mercredi 15 novembre 2017

Le village des Gâts à Saint-André-Goule-d’Oie

Le village des Gâts en 2017
Dans l’aveu de la seigneurie du Coin Foucaud aux Essarts, décrivant ses droits et possessions en 1550, le tènement des Gâts à Saint-André-Goule-d’Oie était limité par la métairie de Fondion, le ruisseau descendant de l’étang de Fondion, le tènement de la Brossière et les Landes Communes. Ces dernières désignaient un territoire situé à l’ouest du village des Gâts, entre le Pin et les Noues, et nous savons qu’il est devenu ensuite le tènement des Landes du Pin. Voir notre article sur le sujet publié sur ce site en  octobre 2016 : Les divers terroirs du Pin à Saint-André-Goule-d’Oie. Le texte de 1550 oublie de mentionner comme limitrophe le fief du prieuré, probablement encore non constitué, l’espace devant être défriché vers la fin du 16e siècle.

On ne peut pas s’empêcher d’établir un lien entre le nom du village et le vieux mot français, « gast », rencontré si souvent dans les textes anciens, et désignant les terres en friches ou en jachère de longue durée. De manière plus précise, Amblard de Guerry indique l’origine germanique du mot gast, signifiant une terre qui a été cultivée et puis abandonnée (1). Le mot a servi aussi ailleurs à désigner des lieux-dits, comme les métairies des Gâts à la Merlatière, Dompierre-sur-Yon et à Saint-Martin-des-Noyers (2). À cause de son nom, Amblard de Guerry pense que le tènement des Gâts a été cultivé tardivement en défrichant des landes qui devaient être une partie de la forêt primitive voisine de l’Herbergement. À l’est il y avait la vallée de Fondion et son embouchure dans le Vendrenneau à la Brossière, avec un peuplement ancien. Ici on était sur un territoire différent situé sur une ligne de partage des eaux (3). Le défrichement des Landes du Pin plus au sud s’est opéré entre 1550 et 1656, mais on a des dates plus anciennes pour la mise en zone franche du bourg de Saint-André dans la 2e moitié du 14e siècle, et pour l’affermage perpétuel nouveau de la Milonnière en 1372. L’affermage avait été fait au bénéfice de Jehan de la Milonnière et du nommé Jean Gillon, des Gâts (4).

Les redevances au seigneur de la Boutarlière


Avant d’aborder les redevances perçues par le seigneur des Gâts, il faut indiquer que dans ce village aussi, d’anciens droits de la baronnie des Essarts avaient été concédés à la seigneurie de la Boutarlière. Ainsi en 1517, cette dernière prélevait-elle trois redevances particulières : le ratier, le métivage et l’hommage (5).

Le ratier était le nom donné dans la région au droit d’avenage, qui était une redevance en avoine due à cause des droits d’usage et pacage accordé aux habitants de la châtellenie (6). Il était partagé entre le seigneur de la Boutarlière et celui des Bouchauds, exprimé en nombre de boisseaux ou trulleaux d’avoine. Ceux-ci devaient être apportés chaque année en la cohue (halle) des Essarts. Le ratier était prélevé sur 25 villages répartis entre Chauché (10 villages), Saint-André (6 villages), les Essarts (7 villages) et 2 inconnus, peut-être disparus depuis. Les teneurs des Gâts devaient 5 boisseaux de seigle.

Le métivage était un droit sur les moissons ou battage des blés (ce dernier mot désignait les céréales à l’époque dans la région) prélevé dans 68 villages de Saint-André, Chauché, Boulogne, les Essarts, au profit de René Droulin, seigneur de la Boutarlière au début du 16e siècle. Les quantités étaient faibles, aux Gâts : 1 boisseau.

Le droit d’hommage en argent était apporté en la cohue des Essarts à la fête de la nativité de Notre-Dame. Il était prélevé soit sur des personnes désignées, soit sur les teneurs de villages. Les prieurs de Saint-André, de Saint-Fulgent et de Fondion sont cités dans la liste des redevables. Dans l’aveu de 1517 on le compte 54 fois, dont 22 à Saint-André, et les autres à Chauché, et les Essarts. C’est de l’argent qui est prélevé, de la valeur habituelle d’un cens, ressemblant fort à une sorte d’impôt. En général on prélevait de 6 deniers à 18 sols. Aux Gâts le montant était de 12 sols.


René Droulin donnait 8 livres au baron des Essarts pour ces droits qu’il prélevait, et partageait pour le ratier à moitié avec le seigneur des Bouchauds. Ces droits ne sont plus cités dans les textes ensuite. Ils ont disparu apparemment, même dans l’aveu des Essarts à Thouars en 1639. Dans un gaulaiement de 1703 aux Gâts, où sont calculées les parts individuelles de toutes les redevances collectives dues par les propriétaires, on ne les retrouve pas non plus. En revanche, apparaissent 3 sols dus à la cour des Essarts, qui sont peut-être la nouvelle forme qu’ils ont prise. On pense que ces droits sont très anciens, créés par le baron des Essarts dans sa châtellenie, puis concédés par lui à une date non connue, peut-être au temps des Drouelin, seigneurs de Saint-Fulgent et de la Drollinière (devenue Linières), puis se retrouvant à la Boutarlière, ancien fief leur appartenant et détaché de la Drollinière en 1342 par Maurice Drouelin (7).

La Boutarlière
À ces redevances féodales, il faut ajouter des rentes perçues par le seigneur de Saint-Fulgent et de la Drollinière au Moyen Âge sur le tènement des Gâts. Le mercredi « avant la Madeleine de l’année 1342 », Maurice Drouelin, valet (écuyer, puisqu'il s'agit de lui), puisqu’il s’agit de lui, donna à Jean Drouelin, son frère puîné, pour sa part dans les successions paternelle et maternelle, 25 livres 9 sols de rente, à prendre sur divers villages, dont pour les Gâts, 10 setiers de seigle et 1 livre et 15 sols en argent (8). On sait que ce Jean Drouelin eut la seigneurie de la Boutarlière en partage, sous la garantie de la seigneurie de Linières. On ignore d’où étaient venues ces rentes aux Drouelin, et on ignore ce qu’elles dont devenues. 

En 1342 le setier, comprenait 16 boisseaux, et donc un boisseau de seigle valait 7,5 deniers. En 1571 on note dans la même documentation sur la Boutarlière (8) que 4 boisseaux de seigle valent 30 sols, soit 7 sols et demi pour un boisseau. Le prix a été multiplié par 12 dans cette période très troublée d’un peu plus de deux siècles. Et au début du 18e le boisseau de seigle valait en moyenne 20 sols (1 livre). Le prix n’a donc été multiplié à nouveau que de 2,66 dans la période suivante d’observation de 1,5 siècle. En 1790, le prix du boisseau de blé se montait à 2 livres 12 sols (9). Mais la période était marquée par la spéculation, le prix ayant doublé par rapport au mois d’août 1788, où il était d’1 livre 5 sols au marché de Poitiers (10).

