fuite de Martineau devant le danger (les deux hommes se haïssaient), le traita de déserteur, et fit valoir toutes ses propres qualités, ce qui nous vaut un courrier précieux sur ce qui se passait dans le canton. Mais Simon François Gérard ne fut jamais nommé (Voir sa biographie dans le dictionnaire des Vendéens sur le site internet des Archives de la Vendée). Néanmoins, dans sa séance du 7 thermidor an VII (25-7-1799), l’administration centrale du département de la Vendée avait nommé Chezeau commissaire du pouvoir exécutif du canton de Saint-Fulgent, un propriétaire du Puybelliard. Au département on accuse alors Martineau « d’abandon de poste », motivé « par le danger existant avec l’apparition des brigands dans la contrée ». L’accusation de Gérard a porté, mais ne lui a pas profité. Ce Chezeau n’a pas laissé de trace dans la documentation consultée. S’est-il seulement déplacé à Saint-Fulgent ? (34).

Vint le 18 brumaire. Le coup d’état de Bonaparte ce jour du 9 novembre 1799, et sa recherche du compromis en Vendée, y compris avec le retour de la liberté religieuse. Il ramena enfin la paix que désiraient les populations vendéennes. Martineau, Gérard et Merlet durent se recycler dans d’autres emplois. Jean Bordron fils fut remplacé à la marie de Saint-André-Goule-d’Oie par un ancien insurgé : Simon Pierre Herbreteau.

Le dernier acte d’état-civil rédigé par le jeune Bordron est daté du 3 prairial an 8 (23-05-1800). Nous retrouverons notre homme en 1830 comme maire de Saint-André.


(1) Claude Petitfrère, Conseils et capitaines de paroisse : des comportements démocratiques en Vendée ? Actes du colloque La Vendée dans l’Histoire, Perrin, 1994, page 67 à 80. Et règlement de l’Oie dans Le chevalier de Sapinaud et les chefs vendéens du centre, L. de la Boutetière, Y. Salmon Éditeur, 1982, page 45.
(2) Note no 8 sur Fondion à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(3) Inventaire des certificats de résidence de Mme Duvigier entre décembre 1792 et juillet 1795, Archives de la Vienne, dossier Mme Duvigier/Lepinay : 1 Q 174 no 149.
(4) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 10-IV, formation et installation des administrations municipales de canton dans la région insurgée.
(5) Le Républicain du Nord du 25 germinal an IV, no 153, page 2.
(6) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 20 messidor an 4.
(7) 7 Z 109-4, les premières municipalités de la constitution de l’an III dans la région de Saint-Fulgent. Voir aussi Archives de la Vendée : L 340.
(8) Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 15 thermidor an 4.
(9) 7 Z 20, famille Frappier, P.V. de non conciliation de la justice de paix de Saint-Fulgent du 21 thermidor an 4.
(10) 7 Z 99-1, extrait d’une liste des insurgés vendéens dressée par Ph. Charles Aimé Goupilleau en 1793, copié à la médiathèque de Nantes, collection Dugast-Matifeux I, liasse 31.
(11) Collectif dirigé par Alexis des Nouhes, Généraux et chefs de la Vendée militaire et de la chouannerie, 1887, réédition en 1980 no 230, page 103.
(12) 7 Z 109-4, lettre du ministre de l’intérieur au commissaire Coyaud du 17 nivôse an 5.
(13) 7 Z 75, Saint-André-Goule-d’Oie, famille Fluzeau.
(14) Archives de Vendée :
     1° Fichier historique du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie : 1 Num 47/404 : 14-4-1791 : PV d’adjudication du « temporel du cy-devant prieuré de St André Goule d’Oie ». 
     2° vente des biens nationaux 1 Q 240 No 261, maison curiale de Saint-André-Goule-d’Oie le 11 thermidor an 4.     
     3° vente des biens nationaux 1 Q 267 No 1401, maison curiale de Saint-André-Goule-d’Oie le 17 prairial an 6.
(15) 7 Z 12-II, lettre de Merlet à Coyaud du 6 vendémiaire an 6.
(16) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 18 vendémiaire an 5.
(17) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 24 vendémiaire an 5.
(18) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 7 germinal an 5.
(19) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 21 prairial an 5.
(20) 7 Z 12-I, lettre de Merlet à Coyaud du 20 floréal an 5.
(21) Copie d’Amblard de Guerry du registre d’état-civil Registre interrompu de Chauché en 1793 (registre coté 2 E 64 collection provenant du greffe), Archives privées.
(22) Médiathèque de Nantes, collection Dugast-Matifeux : 1e série vol 25, lettre de Merlet du 24 messidor an 5, pour demander une exonération d’impôts.
(23) Amblard de Guerry, Chavagnes communauté vendéenne, Privat (1988), page 182.
(24) Archives de Vendée, vente des biens nationaux, métairie du Coin Foucaud vendue le 18 germinal an 6 : 1 Q 258, no 852.
(25) Archives de Vendée, vente des biens nationaux, borderie du Peux vendue le 18 germinal an 6 : 1 Q 258, no 853.
(26) Archives de Vendée, Baux des biens nationaux : 1 Q 760 no 97, ferme d’une borderie à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie le 25-11-1799.
(27) 7 Z 12-II, lettre de Merlet à Coyaud du 23 ventôse an 6.
(28) 7 Z 12-II, lettre de Martineau à Coyaud du 30 frimaire an 5.
(29) 7 Z 12-III, lettre du jury d’accusation de Montaigu à Coyaud du 4 prairial an 6.
(30) 7 Z 12-III, procès-verbal du 22 ventôse an 7 de Martineau et lettre du même à Coyaud du 4 et 13 germinal an 7.
(31) 7 Z 12-III, lettre de Martineau à Coyaud du 25 prairial an 7.
(32) Archives de Vendée, état-civil de Saint-Fulgent, mariage Élise Martineau et Narcisse Legras de Grandcourt du 14-10-1833 (vue 240/335 du registre numérisé).
(33) 7 Z 12-IV, compte-rendu du 3 vendémiaire an 8 de Gérard sur les attaques de partisans à Chauché le 30 fructidor an 7.
(34) Archives de Vendée, délibération de l’administration centrale du département de la Vendée du 7 thermidor an VII (25-7-1799) : L 78, vue 114.


