Nous présentons ici la deuxième
partie de l’activité agricole des métairies de Linières, telles qu’elles
existaient pour l’essentiel depuis le Moyen Âge, jusqu’à la veille de la
révolution des techniques utilisées, à partir des années 1840/1850 en Vendée.
Les cultures
Nous connaissons la liste des
cultures dans le bocage vendéen par Cavoleau. Mais il nous paraît préférable de
rester au plus près de Linières. Pour cela, rendons-nous le 21 février 1790 à Saint-Fulgent, à la métairie de l’Oiselière, appartenant encore à cette époque au
chapitre de Luçon. Ce jour-là on signe le bail de la métairie. Le bailleur est
« Simon Charles Guyet maitre de
poste, fermier du revenu temporel de l’Oiselière », le père de Joseph,
qui sous-affermait à colonage partiaire (devenu bail à métairie) la métairie à
des cultivateurs, Maindron et Enfrin (1). Dans le texte du bail on donne la
liste des cultures pratiquées, soit :
froment (blé), seigle, baillarge (orge distique ou orge d’été), orge (de mars),
avoine, pois, fèves, lin et vigne.
D’habitude, le premier labour
s’effectuait en avril. Début juin le deuxième labour était suivi d’un hersage.
Un troisième labour s’effectuait en août dans les terres humides et fortes
(argileuses), accompagné d’engrais. Le dernier labour (le troisième dans les
terres légères et le quatrième dans les terres fortes) précédait les semailles
d’octobre.
Le blé froment (blé
d’aujourd’hui ; à l’époque le mot blé, seul, désignait toutes les
céréales) était la céréale noble dont les excédents étaient vendus dans la
région nantaise. On râtelait (binait) les sillons avec un marochon (bêche) pour
enlever les herbes parasites au début du printemps. Puis on bêchait en avril et
on sarclait à la main jusqu’à la floraison, toujours pour éliminer les chardons, ravenelles (radis sauvages), ail sauvage,
oseilles (rumex), etc. Sans ce travail,
le rendement diminuait sensiblement. En moyenne on obtenait ainsi 10 quintaux à
l’hectare, à rapprocher des 25 à 30 quintaux obtenus dans les mêmes champs dans
les années 1950 et à 75 quintaux obtenus de nos jours.
Pour leur consommation
habituelle, les habitants cultivaient le seigle. Pour une même quantité que le
blé froment, on fabriquait plus de pain avec le seigle. Ce dernier était la
première récolte des landes défrichées, alors que l’avoine était leur dernière
récolte, que l’on obtenait sans fumure, dans une terre qui était destinée à la
jachère permanente ensuite.
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Champ de seigle |
Nous n’avons pas relevé de
culture de méture ou méteil. C’était une récolte que l'on obtenait en semant ensemble des grains de
différentes natures. Le mot désignait aussi un mélange de grains pour faire du
pain. Dans le Bas-Poitou, était composé le plus souvent d’orge
d’automne avec un peu de froment.
La récolte du blé a été bien
décrite par Louis Merle dans son livre sur la Gâtine poitevine. On peut penser
que les techniques étaient les mêmes à Chauché à cette époque. Cela commençait
par les métives (moisson) en été, où l’on coupait le blé, assemblé tout de
suite en gerbes. Celles-ci restaient d’abord à « soleiller » pour
sécher les herbes folles qui se trouvaient mélangées avec les épis. Ensuite on
mettait les gerbes en meules sur le champ, les épis vers le centre pour mieux
les protéger des effets de la pluie. On rentrait ensuite les gerbes au bord de
l’aire de battage.
Alors venait le temps des
batteries. C’était le battage des épis au fléau, travail pénible au soleil avec
de nombreux passages sur les épis retournés. Dans les métairies on engageait
des méstiviers, payés et nourris par les métayers, pour faire face aux
quantités de gerbes à battre.
Avec une raballe en bois (râteau)
on entassait le grain en tas. Il fallait alors le vanner, c'est-à-dire séparer
les grains de leur balle (enveloppe) par ventilation. Le batteur muni de sa
pelle en bois, en forme de grande cuillère, en projetait vivement le contenu à
contre vent, en lui faisant décrire une courbe de 3 à 4 m de rayon. Le partage
du blé avec le propriétaire se faisait sur l’aire à la fin du vannage. Et dans
les greniers en hiver, on nettoyait les grains à l’aide de la grelle ou
grelleau (crible) ou de la herpe (tamis).
