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Dans le village de la
Boninière
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La Boninière tient probablement
son nom d’un nommé Bonin. On en a l’affirmation en 1598 pour un autre tènement
aussi appelé Boninière situé dans le fief du Bois Saint-Martin à
Saint-Martin-des-Noyers (1). Le tènement de la Boninière à
Saint-André-Goule-d’Oie touchait la rivière du Vendrenneau et les tènements de
la Bourolière, la Jaumarière et la Bouchardière. Juste de l’autre côté du
Vendrenneau, qui fait limite avec la paroisse de Saint-Fulgent, il y avait un
tènement aussi appelé Boninière, touchant celui de la Clavelière. C’est ce
qu’on apprend dans un aveu du seigneur de Saint-Fulgent à Tiffauges en 1774
(2), mais cette réalité remonte probablement les siècles. À cette date ce
tènement occupait une surface de 4 septrées de terre et 10 journaux de pré (au
total environ 12 hectares), dont le chapelain de Lerandière prélevait un
terrage à la 1/24e partie des récoltes. La chapelle de Lérandière, aussi désignée Tineière,
possédait
une métairie de dimension modeste (terre à deux bœufs), dans le village du même
nom à Saint-Fulgent, devant très probablement être desservie dans l’église
paroissiale du bourg, ou dans une chapelle à Puygreffier.
Ce qui est intéressant dans cette Boninière de
Saint-Fulgent, c’est de constater que le même nom pourrait désigner un même
territoire, traversé par le Vendrenneau, et qui aurait été divisé aux 12/13
e
siècles quand on fixa les limites entre les paroisses de Saint-Andé-Goule-d’Oie
et de Saint-Fulgent. Il aurait pu être divisé aussi entre le seigneur du Coin
Foucaud, sur la rive sud du Vendrenneau, et celui de Saint-Fulgent sur sa rive
nord. Or il est peu fréquent qu’un tènement soit divisé et partagé entre deux mouvances aussi
éloignées que l’étaient Tiffauges pour le côté nord, et les Essarts pour le
côté sud.
L’hypothèse ne doit pas
être écartée cependant car on sait qu’en 1343 Montaigu étendait sa mouvance sur le fief
de Saint-André (bourg) et ailleurs dans la paroisse du même nom, et qu’ensuite
le baron des Essarts a pris sa place par l’intermédiaire du seigneur du Coin. Il
apparait probable que l’habitat primitif de la Boninière et ses
terres aux alentours préexistaient
à des changements de mainmise des seigneurs locaux, qui se
le seraient partagés. On a une situation à la Brossière de Saint-André comparable et prouvée : le Vendrenneau traverse
le tènement de la Brossière, et a été choisi pour faire la limite entre les
paroisses de Saint-André-Goule-d’Oie et de Vendrennes. Tout le tènement
relevait roturièrement de la mouvance du même seigneur du Coin Foucaud, et
parait ainsi préexistant à la fixation des limites entre les paroisses. La situation est moins documentée à la Boninière, mais pourrait revenir au même.
Les
tènements disparus de la Bouchardière et des Sigournières
Le voisinage de la Boninière interroge
aussi un lointain passé dans la paroisse même de Saint-André-Goule-d’Oie. Il y avait, touchant le tènement de la Boninière,
le fief des Sigournières (ou Segoninières) que tenait des Bouchauds le seigneur de la Jaumarière
(3). Au sud de la Boninière il y avait le village et tènement de la
Bouchardière. Son nom a disparu, y compris dans le cadastre napoléonien de
1838. En 1519 il comprenait un village dont les propriétaires payaient les
mêmes droits qu’à la Boninière, et en plus une redevance de 4 poules. Le terrage
au 1/6 des récoltes y était partagé par moitié avec le prieur de Saint-André
encore en 1550 (4). Ailleurs dans la paroisse le prélèvement du prieur fut
supprimé au profit exclusif du seigneur de Languiller au titre du Coin, juste
après, c’est-à-dire pendant les guerres de religion. Nous n’avons pas de
document concernant la Bouchardière après 1550, et le village lui-même a
disparu à une époque inconnue.