Emmanuel François, tous droits réservés
Juillet 2010, complété en septembre 2023

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Du nouveau sur le mystère des peintures du café Trotin


À la page 231 de mon livre, Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oiej’évoque les peintures murales de l’ancien café Trotin (son nom en 1870) dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie (1). Situé à proximité de l’ancien café Fonteny, il est devenu une habitation particulière. Les peintures, conservées derrière une cloison maintenant, représentent une gerbe de blé, un vase de fleurs, un bateau sur la mer et une bouteille de vin. Comme tout le monde, je me suis posé la question importante de savoir qui en était l’auteur, peut être Amaury-Duval ?

Nous avons maintenant un début de réponse grâce à Mme Véronique Noël-Bouton-Rollet, une universitaire, auteur d’une thèse de doctorat d’Histoire de l’art sur Amaury-Duval (Sorbonne 2006). Connaissant bien l’œuvre de ce dernier, elle pense qu’il n’est pas l’auteur de ces peintures. Elle donne une piste aussi, ayant repéré les élèves et amis qui ont aidé Amaury-Duval dans ses décoration du château de Linières. Elle cite dans sa thèse : Froment, Cesson, Anatole Jal, Geffroy et Mottez. Elle ne va pas plus loin pour désigner lequel d’entre eux pourrait être l’auteur de ces œuvres, malgré la qualité des photographies en couleur de Jean Caillé, reproduites ici.  

                     

                                    

Qui est Véronique Noël-Bouton-Rollet ? Étudiante, elle a obtenu à Dijon une licence en Histoire de l’art. Puis elle a été assistante du conservateur du musée du Louvre et un temps, titulaire d’un poste du CNRS au Louvre. Elle a, en particulier, préparé les notices du catalogue de la première exposition des œuvres d’Amaury-Duval à Montrouge, en juin 1974. À ce moment là, elle était employée au département des peintures du musée du Louvre. Cette exposition lui a donné des contacts auprès de possesseurs d’œuvres du peintre, lui ouvrant des portes intéressantes pour continuer à s’intéresser à cet artiste.

Notamment elle a eu la chance de bénéficier à cette époque de l’empressement de l’abbé Paul Boisson, le nouvel aumônier de l’hospice de Saint-Fulgent, ancien professeur d’histoire au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers. Cela faisait des années qu’il faisait des recherches sur le canton. Il avait déjà rencontré à Linières mon père en 1964, et il accumulait les informations sur le passé du château de Linières. Il a, avec l’aide de Jean Caillé, photographe-bijoutier dans le bourg de Saint-Fulgent, collecté les rares photos et cartes postales possédées par des particuliers des environs. Les prêteurs de photos pour l’exposition de Montrouge ont été des personnes de Saint-André et de Saint-Fulgent.

Pour élever ses enfants et suivre son mari en Allemagne et en Suisse, elle a arrêté son activité professionnelle. Puis plus tard, revenue à Paris et disposant de temps pour elle, elle a repris ses études en Histoire de l’art, obtenant un D.E.A. Surtout elle a effectué des recherches sur Amaury-Duval et soutenu une thèse de doctorat à l’Université de Sorbonne-Paris IV, en 2005-2006, portant sur l’homme et l’œuvre.

Elle est la première en France à avoir poussé aussi loin l’étude d’Amaury-Duval. Sa thèse constitue la référence désormais sur le sujet. Déjà, le livret de l’exposition de 1974, constituait « la présentation la plus complète que nous connaissons du peintre et de son œuvre » (page 231 de mon livre).

C’est sans connaître les travaux de sa thèse de doctorat, dont j’ai trouvé trace sur le réseau internet quelques mois après la parution de mon livre, fin 2009, que j’avais commencé mes propres recherches sur les châtelains de Linières en 2006, et donc sur Amaury-Duval. Sa thèse (555 pages avec le catalogue de nombreuses photos des œuvres) va beaucoup plus loin que mon livre sur tous les plans : l’homme, sa famille, ses amis, ses voyages, son activité de peintre et de dessinateur, son œuvre et les décorations du château de Linières. Dommage que sa thèse ne soit pas disponible facilement !

