jeudi 1 janvier 2015

Les fiefs de Saint-André-Goule-d’Oie et de la Pinetière en 1550 et 1540

Dans les archives de la seigneurie de Languiller (chartrier de la Rabatelière aux Archives de la Vendée), on trouve deux textes intéressants concernant le seigneur de Linières, alors appelé Drollinière, tous deux datées en 1540 et 1550. C’est l’époque de la Renaissance en France et de François 1e, qui a régné sur le trône de France de 1515 à 1547, puis de son fils Henri II qui a régné de 1547 à 1559. François 1e a beaucoup compté pour le seigneur de Linières et le baron des Essarts, comme nous le verrons plus loin.

Le premier texte est contenu dans un aveu de la seigneurie du Coin (Saint-André-Goule-d’Oie), fait par son propriétaire, le seigneur de Languiller (Chauché), à la baronnie des Essarts (1). Il décrit une situation de 1550 et concerne le fief de Saint-André.

I L’aveu à Languiller pour le bourg de Saint-André et une partie de l’étang de Linières

Ce qu’on désignait par fief de « Saint André de Gouledois », était le bourg de la paroisse seulement, bordant la limite de la paroisse de Chauché et les tènements de la Milonnière, Ridolière, Machicolière, Dibaudelière et le fief du Coudray. Tous ces noms désignent encore des villages, sauf la Dibaudelière qui a disparu depuis cette époque. On appelait tènement des surfaces foncières concédées à un ou plusieurs teneurs par des seigneurs dans les débuts de la propriété seigneuriale, comprenant ou non des villages.

Ce fief de Saint-André comprenait « la moitié de son étang de la Droelinière avec son rivage ainsi que le fil d’eau ou cheneau venant de Saint-André jusqu’à la chaussée de son dit étang ». On sait que le ruisseau, situé sur Saint-André, faisait limite entre les deux paroisses de Saint-André et de Chauché, et qu’à la Drollinière il alimentait un étang, participant lui aussi de cette limite. Et le texte ajoute que les deux moulins, l’un à vent bâti sur le champ côté Saint-André et l’autre à eau sur le ruisseau, sont compris dans le dénombrement des biens dépendant du fief de Saint-André-Goule-d'Oie.

La longue histoire de l’étang de Linières

Étang de Linières

La présence d’un étang à Linières ne peut pas surprendre ceux qui connaissent les lieux. Sauf que celui qui existe actuellement a été creusé dans les années 1870 par Marcel de Bayer. Il l’a fait sur les restes envasés et envahis de broussailles d’un ancien étang. D’ailleurs les géomètres du cadastre napoléonien en 1838 ne le mentionnent pas. Ils signalent seulement une mare, existant toujours, dans une parcelle no 35, qu’ils désignent du nom d’« ancien étang », proche des terres de la Louisière. C’est tout ce qui restait à cette époque de l’étang ayant existé dans les temps plus anciens. La description des lieux au moment du rachat du domaine en 1796, devenu bien national, par Mme de Lespinay, confirme la description du cadastre de 1838. Le texte indique « l’emplacement d’un ancien étang de l’autre côté du bas jardin » (2). Le Bas-jardin désignait la parcelle de jardin à l’est de l’ancien logis, c'est-à-dire la partie nord de la pièce appelée de nos jours « la cour du château », descendant ensuite vers l’étang, moins pentue que maintenant.

