dimanche 2 novembre 2014

La chapelle et la métairie de Fondion à Saint-André-Goule-d’Oie

Gauthier de Bruges

Nous connaissons l’existence d’une chapelle à Fondion par le pouillé de l’évêché de Luçon publié en 1860 par l’abbé Aillery (page 86). Elle est notée au temps le plus ancien (début du 14e siècle) de l’évêque de Poitiers, Gauthier de Bruges, avec cette indication latine : « capella Fons Guion ». Ce nom suggère qu’à l’origine une source d’eau y surgissait, à laquelle on a donné le nom de Guion. Une fontaine intarissable à environ 800 m des maisons, était maçonnée d’une manière ancienne et étroite en 1964, selon l’abbé Boisson. Au 18e siècle les documents indiquent qu’il s’agit de la chapelle Saint Laurent, annexe du prieuré de Saint-André-Goule d’Oie, qui n’existe plus, est-il écrit par l’abbé Aillery en 1860.

Dans un aveu fait au baron des Essarts par le seigneur du Coin, suzerain de Fondion, on lit que ce tènement était bordé par la forêt de l’Herbergement, les terres des Landes Borgères (Vendrennes) et le tènement des Gâts (1). Les recherches dans le chartrier de la Rabatelière, et plus précisément dans les archives de la seigneurie de Languiller (Chauché), nous en apprennent plus sur cette chapelle.

Le mémoire du nouveau seigneur de Languiller vers 1680


Nous y découvrons un « mémoire pour la présentation de la Chapelle de Fontguyon située dans la paroisse de St André de Gouldois » (2), sans indication d’auteur ni de date. Au style de langage adopté, on pense que c’est un notaire ou un avocat qui a dû le rédiger, conseil du seigneur de Languiller et du Coin, Philippe Chitton. Ce dernier a acheté cette seigneurie en deux étapes : 1671 et 1674. A l’époque le Coin s’appelait le Coin Foucaud. Le texte du mémoire pourrait être daté probablement dans les années 1680. Pourquoi ce mémoire ?

Languiller
Philippe Chitton a pu juger que les propriétaires de Languiller avant lui, avaient géré leur bien avec un certain laisser-aller. Les nombreux procès qu’il a intentés aux quatre coins de Saint-André-Goule-d’Oie et ailleurs contre ses vassaux, montrent une volonté déterminée à faire valoir ses droits. Peut-être avait-il raison après tout, même si dans certains cas il nous semble avoir montré un esprit teinté d’arrogance. Il faut dire qu’avant lui la situation avait été instable. En 1650, Maximilien Eschallard avait vendu Languiller et le Coin à Pierre Le Geay, seigneur de la Getière (Saint-Georges-de-Montaigu). En 1666, ce dernier les avait revendus à René Langlois, seigneur de la Verrie, et gendre du seigneur de Linières. Pour des raisons inconnues, cette dernière vente fut annulée en 1670. C’est alors que les héritiers de l’épouse de Pierre Le Geay, revendent Languiller et le Coin à Philippe Chitton. L’un, Raxel Davy en 1671, l’autre Esther Le Nain en 1674.

Philippe Chitton était fils de Jacques Chitton, qui fut échevin et maire de Niort, emploi qui lui valut d’accéder à la noblesse. Philippe Chitton dut encore verser en deux fois (1667 et 1692) 3  500 livres au trésor royal pour jouir des privilèges de la noblesse, qui lui furent confirmés par Meaupou en 1700. Comme une partie de sa famille il avait été protestant, mais il abjura. Il acheta vers 1685 l’office de Grand Prévost de Poitiers et de la Rochelle, fonction de nature policière que possédait son prédécesseur Pierre Le Geay. En 1694 il était capitaine au régiment de Bellegarde-cavalerie. En 1665 il avait épousé Bénigne de la Bussière, fille du seigneur de la Vrignonnière (Essarts). Tel était le nouveau seigneur de Languiller et du Coin.

Parmi les privilèges de la noblesse, il y avait ceux qui relevaient de « l’honneur », tel le droit de présentation à un bénéfice ecclésiastique. Le seigneur de Languiller voulait choisir le titulaire de la chapelle de Fondion, présenté ensuite à l’évêque de Luçon qui nommait. Il possédait ce droit, pensait-il, parce que la chapelle était située dans la mouvance de sa terre du Coin, lui reconnaissant un statut de fondateur. Or les fondateurs avaient droit de présentation. Mais l’évêché n’était pas d’accord.

Rappelons-nous que le même Philippe Chitton imposa un droit de sépulture au profit de sa famille dans la chapelle Begouin à Chauché, se comportant de manière cavalière (3) à cette occasion.

La chapelle de Fondion au 17e siècle et la position de l’évêché de Luçon


À cette époque de la fin du 17e siècle, le prieur de Saint-André et ses vicaires célébraient le culte dans cette chapelle de Fondion, celle-ci étant « nombreuse en paroissiens », prétend l’auteur du mémoire. On voit dans un texte de 1600, que le prieur de Saint-André est désigné : « le prieur de Saint-André et de Fondion » (4). L’abbé Boisson, a laissé des notes personnelles d’une visite des lieux qu’il fit le 10 août 1964. Voici ce qu’il écrit concernant l’emplacement de la chapelle : « les deux fenêtres du grenier du bâtiment central, et les assises en gros appareil, visibles entre les deux portes, désignent nettement l’ancienne chapelle du prieuré ». Il n’indique pas de quel bâtiment central il s’agit (5). Amblard de Guerry, qui l’accompagnait lors de cette visite, a laissé des notes plus précises sur sa visite des lieux : « l’une des maisons actuelles semble être l’ancienne chapelle. La façade sur la cour, reste de base de granit. À l’étage 2 fenêtres très étroites, la porte semble récente. Façade sur la prairie : 2 fenêtres semblables, une seule ouverture, une grande porte centrée, bouchée, dont on devine l’arc. Les fermiers affirment pourtant que ce n’est pas la chapelle. La fontaine de l’Auber (Aubière ?) en lisière de forêt de l’Herbergement, ne tarit jamais. Petite fontaine maçonnée avec marzelle au ras du sol. De là sort le ruisseau de l’étang de Fontguion. » (6).

La chapelle et la métairie de Fondion formaient une même tenure, propriété concédée au prieuré de Saint-André depuis un « temps immémorial ». On a vu la sœur du curé de Saint-André être marraine d’enfants de la métairie de Fondion, comme les propriétaires avaient l’habitude de le faire autrefois.

Évêché de Luçon
Dans cette situation, l’évêché ne voyait pas de raison de changer. Il n’existait pas de nomination d’un titulaire à cette chapelle, celle au prieuré de Saint-André en tenant lieu. D’autant que « dans les archives de l’évêché il n’y a point de présentation faite par les seigneurs de Languiller de ladite chapelle », précisait-on à Luçon.

Les arguments de Philippe Chitton


Fondion
Philippe Chitton n’est pas le premier à avoir réclamé une reconnaissance du prieur de Saint-André pour Fondion. En 1592, le prieur en titre de Saint-André est Denis Suandeau « prêtre prieur de Saint-André-Goule-d’Oie et chapelain de la chapelle de Fonguyon ». Les Assises de Languiller lui demandent cette année-là de fournir sa déclaration roturière dans un délai d’un mois pour Fondion, tenu à 3 deniers de service annuel (7).  Puis dix fois ensuite, de 1600 à 1626, le prieur est relancé par le tribunal au sujet de Fondion.

Parmi les arguments du seigneur de Languiller pour ressusciter le droit de présentation, le principal tient au régime féodal du lieu de Fondion. On lit dans un aveu de 1550 de la seigneurie du Coin, fief suzerain de Fondion, alors propriété du seigneur de Belleville (8) que « le lieu, métairie et tènement de Fonguyon…  avec la chapelle et l’étang … a depuis été baillé à franche aumône (libéralité envers l’Église) au prieur-curé de Saint-André à la charge audit prieur curé de Saint-André d’entretenir la dite chapelle et d’y dire et célébrer par chacune semaine trois messes en silence (messe basse) ». Cette situation ainsi décrite en 1550 était née bien avant, mais nous ne disposons pas de document pour dater son origine, probablement au Moyen Âge. Un autre argument de Philippe Chitton tente de fragiliser la position de l’évêché : « si on ne trouve pas de présentations des seigneurs de Languiller, elles ont pu se perdre par le laps du temps ».