Quand on lit dans les baux à colonage
partiaire que les grains partagés doivent être « bien vannés et qu’ils seront nets de toutes impuretés », on
voit le travail important qui se trouve derrière la formule simple, et comme
légère, laissée sur les vieux documents par la plume des notaires. Enfin
indiquons tout de suite que dans les années 1840 les rouleaux sont venus aider
à battre le blé, puis les premières machines à vapeur ont fait leur apparition
dans les années 1850, pour remplacer l’usage des fléaux et des rouleaux. Mais
on a continué encore à vanner séparément avec des machines, mues à bras souvent
(2).
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Moulin à vanner le blé |
Le mil était cultivé,
généralement sur de petites surfaces, fournissant une graine dont la farine
ajoutait de la saveur à la farine de seigle. Dépourvue de son écorce il donnait
une bouillie dont se contentaient les moins riches. Sa culture ne réussissait
qu’à force de binages répétés, exécutés par les femmes et les enfants.
Le blé noir, ou sarrasin, servait
de fourrage pour le bétail.
Le lin était semé fin septembre
ou début mars sur de petites surfaces, produisant en moyenne une trentaine de
kilos de fils de lin par exploitation.
Le bétail et les fourrages
On trouvait généralement de
quatre à dix bœufs dans les métairies et la moitié de vaches. Chaque année ou
presque on vendait une paire de bœufs, remplacée pour les labours par les
naissances des années précédentes. C’était soit des bœufs aparagés (dressés à
travailler en paire) pour les labours, soit des bœufs gras destinés à
l’abattage. Le commerce des bestiaux se faisait dans les foires, à l’Oie et aux
Essarts, proches de Linières. À cette époque la vache avait en priorité une
fonction reproductrice et accessoirement laitière, voire de trait. La race
dominante était la parthenaise, dont on avait renforcé la robustesse par
croisement avec des taureaux importés de Suisse, à la fin du 18e
siècle.
On élevait des moutons pour la
laine, sur la ferme de Linières par exemple.
On élevait aussi des chevaux
comme bête de somme et parfois pour la monture. À la Roche au Roi (Saint-Fulgent)
on était tenu « de fournir au
propriétaire ou à gens de sa part un cheval lorsqu’il ira ou enverra sur ladite métairie. » (Bail signé le 19 avril 1815). Aux Noues (Saint-André) en
1830, alors que le bail est à prix fixe, on fait un cas particulier pour une
jument : « le bailleur aura
droit à tenir sur la métairie une jument dont le prix sera payé moitié par lui
et l’autre moitié par les fermiers, les bénéfices et les produits de cette
jument seront partagés par égale portion ou mieux par moitié. » La
jument avait été évaluée 180 F.
Dans les baux à colonage partiaire, le bétail, possédé à moitié, était prisé (évalué) par deux experts représentant l’un le propriétaire et l’autre le fermier, à l’entrée en jouissance. Ces experts étaient souvent des propriétaires voisins faisant autorité. La valeur qu’ils fixaient au départ du bail s’appelait la souche morte (bail de la Gagnolière en 1800). La même opération était répétée à la sortie du bail, et l’on partageait les pertes ou les bénéfices à moitié. Les ventes et achats réalisés en cours de bail étaient à valoir sur l’estimation de sortie, mais ne pouvaient se faire qu’avec l’accord des deux parties.
Dans les baux à colonage partiaire, le bétail, possédé à moitié, était prisé (évalué) par deux experts représentant l’un le propriétaire et l’autre le fermier, à l’entrée en jouissance. Ces experts étaient souvent des propriétaires voisins faisant autorité. La valeur qu’ils fixaient au départ du bail s’appelait la souche morte (bail de la Gagnolière en 1800). La même opération était répétée à la sortie du bail, et l’on partageait les pertes ou les bénéfices à moitié. Les ventes et achats réalisés en cours de bail étaient à valoir sur l’estimation de sortie, mais ne pouvaient se faire qu’avec l’accord des deux parties.