Nous savons que c’est au 18e siècle que l’étang de Linières a disparu progressivement, faute d’entretien. Mais en 1675 il existait bel et bien, mentionné dans une délimitation du territoire voisin de la Bergeonnière (3). Le tènement de la Bergeonnière était alors bordé au nord-est par la rivière du Vendrenneau à partir, vers l’est, de l’endroit appelé le moulin aux draps, jusque, vers l’ouest, la haie qui le séparait du fief de la Bourolière. Le moulin dit « à Grolleau », se situait vraisemblablement entre ces deux limites. La frontière montait ensuite « jusqu’au chemin qui conduit de Saint-André à la Boninière, puis montant encore tout le long de la haie du champ qui est aux Brillouet et qui sépare les dits fiefs de la Brejonnière et Bourolière, jusqu’au grand chemin qui conduit de Saint-André à la Rabatelière jusqu’à l’endroit d’une fosse proche du bois de Linière appelé la Fosse Noue, descendant le dit fief tout le long du chemin et des murailles de Linière, jadis Drolinière, jusqu’au ruisseau d’eau qui descend de l’étang du dit Linière » pour rejoindre la rivière de Vendrenneau. 

Cette description de 1675 est intéressante. D’abord le « moulin à Grolleau », confirmé la présence de cette famille de meuniers à la Boutinière dès 1673. Le « jadis Drolinière » que nous venons de lire, fait référence à la transformation du nom en « Linières » opérée quelques dizaines d’années plus tôt seulement. Le chemin de Saint-André à la Rabatelière, tel qu’il est situé, a toujours existé, reliant les deux Linières par une route empierrée au 19e siècle, et continuant ensuite vers la Morelière. Sur le cadastre napoléonien on l’appelle le chemin de la Bourolière à Saint-André. Il vient d’être ressuscité sur un tracé en ligne droite par le récent remembrement. La Fosse Noue a peut-être disparu, à moins qu’il ne s’agisse de l’abreuvoir appelé « la pompe » par le cadastre napoléonien (parcelle no 12) cent cinquante ans plus tard, situé au même endroit ou à proximité. De nos jours on ne lui connaît pas de nom particulier, c’est la petite fosse de Linière tout simplement. Le texte ci-dessus confirme l’existence du Bois de Linière, bien visible sur la carte Cassini, au sud de l’ancien château. Il a totalement disparu.

Le chemin séparant le tènement de la Bergeonnière du fief de Linières parait bien être celui qui relie aujourd’hui les deux Linières, le long des murailles du domaine. Ce ne sont pas les murs actuels, construits avec l’aménagement des nouveaux jardins vers 1871, au moment de la construction du dernier château de Linières. Mais cette muraille du 17e siècle existait déjà à peu près au même endroit, remplacée ensuite par un mur, dont un reste est toujours debout le long de la route. Et elle se prolongeait ensuite en descendant vers l’étang. À la place actuelle des pièces dite de « la cour du château » et du champ la jouxtant au nord, se trouvaient les jardins du logis de Linières à la fin du 18e siècle. La description du domaine en 1796 indique : « un jardin haut et un jardin bas, renfermés de murs derrière la maison ».

C’est donc cet ancien étang que mentionne l’aveu de 1550, recreusé en 1870.

La possession seigneuriale du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie


Le fief de Saint-André était tenu entièrement depuis la 2e moirié du 14e siècle de la seigneurie du Coin Foucaud par le seigneur de Linières avec un hommage plain, un cens de quarante sols tournois et un droit de rachat. Celui-ci était une redevance due à chaque changement de propriétaire de la Drollinière par dot, héritage ou acquisition sur les biens nobles du fief, telle que prévue par la coutume du Poitou. 

Le seigneur suzerain du Coin en 1550 était Claude de Belleville (1507-1564). Il épousa en 1541 Jeanne de Durfort. Sa sœur, Renée de Belleville épousa Raymond Eyquem en 1556, et le célèbre écrivain bordelais Michel de Montaigne fut un de ses neveux.

Le seigneur de Linières avait concédé vers 1405 le fief désigné du même nom : fief de Saint-André-Goule-d’Oie, sous son hommage, à deux roturiers nommés Michau et Gaschet (4), que ses successeurs vendirent vers 1535 au seigneur de la Boutarlière. Les moulins et l’étang de Linières font partie du fief concédé, mais demeurent en la possession de Linières et en constituent le chef d’hommage du fief concédé. Et nous avons là une hiérarchie de liens vassaliques allant de la Boutarlière à Linières, puis au Coin Foucaud et enfin aux Essarts. Et on pourrait la poursuivre bien sûr jusqu’au roi de France. En 1550, la dame de Linières était Françoise Foucher veuve de Joachim de la Chastre, et la dame de la Boutarlière était Louise Bonnevin. 