L’abbé Boisson avait décrit depuis longtemps les quatre motifs non signés sur les quatre murs de la salle du café Trotin :
-        Mur de droite en entrant : une gerbe debout d’où sortent quelques coquelicots. Une faucille est passée dans le lien. Deux oiseaux, l’un au pied de la gerbe, l’autre la survole.
-        Mur opposé à la porte d’entrée : une corvette (2 mats) qui fait songer aux voyages sur mer d’Amaury-Duval (ou un brigantin, ou un brick).
-        Mur de gauche : le motif est marqué entièrement dans sa partie inférieure, un vase de fleur.
-        Mur de l’entrée : une bouteille de vin rosé et un verre, entourés d’une couronne de pampres avec feuilles et raisins.

Selon M. Trotin, qui le tient de ses beaux-parents, ces peintures étaient l’œuvre d’Amaury-Duval, qui prenait pension au café et qui les avait faites en paiement de sa pension. Cette note de l’abbé Boisson dans ses papiers conservés est suivie de son appréciation : il n’y croit pas, connaissant lui aussi la fortune du peintre (2).

Véronique Noël-Bouton-Rollet a vu les photos des peintures du café Trotin dans mon livre et a pu ainsi me donner son opinion.

Parmi les élèves qui ont aidé Amaury-Duval à Linières, la réflexion conduit à privilégier ceux qui l’ont fait au tout début. On sait en effet que le nouveau château fut construit rapidement et que les élèves et amis purent y être logés, sans qu’il soit nécessaire d’aller prendre pension dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, chez M. Trotin. En revanche, pendant la construction, on sait aussi que Marcel de Brayer et Amaury-Duval durent habiter provisoirement dans une ancienne dépendance du château, l’ancien château ayant été démoli pour construire le nouveau. Il parait alors probable qu’un de ces élèves, venu aider à préparer les décorations du château, a été logé au café Trotin. On explique facilement le geste du peintre par une reconnaissance amicale envers le propriétaire des lieux. En effet, ce peintre était l’invité de Marcel de Brayer. Avec son importante fortune et son éducation d’homme du monde, on voit mal ce dernier ne pas assurer lui-même les frais d’hébergement de son invité. L’habituel cliché de l’artiste « sans le sou » qui paie son loyer en donnant des œuvres à ses créanciers, n’est pas de mise sur le domaine de Linières.

Qui sont ces premiers invités, dont l’un d’entre eux aurait pu témoigner ainsi de son amitié envers M. Trotin ? L’universitaire cite deux noms : Froment et Cesson. Nous ne pouvons pas aller plus loin dans l'investigation, mais qui sont-ils ?

Jacques Victor Eugène Froment-Delormel (1820-1900)


Peintre de compositions mythologiques, sujets religieux et allégoriques, scènes de genre, dessinateur, illustrateur, il eut pour maître Pierre Jules Jolivet, Paul Lecomte et Amaury-Duval. Il se fixa à Autun en 1846. Puis, revenu en région parisienne, il installa son atelier boulevard Montparnasse, le partageant avec Alfred Gobert et Philippe Mariller. Il collabora à la manufacture de Sèvres de 1855 à 1886. Il figura au salon de Paris de 1842 à 1880.

Toute sa vie il resta fidèle à l’enseignement de son maître Amaury-Duval, « son véritable père en art ». Il hérita dans le testament de son maître de la charge, avec Geffroy, de classer ses dessins, de choisir ses œuvres et d’en organiser la ventilation tant auprès d’amis que de musées. Sa fille fit don des papiers des familles Guyet et de Brayer conservés par Amaury-Duval, ainsi que ceux du peintre lui-même, à la société éduenne d’Autun.

Victor Étienne Cesson (1835-1902)


Élève et ami de Amaury-Duval, il a commencé à exposer en 1864 au salon de Paris. Il travailla avec son maître aux décorations de l’église de Saint-Germain-en-Laye et aux peintures du château de Linières. Sa personnalité s’est un peu effacée derrière celle du maître qui le considérait comme le meilleur de ses élèves. Il aida de la même façon Puvis de Chavannes au cours de quelques un de ses grands travaux. Cesson a peint des paysages et des portraits.

S’étant lié d’amitié avec son maître, il participa à sa vie familiale et se lia aussi avec Marcel de Brayer. Avec ce dernier il voyagea en Italie et en Orient. Dans ses lettres à L. de La Boutetière à la fin de sa vie, il a des paroles émouvantes concernant ses souvenirs de Linières.
Son œuvre reste assez méconnue.


(1) En 1777, un Trotin, déjà, tenait un café dans le bourg de Saint-André [Archives de Vendée, minutier ancien des notaires des Essarts, étude (A), Louis-Marie Landais, 3 E 13 1-7, accessible par internet vue 7 et 8/66].
(2) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 32-4, préparatifs de l’exposition Amaury-Duval de Montrouge en 1974.


Emmanuel François, tous droits réservés
Juillet 2010, complété en mars 2024

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