Le seigneur de Languiller pouvait être considéré comme le successeur du fondateur de la chapelle, c'est-à-dire celui qui l’avait construite sur son terrain, avec une métairie concédée en même temps, dont les revenus devaient faire vivre un desservant et financer l’entretien du bâtiment. Cela donnait au donateur et à ses successeurs un droit de patronage, comme on disait à l’époque. Or celui-ci comportait le droit de présenter à l’autorité ecclésiastique compétente le religieux à nommer comme chapelain. Les conditions de la fondation définies dans ses titres étaient imprescriptibles, sauf renonciation. Il semble bien que dans le cas de la chapelle de Fondion, les titres avaient disparu, tant du côté de la seigneurie de Languiller que du côté de l’évêché. L’aveu cité ci-dessus n’engageait pas l’Église.

Vu d’aujourd’hui cette législation parait étrange et mérite une explication. Après la période d’évangélisation du Bas-Poitou, on avait d’un côté les autorités ecclésiastiques qui nommaient les prêtres, mais qui n’avaient pas d’églises, prêchant par ailleurs la pauvreté. D’un autre côté on avait des seigneurs possédant toutes les terres, qui concédaient des domaines à des abbayes, mais qui aussi se mirent à construire des églises eux-mêmes, voire à organiser des paroisses. On avait d’un côté le spirituel, et de l’autre le temporel, dont il a fallu définir le mode de coopération entre eux, d’où la naissance du droit de patronage que nous avons évoqué, où le propriétaire de l’église concède sa possession à un prêtre bénéficiaire nommé par l’évêque ou l’abbé.

Charlemagne
On trouve cette préoccupation de concilier le spirituel et le temporel par exemple dans le programme élaboré par Charlemagne à l’ordre du jour de l’assemblée générale du peuple, ou plaid général, pour l’année 811 (9), ainsi rédigé : « On leur demandera en quoi et en quels lieux les laïques sont gênés par les ecclésiastiques et les ecclésiastiques par les laïques dans l’exercice de leurs charges. Et à ce propos devra être discutée et résolue la question de savoir dans quelle mesure un évêque ou un abbé doit se mêler des affaires séculières et un comte ou un autre laïque des affaires de l’Église. Ce qui conduira à scruter le sens de cette parole de l’apôtre : « qu’aucun membre de la milice de Dieu ne se mêle des affaires séculières », et aussi de déterminer à qui cette parole s’applique ». On voit ici à la fin du texte l’arrière-pensée de Charlemagne cette année-là, visant davantage à remettre les ecclésiastiques à leur place.

Des résolutions des conciles et des lois civiles encadrèrent les droits des uns et des autres en la matière, et nous n’avons pas la prétention ici de trancher en droit dans la querelle initiée par le seigneur de Languiller à l’égard de l’évêché de Luçon dans les années 1680. D’autant que la situation était compliquée, car la chapelle de Fondion était annexée en pratique à un prieuré pour lequel le seigneur de Languiller n’avait aucune prérogative de présentation, celle-ci étant alors dévolue à l’abbé de Nieul-sur-l’Autise.

L’auteur du mémoire était-il un ancien protestant souffrant d’un syndrome de persécution ? Il rappelle « que étant rentré dans l’Église et en faisant sincèrement profession, comme il est vrai qu’il fait, lui et monsieur de Languiller son fils, il doit rentrer dans tous ses droits par la déclaration du roi  ». « Ayant fait profession de la R.P.R. (abréviation couramment employée alors pour désigner la Religion Prétendument Réformée, c'est-à-dire la religion protestante), leur droit a dormi pendant ce temps-là, comme étant hors de l’Église », et « qu’il a lieu de se plaindre de la même Église, si y étant rentré, elle le veut priver, ou au moins lui disputer le droit commun dont jouissent les autres nouveaux convertis. »

Au chapitre des sous-entendus on trouve un développement intéressant. Le prieuré de Saint-André-Goule d’Oie était à la nomination de l’abbé de Nieul-sur-l’Autise, cette abbaye étant fondatrice du prieuré. Pierre Moreau, prieur-curé de Saint-André, avait voulu changer ce droit au profit de l’évêque de Luçon, mais il fut obligé de le reconnaître par transaction passée avec l’abbé de Nieul le 30 décembre 1653. En réalité l’abbé nommait à cette époque des prêtres séculiers rattaché à un diocèse, et non pas un religieux régulier, un moine, comme il en avait le droit. Alors le seigneur de Languiller garantissait le choix d’un prêtre séculier par sa présentation à l’évêché, et ainsi la chapelle ne rentrerait pas dans l’orbite de l’abbaye de Nieul ! On était en pleine crise de vocations des prêtres à cette époque dans le Bas-Poitou. On n’a pas dû être ému à l’évêché de Luçon par la promesse, quand on sait qu’au début du 18e siècle, le pouvoir de nomination de l’abbé de Nieul passa aux évêques concernés, sans l’aide du seigneur de Languiller.

Daumier : gens de justice
Autre sous-entendu intéressant. Le futé jurisconsulte précise clairement : « je peux faire des accommodements qui n’affaibliront point le revenu de la cure par des moyens que je connais On fera valoir la cure de St André au-dessus de la pension congrue ». On sait que la pension congrue était le montant de pension dévolu à un curé desservant pour vivre, le reste des revenus de la cure, s’il existait, remontait à l’évêché ou l’abbaye. Mais l’auteur du mémoire n’en dit pas plus, et à plus de trois siècles de distance il nous est difficile de deviner ses « accommodements ». L’argent comme argument, l’attitude parait étrange dans ce type d’affaire et affaiblit les autres,du moins vu de maintenant. Et puis il y eut des menaces, qui peuvent porter quand les dossiers sont solides, mais produisent l’effet inverse dans les cas contraires. Le seigneur de Languiller « est absolument résolu à pousser son droit ». Il « n’est pas d’un caractère à recevoir un refus d’une chose si légitime qu’on ne ferait pas au moindre gentilhomme du diocèse. Et qu’à mon égard un refus ne peut pas plaire ». Il reste que l’aveu du Coin du 2 juillet 1605 aux Essarts précise bien l’obligation de nommer le prieur de Saint-André à cette chapelle : la chapelle avait été donnée aux prieurs à la charge de l’entretenir.

Le prieur de Saint-André-Goule-d’Oie ne se laissa pas impressionner par le seigneur de Languiller. Le 30 août 1700, sur assignation, comparut aux Assises (tribunal seigneurial) de Languiller, Pierre Lemaçon, « prêtre prieur curé commandataire de Saint-André-Goule-d’Oie ». Le procureur lui demanda sa déclaration roturière pour Fondion et d’en payer les droits. Pierre Lemaçon en retour demanda que lui soient notifiés et déclarés, à ses frais, les devoirs qui peuvent être dus sur Fondion à Languiller et qu’il est prêt à payer. Mais le bénéfice de Fondion est lié au prieuré, prétendit-il, dont le titulaire n’est pas obligé de présenter une déclaration à Languiller. Le procureur fiscal rétorqua que le prieur n’avait pas justifié de son droit sur le lieu, bénéfice et chapelle de Fondion. Le juge décida que les parties devaient alors se pourvoir auprès du sénéchal de Fontenay, compétent pour régler les litiges au sujet des droits de présentation à Languiller (10). On ne sait pas si la sénéchaussée de Fontenay fut saisie.

Des présentations conflictuelles à la chapelle de Fondion 


Dans un inventaire des titres et papiers du prieuré de Saint-André-Goule d’Oie, effectué le 30 octobre 1787, il est mentionné « un dossier contenant prises de possession de la chapelle de Saint Laurent alias de Fonguion » (11). On y présente les pièces du dossier, mais pas leurs textes malheureusement. Néanmoins on découvre que Philippe Chitton imposa son droit de présentation à l’évêché. Il présenta en mai 1699 Pierre Derotrou. Ancien prieur-curé de Saint-André-Goule d’Oie, celui-ci venait d’être nommé curé de Vendrennes. Mais il refusa la proposition du seigneur de Languiller. Alors Charles Auguste Chitton, fils de Philippe, présenta un clerc tonsuré, Philippe Jacques Viaud, qui fit sa prise de possession le 20 septembre 1701. Mais le nouveau prieur-curé de Saint-André, Pierre Lemaçon, contesta cette nomination, auprès de l’évêque. C’est que la nomination le privait des revenus revenant au prieuré. On aimerait découvrir le dossier de ce procès.

À voir ce qu’est devenue la seigneurie de Languiller après la mort de Charles Auguste Chitton vers 1735, on pense que ce droit de présentation tomba à nouveau en désuétude. Languiller fut vendu en 1745 au châtelain de la Rabatelière qui était un négociant nantais.

Les donations au prieur-curé de Saint-André


Voilà bien une querelle qui parle plus du zèle d’un parvenu de la noblesse pour faire reconnaître ses droits, et des mœurs du temps, que de la chapelle de Fondion elle-même. Mais le seigneur de Languiller possédait toujours des droits seigneuriaux sur les terres de Fondion, et la chapelle faisait partie des biens immeubles du domaine, comme il ressort de l’aveu du Coin à la baronnie des Essarts. Le même seigneur de Languiller, propriétaire de la seigneurie du Coin, pouvait exiger la poursuite du service religieux dans cette chapelle, suivant les conditions prévues dans le titre de fondation.