Portail du logis de la Boutarlière
Des liens entre les seigneuries de la Boutarlière et de Linières ont existé pendant longtemps. En effet, le seigneur de la Boutarlière, Antoine Gazeau, archer écuyer, aussi seigneur de la Brandasnière (Cezay), s’était marié en 1519 avec Louise Bonnevin. Celle-ci était la fille de Guion Bonnevin et de Catherine Drouelin. Catherine Drouelin, née vers 1460, avait apporté la Boutarlière dans sa dot de mariage. Elle descendait d’une branche collatérale des Drouelin qui avaient été seigneurs de Saint-Fulgent et créateurs de la Drollinière, devenue Linières à Chauché. En 1342, un Drouelin avait partagé ses biens, la Boutarlière revenant à Jean Drouelin et la Drollinière restant à Maurice Drouelin. La deuxième fille de ce dernier, Marie, se maria avec Guillaume Baritaud en 1350, lui apportant la Drollinière en dot. Françoise Foucher était une descendante de cette dernière.

Le seigneur de la Boutarlière, pour le fief de Saint-André, devait à son tour au seigneur de Linières la foi et hommage plain et le droit de rachat appelé aussi cheval de service. On sait que le service militaire a constitué l’obligation principale du vassal à l’origine de la féodalité. Au sortir du Moyen âge on observe que la notion de cheval de service s’appliquait au droit au rachat que devait payer les nouveaux possesseurs de fiefs, et dont la valeur était propre au fief, sinon s’appliquait la coutume du Poitou (une année de revenus). L’hommage plein, ou simple, effectué sous une forme simplifiée, comportait des effets moins exigeants que l’hommage lige (5).

Les droits perçus par le seigneur de la Boutarlière en 1550 sur l’ensemble des teneurs du fief de Saint-André étaient les suivants :

-        quarante-trois sols six deniers à noël,
-        plus une geline (poule),
-        plus cinquante-deux sols six deniers à la fête de Notre-Name d’août (15 août)
-        et huit sols à la Saint-Jean-Baptiste.
-        en outre à la Saint-Michel, une redevance appelée pascage, d’un denier prélevé sur chaque « bête porcine » dans le fief. S’y ajoutait un droit de maussage sur chaque cochon aussi, perçu à la Saint-Michel, d’un demi denier. 
-        Et sur trois particuliers et leurs héritiers, nommés en 1550 Clément, Micheau et Jean Seuorin, il percevait quatre trulleaux d’avoine.
    Le total des redevances en argent se montait donc à 105 sols, montant faible porté au seigneur de Linières.

Enfin, l’aveu rappelle le droit de basse justice qu’avait le seigneur de Linières sur ce fief de Saint-André. Cette juridiction basse concernait les personnes pour les contraventions susceptibles d’amendes d’un montant inférieur à 7 sols 6 deniers, selon l’article 17 de la coutume du Poitou. Elle concernait surtout les litiges d’ordre foncier, où le juge seigneurial tranchait dans des affaires foncières concernant le seigneur du fief.

Nous savons que cette suzeraineté directe du seigneur de la Boutarlière sur le fief de Saint-André dura jusqu’à la Révolution.

II L’aveu aux Essarts pour la Pinetière


Le deuxième texte intéressant sur Linières est un parchemin du 16e siècle, égaré dans les papiers de Languiller, qui sont archivés dans le chartrier de la Rabatelière (6). En guise de titre il porte la mention suivante : « pour M. le baron, ceci regarde les Essarts ». Il ne concerne pas en effet Languiller, mais bien la baronnie des Essarts, à qui est rendu un acte de foi et hommage par le seigneur de la Drollinière (Linières).