Le fief
de la Boninière et son régime féodal
La date du premier aveu connu
pour la Boninière n’est plus lisible sur le cartulaire du Coin, déjà abîmé au
milieu du 19e siècle. Il a été rendu à Jean de Sainte-Flaive,
seigneur de Languiller (Chauché), à cause du Coin Foucaud (seigneurie du Coin dont
le château s’élevait 2 kms plus loin vers Chavagnes). On en déduit que cette
date se situe entre 1405 et 1441. Il nous apprend qu’un nommé Jean Poussard
tenait la Boninière à foi et hommage plain et rachat, c’est dire que c’était un
fief, peut-être un ancien tènement donné à un noble. Il contenait alors 3
boisselées (3600 m2) pour les maisons, abords et jardins,
16 septerées environ (31 hectares) de terres labourables et non labourables, et journaux à 7 hommes de pré (3,5 ha). Le rachat peut
valoir à cette époque 10 septiers de blé, soit 160 boisseaux (5).
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Entrée du village du
Coin
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Ensuite le chartrier de la
Rabatelière ne comprend plus qu’un document accessible pour la Boninière, un
vieux parchemin à l’écriture tout à fait lisible en vieux français, du 12 avril
1519 (6). Il s’agit d’une offre de foi et hommage d’André Landais, un bourgeois
que nous ne connaissons pas. Il devait un hommage plain (simple) avec droit de
rachat faite au seigneur du Coin « quand
le cas y advient par muances d’homme selon la coutume du pays ». Cette
muance concernait les changements de personnes chez le vassal. Le parchemin de
1519 est complété en 1550 ensuite par un aveu du suzerain, la seigneurie du Coin.
Cette seigneurie du Coin n’avait plus d’existence
propre, et ses droits étaient possédés en 1519 par Jacquette de Sainte-Flaive,
fille de Jacob de Sainte-Flaive, ce dernier arrière-petit fils de Jean de
Sainte-Flaive nommé ci-dessus. C’est à la veuve de ce dernier, qu’André Landais
rend sa foi et hommage à cause du Coin Foucaud : Marguerite du Fou, dame de
Sainte-Flaive, Sigournais et de Languiller. Pour l’histoire des Sainte-Flaive à
Languiller, voir notre article publié sur ce site en mai 2020 : Les seigneurs de Languiller (1300-1603). On y voit que Languiller possédait la
seigneurie du Coin dès 1372, et que son premier aveu pour cette seigneurie est
daté vers 1405.
De vers 1420 à 1519, les surfaces déclarées
dans le tènement de la Boninière n’ont pas changé. Les jardins occupaient toujours
une surface de terre de 3 boisselées. C’est peu, ce qui suppose un nombre d’habitants
peu élevé. Peut-être que le renouveau démographique qui a suivi la fin de la
guerre de Cent Ans (1453), et l’espacement d’épidémies moins meurtrières
qu’avant, aient tardé ici à y faire sentir ses effets. Mais on craint que ces
chiffres ne reflètent pas la réalité, car on recopiait souvent pour rédiger un
aveu ou une foi et hommage le même texte que précédemment. Le tènement
comportait 7 journaux de prairies naturelles, permettant pourtant un élevage
d’importance significative. Le parchemin d’où sont tirées ces informations en
1519 n’est qu’une offre de foi et hommage et non pas un aveu. Il ne s’étend donc
pas sur la description des lieux et des redevances.
On n’en sait pas davantage avec l’aveu du
suzerain, la seigneurie du Coin Foucaud, en 1605, reproduisant un texte de 1550
(7). Les parcelles de prairies sont de « journaux à 7 hommes de pré »
vers 1419, « 7
journaux de prés » en 1519, et « 7 hommes de pré » en 1550. S’agissant
de prairies naturelles, les surfaces n’ont pas changé, et on remarque l’équivalence
entre la journée d’homme et le journal pour exprimer une même surface de pré. Les
jardins font toujours 3 boisselées, mais on les appelle en 1550 des « courtils ». Ils sont « près et derrière les maisons dudit village ».
En 1519 ils étaient « assis et
situés au droit des dites maisons ».