En parcourant l’aveu de la seigneurie du Coin Foucaud, dont la mouvance s’étendait sur près de 70 % de la paroisse de Saint-André, on voit d’autres donations seigneuriales au profit du prieuré :
-       ➤ un moulin à vent moyennant une redevance seigneuriale de deux sols de cens par an,
-       ➤ une borderie de 5 ha dans le bourg de Saint-André
-       ➤ la moitié des dîmes d’agneaux, veaux, pourceaux et laines, et des terrages sur le lin à la Bergeonière et un tiers des dîmes aux villages du Coin et du Peux,
-       la moitié des droits de terrages de la Bergeonnière, qui étaient au 1/8e des récoltes,
-      ➤ le tiers des droits de terrages au 1/6e des récoltes du village du Pin. Au début du 18e siècle il perdit ce droit au profit du curé de Chauché. D’ailleurs le prieur-curé des Essarts percevaient aussi des rentes, comme à la Chevaleraye, de 6 boisseaux par an en 1550.
       ➤ diverses rentes totalisant 149 boisseaux de seigle, dont 112 boisseaux prélevés sur les teneurs du Fief du Prieuré, situé près de la Brossière, Fondion et les Gâts.
Le curé de Saint-Fulgent, lui, avait la concession du pré de la Motte ou de Coudrette, près de la Boutinière, moyennant de payer annuellement au seigneur du Coin quatre deniers de cens. Les ordres templiers percevaient des revenus dans la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, très probablement depuis le Moyen Âge et le temps des croisades. Ainsi à la Chevaleraye le commandeur de Launay à Sainte-Cécile (ordre de Malte), percevait en 1550 la moitié des dîmes sur « les bêtes porcines, bélines, veaux, naissant, croissant et régissant au village ». Le temple de Mauléon (autre commanderie d’hospitaliers appartenant à l’ordre de Malte), percevait la dîme des agneaux, veaux, pourceaux et laine sur les villages de la Ridolière, le Pin et le Gast.

Au total les menues dîmes et les terrages ne représentaient pas un revenu important pour le prieur de Saint-André. En revanche on peut estimer à 200 livres par an les revenus tirés du moulin et de la borderie, et à près de 100 à 150 livres ceux tirés des rentes à la veille de la Révolution. Mais la plus grosse partie des revenus venait de la métairie de Fondion : 400 livres. Ces revenus particuliers s’ajoutaient au droit de boisselage et de grosse dîme sur les céréales, qui étaient des impôts prélevés au bénéfice exclusif de l’Église.

La métairie de Fondion


    Dans les archives de la paroisse on trouve le nom le plus ancien du métayer de Fondion en 1671, François Brochard, dans un bail de 3 ans. Il a été remplacé par Pierre Cougnon en 1675, et on trouve ensuite un nommé Gréau en 1682 (12).

     En 1742 le prix annuel en argent de la ferme était de 200 livres. Il a donné lieu à un litige en 1747 entre l’ancien (Vitet) et le nouveau prieur (Musset), qui se sont heurtés sur le partage de la ferme de l’année en cours commençant à la Saint-Georges au moment de la transmission du prieuré (13). Les métayers s’appelaient René Ripaud et sa femme Marie Gilbert avec leurs enfants Jean, François et Louis. Leur bail de 6 ans (1747-1753) fut renouvelé pour 5 ans (1753-1758), moyennant le prix annuel de 250 livres par le prieur Musset. Il précise, suivant l’usage, que les preneurs paieront les cens et devoirs dus à cause du lieu, que nous savons faibles, à la seigneurie de Languiller. Mais le texte ajoute une précision : les devoirs comprennent une rente seconde foncière de 8 boisseaux de seigle due au seigneur des Essarts. Les menus suffrages du bailleur sont la fourniture d’un cochon de lait de l’âge de 6 semaines, et le droit de prendre 2 charretées de landes dans les landes des lieux pour son usage (14).

Ce bail a dû être renouvelé car nous avons un autre bail en date du 2 mai 1764 pour 5 ans (1764-1769), moyennant le prix annuel de 270 livres, conclu avec « François et Louis Ripaud frères, faisant tant pour eux que pour Marie Seillier et Marie Brosset leurs femmes, et autres de leur communauté ». Le notaire Thoumazeau, en même temps régisseur de la Rabatelière, celle-ci possédant alors la seigneurie de Languiller, écrit dans l’acte : « la métairie de Fondion, faisant partie du revenu et temporel du prieuré de Saint-André comme annexe d’icelui ». Voilà qui marque bien la fin des chicaneries de l’ère Chitton. En revanche on ne comprend pas bien pourquoi la rente due au seigneur des Essarts est passée de 8 à 14 boisseaux. Il est noté que le bétail de la métairie appartient en totalité aux preneurs (15). Ce bail fut reconduit avec les mêmes métayers, mais on voit François Ripaud et sa femme Marie Seiller prendre à ferme pour 3 ans une borderie au Clouin en 1774, étant métayer sortant de Fondion. Puis il retourne à Fondion, car il signe un nouveau bail de 5 ans (1779-1784) le 10 avril 1778 avec le prieur Chevreux, qui, lui, n’avait pas changé (16). Le montant annuel de la ferme est de 400 livres, et si nous n’avons pas trace dans les baux de la raison du départ et du retour de François Boudaud à Fondion, le nouveau prix nous donne un indice probable d’explication. 

Fondion près la forêt de l’Herbergement
    C’est un prix élevé. Pour apprécier ce montant, une comparaison avec la métairie de la Racinauzière, propriété alors du châtelain de la Rabatelière, peut nous y aider. Presque à la même date, la Racinauzière se louait 345 livres, mais en rapportait 450 à son propriétaire, en ajoutant les droits seigneuriaux qui lui revenaient. En 1659, elle comprenait environ 40 hectares, dont 5 ha de prairies naturelles et 5 ha de pâtis et landes. Cette surface n’avait probablement pas bougé près d’un siècle plus tard. La métairie de Fondion ne supportait pas de droits seigneuriaux importants, ayant été donnée à franche aumône au prieuré de Saint-André, sinon un cens de valeur symbolique et une faible rente en seigle. Or on a pu constater que le montant des fermes tenait compte de celui des redevances seigneuriales supportées toujours par le métayer. Ainsi pour une comparaison avec la Racinauzière il faut diminuer la ferme de Fondion d’environ 90 livres. On obtient une valeur de ferme de 310 livres, qu’on peut comparer à celle de la ferme de la Racinauzière. L’implantation des deux métairies près d’un ruisseau leur donne une part des surfaces humides propices à l’élevage rémunérateur, probablement égale. La différence de prix pourrait en fin de compte tenir à la surface totale, plus petite à Fondion. On peut ainsi avancer l’hypothèse de 35 ha. 

     Les clauses du bail sont celles qu’on retrouve sous la plume des notaires de Saint-Fulgent à cette époque, sur l’entretien des haies et des prés, la taille des arbres, les conditions de la fin du bail. Tout juste note-t-on un détail intéressant pour l’époque : les preneurs referont les toitures des bâtiments en tant que de besoin une fois dans le cours du bail, « tant de tuiles que de bourrée ». En guise de menus suffrages, le prieur a la liberté de prendre chaque année « pour son usage seulement, le nombre de charretées de landes qu’il jugera à propos ».
      Quant à la chapelle, nous allons la retrouver à cette époque, mais dans un triste état.

La fin officielle du service divin à la chapelle de Fondion en 1786


Charles Combes : Chapelle
Nous sommes en 1786. Depuis trois ans un nouveau curé œuvre au prieuré de Saint-André, choisi et nommé par l’évêque de Luçon, Louis Marie Joseph Allain. Vicaire à 24 ans, il avait 32 ans en arrivant comme prieur-curé de Saint-André-de-Gouldois, comme on écrivait à l’époque. En septembre 1784, la fabrique de la paroisse change de titulaire : Jean Bordron, après vingt années de services, passe la main à Louis Loizeau fils, du Coudray. En décembre 1784, le prieur fait décider par l’assemblée des habitants de la paroisse la création d’une grange au presbytère et des réparations de la charpente de l’église et des boiseries de l’autel (17). La chapelle de Fondion, elle, est en ruines et n’est plus utilisée pour le culte. Les prieurs précédents ont visiblement négligé son entretien.

Le seigneur de Languiller a changé. Le petit-fils de Philippe Chitton, Charles Louis Chitton, avait vendu la seigneurie de Languiller en 1745 à un négociant nantais, Montaudouin, avec d’autres seigneuries : les Bouchauds et la Ramée (Essarts) et de celle du Coin Foucaud (Saint-André-Goule d’Oie). Ce dernier avait aussi déjà acheté, entre autres, la vicomté de la Rabatelière et la seigneurie de la Chapelle Begouin (18).