Il y a des jours où les mauvais classements sont un bienfait pour le chercheur, comme c’est le cas avec ce parchemin. Les archives du fief de Linières ont disparu dans une tornade vers 1972 au château de la Mouhée (Chantonnay), où elles étaient conservées (7), et les archives de son suzerain ont disparu dans l’incendie du château des Essarts pendant la guerre de Vendée. Le château de la Rabatelière a, lui aussi, subit des dommages pendant cette guerre, mais pas aussi dévastateurs pour ses archives. Cela nous permet de lire ce parchemin égaré à la Rabatelière. Néanmoins certains de ses documents ont subi l’outrage du temps. Tel est le cas de ce parchemin daté du 10 juin 1540, l’encre a pâlit et des moisissures ont fait quelques dégâts, au point de rendre certains mots illisibles ou presque.

Quand le hameau du Doué s’appelait le fief de la Pinetière


Dans cet acte de foi et hommage, le seigneur de Linières reconnaît tenir les terres de la Pinetière du baron des Essarts. Suivant le droit féodal, il lui offre sa foi et hommage, constituant à cet effet sur place comme son représentant « noble homme Jehan de Prehan ». Les deux seigneurs n’habitent pas le Bas-Poitou en effet. On les trouverait ce jour-là plutôt à la cour du roi, ou à son service dans quelques provinces ou châteaux qu’ils gouvernent en son nom, ou bien dans leur résidence principale, dans le Berry pour le seigneur de Linières, ou à Nantes pour le seigneur des Essarts.

Saint-André-Goule-d'Oie, 
bourg vu du fief de la Pinetière
Les terres de la Pinetière, d’une modeste contenance de quatre septrées (environ huit hectares) de terres et deux journaux de pré (environ un hectare), se situaient apparemment sur la paroisse de Chauché, en limite du bourg de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie à cette époque. Le nom « Pinetière » a disparu depuis le 16e siècle, y compris au moment de l’établissement du cadastre napoléonien en 1838. Au vu des confrontations avec les voisins de cet espace, celui-ci se situerait à l’ouest de la D 11 de Saint-Fulgent aux Essarts, touchant aux terres de la Mauvelonnière, au bourg de St André, et « allant jusqu’à la fontaine de la ville de Saint-André ». Ainsi désignait-on alors un lieu proche du bourg et du ruisseau de la Fontaine de la Goudouinière. En 1838, il s’appelait « la Fontaine de Saint-André ». Cet espace de la Pinetière parait faire partie de celui qui est passé de la commune de Chauché à celle de Saint-André en 1980 pour devenir un lotissement appelé « le hameau du Doué ». Dans ses confrontations, parfois peu claires à lire, le texte désigne un ruisseau du nom de « Laine », qui est peut-être celui qui rejoint le ruisseau de la Fontaine de la Goudouinière, au lieu-dit le Maroc et venant de la Boutarlière.

À cette époque les quatre septrées de terres labourables et non labourables étaient qualifiées de « gaignables » et non « gaignables ».


Les redevances seigneuriales au baron des Essarts


Les devoirs du vassal à son suzerain dans ce texte sont un hommage « plain », accompagné d’un droit de rachat et cheval de service.

L’hommage plain n’obligeait le vassal à aucun service personnel envers son suzerain, il était seulement tenu à lui être fidèle, ce qui avait une portée réelle en cas de conflit d’intérêt entre eux. Il était plus lié au fief qu’à la personne, et de ce fait le vassal pouvait se faire représenter par un procureur, c’était un notaire, pour faire sa foi et hommage. Il n’était pas assujetti au devoir de conseil dans les plaids ou assemblées du suzerain, ni au service militaire envers lui, ni à des devoirs en matière de justice.