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Dans le village de la
Boninière
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En 1550 le seigneur vassal pour la Boninière est un
prêtre nommé Bellet, qui a pris la suite de Landais et encore avant de Jean
Poussard. Son état de prêtre ne l’empêchait pas d’être propriétaire, c’était
même souvent le cas car il fallait faire des études, ce qui supposait des
parents aisés. André Bellet tient la Boninière à foi et hommage « tant pour lui que pour ses parsonniers qui
tiennent de lui sous lui ». Le mot « parsonniers » avait
deux sens différents en pratique. Le premier désignait les membres d’une
communauté, indivise, comme c’était souvent le cas des biens d’héritage avant de
procéder au partage de la succession, ou bien suivant le règlement de la
succession. On a désigné un répondant, le chemier, qui
faisait l'hommage et la déclaration au nom de tous les participants, les autres
tenant leur part du chemier, en parage, suivant les anciens mots du droit
féodal. Nous pensons qu’ici c’est ce premier sens qui est utilisé par
les notaires de la région.
Mais le mot avait un deuxième
sens, synonyme de frarêche, qui désignait des groupements
de familles ayant une propriété indivise. Leurs membres, soumis à des règles
communes, étaient très solidaires entre eux. Les serfs ne pouvaient hériter ni
disposer de leur avoir par testament. Il leur restait une manière d'échapper à
cette loi, c'était de se constituer du consentement du maître, en communauté de
feu et de lieu, de pain et de sel : les parsonniers ou communistes. Ce
dernier mot a connu ensuite une grande fortune politique au 20e
siècle. On ne rencontre pas de frarêche dans la
contrée.
En 1579, la Boninière était tenue par maitre
Roye, procureur de Puybelliard, lequel avait succédé dans cette possession à un
nommé Aparilleau (8). On constate ici l’instabilité dans la possession des
droits seigneuriaux de la Boninière.
Le cens en argent prélevé n’était
que de 107 sols et 10 deniers, à la fois pour la Boninière, la Bouchardière et
la Morelière. Ce dernier était un autre tènement situé plus au sud de la
Boninière. Le cens comprenait l’arrentement des anciennes corvées féodales. En
nature, le sur-cens était de 34 ras d’avoine et de 6 boisseaux de seigle. Le
terrage se montait au 1/6 des récoltes.
Comme dans certains autres
tènements de Saint-André-Goule-d’Oie, les teneurs de la Boninière payaient en
1517 des redevances particulières au seigneur de la Boutarlière, René Drouelin.
L’avenage ou ratier s’y montait à 5 trulleaux d’avoine. Le métivage était de 4
boisseaux, et l’hommage de 10 sols par an. L’avenage et l’hommage étaient
partagés par moitié entre la seigneurie des Bouchauds et celle de la Boutarlière
(9). L’avenage était une redevance en avoine due à cause des droits d’usage et
pacage accordés aux habitants de la châtellenie des Essarts, dont faisait
partie le territoire de Saint-André-Goule-d’Oie. Elle était portée en la
« cohue » (halle) des
Essarts. Le métivage était le droit de battage des blés. L’hommage était un
cens particulier dont on ignore l’origine, porté lui aussi en la « cohue » des Essarts.
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Dans le village de la
Boninière
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On a relevé que la famille
Audouard, appartenant à la noblesse et originaire de la région niortaise,
possédait une maison à la Boninière de Saint-André-Goule-d’Oie. Jacques
Audouard le jeune y habita en 1680. En 1684, c’est son frère René Audouard qui
y habita, venant de Niort. La maison n’est pas qualifiée de logis, même si elle
devait être plus importante que celle des laboureurs habitant dans le
village. Ils ont été seigneur du Pin, et la famille possédait aussi des droits
à la Baritaudière proche, achetés par le bisaïeul Louis Masson, comme il avait
fait pour le Pin et la Jaumarière. Voir notre article publié sur ce site en
novembre 2016 :
Du rififi chez les seigneurs du Pin. Mais ils ne
paraissent pas avoir été seigneurs de la Boninière.
Au 17e siècle Louis Moreau, sieur de Villeneuve
demeurant au Coudray, possédait une borderie à la Boninière. Son héritier,
Louis Corbier sieur de Beauvais, fit une déclaration roturière le 16 décembre
1727 pour ses biens détenus à la Boninière (10). Il l’a fit au seigneur de
Vaugiraud.
Or ce dernier était un descendant de Jean Moreau, cousin du
précédent, qui hérita de son père des trois
septièmes parties des droits de fiefs, rentes et autres au tènement de la
Boninière (11). Bachelier en théologie,
il avait été nommé curé de la Couture, près de Mareuil, en juin 1663. Il fut
inhumé dans son église paroissiale le 22 novembre 1685 (vue 24).