En 1526, les Assises (tribunal seigneurial) de Languiller poursuivent deux propriétaires au tènement des Gast pour payer le reste (2 boisseaux seigle) dû de cens prélevé sur le village (11). Les poursuites continuent avec les mêmes et de nouveaux, pour le même motif de 1534 à 1537. Elles s’enrichissent de demandes de paiements de bians (corvées) non faits, d’arrérages et d’amendes (12). En 1545, des propriétaires sont poursuivis pour avoir recelé des contrats d’acquisition de domaines (13). En 1571, Collas Pidoux est poursuivi pour « n’avoir labouré » selon la coutume, les domaines qu’il tient et exploite au village et tènement du Gast, et pour avoir emporté des rèbes sujets à terrage (14). Le défaut d’emblavement perturbait les règles d’assolement régies par la coutume pour garantir un revenu provenant de la terre concédée. Le défaut de paiement du droit de terrage sur certaines plantes fourragères a visiblement posé problème. Mais dans tout cela, il n’y a rien que de très banal, ne distinguant pas les habitants des Gast de beaucoup d’autres. Le dénuement de certaines situations y avait sans doute souvent une part importante.

Les aveux et déclarations des seigneurs à partir de 1550


En 1550 les teneurs des Gâts payaient directement au seigneur du Coin Foucaud leurs redevances féodales : le terrage, représentait le 1/6 des récoltes, en plus des rentes en argent (16 sols) et en nature (7 boisseaux de seigle et 8 ras d’avoine), « le tout de cens ou devoir noble », comme dit le texte d’un aveu du Coin (15). La rente en argent ou en nature tenait compte de l’incorporation de la valeur des anciennes corvées féodales, qui avaient été supprimées depuis quelques années. Au Moyen Âge elles étaient limitées au maximum par an à 3 jours de 5 charrettes, chacune de 6 bœufs, au village des Gâts. On a des valeurs d’incorporations de ces corvées aux Essarts, de 10 sols à 30 sols par an en 1598 (16). Aux Essarts un accord de 1724 concernant le tènement de Puyravault donne une valeur de 12 sols pour les bians incorporés dans le cens (17). Ces valeurs sont restées fixes et n’ont représenté ensuite que de très faibles montants, répartis entre tous les propriétaires du tènement. En 1550 la moitié du terrage allait au prieur de Saint-André (18). En 1605 il allait entièrement au seigneur de Languiller, et on pense que ce changement résulte d’une décision de Jules de Belleville, chef protestant.

De même la dîme était levée en 1550 au profit du temple de Mauléon « à lui autrefois baillée en franche aumône par les prédécesseurs du seigneur du Coin » (18). Le temple de Mauléon était un lieu-dit où se trouvait une commanderie d’hospitaliers appartenant à l’ordre de Malte. La dîme se percevait sur la valeur (en général 1/12) des agneaux, veaux, pourceaux, nés et élevés au village, et de la laine des moutons. Après 1550 la dîme aussi fut perçue en totalité par le seigneur. Dès cette époque toutes ces redevances annuelles valaient bien peu, sauf le droit de terrage. 

Comme il l’a fait partout ailleurs à Saint-André, le seigneur de Languiller, possesseur de la seigneurie du Coin Foucaud, a vendu ses redevances seigneuriales sur le tènement des Gâts dans la deuxième moitié du 16e siècle à un nommé Grassineau, bourgeois des Essarts. En 1606, c’est son gendre, René Merland, qui fit une déclaration noble à Languiller pour sa femme, Françoise Grassineau, et pour Françoise Dugast, fille de celle-ci et épouse d’un Jacques Merland, lui-même fils de René, qui déclare aussi pour lui (19). L’encre du parchemin a bien pâli et empêche une lecture complète du texte, mais les notes d’Amblard de Guerry et du Dr Mignen, confortent la transcription. On apprend néanmoins qu’il tient ses droits en gariment perpétuel sous l’hommage que fait le seigneur de Languiller au baron des Essarts, à cause de sa seigneurie du Coin Foucaud. Ils consistent en un droit de terrage et en un cens. À cette occasion on découvre l’existence d’un moulin, dit « des Gaucher » ou des « Gâts », suivant les documents consultés. Les Gaucher étaient d’importants propriétaires de la Brossière. Ce moulin était différent de celui sur les Landes du Pin.

La déclaration noble du 18 septembre 1617, faite par René Grassineau (alors sénéchal des Essarts et seigneur des Enfrais), est encore moins lisible (20). René Grassineau partageait la moitié des droits sur le Gâts avec Jacques Merland (fils de René), suivant une convention entre eux de 1621, ainsi que la moitié du bois Suchaud, autre nom désignant le Bois Pothé près du Clouin. En 1625, la sœur de René Grassineau, Mathée Grassineau veuve de Me Charles Blanchet de Rocheservière, vendit sa part de 1/5 du fief des Gâst et bois de Suchaud, à Jacques Merland, partageable par moitié avec René Grassineau (21). En 1629, Nicolas Thomazeau, veuf de Marie Moreau, et Jacques Thomazeau son fils, vendirent pour 250 livres à Pierre Guiber, demeurant à Bois Gué, tous leurs droits au village des Gâts, à eux advenus par le décès de Marie Moreau (22).

René Merland, sieur du Coudrais (dit Coudrais Bertaud aux Essarts) fils de Jacques Merland et Marie Cicoteau sa femme, faisait pour lui et pour ses frères et sœurs, la déclaration noble du 4 mars 1654, elle parfaitement lisible (23). Dans cette dernière les redevances sont les suivantes :
-          le droit de terrage à la 1/6 partie des récoltes sur le tènement, rendable aux Essarts, où habitent les Merland et Grassineau.
-          8 ras d’avoine payable à la Saint-Michel-Archange
En plus, on trouve trois autres droits particuliers :
-          pour un moulin à vent « étant dans l’enclos dudit tènement des Gast appelé le moulin des Gaucher » est dû un droit d’1 chapon et 3 sols à noël de devoir noble féodal,
-          pour le droit de rivage (coupe des herbes poussant sur les bords des ruisseaux) : 3 sols payables à la fête de Notre-Dame de septembre,
-        20 sols en argent de rente noble et féodale rendable aux Essarts à noël, et prélevée sur les habitants du village.