Entre René de Montaudouin et le prieur Allain des discussions vont s’engager pour acter officiellement la fin de la chapelle de Fondion, et mettre le droit en conformité avec la réalité. Cela veut dire que le nouveau seigneur de Languiller renonça, en qualité de fondateur de la chapelle et métairie de Fondion, à « faire rétablir et mettre en état d’y célébrer le service divin et d’y dire trois messes par semaine, ayant ladite chapelle et métairie été données à cette charge et de l’entretien d’icelle par les titulaires ». Ce n’est pas le seul cas semblable dans la région. La chapelle Begouin à Chauché fut démolie par la municipalité de Chauché en 1792, peut-être à cause de son état, même si les révolutionnaires locaux ont fait du zèle anticatholique. À cette date, le seigneur n’avait plus son mot à dire. La chapelle du prieuré de l’Oiselière à Saint-Fulgent fit l’objet d’une délibération en 1787 de la chambre ecclésiastique de Luçon (le propriétaire) pour présenter une requête à l’évêque afin d’obtenir sa suppression. Elle était « d’un entretien considérable et presque d’aucune utilité ».

Sans doute bien conseillé, le curé de Saint-André a donc voulu lever l’hypothèque que représentait l’existence d’un régime de fondation seigneuriale sur cette chapelle abandonnée. S’il avait attendu un peu l’année 1789 !

Toujours est-il que l’accord entre le seigneur de Languiller et le prieur de Saint-André se conclut dans une transaction écrite, signée par eux, du 17 septembre 1786 (19), qui est un modèle pour ce type d’acte. On y expose les revendications des deux protagonistes, leurs concessions et les motivations de chacun d’eux, ainsi que leur engagement à clore définitivement le litige. C’est tellement bien rédigé qu’un  doute vient à l’esprit.

Ainsi le prieur de la paroisse dans sa concession au seigneur de Languiller, lui abandonne un droit de dîme qu’il aurait sur la métairie de la Mancellière (Saint-André-Goule-d’Oie) appartenant au premier. Sauf qu’elle n’était pas perçue longtemps (elle l’était en 1700 dans les comptes du prieuré conservé dans les archives de la paroisse), et qu’il avoue n’avoir pas de titre. Ainsi le seigneur de Languiller concède qu’il aura bien du mal à exiger la remise en état de la chapelle. Par ailleurs, où était l’intérêt de cet habitant de Nantes à exiger la pratique du culte à Fondion ? Soit les concessions sont réelles et nous avons là deux bons négociateurs qui ont su aboutir à un arrangement qui vaut tous les procès. Soit les concessions ont été montées en épingle à partir d’une réalité vraisemblable mais de faible consistance, pour constituer un accord équilibré et donc inattaquable. Dans ce cas, ce sont les rédacteurs de l’acte qu’il faut féliciter.

Cette intelligence n’a pas pu anticiper néanmoins les bouleversements imminents de la Révolution française. La constitution civile du clergé des 12 juillet et 24 août 1790, en supprimant tous les bénéfices ecclésiastiques, autres que les évêchés et les cures devenant électifs, a rendu sans objet le droit de patronage.

Les changements de la Révolution


Indiquons que la métairie de la Mancellière, restée la propriété d’un membre de la famille Montaudouin accusé d’émigration, fut vendue comme bien national à Louis Merlet, révolutionnaire bien connu de Saint-Fulgent, le 21 mai 1798 pour 50 000 F.

La métairie de Fondion fut vendue, par adjudication au district de Montaigu, comme bien national pour 12 000 livres le 28 février 1791 à René Robin de Sainte-Florence, comprenant la chapelle en ruine. Le nouveau propriétaire conserva la famille de Jean Guesdon avec sa femme Suzanne Larché comme métayers dans un premier temps. Un an plus tard il divisa la métairie en deux parties égales pour faire deux baux distincts. Le premier fut attribué à Jean Guesdon et le deuxième à un bordier venant de Mouchamps, René Chaignoleau avec sa femme Marie Roger. Chacun des deux baux fut conclu moyennant une ferme de 280 livres (20). Il est difficile d’apprécier l’importance réelle de cette hausse à cause de l’inflation de l’époque. Ne serait-ce qu’en rapprochant le revenu annuel total de 560 livres avec le prix d’achat de la métairie pour 12 000 livres de l’année précédente, on comprend que la situation n’est pas stable, même si des doutes existent parfois sur la rigueur des adjudications pratiquées.

En plus des clauses habituelles rencontrées dans les baux rédigés par les notaires de Saint-Fulgent, on remarque quelques particularités. Le bailleur se charge de payer chaque année les rentes et devoirs de toute nature, mais les preneurs paieront la contribution foncière. Celle-ci était nouvelle et remplaçait la taille, impôt royal qui avait toujours été payé par les métayers. Quant aux rentes et devoirs de toutes natures payées par le bailleur (redevances seigneuriales et autres rentes foncières), l’engagement est inhabituel, les propriétaires continuant généralement à les mettre à la charge des métayers. Et quand les redevances féodales furent effectivement supprimées à partir de 1793, ils augmentèrent les prix des fermes pour récupérer cet avantage. La générosité de René Robin n’est donc qu’apparente, puisque la métairie ne supportait presque pas de redevances seigneuriales. Autre particularité, René Robin n’a pas pu s’empêcher de restaurer à son profit la pratique générale des menus suffrages. Comme le prieur avant lui, il se réserve, en plus du prix de ferme, le droit de prendre 2 charretées de landes par année qu’il fera couper et qu’il ira chercher à ses frais. Mais il ajoute la charge aux preneurs de lui fournir chaque année 3 bottes de lin et 3 journées de charrois avec bœufs et charrettes à une lieue de distance de Fondion. L’estimation de ces menus suffrages, comme on les appelait, en est faible en argent : 18 livres. On se demande si en représentation du statut de propriétaire, cette valeur n’était pas plus importante. Ce statut fut consolidé par la Révolution, qui ne s’en est pris qu’aux nobles. Ces derniers avaient des privilèges, alors que la propriété fut érigée en droit de l’homme.

René Robin eut comme tout le monde à souffrir des combats de la Guerre de Vendée. En particulier la métairie fut en 1794/1795 administrée par le conseil de la commune de Saint-André (21). Ce conseil, ou comité, royaliste, de la commune était en place depuis avril 1793. C'est probablement lui qui  donna un certificat à Mme Duvigier, l’épouse de Charles de Lespinay, propriétaire de Linières, le 15 floréal an 3 (4 mai 1795) (22). Nous n’avons pas de documentation le concernant, mais on sait que le règlement de l’armée du Centre des révoltés vendéens, commandée par Royrand, adopta un règlement le 4 avril 1793 applicable à Saint-André. Celui-ci prévoyait de remplacer les municipalités en place par des comités, dont les membres « seront élus par acclamation et non par scrutin » parmi ceux qui n’ont point pactisé avec la Révolution. Les comités devaient constituer une compagnie de soldats et désigner son capitaine. Puis ils eurent un rôle politique, comportant notamment l’établissement d’un état des biens des « soi-disant patriotes », à mettre sous séquestre, en symétrie avec la loi du 28 mars 1793 qui avait confisqué les biens des émigrés (23). Ces dispositions reçurent un commencement d’application à Saint-André pour la métairie de Fondion. Avec la défaite militaire des Vendéens René Robin recouvrit la disposition de cette métairie dans l’année 1795. 

Pour se faire payer sa ferme de l’année 1794 écoulée, s’était saisi de bestiaux appartenant aux métayers. Sauf qu’ils appartenaient aussi à moitié au prieur Allain, qui les louait aux métayers dans un bail à cheptel de fer conclu dans l’année 1795. Le prieur obtint chez le juge de paix une conciliation avec les métayers pour les faire enlever le 8 juillet 1796. En rétorsion, Robin fit citer le prieur devant le juge de paix du canton de Saint-Fulgent, le 17 juillet suivant (24). Cela s’est passé dans la courte période de deux années (de mi 1795 à mi 1797) où, sans avoir prêté le serment à la constitution civile du clergé, le prieur Allain a pu vivre librement avec la promesse du général républicain Hoche de ne pas l’arrêter. On voit à cette occasion que le prieur avait gardé ses habitudes à Fondion. Les baux à cheptel de fer désignaient les louages d’animaux n’appartenant pas aux métayers, distincts de la ferme de la métairie elle-même.