Ses droits durent passer dans
l’héritage des de Vaugiraud à cause de sa sœur mariée à René de Vaugiraud. Et
un descendant de cette famille se présentait un siècle après comme
« seigneur de la terragerie, village et tènement de la Boninière, des
Morlière, et Bouchardière, à 6 deniers de cens par an » (12). On relève
cette phrase dans un acte de vente daté du 17 décembre 1776, d’un pré à la
Boninière par Pierre Eusèbe de Vaugiraud, écuyer seigneur de la Jaumarière, à
Charles Auguste Tinguy, chevalier seigneur de Vanzais demeurant à la Basse
Clavelière. Le pré de 4 boisselées, situé au bout de la cour du village de la
Boninière, relevait roturièrement de Pierre Eusèbe de Vaugiraud.
Autres redevances du tènement
On a l’habitude de noter
l’existence de certaines rentes collectives dues par les détenteurs de biens
immeubles ou propriétaires dans un tènement, en dehors même des cens, rentes et
autres devoirs seigneuriaux contenus dans les déclarations et aveux au
suzerain. Ces rentes, toutes foncières, annuelles et perpétuelles, sont parfois
des redevances d’origine seigneuriales et féodales, vendues au détail et
détachées du droit de fief. D’autres fois ce sont des dons faits à des
institutions religieuses (prieurés, cures, etc.), qu’elle qu’en soit l’origine.
Ou d’autres fois ce sont de simples redevances de baux fonciers perpétuel, dont
l’origine est connue ou non. La justification de ces derniers réside en droit
dans l’acte de constitution, mais souvent ce dernier est oublié ou perdu. Il
est remplacé alors par la coutume et surtout par les titres de reconnaissance ou
« titre nouvel » de droits. Ce petit rappel nous permet de situer les
diverses rentes payées au fil des siècles à la Boninière.
Seigneur de la Guiffardière en
1606
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Entrée de la
Guiffardière aux Essarts
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On a de manière inexpliquée une
déclaration du seigneur de la Guiffardière (située aux Essarts près du Clouin)
en 1606, Hélie de Saint-Hilaire, à Languiller, concernant les héritiers de Jean
Rochereau et d’Aregnon et leurs parsonniers pour leurs biens à la Boninière.
Ces derniers doivent une mine de seigle (8 boisseaux) et 5 sols de rente (13).
Amblard de Guerry a noté une
rente de 4 boisseaux de seigle, mesure des Essarts, due
sur la Boninière à la Brenenière, un fief de Chavagnes-en-Paillers (14).
Cure de la Copechagnière en
1661
Il a aussi noté une autre rente
en 1661, confirmée par un nouveau titre en 1769, due sur le tènement de la
Boninière et la pièce de terre du Cloitre (parrtenant au fief voisin des Segoninières) à la cure
de la Copechagnière. C’était une rente foncière, annuelle et perpétuelle de 2,5 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts,
et 1/12 de boisseau
à la mesure de Montaigu, requérable à la Notre- Dame d’aout (15).
Particulier en 1732
Un titre nouveau de
reconnaissance de rente a été rédigé par les notaires de Saint-Fulgent le 30
septembre 1761, pour 23 propriétaires à la Boninière, dont 13 y demeuraient et
les autres demeuraient aux alentours. La rente reconnue était annuelle,
requérable, foncière et perpétuelle de 9 boisseaux un tiers de seigle, mesure
des Essarts, à la Notre-Dame en août. Elle était due à Catherine Cadou. Celle-ci
était veuve en 1e noces de François Musset, sieur de Bretonnière,
notaire à Montaigu, et en 2e noces de Pierre Millet, conseiller du
roi en l’élection de Chatillon. La rente avait été acquise par Musset de Jacques
Simon et Marie Anne Benoist sa femme le 22 juillet 1718, et reconnue par les
teneurs le 12 août 1732 (16). Le montant de cette rente est presque le même que
la rente précédente due en 1606 au seigneur de la Guiffardière, et on peut se
demander si ce n’est pas la même, ayant ainsi été acquise par des bourgeois.
Mais notre interrogation reste sans réponse.
La Roche de Chauché
Les teneurs de la Boninière devaient
eux aussi une rente à la Roche de Chauché : 14 boisseaux de seigle à la
mesure des Essarts. C’est ce que nous apprend le registre de tenues d’assises
de la Rabatelière à la date du 19 août 1632 (17). Cette dernière seigneurie
possédait en effet une partie des droits de la Roche de Chauché. Ce jour-là
trois teneurs ou propriétaires du village se sont présentés au tribunal de la
seigneurie de la Rabatelière, qui se tenait dans une salle basse du château.