Les Essarts (quartier Saint-Michel)
À ces redevances s’ajoutent le droit de fief, autrement dit les lods et vente à payer à chaque mutation de biens, et le droit de basse justice (ici appelée « voirie », ce qui est rare). Nous avons là une situation classique à Saint-André-Goule-d’Oie, avec des droits aux montants symboliques à cette époque, sauf le terrage et les droits de mutations.

Le propriétaire de ces droits devait à la seigneurie du Coin Foucaud, en fait à son propriétaire le seigneur de Languiller, 1 sol de devoir annuel et le paiement du droit de rachat à chaque mutation de biens. Il est clairement présenté en 1654, René Merland, sieur du Coudrais. Ce dernier est ici un lieu des Essarts situé au nord du bourg, appelé le Coudrais Bertaud.

Jacques Merland, le père, « était notaire royal de la baronnie d’Avaud. Il épousa en premières noces, en 1612, Jacquette Suzeneau, fille de Jean Suzeneau, sieur du Fief Redoux, et de Catherine Le Duc. Elle est décédée sans enfants en 1614. Il épousa en secondes noces, en 1614, Marie Cicoteau, sans doute fille de Thomas Cicoteau, greffier de la baronnie des Essarts, et d’Anne Jacquelin ». En citant ici un extrait du site internet : famillesvendéennes.fr sur la famille Merland (branche de la Morinière), on peut tenter de le situer dans sa généalogie familiale. Dans la déclaration de 1654, René Merland est présenté comme le fils aîné de Jacques Merland et Marie Cicoteau.

Comment René Merland est venu à la propriété de ces droits au village des Gâts ? Par son père et par la famille Grassineau, et en procédant à des achats de parts chez les Grassineau probablement. Il semble que le René Grassineau co-déclarant en 1617, possédait les droits à cause d’une cousine, croit-on deviner dans cette dernière déclaration. Il avait épousé Anne Cicoteau, sœur de Christophe Cicoteau. Ses trois enfants, Saturnin, Jacques et René Grassineau firent leur vie à Saint-Sornin, dont leur père avait acquis en 1621 la seigneurie par échange, comprenant 6 métairies et un moulin (24). Quant au René Merland de 1606, époux de Françoise Grassineau, il est le gand-père du René Merland de 1654, époux de Marie Cicoteau. C’est ce qui ressort des notes d’Amblard de Guerry.

Le 15 novembre 1670 Claude Merland sieur des Bouligneaux et Marguerite Cacaud sa femme vendirent à Louis Cicoteau sieur de la Touche, demeurant aux Essarts, des droits de fiefs, façon d’hommage, cens, rentes, devoirs, tant en argent que poulaille, plus 8 boisseaux d’avoine et terrage, juridiction basse, dus à cause du fief des Gâts (25). Il est indiqué dans l’acte passé devant les notaires des Essarts que le fief était tenu en gariment (garantie) de Languiller à 1 sol de franc devoir par an, même les droits de vente et rétention féodale. Le prix de la vente était de 800 livres dont 189 livres payées comptant, le surplus étant dû audit acquéreur par ledit Merland, c’est-à-dire correspondant à des dettes de ce dernier.

En 1686, l’épouse de Louis Cicoteau, Élisabeth Babin, fit sa déclaration comme mère et tutrice de ses enfants et de son premier mari Louis Cicoteau (26). Sa déclaration noble est en tout point semblable à celle de René Merland en 1654.

À présent elle était remariée avec François Le Bœuf, écuyer seigneur de Saint-Martin, et demeurait aux Essarts. Elle était la fille de Pierre Babin, avocat en parlement et échevin de la ville de Fontenay, sieur de l’Aglier et d’Ardennes, et demeurant à Fontenay-le-Comte (27). Sa mère s’appelait Élisabeth Brunet. Les Babin s’étaient fait un nom dans les métiers du droit, notamment à la Rochelle (28).

C’était le cas aussi de Louis Cicoteau, mari de Claude Élisabeth Babin, dont un frère, Thomas Cicoteau, sieur de la Martinière et de la Thomazière, était lieutenant général civil (magistrat) en l’élection de Mauléon (29). Ce denier représentera sa belle-mère, Michelle Grassineau, la mère de Louis Cicoteau, au mariage de Louis Cicoteau fils avec Élisabeth Babin le 22 avril 1659 (30). Louis Cicoteau était le fils puîné de Jean Baptiste Cicoteau, qui fut procureur fiscal de la baronnie des Essarts, et de sa seconde femme, Michelle Grassineau. Jean Baptiste Cicoteau avait été fermier de la baronnie des Essarts de 1642 à 1650, comme un de ses ancêtres, Benoît Cicoteau, receveur et fermier de la baronnie et aussi marchand dans les années 1560/1570 (30). Louis le fut lui-même à compter du 17 mai 1678 dans un bail de 6 ans, moyennant le prix de 9 000 livres par an (30). Il est mort avant la fin du bail. Louis Cicoteau et Élisabeth Babin eurent quatre enfants, dont l’aîné s’appelait Louis aussi comme son père, et fit une brillante carrière de magistrat à Fontenay, puis à la Chambre des Comptes de Nantes. Il possédait des terres aux Essarts, notamment les métairies de la Touche, de Bellevue et de la Vallée, les fiefs Coulon, de la Gagnollière et de la Septembrière (31).

La déclaration suivante à Languiller en 1701, reprenant le texte habituel, comporte une précision nouvelle : le moulin des Gâts est en ruine (32). Ici il est désigné le moulin des Landes, et on y accédait par un chemin venant des villages du Clouin et du Pin. Il n’est pas à confondre avec le moulin de Belair ou de Dria, bâti dans le tènement voisin des Landes du Pin. En 1703 le moulin des Gâts est possédé par les sœurs Gaucher, Perrine et Françoise, mariées respectivement à André Tetaud et Jean Metereau. Il est bâti sur une parcelle de 2,5 boisselées et 10 gaulées, qui est franche de terrage. Les propriétaires ne paient plus qu’un cens d’un chapon pour la tourelle et masure du moulin. 