Le montant du droit de rachat sur les biens nobles, aussi appelé cheval de service ici, n’est pas précisé. Il équivalait à une année de revenus procurés par le fief en Poitou. Il était versé « quand le cas y advient », est-il indiqué, c’est à dire au moment du changement de propriétaire du fief vassal, par héritage, dot ou achat.

Le vassal précise le montant des revenus annuels retirés sur la Pinetière, mais sans entrer dans le détail, pour servir de référence dans le paiement du droit de rachat. Nous n’avons pas droit à l’énumération de ses droits féodaux, ni même de savoir s’il a lui-même concédé ce domaine à des teneurs. Il faudrait pour cela lire l’aveu et dénombrement qui a été produit au suzerain peu de temps après, normalement dans les quarante jours suivant l’offre de foi et hommage selon la coutume du Poitou. Au total ses droits « peuvent bien valoir par chacun an deux septiers mine de seigle ou environ ». Ces deux septiers mine équivaudraient à 16 boisseaux de seigle, soit 220 kg environ (8). Suivant la coutume du Poitou, le seigneur de la Drollinière y pouvait exercer sur ce domaine la juridiction basse, susceptible d’appel devant la juridiction haute de la baronnie des Essarts.

Le seigneur de la Pinetière et le baron des Essarts à la cour du roi




Pour faire connaissance maintenant avec les seigneurs de Linières et des Essarts cités dans cet acte de foi et hommage, allons droit auprès du roi François Ier, privilège accordé royalement aux générations futures de chercheurs et de lecteurs, de toutes conditions bien sûr.

Éléonore de Habsbourg
Ce grand roi de la Renaissance, qui a rendu obligatoire l’emploi du français dans les documents administratifs (merci !), avait bien connu la jeune fille du gouverneur du château d’Amboise, Antoine II Foucher, en même temps seigneur de Linières, quand il n’était que le comte d’Angoulême, cousin du roi Louis XII. Après avoir accédé au trône, sa deuxième épouse, Éléonore de Hasbourg, fit de cette jeune fille, Françoise Foucher citée ici, une de ses dames d’honneur. Et celle-ci, dame de la Baritaudière (Chantonnay) et de la Drollinière (devenu Linières), épousa en 1535 Joachim de la Chastre, comte de Nançay (Berry). Ce dernier fut un personnage important auprès du roi (page 41 de mon livre, Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oie). Il a été capitaine des gardes du corps du roi à titre héréditaire, maître d’hôtel du roi et des cérémonies de France, gouverneur de Gien et d’Orléans, grand-maître enquêteur général réformateur des Eaux-et-Forêts du département d’Orléans, et prévôt de l’ordre de Saint-Michel. Dans notre parchemin, il fait écrire : « nous Joachim de La Chastre … tenons et avouons tenir à cause de dame Françoise Foucher ma femme … ».  Il est mort en 1546, laissant son héritage, dont Linières, à son fils Gaspard, qui se compromit plus tard dans le massacre de la Saint-Barthélemy comme on sait.

Jean IV de Brosse par Corneille de Lyon
Et sur le parchemin, le seigneur suzerain des Essarts est « Jehan de Bretagne, comte de Penthièvre … baron des Essarts … ». Son histoire est plus compliquée. Il s’agit de Jean de Brosse, IVe du nom, qui succéda à son père en 1525. Certains biens de la famille en Bretagne avaient été confisqués, suite à la longue querelle entre les Penthièvre et les Montfort pour la possession du duché de Bretagne, particulièrement violente et riche en rebondissements au cours des 14e et 15e siècles. Elle était terminée et la Bretagne était désormais rattachée au royaume de France, après le mariage de la duchesse Anne de Bretagne avec le roi de France au début du 16e siècle, et au « traité d’union » qui s’en suivit en 1532. Mais dans l’esprit du père de Jean, René de Brosse, baron des Essarts par ailleurs, la querelle durait toujours. Ses hommages aux rois de France Louis XII, puis François Ier, n’aboutirent pas au recouvrement espéré de la possession entière des biens de sa famille. Il en prit alors ombrage et fit partie de la conspiration du connétable de Bourbon, le suivit en Italie et entra au service de Charles Quint. Il fut condamné à mort par contumace en 1524 et mourut quelques mois plus tard à la fameuse bataille de Pavie en Italie, le 24 février 1525, mais dans le camp des ennemis du roi de France. En raison de sa félonie, le roi avait notamment confisqué les terres de Palluau, les Essarts, l’Aublonnière (Sainte-Cécile), Châteaumur et la Guierche, situées en Poitou, et il en avait gratifié l'amiral Chabot.