En 1799, René Robin, qui était alors agent municipal de Sainte-Florence (maire nommé par les autorités républicaines avec les mêmes opinions politiques), fit une réclamation fiscale à propos de la chapelle (25). Il écrivit au commissaire du directoire exécutif du canton de Saint-Fulgent, Benjamin Martineau. On apprend à cette occasion que la chapelle était toujours en état de ruine. Mais sa porte d’entrée avait été utilisée pour fermer une gerberie, construite autrefois en prolongement de la chapelle par un mur, pour la commodité des métayers. Robin a fait démolir la bergerie juste après son achat de la métairie, en a récupéré sa porte et les pierres, qu’il a fait transporter au hameau de l’Oie (25).

Indiquons enfin que c’est au cours du 18e siècle probablement que le mot de Fontguyon ou Fonguyon se transforma dans le mot d’aujourd’hui : Fondion. Ce dernier est repris en effet dans le courrier de 1799 évoqué ci-dessus.

Avec la construction des routes et la diffusion de l’acier dans la première moitié du 19e siècle, les terres du bocage bénéficièrent de chaux à un prix abordable produite dans des fours métalliques, pour amender leurs terres top acides. Les agriculteurs pouvaient en faire venir de Chantonnay ou de Saint-Vincent-Sterlanges en particulier. On ne sait pas quand le propriétaire de Fondion favorisa l’installation d’un four à Fondion, bénéficiant d’un approvisionnement en bois abondant aux alentours pour fournir l’énergie. 

En 1856 on voit en effet dans les comptes de la fabrique de l’église de Saint-André-Goule-d’Oie des fournitures de tuiles, briques et de barriques de chaux par un nommé Drapeau de Fondion, dit « Grand Bol ». Ces matériaux servirent à des travaux d’entretien dans la cure. La fabrique se fit servir aussi de chaux en plus cette année-là par un nommé Coulon de Saint-Fulgent pour des travaux dans l’église (26).  Le dernier recensement de population où apparaît Jean Drapeau, tuilier âgé de 64 ans, date de 1872, habitant dans une maison au lieu-dit du Chêne Coupé à Fondion (27).


(1) Note no 2 sur Fondion à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2.
(2) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 66, mémoire du seigneur de Languiller sur la chapelle de Fondion.
(3) Voir notre article publié sur ce site en janvier 2014 : Les droits seigneuriaux des nobles dans le fief de la Chapelle Begouin à Chauché
(4) 150 J/F 27, aveu du 25-2-1600 de Louis d’Avaugour pour le fief Bignon à la Brossière.
(5) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 76-1, lieux-dits de Saint-André-Goule d’Oie : Fondion.
(6) Notes no 10 et 11 sur Fondion à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.  
(8) 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud du 2 juillet 1605 recopiant un aveu précédent de 1550, fait par le seigneur de Languiller au seigneur des Essarts.
(9) Capitulaire T 1, no 71, cité dans L. Halphen, Charlemagne et l’empire carolingien, Éditions Famot à Genève (1976), page 113.
(10) Assise de Languiller en 1700, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 44, pages 27 et 28.
(11) Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule d’Oie : 139 G 3 et 4, inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule d’Oie.
(12) Livre des recettes du prieuré commencé en 1671, et Comptes de dépenses du prieur G. Guymont en 1673-1682, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 28, chemise IV.
(13) Lettre du 14-10-1747 de Gambier à Bretonnière Musset sur le revenu du bénéfice du prieuré de Saint-André, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 28, chemise IV.
(14) Bail du 21-4-1753 de la métairie de Fondion, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VIII.
(15) Bail du 2-5-1764 de la métairie de Fondion, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VIII.
(16) Ferme de la métairie de Fondion du 10-4-1779, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/123.
(17) Voir notre article publié en janvier 2013 sur ce site : La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle
(18) Voir notre article publié sur ce site en octobre 2013 : Les seigneurs de la Chapelle à Chauché
(19) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J, sgr de Languiller : G 66, transaction Montaudouin\prieur de Saint-André sur la chapelle de Fondion du 17-9-1786.
(20) Deux fermes de la métairie de Fondion du 28-1-1792 à Guesdon et Chaignoleau, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 132/132.
(21) Note no 8 sur Fondion à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2..
(22) Inventaire des certificats de résidence de Mme Duvigier entre décembre 1792 et juillet 1795, Archives de la Vienne, dossier Mme Duvigier/Lepinay : 1 Q 174 no 149.
(23) Claude Petitfrère, Conseils et capitaines de paroisse : des comportements démocratiques en Vendée ? Actes du colloque La Vendée dans l’Histoire, Perrin, 1994, page 67 à 80.
(24) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 73-1, justice de paix de Saint-Fulgent du 28 messidor an 4, acte de non conciliation entre Robin et Allain concernant des bestiaux sur la métairie de Fondion.
(25) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds Boisson : 7 Z 12 III, lettre du 9 prairial an 7 de de Robin à Martineau, et lettre de 11 prairial suivant de Martineau au commissaire du directoire départemental de Vendée.
(26) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie en 1856, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise V.
(27) Recensement de population à Saint-André-Goule-d’Oie du 15-5-1872, Archives de la Vendée, archives numérisées des recensements de population.


Emmanuel François, tous droits réservés, 
Novembre 2014 complété en janvier 2023

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jeudi 2 octobre 2014

Le standing au 18e siècle d'un bourgeois de Saint-André-Goule-d’Oie.


En décrivant l’architecture du logis de Louis Corbier, bourgeois habitant le logis du Coudray en 1762, nous avons pu en souligner son importance par rapport aux habitations des gens du peuple de la campagne du Bas-Poitou. En même temps, son standing est bien éloigné de l’aisance et du luxe des plus riches dans les vrais châteaux de l’époque. L’inventaire de ses biens meubles et effets après son décès, nous confirme cette impression de richesse « médiane ». Poursuivons maintenant la description de cet inventaire en commençant par un élément primordial dans le confort intérieur : les lits.

Les lits


Ceux-ci comprenaient d’abord la « boisure » ou châssis en bois. Sa partie basse, le « châlit », soutenait les matelas et paillasse avec la lingerie. Sa partie haute comprenait des piliers soutenant un plafond. Des rideaux en descendaient pour éviter les courants d’air et protéger l’intimité. Ce n’était pas des lit-armoires comme en Savoie. Dans le « petit renfermi » du valet de ferme au bout du toit aux vaches, on note néanmoins l’absence de rideaux de lit.

Les rideaux du lit tombereau pour enfant dans la cuisine, ainsi que le lit de domestique à coté,  étaient de couleur verte de « cadis », une grossière étoffe de laine. La laine était plus finement travaillé pour les rideaux de « sargette » de couleur « dolline » (rougêatre) au lit du sieur de Beauvais, le maître des lieux. De plus l’inventaire indique « une frange de soie auxdits rideaux ». Quant au lit de sa femme, ils étaient en tissu de « Bellegarre ».

René Robin : Intérieur vendéen
Dans la chambre du haut on trouve un « fond de lit de vergettes ». Celles-ci étaient les ancêtres de nos modernes lattes de sommier. Dans les autres lits il y avait une « paillasse » en guise de sommier. C’était un grand sac de toile bourré de matières solides qui ne nous sont pas indiquées ici. Ce pouvait être de la paille par exemple. Il faut souligner qu’un matelas reposait sur cette paillasse, signe évident de confort, en un temps ou un seul élément faisait fonction à la fois de sommier et de matelas chez les gens modestes, les plus nombreux. D’ailleurs, le lit de la domestique dans la cuisine n’a qu’une paillasse. Encore est-elle mieux lotie que dans beaucoup de maisons ou on a dormi longtemps sur la paille elle-même. Les registres paroissiaux nous livrent de temps en temps dans les actes de baptême l’expression de baptême « sur la paille ». On voit bien qu’à chaque fois celui-ci a été fait de toute urgence dans la crainte d’une mort prématurée du nouveau-né. L’expression est révélatrice, même si l’usage du mot a duré plus longtemps que l’usage de la paille elle-même, devenant une expression consacrée.

Les matelas utilisés ne nous sont pas décrits autrement qu’avec ces simples mots : « matelas de toile ». Nous savons néanmoins que la toile renfermait une matière souple et moelleuse, textile ou végétale.

En dehors des draps, les couvertures, constituaient l’élément important de la literie, elles étaient tissées en « toile », ou en « taffetas ». Dans le lit de la domestique il n’y a qu’une couverture de toile jaune.

Dans le lit de madame de Puyrousset on trouve trois couvertures, de toile jaune, de toile blanche et la dernière de « colmande de plusieurs couleurs ». Son mari a deux couvertures de laine, l’une de laine croisée (façon « sargette ») de couleur « dolline » (rougeâtre), et l’autre verte. Et dans la chambre du haut on trouve deux couvertures. La première est une « catalogne » blanche (désigne une couverture belle et fine). La deuxième est une couverture  de « droguet » jaune (laine), comme les rideaux. Enfin le valet de ferme a une couverture dans son lit et deux « bernes d’étoupe » (gros draps épais et tissés avec des fibres grossières). Rappelons que les fils d’étoupe ont longtemps servi aux plombiers pour l’étanchéité des raccords de tuyaux.