Château de Linières dessiné vers 1880 
par R. de Gouttepagnon
La déclaration de 1701 nous permet aussi de préciser que le possesseur des droits seigneuriaux est désormais le seigneur de Linières. Fils de Louis Cicoteau (mort vers 1680) et d’Élisabeth Babin (remariée à François Le Bœuf, seigneur de Saint-Martin), Louis Cicoteau (1663-1743) s’est marié avec Renée Massoteau. Il eut neuf enfants entre 1695 et 1713, tous nés à Fontenay-le-Comte, où il demeura longtemps. Il fut reçu conseiller en la sénéchaussée de Fontenay en 1690, comme son père, son grand-père maternel, Paul Babin 2e du nom, ayant été avocat et échevin de la ville. Louis Cicoteau acheta ses lettres de noblesse qu’il reçut au mois de juin 1701, moyennant le paiement de 6 000 livres. Il avait acheté Linières vers 1701, et en 1731 il acheta aussi la seigneurie de la Touche-Mouchaude (Roche-sur-Sèvre) pour 24 000 livres. Il possédait aussi les terres de La Touche aux Essarts par héritage et la métairie de la Gagnollière (28), la terre d’Ardenne et du Gros-Nohier (près de Fontenay). En 1708 il devint juge au siège royal de Fontenay. En 1716 il acheta l’office de conseiller auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne, aidé par ses relations familiales (les Pichard et Rochard), moyennant le prix de 33 000 livres. Il le résigna (revendit) en 1737 au profit de Jacques Jannet. On lui connaît des adresses temporaires à Nantes où il résidait pour son semestre (session) dit de septembre, et il mourut à Fontenay (33).  

La récente ascension sociale du fils du bourgeois des Essarts devait faire « jaser » dans la région, comme en témoigne une anecdote qui met en scène le curé de Chavagnes-en-Paillers, Maurice Léo, dans les années 1720. C’était un original comme le montre l’anecdote suivante racontée en 1876 par l’historien C. Gourraud, notaire dans la localité (voir sa biographie dans le dictionnaire des Vendéens sur le site internet des Archives de la Vendée). Celui-ci écrit : « un dimanche il dit en son sermon : 
- Des personnes disent qu’il y a des sorciers, d’autres le nient, eh bien moi je vous dis qu’il y en a, et si je voulais je pourrais vous en nommer ; mais je ne le veux pas pour aujourd’hui : ce sera pour dimanche. 

On conçoit combien cette annonce fit rendre de monde à la grand’messe. Voyant la foule qui remplissait l’église, le curé commença par dire qu’il se doutait bien de la cause de ce concours extraordinaire, et pour tenir sa promesse, il allait nommer trois sorciers, savoir : Champea, Cicotea et Bodrea (Jacques Merland, sieur de Champeaux, propriétaire de la Guichardière ; Cicoteau, propriétaire du château de Linières près du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, et Badereau, propriétaire du château de la Lande en Saint-Hilaire-de-Loulay). Les noms en « ea » se prononçaient jadis « èa » ou « ia », devenu « eau » en langage moderne (34), et le curé Leo prêchait en patois, comme faisaient la plupart de ses confrères :
- Pourquoi sont-ils sorciers ? Ajouta-t-il. C’est, qu’il n’y a pas longtemps, ils étaient comme plusieurs d’entre vous, en de modestes positions de fortune, et qu’ayant eu le talent de s’enrichir, ils sont aujourd’hui devenus de gros messieurs. Eh bien ! Faites comme eux, et vous aussi vous serez sorciers ! » (35).

On est là dans la pratique du sermon par l’émotion et de l’anecdote pour capter l’attention, qui proliférait dans les sermons depuis le Moyen Âge (36). On pourrait y voir ici une manipulation douteuse, mais ce serait risquer l’anachronisme, qui projette dans le passé notre sensibilité d’aujourd’hui. Il nous faudrait pénétrer dans la mentalité locale de l’époque pour bien saisir la portée de l’anecdote. Ce Maurice Léo était originaire d’Irlande, l’évêché de Luçon manquant alors de vocations sur place.

Cette accession dans l’ordre de la noblesse, si elle était une rareté à Saint-André-Goule-d’Oie, l’était moins dans une ville comme Fontenay-le-Comte, alors la capitale du Bas-Poitou. Siège d’une sénéchaussée et d’un tribunal du roi, s’y côtoyaient des bourgeois des métiers du droit et (ou) de la rente foncière, et des membres pas toujours riches de la noblesse. Les mariages entre ces milieux et l’achat d’emplois anoblissants ont favorisé la mixité entre les deux ordres. Ainsi les descendants de Jean Babin sieur de Belmont, beau-frère de Louis Cicoteau, devinrent nobles eux aussi, étant seigneurs des Ardilliers (Sainte-Gemme près de Luçon). Et ceci à commencer par son fils, François Venant Babin, mari de Marguerite Merland, celle-ci étant la fille de Joachim Merland sieur des Charprais et fermier de la baronnie des Essarts. Des tantes de Claude Babin, épouse de Louis Cicoteau, épousèrent des nobles : Hélène avec Auguste Joubert de Cheusse, Françoise avec Fiacre Diré de Lavau, Marguerite avec Robert Allegrin, marquis de Dian et vicomte de Blenne. Et l’arrière-grand-père de Claude Babin, Jacques Babin 2e du nom et sieur des Chopinières, avait épousé en 1590 Marie Gobin, fille de Mathurin Gobin, écuyer seigneur de la Fuye (37). Un autre facteur a joué dans l’ascension sociale de Louis Cicoteau : une époque favorable. Elle a connu l’accroissement du nombre de ventes de lettres de noblesse pour renflouer le trésor royal mis à mal par les guerres de Louis XIV.

Dans un aveu de la baronnie des Essarts au duché de Thouars en 1718, Louis Cicoteau est toujours cité comme écuyer, sieur de la Touche, et tenant d’elle « son hôtel et maison noble de la Linière et fief dudit lieu, jadis appelé Drollinière » (38). Parmi ses neuf enfants, on relève Louis Venant (1697-1729), qui fut seigneur de Linières et pour lequel il acheta l’office d’auditeur à la Chambre des comptes de Bretagne en 1724. Marié à Saint-Jean-Baptiste de Montaigu le 5 août 1724 (vue 8) avec Marie Agnès Badereau, il est mort prématurément en 1729 à Saint-André (vue 102), laissant une fille, Félicité Louise Cicoteau. Un autre fils de Louis Cicoteau, Pierre Thomas Cicoteau (1713-1735), fut seigneur d’Ardennes (Charzais). Son père lui acheta aussi un office d’auditeur de la Chambre des Comptes de Bretagne en 1733, mais lui aussi mourut jeune, le 30 novembre 1735 (39).