Pour rentrer en faveur et recouvrer les terres et seigneuries confisquées à son père, Jean IV de Brosse épousa, le 25 août 1536 à Nantes, Anne d’Heilly-Pisseleu, maîtresse de François Ier. Il fut même élevé au grade de chevalier de l'Ordre en 1546.

François 1er
Anne de Pisseleu
Parmi ses nombreuses maîtresses, Anne de Pisseleu était la favorite en titre de François Ier (jusqu’à la mort de ce dernier), à côté de l’épouse en titre. Issue d’une famille de modeste fortune mais de noblesse ancienne, elle fut tout d'abord fille d'honneur de la mère de François Ier, avant de devenir sa maîtresse. Blonde aux yeux bleus, avec une taille fine, elle était aussi cultivée que François Ier et savait tourner les vers. Pour asseoir sa position à la cour, le roi lui fit donc épouser Jean IV de Brosse, qui reçut en plus le comté d'Etampes, érigé en duché en 1536. Le roi fit d’une pierre deux coups : honorer sa maîtresse et s’attacher un grand seigneur ruiné, dotant en plus le couple de 72 000 livres. Pour l’éloigner, le mari fut nommé gouverneur du Bourbonnais, plus tard il le sera de Bretagne à Nantes. Mais les relations d’Anne de Pisseleu avec le roi, marquées par l’intérêt, connurent des orages. Dans un moment de froideur elle dû retourner en Bretagne auprès de son époux, celui-ci n’étant pas très heureux de la revoir. Elle n’eut pas d’enfant, ni du roi ni de son mari.

Le nom de « Bretagne », donné ainsi à Jean dans notre acte de foi et hommage de 1540 pour le petit fief de la Pinetière, apparaît quelque peu usurpé. Les historiens, qui connaissent la suite de l’histoire, lui attribuent justement le nom de « Jean de Brosse, dit de Bretagne ». C’est que dans la famille on avait du mal à accepter la défaite des aïeux pour la possession du duché de Bretagne, après les violents combats perdus des siècles précédents. Jean de Brosse mourut en 1564, transmettant lui aussi à ses héritiers la nostalgie du duché de Bretagne. D’ailleurs, la petite fille de son frère, qui hérita plus tard de ses biens et titres, Marie de Luxembourg, épouse de Philippe de Lorraine duc de Mercœur, fit une tentative avortée pour rétablir la souveraineté du duché de Bretagne à son profit.

(1) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud à la baronnie des Essarts du 2-7-1605 copiant un aveu de 1550.
(2) Archives de Vendée, Vente des biens nationaux : 1 Q 240 no 317, dossier de l’achat de Linières.
(3) Archives de Vendée, Chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, déclarations roturières diverses de Pierre Moreau vers 1675.
(4) Notes no 5 et 17 sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie sur l’aveu en 1405 d’Antoine Foucher au Coin, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(5) François L. Ganshof, Qu’est-ce que la féodalité ? 5e édition Tallandier collection Texto, 2015, page 154 et 174.
(6) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17, foi et hommage du seigneur de la Drollinière pour la Pinetière du 10-6-1540.
(7) Message de Charles de Lespinay du 24 avril 2019.
(8) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 82, papier censaire arrêté le 23 janvier 1723, et 150/C 84, déclaration rendue par Claude Morin à Daniel Prevost le 3-11-1659.

Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2015, complété en août 2021

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