Il est arrivé, mais semble-t-il peu
fréquemment, que Joseph Guyet loue à son fermier à prix fixe du bétail lui
appartenant. Des règles propres s’appliquaient alors sur ce qu’on appelait le cheptel de fer. Dans ce type de bail, le
fermier s’engageait à fournir, à l’expiration du contrat, du bétail d’une égale
valeur à celui reçu à l’entrée en jouissance. On a ainsi un bail à la métairie
de la Fontaine (Saint-Fulgent) qui stipule en 1826 : « reconnaissent les preneurs que M. Guyet leur
a baillé avec la dite métairie des bestiaux à titre de cheptel de fer pour une
valeur de 1330 F suivant l’estimation qui en a été faite entre le bailleur et
les preneurs, et ils rendront à leur sortie des bestiaux de pareille valeur,
conformément aux articles 1821 et suivants du code civil. ». Dans le
bail suivant de 1829, la clause a été reprise, mais en bas du texte a été
ajoutée après coup la courte phrase suivante : « les bestiaux donnés à titre de cheptel de fer par l’article 18 du
présent ont été remboursés à M. Guyet le 9 novembre 1831. »
Les pâtis (landes) nourrissaient
ce bétail à la belle saison, et en hiver on pouvait compter sur des fourrages,
mais en quantité limitée. De plus, les prairies naturelles étaient
insuffisantes. La révolution à venir de la charrue en métal et de la chaux va
débloquer cette insuffisance des fourrages. L’élevage va prendre alors de
l’ampleur et enrichir les agriculteurs. Mais au temps de Joseph Guyet, les
techniques utilisées freinaient les cultures de fourrages.
À cette époque dominaient
principalement le rèbe (chou-rave) et le chou. On semait le rèbe vers la
mi-août, son bulbe et ses feuilles étaient consommés pendant l’hiver. Le chou
était semé en pépinière à la mi-mars. On plantait ensuite les jeunes plants en
juin dans des champs labourés au moins trois fois, et en octobre. On récoltait
les feuilles dès la fin août, jusqu’à fin janvier, suivant les espèces.
On cultivait d’autres fourrages
ou assimilés bien sûr, mais en quantité moindre à cette époque : sainfoin,
vesce, trèfle, et aussi maïs, carottes, topinambours et pommes de terre.
Les haies et les arbres
« Les champs sont entourés de haies épaisses, élevées, d’arbres, de
futaies, dont on coupe les branches tous les sept ans, de sorte que le pays
présente l’aspect d’une forêt. » Ainsi s’exprime Cavoleau en 1800 dans
sa "Description abrégée du département de
la Vendée". A. D. de La Fontenelle de Vaudoré précise que les haies avaient
de deux à trois mètres de haut avec des arbres au milieu, dont quelques-uns
étaient conservés en haute tige et les autres abattus à deux ou trois mètres de
hauteur.
La Révolution avait renforcé le droit de clore les champs. Ainsi l’article 4 du décret du 28 septembre 1791 (titre 1, section 4) édictait que : « Le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire. L'Assemblée nationale abroge toutes lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit ». L’objectif était de limiter le droit de parcours et de vaine pâture permettant dans certaines conditions de faire paître le bétail dans les champs d’autrui après la récolte ou dans les bois d’autrui. Cela arrangeait les plus démunis, mais pas les propriétaires qui dominaient à l'Assemblée Nationale désormais.
Les branches des arbres sectionnés à deux ou trois
mètres de hauteur,
qu’on appelait les têtards, étaient coupées tous les cinq ans dans les
métairies de Linières, des Essarts, aux Landes-Génusson. Dit autrement, on
coupait un cinquième des branches chaque année. C’était la récolte du métayer
qui en consommait une partie pour son chauffage et pouvait vendre le reste. Pour
faire des bûches, à mettre dans la cheminée du métayer, certains propriétaires
accordaient le droit d’abattre un arbre têtard par an (3). Nous n’avons pas
rencontré cet usage dans les clauses écrites des baux étudiés. C’est aussi avec
ces branches que le métayer fabriquait les barrières des champs. Il devait
aussi conserver l’épaisseur nécessaire à la haie pour remplir sa fonction de
clôture. Ce travail d’hiver (selon la règle coutumière, du 1e
novembre au 15 mars) était rude et mettait à l’épreuve l’adresse et la
résistance physique des hommes. Après avoir émondé (coupé) les branches, ils
les fagotaient (mettre en gerbe tenue par une rorte - lien en bois souple) et
les émouchaient (mettre les fagots en tas). On vendait les fagots par cordes,
équivalentes à 3 stères ou 3 m3.
La Révolution avait renforcé le droit de clore les champs. Ainsi l’article 4 du décret du 28 septembre 1791 (titre 1, section 4) édictait que : « Le droit de clore et de déclore ses héritages résulte essentiellement de celui de propriété, et ne peut être contesté à aucun propriétaire. L'Assemblée nationale abroge toutes lois et coutumes qui peuvent contrarier ce droit ». L’objectif était de limiter le droit de parcours et de vaine pâture permettant dans certaines conditions de faire paître le bétail dans les champs d’autrui après la récolte ou dans les bois d’autrui. Cela arrangeait les plus démunis, mais pas les propriétaires qui dominaient à l'Assemblée Nationale désormais.