Deux déclarations roturières en 1779


En 1750, Félicité Louise Cicoteau épousa à Saint-André-Goule-d’Oie Alexis Samuel de Lespinay, chevalier, seigneur baron de Puybelliard, Chantonnay et Sigournais, seigneur du Pally. Elle lui apporta Linières, des domaines au Essarts, et des redevances notamment celle du village des Gâts.En 1752, Alexis Samuel de Lespinay, demeurant au château du Pally (Chantonnay), rendit un aveu à Languiller pour Linières (40). Le 12 janvier 1779 on a 25 propriétaires qui firent une déclaration roturière au seigneur de Linières (41). Ce dernier s’appelle alors Alexis Samuel de Lespinay, chevalier, seigneur baron de Puybelliard, Chantonnay et Sigournais, seigneur du Pally, Linières et autres lieux. Il reçut la déclaration au nom et comme administrateur de ses enfants et de la « dame Louise Félicité Cicoteau, dame seigneur de Linière ».

Les Gâts
On est frappé d’abord par la dispersion de la propriété sur le tènement des Gâts. Les deux plus grosses borderies appartenant aux mêmes propriétaires ne totalisent que 54 boisselées pour René Loizeau du Coudray (Saint-André), et 100 boisselées pour Jean et François Fluzeau de la Brossière. Et 2 propriétaires seulement habitent dans le village, 13 habitent aux villages proches de la Brossière (Saint-André) et la Guierche (Vendrennes). Les dix autres sont dispersés aux environs à Vendrennes (deux), Saint-André (cinq), Sainte-Florence (un), Chauché (un), et même les Herbiers (un). Ceci fait un village sous la coupe de ses plus riches voisins. On y trouve 8 maisons et 2 masuraux, mais sans la certitude d’être exhaustif dans ce type de document.

Cette déclaration, rédigée par des notaires des baronnies de Puybelliard, Chantonnay et Sigournais, a été présentée à l’assise (tribunal) de la seigneurie de Linières le 12 mars 1779. On n’a pas son compte-rendu, mais on devine qu’au moins trois autres propriétaires absents ont dû subir une injonction de régulariser leur situation. En effet, un notaire de Saint-Fulgent a rédigé le 15 avril 1779 une déclaration roturière faite ensemble par trois autres petits propriétaires des Gâts au seigneur de Linières (42).

Ce dernier notaire reprend le même contenu de déclaration que celui écrit par ses collègues. Les trois déclarants indiquent : « tenons et avouons tenir roturièrement de vous mondit seigneur, à cause de votre seigneurie de Linières au village et tènement des Gâts en ladite paroisse de Saint-André, les domaines qui suivent ». Nous avons vu que les droits du seigneur de Linières lui étaient personnels et n’étaient pas attachés à sa seigneurie de Linières. Mais le notaire a repris une formulation habituelle, juste néanmoins dans beaucoup d’autres cas.

François Robin est propriétaire d’un champ de 1,5 boisselée, qui est « sujet à la sixième partie des fruits y croissant pour droit de terrage, rendable à votre seigneurie de Linière, et en outre à la contribution solidaire de 8 boisseaux seigle, 8 boisseaux avoine à la mi-août et à 1 livre 3 sols en argent au même terme ». On le voit, ces redevances ont un peu changé depuis 1703, mais restent modestes, sauf le terrage, d’autant qu’elles sont dues par l’ensemble des propriétaires.

Ensuite André Grolleau tient à titre d’acquisition de René Gouin « une pièce de terre contenant 2 boisselées ou environ, sujette comme dessus, le contrat d’acquêt de laquelle dite pièce du Grand Pâtis, je vous exhibe mondit seigneur, et offre vous payer les lods et ventes qui vous sont dus ». Il s’agissait d’un droit de mutation à payer au seigneur par le nouveau propriétaire. Louis XIV y ajouta un impôt d’État de 1 % de la valeur des biens (le centième denier). Dans le cas d’un achat, le contrat d’acquisition devait être communiqué au seigneur. C’est ce qu’on appelait son « exhibition ». On soupçonne ici qu’elle n’avait pas été faite auparavant, ainsi que le paiement des lods et vente, d’où l’offre de le faire lors de la déclaration, à laquelle il n’avait pas pu échapper. Son achat remontait au 17 mai 1772 (43). Enfin François Chateigner tient un champ de 5 boisselées, appartenant à sa femme, « sujet ladite pièce de terre au même droit de terrage, rente et cens que dessus ». Et il précise comme cela était obligatoire l’origine de propriété : sa femme était héritière de Marguerite Menanteau sa mère.

Les Gâts
Les déclarants reconnaissent au seigneur de Linières la retenue féodale sur le village et tènement des Gâts. C’était le droit de prendre la place de l’acquéreur dans une vente de biens immeubles sur le tènement, à condition de rembourser ce dernier de tous ses frais d’acquisition. La règle, très ancienne, avait pour but d’éviter la dispersion des fiefs. Il en était de même pour les biens de famille : un autre membre de la famille d’un vendeur pouvait prendre la place d’un acquéreur qui y était étranger (retenue lignagère). La Révolution émancipa le droit de propriété de ce type de contraintes.

La déclaration indique les autres redevances collectives dues sur le village et tènement des Gâts :
-          au seigneur de la Roche de Chauché, à présent à Jean et François Fluzeau de la Brossière, la rente seconde de 8 boisseaux seigle mesure des Essarts,
-          au seigneur de Landelière 1 boisseau seigle, 5 raz d’avoine et 6 sols en argent. Il s’agissait d’un Baudry d’Asson, appartenant à une ancienne famille originaire de Grezée (Essarts), et demeurant alors au château de Beaumanoir (Dompierre-sur-Yon). On le rencontre de la même manière dans plusieurs autres tènements de Saint-André-Goule-d’Oie, héritier peut-être de redevances provenant d’Élie de Goulaine, seigneur de Linières, dont une descendante s’allia avec les Baudry d’Asson, seigneurs de Landelière.
-          au seigneur des Essarts 3 sols,
-          et au sieur Maupin, au lieu du sieur Allaire de Lespinais, 7 boisseaux seigle, le tout de rente seconde foncière au terme de mi-août, requérable sur le village. C’est-à-dire que le transport chez le créancier était à sa charge.