Les traversins existaient bien sûr à l’époque. La domestique n’en avait pas, alors que le valet de ferme disposait d’un « travers » (traversin). Il était garni de plumes comme les deux autres traversins de la maison, celui de madame et celui de monsieur. Mais seule madame avait un oreiller en plus.

Le chauffage, l’éclairage et l’hygiène


Le moyen de chauffage se résumait à la cheminée chez Louis Corbier, comme chez ses métayers. Alors que les plus riches bénéficiaient des poêles construits en briques dans un coin des pièces, parfois recouverts de magnifiques faïences ou mosaïques. Outre la cuisine, trois chambres avaient leur cheminée au Coudray, ce qui est à souligner. Les cheminées contribuaient aussi à renouveler l’air dans les pièces quand elles fonctionnaient. À une époque et dans un pays ignorant beaucoup des règles élémentaires d’hygiène, ce rôle était important. Dans le grenier du logis il y avait un tas de charbon, pour des usages domestiques particuliers, mais certainement pas pour alimenter les cheminées. Celles-ci bénéficiaient de la place réservée à l’économie des haies dans l’activité agricole de l’époque, les fournissant en fagots de bois.


Évoquer le confort dans ce logis du 18e siècle exige de faire l’impasse sur l’éclairage, la salle de bain et les toilettes. Pour la lumière on disposait de « chandelières de cuivre avec leur mouchette et porte mouchette ». Celle-ci servait à moucher la chandelle, c'est-à-dire à couper la portion de mèche brûlée. Nous avons déjà relevé dans notre article précédent l’existence d’une « fontaine » dans la chambre de la maîtresse des lieux, c’est à dire d’un vase, réservoir d’eau, pour faire sa toilette. Énumérant les meubles de sa chambre, il nous a paru logique de la citer, comme meuble servant à la toilette. Quant aux pots de chambre, l’inventaire les ignore.


Les ustensiles de cuisine et l’équipement ménager


L’équipement de la cuisine en ustensiles ne présente pas un grand intérêt, malgré son importance. Il est évalué en effet à 93 livres au total, ce qui représente une belle somme en valeur d’occasion. Et pourtant il n’y a même pas de cuisinière. Pour conserver les viandes séchées on avait un « charnier » dans le cellier : petite construction en terre, isolant de la chaleur extérieure. Pour laver le linge, les larges lavoirs extérieurs constituaient le moyen universel à cet effet. Mais dans ce logis on utilisait aussi une petite « poêle à lessive » : elle permettait de chauffer l’eau contenue dans une cuve grâce à un compartiment situé en dessous, où on allumait un feu de charbon.

Certains pots, cuillères ou chaudrons dans la cuisine étaient en fer, mais aussi en « airain », métal proche du bronze actuel, fait d’un alliage de cuivre avec d’autres métaux. Les casseroles et les chandeliers étaient en cuivre rouge bien connu, mais aussi en « cuivre jaune » (laiton). Il y avait une « seille » (seau) en bois avec sa « brellière » en fer (la beurlère du patois « moderne », si l’on peut dire). Pour conserver le lait on utilisait des « ponnes » en terre (grand vase ou cuve).

Enfin, un équipement de la cuisine attire l’attention : deux fusils, de chasse probablement. Et dans une armoire de la chambre de Louis Corbier, on trouve en plus deux pistolets et une épée à poignée d’argent « lame à l’arrelet », équipement indispensable de l’honnête homme d’autrefois, conservé sans doute par tradition.

À cet équipement de la cuisine il faut associer la vaisselle du ménage entreposée dans des armoires des chambres à coucher : 68 assiettes, 11 mazarines (assiettes creuses introduites en France par Mazarin pour servir le potage, remplaçant les écuelles), 4 saladiers, 2 plats d’étain, 12 cuillères d’étain, 4 pots de faïence, 2 salières de cristal, etc. Certains éléments étaient décorés « aux armes de ladite dame de Puyrousset et de sa famille », d’origine noble. Il y avait aussi des objets en argent : boucles d’oreilles, cuillère potagère, couverts, gobelets, écuelle, boucles. Les notaires les pesaient avec des trébuchets, qui étaient de petites balances servant à peser des objets précieux. On obtenait ainsi le poids en once d’argent, dont le cours était fixé pour un marc (poids de référence en cuivre, correspondant dans notre cas à 8 onces d’argent). Le tout de l'inventaire pesait 48,25 onces valant 297 livres, à 48 livres le marc d’argent. Là encore, pauvreté en comparaison de Versailles, mais richesse  en comparaison de la métairie d’à côté.

Le linge


Cette aisance de la société campagnarde que nous montre l’inventaire se remarque aussi dans le linge de maison, où règne l’abondance. On entassait le linge comme on épargnait l’argent : 37 nappes de table en lin, 13 nappes d’étoupe, 39 draps, 20 bernes, 27 essuie-mains, 19 douzaines de serviettes, etc. Cette abondance se retrouve dans les gardes robes. Pour madame : 113 coiffes et 24 coiffes de nuit, 71 chemises, 8 robes, 15 jupes ou jupons, 18 bonnets, etc. Monsieur est plus raisonnable : 7 paires de bas, 14 mouchoirs, 3 perruques, 2 chapeaux, 45 chemises, 11 tours de col, etc. Cette abondance n’était-elle pas autant due au désir de ne rien jeter qu’à l’aisance ? On hésite à répondre. Néanmoins il ne faut pas oublier, pour comprendre cette abondance de linge, les techniques de lessive de l’époque. Dans les bonnes maisons, les draps et nappes sales bénéficiaient après usage d’une pré-lessive ou dé-trempage. Séchées, elles attendaient ensuite la lessive annuelle de Pâques (la bujaille). On utilisait pour cela de la cendre, à laquelle on ajoutait des feuilles de lierre ou de saponaire pour obtenir un produit moussant. Celui-ci était enfermé dans de petits sacs de toiles spéciaux disposés sous le linge au fond de la cuve. On versait l’eau ensuite, récupérée puis reversée plusieurs fois de suite dans la même cuve avec un pouvoir détergent de plus en plus fort à chaque fois.

Il n’y a pas que le nombre à considérer, la qualité était diverse bien sûr. Ainsi la plupart des chemises étaient en lin (on disait « de lin en lin »), mais d’autres en toile, et certaines ouvrées, comme les nappes, en lin ou en étoupe.

Les habits


Il en était de même pour les habits. Une robe et une jupe doublées de taffetas, ont été estimées ensemble à 100 livres, mais on en trouve d’autres à 36, 24 ou 18 livres. Ce qu’on désignait de « robe » était le haut uniquement, accompagnée de sa jupe assortie, descendant jusqu’aux chevilles. On a ainsi « une robe de taffetas verte, avec la jupe de même façon, une cape de taffetas, couleur de gorge de pigeon (de couleur changeante, suivant qu’il est exposé à la lumière, comme fait la gorge d’un pigeon) et une mante de taffetas noire, estimées le tout ensemble eu égard à la vétusté, la somme de cinquante livres ». Mme de Puyrousset variait les styles comme il se doit, comme par exemple, avec cette « robe d’indienne (coton imprimé, que cite aussi le Bourgeois Gentilhomme dans la scène II) à fleurs, fonds blanc avec la jupe de même façon, doublée de toile », ou « une autre robe de gros détour rayée avec la jupe aussi rayée de couleurs différentes ».

Dans les grandes occasions, Louis Corbier portait par exemple « un habit de drap couleur de gris de lin (couleur douce de la fleur de lin) avec la veste de la même façon, brodée d’un galon d’argent et boutonnière de la même façon ». L’inventaire décrit aussi « un habit de camelot (laine ou poil de chèvres) blanc cannelé à boutons de poils de chèvre » et « une veste de soie couleur jaune à bouton d’argent et une calotte de la façon de l’habit ».

Ses bas étaient pour la plupart en laine de différentes couleurs ou en coton blanc. Mais il avait aussi deux paires de bas de soie, l’une blanche et l’autre gris de lin. Il faut se rappeler que le pantalon est une mode vestimentaire répandue par la Révolution Française. Avant, et y compris pour les paysans, on portait des culottes ou haut de chausses, descendant jusqu’aux genoux. C’est pourquoi on désigna les révolutionnaires de « sans culotte ». Les jambes étaient couvertes par des bas ou chausses. Les paysans dessinés dans les livres sur la Guerre de Vendée, avaient eux aussi leurs hauts de chausse et leurs chausses, les pieds dans des sabots en bois.Leurs chapeaux aux larges bords, appelés « chapia rabalet », était d’usage pour les cérémonies et les sorties, et pas pour travailler dans les champs, selon l’abbé Boisson (2).
 