Dans les baux à colonage
partiaire, les coupes dans les taillis et les bois étaient partagées avec le
propriétaire. Seuls les bois des haies étaient exclusivement réservés aux
fermiers.
Dans les baux à prix fixe, Joseph
Guyet se réservait, suivant l’usage, les taillis, futaies, bois, fournilles (menu bois et branchages pour
chauffer le four), gîtes, giborages, dans ses métairies pour les
faire exploiter à son profit. Il les désignait dans ses baux. Il demandait
aussi aux métayers d’entretenir les fossés et les haies qui les entouraient et
tolérait à certaines conditions d’y faire pâturer des chevaux. Ainsi dans la
métairie de Villeneuve en 1825 : « Le pacage du bois-futaie du Vergnais étant réservé à la métairie, les
fermetures, même dans la partie qui joint le champ des Essarts comprise dans la
présente ferme, seront faites et entretenues par le fermier ou colon de la
métairie. » Auparavant le bailleur avait précisé que le « gîte du Vergnais, dont ils (preneurs)
n’auront que le pacage, sera également à la charge du fermier pour les
fermetures, sans pour cela qu’il puisse prétendre à prendre le bois des haies
autrement que pour les clôturer s’il y a lieu. »
Villeneuve (Chauché)
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Les haies comportaient un fossé
pour l’écoulement des eaux sur les côtés, servant à drainer les eaux de
ruissellement. Et sur le rejet des fossés on plantait des arbres. Ainsi le bail
de la métairie de la Touche (Essarts) précise en 1823 : « Ils (preneurs) promettent et s’obligent de
bêcher et sarcler les plants des fossés nouveaux que le sieur bailleur fera
faire dans le cours du bail. »
Les haies maintenaient aussi
l’humidité des champs et leur fertilité microbienne à cause de la faune
qu’elles favorisaient.
On voit qu’elles avaient une
place déterminante pour se chauffer et se procurer un revenu. Mais l’ombre des
arbres et leurs racines rendaient inculte sur une largeur d’au moins un mètre
le pourtour du champ le long des haies. À cela il faut ajouter l’épaisseur des
haies (environ deux mètres), soustraites aux cultures. C’est donc environ 8 %
des terres qui étaient sacrifiés aux avantages apportés par les haies.
Il ne faut pas oublier leur
fonction de clôture, quoique les « haies mortes » existaient aussi. À cet égard la barrière avait une grande importance. Généralement elle était
constituée de deux taillers (pieux verticaux), bien enfoncés dans le sol à
chaque extrémité, dont le bois était fourni par le propriétaire. Le métayer
fournissait les barrons (traverses en bois), parallèles au sol et glissant dans
les trous des taillers ou attachés à ces derniers par des rortes (liens
d’osier). Lors des visites de fermes, les experts portaient une attention
particulière sur l’état de la barrière de clôture et l’âge des gis (rejeton)
des plantes dans les haies. Les règles de la coutume précisaient cette économie
de la haie que nous venons de rappeler. Les clauses des baux nous en donnent un
aperçu.
Le bail de la Morelière, signé en
1830, indique sur ce point que les preneurs « jouiront d’émonder les haies et arbres têtards, se conformant à l’usage
pour ce qu’il faudra laisser pendant le cours du bail et à leur sortie pour
l’entretien des clôtures, mais ils ne pourront en abattre ni par pied ni par
tête sans le consentement de M. Guyet ou gens de sa part ; ils s’obligent
d’entretenir les arbres fruitiers existant et d’en planter au moins dix par an ».
Cet usage concernant le cinquième à conserver était précisé dans le langage de
l’époque de cette manière : « n’ébrancheront
que ceux (arbres des haies) qui ont ordinaire de l’être en temps et saisons
convenables, en observant d’en laisser de 5 têtes l’une comme il est d’usage
pour la clôture des haies des lieux » (bail de la Morelière de 1806).