On y apprend que le créancier est François Maupain, huissier royal demeurant au bourg des Essarts, au nom de ses enfants mineurs et de sa défunte épouse, Rose Allaire. Celle-ci étant l’héritière de Pierre Allaire de Langevinière, à qui la rente avait été reconnue par les teneurs par acte du 11 juin 1695. De plus, le présidial de Poitiers avait décidé de sa légitimité dans une sentence rendue par défaut contre André Chaigneau et François Fluzeau le 17 décembre 1708. Dans une autre reconnaissance du même notaire du 12 décembre 1789, on lit qu’un autre membre de la famille Allaire, Esprit Augustin Allaire, sieur de la Brunelière, est qualifié de bourgeois demeurant en la maison de Lespinais aux Essarts (44). Rappelons qu’avant 1437 le fief de la Barette était nommé Lespinais, possédé depuis 1783 par Charles Simon Guyet, maître de postes de Saint-Fulgent. En 1789 il faut vraisemblablement continuer à établir un lien entre les deux noms de la Barette et de Lespinais aux Essarts. Précisons qu’il existait aussi à Sainte Cécile un fief appelé Lespinaie, mouvant de la baronnie des Essarts (45). Enfin ces deux lieux-dits n’ont pas de lien avec le patronyme d’Alexis Samuel de Lespinay.

Nous avons trouvé une autre reconnaissance du 10 décembre 1789 au sieur Maupain, faite solidairement par les teneurs du village et tènement des Gâts, d’une rente foncière, annuelle et perpétuelle de 7 boisseaux de seigle, mesure des Essarts, requérable sur le village, à chaque terme de Notre-Dame en août (46). Elle cite le nom de 26 propriétaires, représentant une grande partie d’entre eux. On y reconnaît des propriétaires demeurant à la Brossière proche. Ils sont qualifiés souvent de bordiers, (c’est-à-dire de petits propriétaires) parfois de laboureurs, et 7 d’entre eux sont marchands, sacristain, journalier, farinier ou tanneur.

La rente de la Roche de Chauché


La Roche de Chauché
Le dépouillement des archives de la Rabatelière nous informe aussi de l’existence de la rente seconde, foncière, annuelle et requérable, due par les teneurs des Gâts à la seigneurie de la Roche de Chauché, de 8 boisseaux de seigle, à la mesure des Essarts, ce qui faisait un boisseau pesant 15,4 kg.

Le sénéchal des assises de la Rabatelière, Jean Bousseau, avait prononcé un jugement de défaut à cause de leur absence, contre Jean Robin, Jacques Chedanneau et Gaucher, propriétaires dans le tènement des Gâts, le 7 juin 1632. À l’assise suivante du 19 août 1632, il enregistra la déclaration de Jean Robin « tant pour lui que pour les autres teneurs » de la rente de 8 boisseaux (47).

La Roche de Chauché, appartenant alors au seigneur de la Rabatelière, prélevait sur plusieurs villages de Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie, des rentes en nature d’un montant variable. Nous l’avons vu au Coudray, à la Bergeonnière, à la Javelière, à la Brossière, à la Boutinière, à la Chevaleraye et à la Boninière. C’était une rente qui avait été créée sur une rente préexistante (elle était seconde), garantie sur un bien foncier comme un tènement (de nature noble ou non) et quérable.

Son origine nous est inconnue, et après la Révolution elle donnera lieu à des procès avec la châtelaine de la Rabatelière. Celle-ci voulait continuer de la prélever et les propriétaires de la Bergeonnière et du Coudray la considéraient comme faisant partie des droits féodaux supprimés par la Révolution. Au Coudray ils abandonnèrent la partie, et à la Bergeonnière ils perdirent leur procès en cours d’appel. Il est intéressant de noter qu’au Gâts, la rente avait été acquise avant la Révolution par une famille prospère de la Brossière, les Fluzeau. Nous aimerions connaître si elle aussi donné lieu à des difficultés après la Révolution.

La propriété foncière au 18e siècle


Les déclarations de 1779 nous font voir la dispersion de la propriété entre de nombreux propriétaires. Cela ne nous dit pas comment les parcelles de propriétés pouvaient être réunies dans les unités d’exploitations agricoles, borderies et métairies. Mais dans les archives notariales, les ventes et fermes des exploitations nous permettent de les repérer. Nous en avons trouvé une dans un bail de 1777 (48).

Il s’agit d’une petite borderie, louée pour 9 ans à un prix annuel de 42 livres. Pour ce prix, on estime une surface autour de 3 hectares seulement. Et encore, celle-ci comprend les terres affermées par le bailleur à Jean Soulard, par ferme verbale au prix annuel de 13 livres. Le bailleur est André Bordron, laboureur demeurant au bourg de Saint-André. Le preneur est Gabriel Coffineau, bordier demeurant aux Gâts. Il remplace Jean Pain, fermier sortant. Nous avons aussi repéré une autre borderie aux Gâts d’une superficie de 69 boisselées (8,28 ha), relevant de Linières pour 58 boisselées et de Languiller pour 11 boisselées (49). Ces dernières étant situées dans un tènement voisin, probablement le Pin.

Près du village des Gâts
Pour mieux connaître la répartition de la propriété foncière aux Gâts, nous disposons heureusement dans le dossier rassemblé par l’abbé Boisson, et conservé aux Archives départementales de la Vendée, d’un « calcul, jet et supputations des dites rentes et devoirs » dus par les teneurs des Gâts, fait le 3 novembre 1703 par un notaire de la Grève (50). Le mot « jet », synonyme de calcul, dérive de la pratique ancienne en comptabilité de calculer avec des jetons (51). Et enfin, on va connaître tous les propriétaires. Le tènement occupait alors une surface de 395 boisselées (48 hectares) répartis ainsi : 89 % en terres cultivables, 7,5 % en prairies naturelles, 3 % en jardins et vergers, et 0,5 % en surfaces de bâtiments du village.

Ces 0,5 % faisait 3 550 m2, avec de petits jardins attenants parfois, et les voies d’accès, ce qui est peu, alors que les autres jardins occupaient 14 164 m2. Mais pour ces derniers les surfaces sont confondues avec celles des vergers (vergers et jardins paraissent comme des synonymes dans leur usage par les notaires de l’époque). Sur les 3 550 m2 de bâtiments, la plupart sont petits : 9 maisons d’une ou deux pièces, 7 masureaux et petites maisons d’une pièce, 3 appentis, 2 granges et 1 toit à animaux. Il existait une fontaine commune dans le village, pour y puiser l’eau potable. On note aussi une maison en masure, c’est-à-dire en ruine. Nous sommes en 1703 dans une mauvaise période d’appauvrissement général à cause d’un pic de froid rigoureux du climat de l’époque, celui-ci appelé par les historiens « Petit Âge Glaciaire ».

Cette petite surface des bâtiments révèle le peu de place accordé à l’élevage des animaux. D’ailleurs l’ensemble du tènement ne possède que 3,6 hectares de prairies naturelles, alors que n’existaient pas les prairies artificielles et qu’on ne cultivait que très peu de plantes fourragères.