Ils s’appelaient André Chaigneau, Baptiste Rochereau et Louis Bouffard,
déclarant cette rente pour eux et les autres teneurs. Dans le terrier de la
Rabatelière on voit que la rente a été payée en 1650, 1651 et 1652, et
certainement encore après, à moins de défaut de vigilance du créancier. Ensuite,
nous ne disposons pas de déclarations faites par les propriétaires ou son
seigneur, concernant directement la Boninière.
En revanche on la retrouve comme
bien roturier revenant à la République, dans le partage avec sa sœur, réalisé
en date du 2 pluviôse an 5 (21 janvier 1797) des biens confisqués à René Thomas
Montaudouin, ancien seigneur de la Rabatelière qui avait émigré. Ce partage
opéra un classement entre les biens revenant à la République et ceux revenant à
sa sœur, suivant les lois successorales de l’époque (18). Elle est alors de 18
boisseaux, probablement par incorporation d’une autre rente valant 4 boisseaux,
et est estimée valoir 45 F. Déjà dans un partage précédent de 1779 de la
succession de René III Montaudouin, cette rente due sur la Boninière était de
18 boisseaux de seigle (19). Cette attribution de l'an 5 a dû donner lieu ensuite à une
vente aux enchères dont nous ignorons l’adjudicataire. Puis elle a dû s’éteindre
par le rachat des propriétaires concernés, qui était de droit.
Prieuré de
Saint-André-Goule-d’Oie
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Bourg de Saint-André
en 1900
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Les teneurs (propriétaires) du
village et tènement de la Boninière, devaient au prieur-curé de leur paroisse,
une rente seconde foncière annuelle et perpétuelle de 7 boisseaux de seigle et
1 boisseau de froment à la mesure des Essarts (20). Une rente seconde était
créée après une première rente sur les mêmes biens. On la voit reconnue chez le
notaire de Saint-Fulgent en 1787, résultant probablement d’une donation, dont
nous ne connaissons pas l’origine.
De plus le prieur recevait une
dîme sur le champ des Echardettes, contenant 2 boisselées. Situé dans le même
tènement de la Boninière, le champ du Fief du Moulin, contenant 1 boisselée et
58 gaulées avec ses haies, ne donnait pas lieu au paiement de la dîme. C’est ce
qu’on relève à l’occasion de la vente de ces deux champs en 1783 (21). Cela
confirme l’existence d’un prélèvement de grosse dîme sur les récoltes des
champs au profit du prieur de Saint-André-Goule-d’Oie. Mais on ne la rencontre
que très rarement dans la documentation consultée, et on sait qu’elle était
complétée par un autre prélèvement au profit de la cure : le droit de
boisselage. On en conclut que la grosse dîme n’était prélevée que sur une
partie du territoire de la paroisse.
Rente à la Chapelle de Chauché
Enfin, il faut rappeler ici la
rente de 6 boisseaux de seigle due par les teneurs de la Boninière à la
paroisse de la Chapelle de Chauché. Ils avaient cessé de la payer en 1738 et le
fermier de Languiller, par ailleurs se disant fabriqueur (gestionnaire) de la
paroisse, la leur réclamait 28 ans après, alors que les rentes à l’Eglise
étaient imprescriptibles. Néanmoins les arrérages des revenus des biens
imprescriptibles étaient, eux, prescrits par 30 ans. Voir notre article publié
sur ce site en décembre 2011 :
Retour sur la paroisse de la Chapelle de Chauché. Ils firent une déclaration devant notaires le
26 décembre 1768. Voici le nom des 25 propriétaires sur le tènement dans
le texte de la déclaration (22) :
« Par devant nous, notaires royaux de la sénéchaussée de Poitiers
soussignés, ont comparu en leurs personnes, établis en droit et dument soumis :