Le bail de la métairie de la Touche (Essarts) en 1823 est encore plus
précis : « Ils (fermiers) ne
pourront abattre par pied ou par tête aucun arbre mort ou vif sans le
consentement du sieur bailleur ; ils émonderont ou ébrancheront seulement
ceux qui ont coutume de l’être en temps et saisons convenables, seront tenu
d’en laisser de cinq têtes une pour la clôture des lieux ; de distribuer
ou partager les coupes par cinquième, de manière à ce qu’il y en ait une
entière de tous les âges postérieurs, le tout conformément à l’usage ;
ils seront tenus de planter par an sur
chacune des dites métairies (la Touche et Bellevue) la quantité de dix pieds
d’arbres à fruits, tels que pommiers, poiriers, cerisiers. » À Villeneuve (Chauché) en 1825, il est indiqué : « Il ne coupera (le preneur) par pied ni par tête vifs ni morts aucun
arbre sans le consentement du sieur bailleur qui marquera ceux qu’il lui donne
pour chauffage et pour ses charrues ; il aura cependant les branches des
têtards qu’il sera tenu d’émonder en temps et saison convenable, en en laissant
pour la clôture des haies. » On voit ici que Joseph Guyet va plus loin
que l’usage pour donner du bois de chauffage avec ses arbres, sans doute une
situation particulière, car le cas est rare. Pour se chauffer, le métayer
disposait habituellement des haies et des arbres têtards. Au passage de la
métairie de la Mauvelonnière (Chauché) du bail à colonage partiaire au bail à
prix fixe en 1823, Joseph Guyet, qui rédige le bail, insiste sur l’entretien
des arbres : « Les fermiers
élèveront tous les arbrisseaux susceptibles de l’être comme ainsi ils
grefferont et enterreront (bineront) en bons fruits les sujets qui croîtront. »
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Arbre têtard |
L’entretien des prairies
naturelles et des chaintres, et l’interdiction de la chasse
À cette époque les prairies
naturelles représentaient environ de 10 % à 15 % des terres. Elles se situaient
dans les zones humides pour produire de l’herbe à faucher dès le début du
printemps, puis du foin à la fin du printemps. Ne rapportant pas de fruits à
partager, elles nourrissaient les animaux voués en final à la culture. Il n’y
avait pas encore de prairies artificielles, faute de l’engrais nécessaire.
Les petites parcelles en zone
quasi marécageuse, parfois pourvues d’une source, s’appelaient des noues, qu’on
fauchait quand la météo s’y prêtait. Les bandes de prés le long des ruisseaux,
où l’on plantait des peupliers ou des vergnes (aulnes) s’appelait des vergnayes
ou vergnasses.
À côté de ces espaces dédiés au
bétail, existaient d’autres espaces pour les cultures qui, comme les
précédents, n’étaient pas compris dans les règles d’assolement. Dans cette
catégorie on trouvait les parcelles de jardin bien sûr, réservées à l’usage du
fermier, et aussi les ouches. Celles-ci étaient des petites parcelles, souvent
à proximité des bâtiments d’habitation, réservées à l’origine à l’usage de
l’occupant des lieux, comme une prolongation du jardin. Le fermier y
choisissait son usage à l’origine : pré ou culture de toute sorte ou
verger. Au fil du temps le mot a perdu de son sens originel et on y trouvait
principalement diverses cultures.
L’entretien de ces prairies naturelles était aussi réglementé par la coutume. Les clauses des baux de Joseph Guyet permettent de s’en faire une idée. Il fallait arracher les épines et les broussailles qui pouvaient y pousser et étaupiner, autrement dit « faire prendre les taupes », afin que ces prés « soient fauchables de haies en haies », c'est-à-dire à l’état de « faux courante » comme on disait. Le bail de la métairie de la Gagnolière (Essarts) indique en 1800 que le fermier « élaguera les prés de toutes épines et halliers (buisson) de façon qu’ils soient fauchables de haies en haies, abattra et égaillera (éliminer) les taupinières de façon que les dits prés soient bien unis ; fera et entretiendra les rouères (rigoles d’écoulement des eaux) ». Les fermiers devaient aussi pratiquer de nouvelles rigoles pour mieux agouter (écouler) l’eau.
L’entretien de ces prairies naturelles était aussi réglementé par la coutume. Les clauses des baux de Joseph Guyet permettent de s’en faire une idée. Il fallait arracher les épines et les broussailles qui pouvaient y pousser et étaupiner, autrement dit « faire prendre les taupes », afin que ces prés « soient fauchables de haies en haies », c'est-à-dire à l’état de « faux courante » comme on disait. Le bail de la métairie de la Gagnolière (Essarts) indique en 1800 que le fermier « élaguera les prés de toutes épines et halliers (buisson) de façon qu’ils soient fauchables de haies en haies, abattra et égaillera (éliminer) les taupinières de façon que les dits prés soient bien unis ; fera et entretiendra les rouères (rigoles d’écoulement des eaux) ». Les fermiers devaient aussi pratiquer de nouvelles rigoles pour mieux agouter (écouler) l’eau.