La répartition des 395 boisselées (48 hectares) révèlent une atomisation de la propriété au fil des héritages. La plus grosse exploitation est une borderie, appartenant au sieur du Coudray (Saint-André), ne faisant que 95 boisselées (11,5 ha). À l’opposé on a 100 boisselées (12,2 ha) partagées entre 28 propriétaires, soit une moyenne de 5,6 boisselées (6 800 m2) chacun. Entre cet unique propriétaire de 95 boisselées et ces 28 propriétaires de 100 boisselées, on à 6 propriétaires possédant environ 8 boisselées chacun (totalisant 6 ha, soit 13 % de la surface totale), et 9 propriétaires possédant de 8 à 25 boisselées (1 à 3 ha), totalisant 152 boisselées (18,2 ha, soit 38 % de la surface totale).

Les 95 boisselées de la borderie du sieur du Coudray se partageaient entre 5 parcelles de pré totalisant 7,5 boisselées, et 18 parcelles de terre totalisant 84,7 boisselées, le reste étant en jardin, verger et bâtiments. Elle est à l’image du tènement : peu d’élevage et parcellisation importante des surfaces. En 1762, on y a inventorié 18 brebis plus 2 chèvres et un daim (nom vulgaire du bouc ou du chevreau). Il y avait 3 vaches avec 3 veaux et « torres » (jeunes vaches qui n’ont pas encore porté), et seulement 2 bœufs. Sauf le menu bétail, il s’agissait d’élever des animaux pour le trait, c’est-à-dire destiné aux cultures, avec deux sous-produits indispensables dans une économie de subsistance : le lait pour se nourrir, et le fumier pour le jardin. L’ensemble de ces animaux étaient évalués pour 180 livres (52).

Cette borderie s’est constituée par achats successifs de la famille Moreau. On a d’abord deux achats aux Gâts de François Moreau, non datés et non précisés, remontant aux années 1620 (53). Il recommence en 1630 un autre petit achat pour 22 livres (page 136). Ses fils, Jacques et René Moreau, achètent ensemble ensuite en 1629 « certains domaines étant au village des Gâts pour la somme de 74 livres » (page 118). Ils continueront encore : le 21 janvier 1631 pour tous les droits d’Antoine Bregnault et autres au village des Gâts moyennant la somme de 6 livres (page 121), le 6 mai 1632 pour plusieurs parcelles au village des Gâts d’Arnaudeau et Trotin (notaires à Saint-Fulgent), moyennant la somme de 230 livres (page 133), le 29 avril 1634 pour certains domaines étant au village des Gâts de Vincent Bouffard et autres moyennant la somme de 30 livres (page 118), le 19 juin 1635 pour certaines terres au village des Gâts de Mathurin Fouchard moyennant la somme de 10 livres (page 119). Nous assistons là à une opération typique d’amassage de terres de riches propriétaires auprès de petits tenanciers, pour constituer au final une exploitation agricole, grosse borderie ou métairie. Celle-ci va faire l’objet d’un premier échange avec un Royrand. Puis Jean Royrand, sieur du Coudray et de Belair (Chauché,) et son gendre René Forestier sieur des Coutaux, la vendirent en 1662 par arrentement à Pierre Moreau, prieur de Saint-André. L’acquéreur payait une rente foncière annuelle et perpétuelle de 50 livres, rachetable à sa volonté moyennant le versement de 1100 livres (page 71). La borderie passa ensuite dans l’héritage de Marie Moreau, petite nièce du prieur, mariée à Artus Corbier. Elle fera partie de l’achat par René Loizeau en 1767 des biens de l’ancien fief du Coudray à Charlotte du Puyrousset. 

Les créanciers des rentes et autres redevances seigneuriales, dans le gaulaiement de 1703, étaient au nombre de cinq, totalisant un prélèvement annuel de 24 boisseaux de seigle, 13 boisseaux d’avoine et 32 sols en argent. Le total représente une valeur en argent d’environ 62 livres. La borderie du sieur du Coudray en supportait le quart, à la charge du fermier. Le reste devait être réparti entre les 43 autres propriétaires. Pour cela on avait déjà fait réaliser un bornage des parcelles en 1646 par Jean Ledoux, notaire au bourg de la Grève (siège d’une baronnie à Saint-Martin-des-Noyers), car la répartition se faisait au prorata de toutes les natures de surfaces possédées. Mais en 1703, les nombreux changements intervenus depuis 1646 parmi les propriétaires, avaient rendu nécessaire de recommencer les calculs de répartition individuelle des redevances. On demanda au fils du notaire, notaire lui-même, maître Pierre Ledoux, de les réaliser. Ce n’était pas obligatoire de passer par un notaire pour ces calculs, mais c’était fréquent semble-t-il.

Pour voir ce que cela donne, prenons l’exemple de Louise Papin possédant 5 boisselées et 45 gaulées, soit à peu près la moyenne de la surface possédée par les 28 plus petits propriétaires. Les calculs opérés par Pierre Ledoux donnent pour elle une charge de 2 mesures ¾ en seigle, 1,5 mesure en avoine, et 6 deniers en argent. Rappelons que la mesure représentait la huitième partie d’un boisseau. Ainsi, converti en nos unités de mesure modernes, elle devait : 5,3 kg de seigle, 2,5 kg d’avoine et environ quelques centimes ou dizaines de centimes d’euro. 

Tableau de L. Engelen
Pour évaluer en argent les céréales, l’exercice est difficile à cause de la sensibilité des prix sur un marché alors inexistant. En période de disette, la demande était toujours la même, et les prix montaient à cause de la rareté de l’offre. Faute de commerce entre les régions françaises (transports insuffisants), le marché n’existait que très peu, et les prix n’avaient aucun rôle d’ajustement entre l’offre et la demande. Leurs hausses ne constituaient qu’une catastrophe de plus en cas de disette. Si on prend une moyenne de prix représentative à cette époque de 1 livre le boisseau de seigle, Louise Papin avait une charge annuelle d’à peine 9 sols, soit une demi-livre environ hors spéculation des prix. C’était à peu près le prix payé au curé pour faire dire une messe (10 sols au curé de Chauché), aussi le salaire d’environ une journée de travail d’un ouvrier. C’est très peu, mais dans les années de disette, quand on ne mangeait pas à sa faim, et qu’il fallait quémander pour conserver des grains à semer pour les récoltes de l’année à venir, il n’y avait pas de petites sommes. 