- - Maître Mathurin Roy, demeurant à la Loge,
paroisse de Mesnard ci-devant Barotière,
- -
Jean Chaigneau, bordier demeurant à la
Boninière,
- - André Millasseau aussi bordier, Jacques ou Jean
Richard, Pierre Charrier, journalier, Mathurin Faupier, André Fonteneau,
journaliers demeurant à la Bourolière,
- - André Fonteneau demeurant à la Morelière,
- - Etienne Blandin, bordier demeurant à la
Porcelière,
- - François Mandin demeurant à la Forêt,
- - Pierre Rondeau aussi journalier demeurant à la
Jaumarière, Jean Michaud, bordier demeurant au même lieu,
- - Nicolas You demeurant à la Gandouinière,
- - Jean Chaigneau, François Moreau, Louis Rochereau
aussi bordier, Jean Rochereau laboureur, Pierre Chaigneau aussi bordier, Louis
Micheleau tailleur d’habits, André Boudaud bordier, Pierre Marchand,
journalier, Jeanne Robin veuve Jean ou Jacques Braud, demeurant les derniers au
village de la Boninière,
- - Pierre Piveteau demeurant à Villeneuve,
- - André Chatry demeurant à la Guérinière, les deux
derniers de la paroisse de Chauché et les autres du bourg et paroisse de Saint-André-Gouldois,
- - François Crépeau, marchand demeurant à la
Haute Clavelière, [] Piveteau laboureur, Jacques Cougnon bordier, Jean Badreau,
meunier demeurant à la Basse Clavelière,
- - Augustin Martin, bordier demeurant à la
Chaunière, paroisse de Saint-Fulgent,
- - Marie Millasseau demeurant au bourg de
Saint-Fulgent,
- Jean Charpentier, Jacques Chastry, journalier, Marguerite Chastry veuve André Robin demeurant à la Bergeonière.
Les tous teneurs, exploiteurs et détenteurs du village et tènement de
la Boninière, susdite paroisse de Saint-André de Gouldois, faisant et
contractant tant pour eux que pour les autres teneurs dudit village et
tènement,
Lesquels en cette qualité ont reconnu et confessé, reconnaissent et
confessent de bonne foi qu’il est bien et légitimement dû sur et à cause dudit
lieu, village et tènement de la Boninière, à la fabrique de la Chapelle Begouin
de Chauché, par chacun an et en chacun terme, jour et fête de Notre-Dame en
août, la rente foncière, annuelle et perpétuelle de six boisseaux de blé
seigle, mesure réduite des Essarts, requérable sur ledit lieu de la Boninière … »
La propriété foncière à la Boninière
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Boninière
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Il ne semble pas qu’ait prospéré
dans ce tènement une grande métairie, mais notre documentation reste
insuffisante pour en être certain. Et pourtant c’était un fief qui, comme la
Roche Mauvin proche, aurait pu devenir une grande métairie. C’est d’ailleurs ce
qui s’est passé, du moins on le constate à la fin du 18e siècle,
pour la Morelière, tènement toujours associé à la Boninière dans les rares
textes connus. Nous avons noté à la Boninière une borderie affermée en 1790 par
André Boudaud, demeurant dans le village, à son voisin Pierre Rousseau, à droit
de colonage à moitié fruits. L’exploitation comprenait un logement, toit,
grange, rues, ruages, verger, prés, terres labourables et non labourables d’une
surface de quelques hectares. Il est précisé dans le bail que, comme le preneur
jouira de la borderie avec d’autres domaines lui appartenant ou affermés
verbalement, et qu’il n’est pas possible de distinguer les blés provenant de
ces domaines, il a été convenu que Boudaud aura la moitié de tous les fruits,
après prélèvements des rentes et semences, et il paiera 50 livres par an au
preneur en rétribution. Il lui promet aussi de lui fournir une charrette avec
ses fers, roues et ruelles. Le revenu
annuel de la ferme est estimé à 80 livres par an seulement (23).