Dans certaines métairies on
trouve une clause concernant les chaintres. On
appelait chaintre, des fossés en bout de champ, perpendiculaires au sens
d’écoulement naturel des eaux, afin de recueillir celles-ci. Ils se
remplissaient de bonne terre emmenée par les ruissellements, qu’il fallait
récupérer pour la remettre dans le champ. En 1822, le bail de la métairie de la
Fontaine (Saint-Fulgent) indique que les preneurs « charroieront les chaintres des pièces de terre qu’ils emblaveront. »
En 1823 le bail des métairies de la Touche et de Bellevue (Essarts) précise l’obligation de « de charroyer les chaintres des champs ensemencés en se conformant
pour cela aux usages et coutumes du pays ». Ce sens du mot chaintre,
tel qu’il apparaît dans les baux de Linières, est plus restreint que celui
donné par Louis Merle dans son étude sur la Gâtine poitevine. Il désigne de ce
mot l’espace, dédié à l’herbe et inculte, qui se trouvait le long des haies des
champs. Il précise même que ces chaintres servaient de passages quand les
fondrières des chemins rendaient ceux-ci impraticables. Il est possible que cette définition, plus large et englobant celle que nous avons rencontrée à
Linières, pourrait s’appliquer au bocage de Chauché et des environs.
Cette rigueur imposée au fermier
sur l’entretien des prairies naturelles, n’empêchait pas la coutume de réserver
un statut privilégié au propriétaire chasseur de gibier, naturellement au
détriment des cultures. Il était interdit au fermier de chercher à détruire le
gibier. Et les oiseaux et bêtes sauvages pouvaient prospérer dans les landes et
les haies. La chasse était un privilège des propriétaires des fiefs avant la Révolution, souvent des seigneurs. Cependant le droit des fiefs de
l’Ancien régime interdisait de « chasser
à cheval ou à pied sur les terres ensemencées depuis que le blé est en tuyau »
(coutume du Poitou). La règle avait aussi interdit l’affermage du droit de
chasse ou garenne, et l’administration des eaux et forêts « devait y tenir la main » (veiller à
l’application) (4). Dans la pratique la chasse constituait bien un privilège
seigneurial, y compris avec l’affermage du droit de chasse, qui fut aboli le 4 août 1789, et y compris avec son contournement par des braconniers.
Des abus de braconnages s’en suivirent, et un décret du 30 avril 1790 dû réglementer le droit de chasse. Les propriétaires pouvaient chasser sur leurs terres closes sans restriction, et sur leurs terres non closes sauf en période fixée d’avance pour la sauvegarde des récoltes. Les propriétaires fonciers ont jalousement conservé ensuite ce privilège pendant longtemps. Dans son décret du 28 septembre 1791 sur la police rurale, l’Assemblée nationale avait édicté en son article 39 : « Conformément au décret sur les fonctions de la gendarmerie nationale, tout dévastateur des bois, des récoltes, ou chasseur masqué, pris sur le fait, pourra être saisi par tout gendarme national, sans aucune réquisition d'officier civil. »
Des abus de braconnages s’en suivirent, et un décret du 30 avril 1790 dû réglementer le droit de chasse. Les propriétaires pouvaient chasser sur leurs terres closes sans restriction, et sur leurs terres non closes sauf en période fixée d’avance pour la sauvegarde des récoltes. Les propriétaires fonciers ont jalousement conservé ensuite ce privilège pendant longtemps. Dans son décret du 28 septembre 1791 sur la police rurale, l’Assemblée nationale avait édicté en son article 39 : « Conformément au décret sur les fonctions de la gendarmerie nationale, tout dévastateur des bois, des récoltes, ou chasseur masqué, pris sur le fait, pourra être saisi par tout gendarme national, sans aucune réquisition d'officier civil. »
Dans trois métairies de Joseph Guyet on repère
une clause rappelant ce que la loi rendait déjà obligatoire. De là à penser
que les métayers avaient besoin de ce rappel à l’ordre, nous franchirons
volontiers le pas. Les coupables désignés à la postérité sont ainsi les
fermiers de la Fontaine et de la Grande Roussière à Saint-Fulgent et ceux de la
Morelière à Chauché. Au fermier il « est
fait expresse défense de chasser sur ladite métairie et d’y tendre des pièges,
lacets ou autres instruments propre à prendre ou détruire le gibier, ce droit
étant réservé pour le propriétaire ; ils ne laisseront chasser personne sans la permission du bailleur ;
ils feront à cet égard toutes diligences et poursuites nécessaires. »
Les vignes
La culture de la vigne obéissait à deux régimes différents. Nous en avons un exemple à Sainte-Florence-de-l’Oie
dans l’acte d’achat du fief de Puyberneau en 1775, où se trouvaient à la
fois des vignes à pied et à complant. Ce bail particulier, appelé baillette de vigne à
complant, obéissait à des règles définies dans des baillettes à complant (actes
unilatéraux du bailleur), tenant compte du temps nécessaire à la montée en
production de la vigne, à la durée de vie des ceps et aux soins particuliers
dont ils ont besoin. Les journaux de terre de vigne (1 journal valait 50 ares environ)
étaient traditionnellement appelés des « fiefs » en Bas-Poitou. C’est
dire si les dénominations commerciales modernes des vins vendéens puisent leurs
racines dans les profondeurs de leur histoire ! Le cultivateur complanteur possédait
un droit de plantation de la vigne, indépendant de la propriété du sol. Il
donnait en contrepartie un sixième ou un cinquième de la vendange au bailleur, à
condition de cultiver suivant les règles de la coutume du Poitou officialisées dès
le 16e siècle (5).