Tous ces habits évalués d’occasion se montaient à la somme de 940 livres, dont 300 pour Louis Corbier. Le mobilier a été évalué pour un montant de 560 livres, les ustensiles de cuisine et la vaisselle pour 130 livres, le linge de maison pour 450 livres et les objets divers pour 530 livres. Les objets précieux et l’argent liquide se montaient à 740 livres.

Le bétail


L’inventaire comprenait aussi le bétail, faisant partie des biens meubles, évalué au total à 1160 livres. Sur la métairie du Coudray, attenante au logis, le propriétaire possédait une jument de huit ans, évaluée 100 livres, 134 livres avec son équipement. Il avait aussi deux vaches et un cochon (136 livres). Le bétail servant à l’exploitation de la métairie, à finalité de trait principalement, était possédé par moitié entre le propriétaire et le métayer. Il en était de même à la borderie du Gast (Saint-André-Goule d’Oie), où l’inventaire a aussi eu lieu. Pour la première exploitation, la part du propriétaire a été évaluée à 330 livres, et pour la deuxième à 180 livres. Enfin il a été déclaré dans l’inventaire l’évaluation de la souche de bétail revenant au propriétaire à la métairie de Villeneuve (Chauché) : 380 livres. Pour aider à faire un lien avec les valeurs d’aujourd’hui, on relève les valeurs retenues par les deux experts pour chacune des bêtes suivantes :

Un bœuf : 50 livres (3 ans) à 85 livres (7ans)
Une vache : 15 à 18 livres
Un taureau de 2 ans : 25 livres
Une torre : 12 livres (2 ans) à 15 livres (3 ans). C’est une jeune vache qui n’a pas encore porté)
Un veau : 22 livres
Une brebis : 1 livre

François Brillaud : Vieille femme et sa vache
Quelle différence dans ces cheptels de bétail entre la métairie du Coudray et la borderie du Gast ? Les brebis étaient plus nombreuses au Coudray (30 au lieu de 18), mais au Gast il y avait en plus 2 chèvres et un daim (nom vulgaire du bouc ou du chevreau). Dans les deux exploitations il y avait 3 vaches avec 3 veaux et torres. La différence résidait principalement au nombre de bœufs : 6 au Coudray, avec 2 taureaux en plus, et 2 seulement au Gast.

L’inventaire conservé dans les archives du notaire de Saint-Fulgent du 8 au 13 février 1762 (1) comprend cinquante pages. On voit qu’elles contiennent des informations intéressantes pour comprendre cette époque lointaine de seulement deux siècles et demi. Il est vrai que depuis presque deux siècles, les progrès scientifiques et techniques, ainsi que les évolutions politiques et sociales, nous ont éloignés en accéléré de cette période, nous la rendant tellement éloignée de nous.

L’inventaire comprend aussi le contenu de la petite bibliothèque de la maison. Nous avons publié un article en mars 2013 : La bibliothèque d’un bourgeois de St André Goule d’Oie en 1762. S’y ajoutent les créances, au niveau d’un fonds de roulement de trésorerie apparaissant comme normal pour ce propriétaire aisé de plusieurs métairies. Les papiers de famille sont seulement répertoriés dans l’inventaire, et leur contenu n’apparaît que dans le libellé des titres. C’est pauvre en informations, mais constitue bien sur une source intéressante de données que nous avons déjà exploitées.


(1) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, inventaire après-décès de Louis Corbier de Beauvais du 8 au 13 février 1762.
(2) iconographie et notes biographiques de Vendéens, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 113.

Emmanuel François, tous droits réservés

lundi 1 septembre 2014

L'ancien logis du Coudray au 18e siècle à Saint-André-Goule d’Oie


L’actuel logis du Coudray a été restauré au 19e siècle, pour remplacer le précédent, incendié par les révolutionnaires pendant la guerre de Vendée. Sans dessin représentant celui d’avant, il parait difficile de se faire une idée de son architecture avant sa destruction par les bleus.

L’inventaire après-décès de 1762


Cependant, l’inventaire après-décès de son propriétaire, Louis Corbier, sieur de Beauvais, effectué du 8 au 13 février 1762, nous permet d’esquisser une description (1). Elle est représentative des riches habitations de l’époque dans le bocage vendéen, bien éloignées néanmoins de nos standards de conforts modernes comme on va le voir.

Le propriétaire était un bourgeois, possédant la métairie attenante à son logis au Coudray et une borderie au village du Gast, toutes deux à Saint-André-Goule d’Oie. Il possédait aussi une borderie à Villeneuve (Chauché), une métairie à Saule (la Verrie) et la métairie des Piots en la paroisse de Saint-Pierre de Cholet. Son logis constituait autrefois la maison noble du fief du Coudray, à l’origine vassal de la seigneurie du Coin (Saint-André). En 1762, celle-ci, ainsi que sa propre seigneurie suzeraine, Languiller (Chauché), appartenaient au seigneur de la Rabatelière, Montaudouin.

La notion de « maison noble », qui lui avait été attachée, désignait un bien noble ne préjugeant pas de son architecture. C’était l’habitation principale du seigneur du fief, ou parfois celle de son fermier ou régisseur, quand le propriétaire accumulait les propriétés de fiefs. Mais en tant que bien noble il était exonéré de certains impôts pour les nobles. C’est dire si on a conservé avec intérêt, quel que soit l’importance et l’état des bâtiments, l’appellation de maison noble au fil des siècles de l’Ancien Régime.

L’architecture du logis


Logis actuel
Le bâtiment de la maison noble du Coudray comprenait deux niveaux en rectangle, sans forme originale. Le corps central du logis actuel restauré au 19e siècle, avec ses trois niveaux, est plus haut et moins long que le bâtiment du 18e siècle. Et on sait que les deux ailes ont été ajoutées lors de la restauration. Nous n’en savons pas plus sur le bâti des murs et sur la toiture. Mais avec une bonne probabilité de ne pas se tromper, on peut reprendre ce que des photographies de maisons semblables, ayant traversé les siècles, nous apprennent. Les pierres étaient apparentes, et souvent l’encadrement des portes et fenêtres bénéficiait d’une esthétique propre par sa forme en arrondi au-dessus, ou par ses matériaux, où le granit remplaçait le schiste. La tuile rouge était alors le matériau noble qu’on savait fabriquer dans les tuileries des environs. Elle recouvrait les toitures des riches maisons, alors que les autres étaient recouvertes de chaume. 

Néanmoins un pigeonnier dépassait le toit au logis du Coudray, auquel on accédait à l’intérieur par le grenier. À lui seul il donnait au bâtiment une rare distinction dans la région. Sa longueur aussi dénotait, et pouvait en imposer, comprenant au rez-de-chaussée six pièces en enfilade, où l’on passait d’une pièce à l’autre, sans couloir. A l’étage, il n’y avait que deux chambres, mais prolongées par un grand grenier servant à entreposer les récoltes de céréales et de fruits. En comparaison rappelons-nous que les maisons des métayers ne comprenaient que deux pièces au rez-de-chaussée avec le grenier au-dessus. Pour les plus importantes, dans les grandes métairies, on comptait trois pièces.




Le salon


Dans le langage de l’époque, une pièce dans une maison s’appelait généralement une chambre. Sa destination était toujours multiple, à la fois cuisine, chambre à coucher, etc. Mais chez Louis Corbier il y avait beaucoup de chambres et certaines avaient une destination particulière.

C’était le cas de « la chambre d’entrée, appelée le salon » dit le texte de 1762. Pas de vestibule ni de couloir, on entrait directement dans ce qu’on a appelé un salon, mais le mot nous apparaît un peu abusif ici. S’y trouvaient une met ou huche à pétrir le pain, reposant sur deux socles en bois. À côté une sorte de cage (appelée clisse) avec des châssis d’osier ou de jonc, « ouvrant à deux portes, fermant celle d’en haut à clé en fer, celle d’en bas avec un loquet ». Un garde-manger complétait le mobilier. Chez les plus riches bourgeois ou nobles, le salon n’avait rien à voir avec cet ameublement bien rustique, mais au combien plus aisé néanmoins que dans l’habitation du métayer d’à côté.

La cuisine


Tableau d'Albert Anker
On passait de cette pièce d’entrée dans la cuisine. Là-aussi son mobilier donne une idée très précise de l’usage de la pièce. Bien sûr il y avait une table entourée de bancs, un coffre en bois et de nombreux ustensiles de cuisine. Mais il y avait aussi deux lits, un « petit lit à tombereau » pour enfant et un « lit de domestique ». Comme souvent, la cuisine servait aussi de chambre à coucher, ici pour les domestiques.