En 1750 on voit aussi André
Boudaud, probablement le père du précédent, marchand de bestiaux de profession,
rétrocéder à son voisin dans le même village de la Boninière, une borderie pour
le prix de 754 livres 10 sols (24). Son voisin s’appelait René Chaigneau et
était bordier. Il avait obtenu de la cour seigneuriale des Essarts, qui jugeait
en première instance, une sentence contre Boudaud, déclarant valable son offre d’achat de
la borderie, et condamnant Boudaud à lui en faire
rétrocession. Ce dernier devait respecter une règle de droit civil existant avant
la Révolution : le retrait lignager. Cela consistait à donner le droit,
dans certaines conditions, à un parent d’un vendeur de biens, de faire
rétrocéder à son profit le bien vendu. En l’occurrence André Boudaud avait
acquis cette borderie à la Boninière le 31 août 1749 de plusieurs personnes en
indivision, pour le prix de 585 livres. Ceux-ci étaient « parents
lignagers » du 3e, ou 4e et 5e degré de
René Chaigneau. Cela donnait le droit à ce dernier de venir au retrait lignager
de la borderie, en faisant une offre à Boudaud, l’indemnisant complètement de
son achat. Et c’est ce qu’il fit le 27 août 1750, soit moins d’un an après la
vente (délai de validité du droit), par assignation d’huissier. Le 4 septembre
suivant, la cour des Essarts, validait l’offre de Chaigneau. Boudaud, déçu de
voir son achat résilié, avait dû refuser la démarche de son voisin dans un
premier temps, puis fut obligé de s’y résoudre. Il reçut le prix de son
acquisition, 585 livres, augmenté de la redevance seigneuriale des lods et
ventes se montant à 169 £ 10 s, qu’il avait déjà payée, et plus « la
façon, contrôle et déboursé dudit contrat », autrement dit les frais de
notaires et de procédures. Les lods et ventes était une taxe due en cas de
mutation des biens, par les nouveaux propriétaires au seigneur de la terre. Le
retrait lignager répondait sous l’Ancien Régime au désir de laisser les biens
dans les familles. Il s’opposait à la conception exclusive du droit de
propriété voulu ensuite par les révolutionnaires, qui le supprimèrent.
Le 20 janvier 1799, les frères
Jean et André Rochereau habitants à la Boninière, achetèrent la moitié d’une
borderie dont les terres s’étendaient sur la Boninière et la Bourolière, moyennant
la somme de 300 francs payée comptant. Les vendeurs sont Jean Crepeau, maçon à
Nantes et Marie Crépeau demeurant au bourg Herbiers, qui en avaient hérité de
leurs parents il y avait près de 20 ans (25).
La guerre de Vendée à la Boninière
On connait par les recherches de
l’abbé Boisson, le parcours d’une troupe d’incendiaires républicains jusqu’à la
Rabatelière le 8 décembre 1793 (26). Avant d’y arriver, ils tuèrent un enfant,
deux jeunes gens et un vieillard à la Jaumarière ce jour-là, et le même jour
« a été tué par les bleus au village de la Boninière », Pierre
Moreau, âgé de 30 ans, époux de Marie Rochereau (2e registre
clandestin de l’état-civil de Saint-André, vue 6).
Deux mois après, le 2 février
1794, dans la période des colonnes infernales, Marie Piveteau, âgée de
43 ans, veuve de Pierre Rousseau, du village de la Boninière, « a été tuée
par les ennemis de la religion » (vue 8 du même 2e registre
clandestin). Il est probable que ce Pierre Rousseau soit le même que celui,
ci-dessus, qui avait loué en 1790 une borderie à André Boudaud, mais il est
difficile de le vérifier.
Ayant perdu la guerre, les
Vendéens continuèrent ensuite à être persécutés dans leur croyance religieuse à
nouveau à partir de septembre 1797. Louis Merlet, commissaire exécutif auprès
de la municipalité du canton de Saint-Fulgent, envoya les gendarmes
abattre des croix sur la commune de Saint-André, dont une à la Boninière. Dans
une lettre du 21 janvier 1798 aux autorités départementales, il est obligé d’avouer
que les agents des communes (maires) n’ont rien fait pour faire disparaitre les
croix encore debout dans la campagne, ils sont pour la plupart les seuls
patriotes de leur commune, dit-il ! Ils craignent les réactions populaires
dirigées par les meneurs contrerévolutionnaires (27).
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Croix de la Boninière
en 2017
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Ces persécutions religieuses ont laissé des traces
profondes. Un détail le souligne à propos des croix abattues par les gendarmes
de Saint-Fulgent en 1798 à Saint-André-Goule-d’Oie. Faisant
le compte rendu de la bénédiction en 1860 de la croix de la Boninière, toujours
bien entretenue de nos jours, un auteur non repéré a écrit comment les
paroissiens s’y sont rendus en procession à l’issue des vêpres du dimanche 10
juin de cette année-là : « Arrivés
à la Boninière, les assistants se rangèrent autour de la croix de pierre,
monument de la piété et de la générosité de tous les fidèles du village, élevé
à la place d’une croix ancienne renversée par l’impiété révolutionnaire,
bénédiction de la croix par le curé de Saint-André, Prosper Guibert, chanoine
honoraire » (28).