Pour Joseph Guyet, la vigne, comme les bois et
taillis, étaient réservée par le propriétaire, et sa culture continuait d’être
réglée par les usages. C’est ce qui explique sans doute qu’on en parle peu dans
les trente-deux baux étudiés, seulement six fois dans quatre métairies.
Dans une courte clause du bail de la Mauvelonière en 1828, il est écrit : « les fermiers seront tenus de recevoir et soigner le produit du complant de la vigne de la Mauvelonnière qui est réservé au propriétaire. » Un peu plus précise, est la clause du bail de la métairie de la Touche (Essarts) en 1822 : « la vigne dépendant de la métairie de la Touche demeure réservée au sieur Guyet, mais les preneurs s’obligent à la cultiver à moitié, comme avant les présentes, et lui donneront toutes les façons nécessaires. Ils y planteront des provins où il en manquera, la fumeront même, s’il est reconnu qu’elle en a besoin. » Ce partage à moitié est du colonage partiaire et non plus un bail à complant, mais remplacer les ceps morts par de nouveaux (provins) et fumer si nécessaire, représentait une charge significative, en plus du travail normal de la vigne, très réglementé avec des travaux précis à faire chaque saison (les façons). En 1826, le propriétaire fait un geste pour tenir compte du travail d’entretien et de replantation nécessaire. « Pour contribuer à la dépense, M. Guyet, à titre d’indemnité, abandonne la part qui lui revient dans la récolte de cette vigne pour la présente année 1827 ; en conséquence la vigne devra être maintenue en bon état de culture et laissée à la sortie bien plantée et n’avoir besoin d’aucune réparation à peine de tous dommages et intérêts. »
Dans une courte clause du bail de la Mauvelonière en 1828, il est écrit : « les fermiers seront tenus de recevoir et soigner le produit du complant de la vigne de la Mauvelonnière qui est réservé au propriétaire. » Un peu plus précise, est la clause du bail de la métairie de la Touche (Essarts) en 1822 : « la vigne dépendant de la métairie de la Touche demeure réservée au sieur Guyet, mais les preneurs s’obligent à la cultiver à moitié, comme avant les présentes, et lui donneront toutes les façons nécessaires. Ils y planteront des provins où il en manquera, la fumeront même, s’il est reconnu qu’elle en a besoin. » Ce partage à moitié est du colonage partiaire et non plus un bail à complant, mais remplacer les ceps morts par de nouveaux (provins) et fumer si nécessaire, représentait une charge significative, en plus du travail normal de la vigne, très réglementé avec des travaux précis à faire chaque saison (les façons). En 1826, le propriétaire fait un geste pour tenir compte du travail d’entretien et de replantation nécessaire. « Pour contribuer à la dépense, M. Guyet, à titre d’indemnité, abandonne la part qui lui revient dans la récolte de cette vigne pour la présente année 1827 ; en conséquence la vigne devra être maintenue en bon état de culture et laissée à la sortie bien plantée et n’avoir besoin d’aucune réparation à peine de tous dommages et intérêts. »
Dans le même esprit on a le bail
de la Godelinière (Landes-Genusson) en 1821 qui précise : « les preneurs bêcheront et entretiendront la
vigne qui fait partie de la ferme, la tailleront, replanteront et y feront des
provins de manière à ce qu’elle soit convenablement plantée. » Et cinq
ans plus tard on écrit : « Ils
(preneurs) donneront à la vigne dépendant de la dite propriété toutes les
façons usitées en cette contrée et la provigneront s’il est nécessaire. »
À la métairie de la Roche au Roi
(Saint-Fulgent), le bail de 1815 réserve au propriétaire « le complant de deux fiefs de vigne qui était
précédemment réunis à ladite métairie ». En 1829, changement de
formule à nouveau : le propriétaire incorpore la vigne dans le bail de la
métairie en se réservant un cinquième de la récolte : « en y joignant (à la métairie) le produit du
complant, au cinquième, qui est dû sur les deux fiefs de vigne dépendants de ladite métairie. » Cette clause était celle des baux à complant
d’autrefois.