La chambre à coucher de madame


La troisième pièce du rez-de-chaussée était « la salle basse de la maison où était décédé ledit sieur de Beauvais ». C’était en fait la chambre à coucher de madame, possédant une cheminée. Elle était meublée de deux lits, deux armoires, trois petites tables, dix fauteuils, neuf chaises et un guéridon. À l’intérieur des armoires s’y trouvaient la garde-robe de la maîtresse des lieux, du linge de maison et aussi un peu de vaisselle. Pour faire sa toilette, il y avait ce qu’on appelait une « fontaine » en faïence enchâssée dans un montant en bois sculpté, c'est-à-dire un vase à contenir de l’eau, avec sa « tirette ». Celle-ci était une ouverture qu’on ouvrait et qu’on fermait avec des bouchons. À côté se trouvait une paire de carafes avec son porte carafe de faïence. Au mur était accroché un miroir et deux tableaux « dont l’un représentant la Sainte Vierge et l’autre un Christ ». La décoration avait sa touche de gaîté avec des images imprimées (en noir et blanc ou couleur, on ne sait pas), « neuf feuilles d’images attachées aux murs de ladite salle, intitulée Versailles, départ de l’enfant prodigue, l’air, la terre, le feu et l’eau ». C’est la seule pièce de la maison ainsi décorée sur ses murs.

La chambre à coucher de monsieur


À côté de cette chambre se trouvait la chambre du maître des lieux, plus petite, dénommée dans l’inventaire « la chambre au bout de la salle ». Une armoire contenait ses habits et une autre quelques habits de madame et de la vaisselle précieuse. On y découvrit deux pistolets, une épée et une tenue de cavalier. Outre un lit bien sûr, la chambre était aussi meublée d’un fauteuil, deux chaises et deux tables ovales. Et un escalier permettait d’accéder de cette pièce dans une chambre située à l’étage.

Le débarras


De cette chambre de monsieur on passait ensuite dans une autre pièce, désignée comme celle « ayant sortie sur le jardin ». Elle avait donc une porte donnant sur l’extérieur, probablement à l’arrière de la maison où devait se trouver le jardin. C’était plutôt une pièce de remise, un débarras comme l’on dit habituellement en Vendée. L’aérropage faisant l’inventaire, composé d’un notaire et de son collègue, le procureur fiscal des Essarts, Mme de Puyrousset la veuve, et pour les estimations un menuisier et un charpentier, découvrit dans la pièce :
  • « une petite baille dans laquelle il y a environ trois boisseaux de sel ». C’était un bacquet ressemblant à une portion de tonneau découpée.
  • « quatre fûts de barrique dans l’un desquels il y est un peu de plume ».
  • « une cage à mettre poulets ».
  • « une barrique de vin nouveau ».
  • « vingt-huit limandes de différentes façons et de bois de chêne ». C’étaient des pièces de bois de sciage plates, peu larges et peu épaisses. À côté il y avait aussi vingt planches et quatre morceaux de bois servant dans un pressoir

Le cellier


Gustave Marchegay : Le cellier

À côté de ce débarras on entrait dans la dernière pièce du rez-de-chaussée : le cellier.  Il abritait sept barriques, dont six de vin nouveau en ce mois de février. On a aussi inventorié un petit tonneau appelé un « tierson » (contenant le tiers d’un tonneau), et aussi « cinq bouteilles et une demi bouteille de verre, une petite bouteille aussi de verre clissée (entourée de paille, osier ou cuir) et neuf gobelets aussi de verre. ». C’est aussi dans le cellier qu’on a trouvé un « charnier de terre qui est ferté (renforcé) avec le peu de lard qui est dedans ». C’était le frigo de l’époque, petite construction à l’abri de la chaleur extérieure pour garder les viandes salées.


Les deux chambres pour enfants


Par un escalier situé dans la chambre de monsieur, on accédait à l’étage dans une chambre « haute ». Les chambres dites « basses » étaient situées au rez de chaussée. Cette chambre devait avoir sa cheminée probablement et était meublée d’un lit, une armoire, une table carrée, deux fauteuils, deux chaises et deux porte-manteaux. Dans l’armoire on a trouvé principalement du linge de maison, et aussi un petit « bissac » (sac double de paysan pour mettre ses hardes et ses provisions), de la laine, des pièces de toile et un petit « retts » (filet servant à la pêche ou à la chasse). On sait que Mme Corbier mit deux enfants au monde qui n’ont pas survécut. Il est probable que cette pièce, comme celle d’à côté aurait été celle des enfants.

De cette chambre on passait dans « une petite chambre », non meublée, plutôt un débarras. On y a inventorié une paire de bottes « à la page dudit feu sieur de Beauvais », suivant l’expression de l’époque. Et pêle-mêle : « trente-huit botteaux (bottes) de lin de différentes grosseurs et qualité », une barrique « dans laquelle il y a environ deux boisseaux de poire melée » (séchée), un tas de charbon et trois paniers en jonc.

Le grenier


Le grenier à côté entassait, suivant l’usage habituel dans toutes les maisons à étage, les fruits des récoltes, surtout les céréales. En ce mois de février 1762, l’équipe d’inventaire a trouvé 36 boisseaux de seigle évalués à trente sols le boisseau, 2 boisseaux d’avoine, 3 boisseaux de blé noir, 6 boisseaux de gaboret (mélange de céréales secondaires, orge et avoine, avec de la paille), 1 boisseau de baillarge (orge prime ou du printemps), 6 boisseaux d’orge, 2 « boisseaux de poire rondes et un demi-boisseau de poires d’Espagne jaunes », 1 « boisseau à mesurer blé ». On a inventorié aussi 11 « poches à mettre blé », une scie à bois, 3 fûts de barriques vides et 8 « palissons ronds, deux autres longs en façon de bourriche, et quatre autres aussi longs avec un greleau ». Les palissons étaient des pièces en bois et en métal servant à assouplir les peaux dans le travail du tannage. On ne nous dit pas comment on accédait au grenier, probablement à partir d’une des chambres de l’étage. Mais vraisemblablement, les sacs de céréales devaient entrer par une fenêtre, peut-être avec un système de poulies pour les soulever. Sinon il aurait fallu de l’intérieur passer par la chambre de monsieur, ce qu’on imagine mal.

Le pigeonnier


Du grenier on accédait au pigeonnier, où on a trouvé « douze douilles de barriques et vingt et une pièces de foncaille ». Les douilles de barrique (comportes) servaient à transporter les raisins lors des vendanges, et les foncailles, pièces en bois légèrement courbées et encerclées, formaient la paroi des barriques.

L'existence de ce pigeonnier atteste du droit de colombier, apparemment tombé en désuétude. C’était un bâti destiné à y nourrir et y entretenir des pigeons. Il y en avait de deux sortes :
-        les colombiers à pied, bâtis en forme de tour. Ils étaient une marque de noblesse pour le seigneur Haut Justicier. Nul ne pouvait en faire sans sa permission.
-        les volières et autres colombiers, nommés aussi « fuyes », qui étaient bâtis sur piliers ou sur solives, avec un cellier ou une étable dessous. Chacun pouvait en faire construire si la coutume du lieu n'était pas contraire.

Ce pigeonnier du Coudray fait partie de la deuxième catégorie, témoignant de son passé de seigneurie.


Les bâtiments de la métairie


J. B. C. Corot : Cour d'une maison 
de paysans, aux environs de Paris
L’inventaire se poursuit ensuite en dehors du logis dans les bâtiments d’exploitation de la métairie attenante. Et on commence par un local appelé un « petit renferni au bout du toit aux vaches où est le lit aux valets ». Outre le lit avec sa literie, on y a trouvé « cinq bernes (2) dont trois mauvaises avec un petit bacquet, une jaule de clisse [couvercle en osier] à couvrir le lait » et beaucoup d’outils de travail appartenant au sieur de Beauvais. Ils étaient en fer : un hachereau, une tranche, deux pelles, deux fourches à trois doigts, un râteau, deux serpes, une faucille, deux fléaux pour battre blé, etc.

Dans la grange, le propriétaire décédé y possédait du foin et des morceaux de bois, dans la cour, des fagots de bois pour le chauffage et des objets divers (roue, crochets, lattes), dans l’écurie une jument avec son équipement en cuir (3 selles, 2 brides et 1 licol).

Enfin dans le toit aux vaches et le toit aux bestiaux de la métairie on a fait l’inventaire des animaux, car la moitié de leurs valeurs appartenait au propriétaire. On fit de même à la borderie du village des Gast.


(1) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3, inventaire après-décès de Louis Corbier de Beauvais du 8 au 13 février 1762.
(2) Couverture épaisse tissée en laine grossière.


Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2014

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