(1) Aveu du 30-9-1598 du seigneur des Roullins à Thouars, à
cause de sa femme G. Jupille, page 14, Archives nationales, chartrier de
Thouars : 1 AP/1136.
(2) Aveu du 23-6-1774 de Saint-Fulgent (Agnan
Fortin) à la vicomté de Tiffauges (A. L. Jousseaume de la
Bretesche), page 25, transcrit par Paul Boisson, Archives historiques du diocèse de Luçon,
fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 13.
(3) Fonds de l'abbé Boisson : 7 Z 76-1, Saint-André-Goule-d'Oie, lieux-dits et autres, le fief et tènement des Petites Sigournières.
Et aveu du 9-9-1622 de Sébastien Masson à Languiller pour la Jaumarière et les
Ségoninières, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G
113.
(4)
Note sur la Bouchardière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de
Guerry : S-A 1.
(5) Note no 3 sur la Boninière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 1.
(6) 150 J/G 18, foi et hommage du 12-4-1519 d’André Landois
au Coin Foucaud pour la Boninière.
(7) 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud et du Vignault du
2-7-1605 par le sgr de Languiller aux Essarts – deuxième copie.
(8) 150 J/G 18, vente du
10-2-1579 de Jules de Belleville à Mathurin Fonteneau du droit de rachat sur un
moulin à vent à la Bourolière.
(9) 150 J/C 95, copie de l’aveu
de la Boutarlière aux Essarts du 26-1-1517.
(10) Inventaire après-décès du
13-2-1762 de Louis Corbier de Beauvais, Archives de la Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(11) Partage de la succession de Jacques Moreau entre ses enfants le
1-10-1667, Archives de Vendée, chartrier de la Roche-Guillaume, famille Moreau :
22 J 29.
(12) Vente du 17-12-1776 d’un pré
à la Boninière par de Vaugiraud, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3
E 30/121.
(13) 150 J/A 12-3, aveu du
12-8-1606 d’Hélie de Saint-Hilaire à Languiller pour la Guiffardière et 11
lieux à St André.
(14) Notes no 4 sur la Boninière à Saint-André-Goule-d’Oie,
Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(15) Ibidem, note no 6.
(16) Titre nouveau de rente du
30-9-1761 de 9 boisseaux un tiers de seigle par les teneurs de la Boninière,
notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(17) 150 J/E 1, assises du
19-8-1632 de la Rabatelière et autres fiefs.
(18) Fonds de l’abbé
boisson : 7 Z 64, les Montaudouin, partage
du 22 décembre 1796 entre Thérèse Montaudouin et la République. Et Archives
départementales de la Vendée : 1 Q 342, no 117, estimation du 3 pluviôse
an 5 de la Rabatelière.
(19) 150 J/C 68, partage du
18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière,
page 42.
(20) Inventaire du 30-10-1787 des
titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie, page
3, Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d’Oie : 139 G 3 et 4,
(21) Achat du 6-11-1783, de 4 boisselées
à la Boninière par Bordron, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E
30/124.
(22) Reconnaissance d’une rente
foncière perpétuelle due solidairement à la fabrique de la Chapelle Bégouin de
Chauché, par toutes les personnes exploitant une terre au village et tènement
de la Boninière, le 26 décembre 1768, notaires de Saint-Fulgent,
Frappier : 3 E 30/5.
(23) Ferme du 29-6-1790, d’une
borderie à la Boninière, notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/131.
(24) Retrait lignager du 7-9-1750
d’une borderie à la Boninière, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E
30/113.
(25) Acquisition d’une demi
borderie à la Boninière par les frères Rochereau le 1e pluviôse an
VII, Archive de la Vendée, notaires des Herbiers, J. M. Graffard (fils) :
3E 020, vue 334/478 (sur le registre numérisé accessible par internet).
(26) Fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 46-2, les débuts
de l’insurrection, et à la Rabatelière en décembre 1793.
(27) Fonds de l’abbé
boisson : 7 Z 12-II, lettre du 2 pluviôse an 6 de Merlet au commissaire du
département.
(28) Fonds de l’abbé
boisson : 7 Z 73-4, notes sur la bénédiction des croix de Saint-André-Goule-d’Oie
en 1860.
Emmanuel François, tous droits
réservés
Mai 2018, complété en juin 2020
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