Le matériel vinicole appartenait
au propriétaire et celui-ci fournissait les futs nécessaires au stockage de son
vin. À la Roche au Roi, on trouve une exception, révélant un cas particulier.
En bas du bail en cours, signé en 1829,
on a ajouté : « Je soussigné
fondé de pouvoir de M. Guyet certifie que le petit pressoir à vin qui existe sur la métairie de la Roche au Roi appartient en toute
propriété au fermier Pierre Arnou qui l’a fait faire à ses frais de main
d’œuvre et de matériaux. Saint-Fulgent le 15 septembre 1832 ».
Il ressort de ces clauses que le
régime appliqué, tantôt ressemble à celui des complants d’autrefois, tantôt en
diffère. Sans doute éloigné par principe de l’ancien droit féodal, auquel on
assimilait le complant, le propriétaire semble s’être peu soucié de le maintenir. D’autant
que les preneurs possédaient le droit de
vendre leurs ceps de vigne et de le transmettre par héritage. C’était une
manière d’introduire un étranger dans la métairie, peu compatible avec le
caractère exclusif qu’avait pris le droit de propriété lors de la Révolution. Nous
en avons un exemple avec un acte de rachat rédigé par le notaire de Saint-Fulgent,
Frappier, le 27 juillet 1791. Les huit propriétaires d’une vigne d’à peine un
hectare à Chavagnes-en-Paillers, la revendent au propriétaire du sol pour 181
livres. Ils l’exploitaient « à la
cinquième partie des fruits y croissant et à quelques deniers de cens envers le seigneur Montaudouin (de la Rabatelière) comme propriétaire du fief de la Robretière »
(6). Si la propriété de la vigne était transmissible, elle n’était pas absolue.
En cas de mauvais entretien de la vigne,
le propriétaire du sol pouvait la reprendre à son compte. Or les clauses de
Joseph Guyet, qui insistent sur le remplacement des ceps, ne sont pas
cohérentes avec ce droit de la propriété de la vigne propre aux complants.
Rappelons qu’on a
voulu abolir le régime du complant au moment de la Révolution, assimilé à un
droit féodal ; il y eut discussions, puis après avis favorable du Conseil
d’Etat, le gouvernement prit la décision exceptionnelle de le maintenir
dans la Loire Inférieure. Il s’agissait pour les vignerons du muscadet de
conserver la propriété des pieds de vigne, quitte à continuer de rétribuer le
propriétaire du sol. Les Vendéens obtinrent le même régime en justice ensuite (5).
Les étangs
Nouvel étang des Noues (Saint-André)
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Le charbon de bois
En 1826 à la métairie de la
Gagnolière des Essarts, il est indiqué : « de ne pouvoir faire du charbon sur la dite métairie ou avec le bois en
provenant. » Et la même année à la métairie de Bellevue, toujours aux
Essart, le bail prévoit la même clause. Cette production était-elle une
spécialité locale ?
(1) Bail de l’Oiselière du 21-2-1790 de C. Guyet à Maindron et Enfrin, Archives de Vendée, Etude de
notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13.
(2)
Annuaire de la Société d’Emulation
de la Vendée (1856-A2), page
145.
(3) Ferme de la Boutinière de A. Tinguy à Roy du 7-6-1771, Archives
de Vendée, Etude de notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/6.
(4) J. B. L. Archer, Traité des fiefs sur la coutume du Poitou,
(1762), tome II, chapitre 12
(5) Douteau, Mémoire sur les
complants du département de la Vendée 18 février 1822, Société d’Emulation
de la Vendée, 1895 page 115 et 1896 page 59
(6) Rachat d’un complant de vignes à Chavagnes le 27-7-1791 par de Montaudouin, Archives de Vendée, Etude de
notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13.
(7) Idem (5).
Novembre 2012
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