On entrevoit la pauvreté de certains habitants avec le cas de René Gouin, sabotier, qui habitait au village des Gâst avec sa femme Renée Crespeau. C’est lui qui avait vendu en mai 1772 à André Grolleau, meunier demeurant au Coudray, 3 boisselées de terre, moyennant le prix de 48 livres (54). Le 25 octobre suivant il louait à Marie Chatry, veuve Cougnon demeurant à la Vrignonnière (Essarts), deux vaches. Celles-ci, l’une âgée de 4 ans et l’autre de 5 ans, avaient été estimées ensemble 107 livres. Le preneur partageait les revenus (naissance des veaux, lait) à moitié avec le bailleur (55). Et le 21 août 1773, René Gouin dû vendre aux Fluzeau de la Brossière, la moitié d’une vigne (1 boisselée et 15 gaulées) et 2 planches de jardin, pour 63 livres, dont il ne reçut que 5 livres 19 sols et 1 denier. Le solde ayant servi à rembourser aux acheteurs des arrérages d’une rente qu’il leur devait (56). 


(1) Amblard de Guerry, Chavagnes communauté vendéenne, Privat, 1988, page 316.
(2) Partage en date du 12-10-1532 de la Jarrie, Raslière et Merlatière, page 8 et 10, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1182.
(3) Note d'Amblard de Guerry pour une présentation générale sur Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 1.
(4) Note no 9 sur la Milonnière Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(5) Copie de l’aveu du 26-1-1517 de la Boutarlière aux Essarts, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 39.
(6) A. Bitton, Naissance des fiefs, juridictions Bas-Poitevines et liste des droits de fief en Poitou 1889, page 109 et s. vue 70, Archive de Vendée, Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée.
(7) Positions contradictoires sur la dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linières et factum de M. du Plessis Clain contre M. de La Brandasnière dans un mémoire de 1646, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière 150 J/C 17.
(8) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-2, la Boutarlière.
(9) Notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, ferme du 25-4-1790 de la métairie de la Bordinière, borderie de Maurepas et 23 rentes, de Montaudouin aux Remaud.
(10) Jacques Peret, Histoire de la Révolution Française en Poitou-Charente 1789-1799, Projets Éditions, Poitiers, 1988, page 13.
(11) Assise de Languiller en 1526, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 22 pages 83 et 84.
(12) Ibidem : 1537 : 150 J /M 22, page 535, 540, 545, 571, 601 et 629.
(13) Ibidem : 1545 : 150 J /M 22, pages 1073 à 1075.
(14) Ibidem : 1571 ; 150 J /M 28, page 8.
(15) 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par le seigneur de Languiller aux Essarts, recopiant un aveu de 1550.
(16) Aveu du 30-9-1598 du seigneur des Roullins à Thouars, à cause de sa femme G. Jupille, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1136, page 3, 5 et 6.
(17) Accord du 27-12-1724 des teneurs de Puyravault Haut et Bas (Essarts), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 6.
(18) Note no 1 sur les Gâts à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2. 
(19) 150 J/G 65, déclaration noble du 8-6-1606 de René Merland à Languiller pour droit de terrage et autres aux Gâts. Et note no 2 sur les Gâts à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2. Et Notes pour les Gâts dans le Fonds Mignen 36 J 105 pour la paroisse de Saint-André.
(20) 150 J/G 65, déclaration noble du 18-9-1617 de René Grassineau à Languiller pour divers droits seigneuriaux aux Gâts.
(21) Note no 3 sur les Gâts à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2. Et Ibidem, note no 5 sur le fief Pothé. 
(22) Ibidem, note no 4.
(23) 150 J/G 65, déclaration noble du 4-3-1654 de René Merland à Languiller pour divers droits seigneuriaux aux Gâts.
(24) René Valette, Saint-Sornin, dans la Revue du Bas-Poitou, 1892, pages 16 et 17.
(25) Note no 6 sur les Gâts à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(26) 150 J/G 65, déclaration noble du 20-3-1686 d’Élisabeth Babin à Languiller pour divers droits seigneuriaux aux Gâst.
(27) N. Gabillaud, Notes sur les Cicoteau, Mémoires de la Société historique et scientifique des Deux-Sèvres, 1911 (A7) page 83.
(28) Guillaume Porchet, Les Poitevins à la Chambre des Comptes de Bretagne, 2007, mémoire d’Histoire de master 1, Université de Nantes, Faculté des Lettres et Sciences Humaines, UFR Histoire et Sociologie.
(29) Idem (27).
(30) Archives de Vendée, baronnie des Essarts-Brosse et Luxembourg (1435-1642), 19 J 1, comptes de la ferme des Essarts arrêtés au 17 mai 1572. Et Archives de Vendée, archives des baronnies des Essarts et de Rié - fonds conservé à Turin (Archivio di Stato di Torino) : 1 Num 231/28 et 1 Num 231/41, accessible par internet sur le site des Archives départementales de la Vendée. 
(31) Assises de Languiller en 1701, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 44, pages 15 à 17.
(32) 150 J/G 65, déclaration noble du 4-2-1701 de Louis Cicoteau à Languiller pour divers droits seigneuriaux aux Gâst.
(33) Cf. note 28.
(34) Michel Gautier, Mémoire populaire des Vendéens, 2005, Geste éditions, page 6.
(35) C. Gourraud, Notes historiques sur Chavagnes-en-Paillers (1876), page 61 (vue 54),
Archives de la Vendée, annuaire de la société d’émulation de la Vendée.
(37) Actes de la famille Babin de 1505 à 1766, Archives de Vendée, famille Babin et Cicoteau : 25 J/4.
(38) Aveu des Essarts du 1-3-1718, page 14, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(39) Cf. note 28.
(40) Assises de Languiller en 1752, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150J/M 37, pages 1 et 2.
(41) Déclaration roturière du 12 janvier 1779 de 25 teneurs du village et tènement des Gâts à Linières, Archives du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien régime : AAP.
(42) Déclaration roturière du 15-4-1779 de trois teneurs des Gâts à Linières, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet 3 E 30/126.
(43) Vente du 17-5-1772 de domaines par René Gouin à André Grolleau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(44) Reconnaissance du 12-12-1789 d’une rente due à Esprit Augustin Allaire par les teneurs de la Rabretière (Essarts), Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Chateigner 3 E 30/125.
(45) Aveu des Essarts du 1-3-1718, page 6, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(46) Reconnaissance du 10-12-1789 d’une rente de 7 boisseaux seigle due à Maupain par les teneurs des Gâts, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Chateigner 3 E 30/125.
(47) 150 J/E 1, assises de la Rabatelière et autres fiefs de 1619 et 1632, assises du 19-8-1632.
(48) Ferme du 18-5-1777 d’une borderie aux Gâts d’André Bordron à Gabriel Coffineau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet 3 E 30/126.
(49) Patrick Molé, François Cougnon un capitaine de paroisse dans la guerre de Vendée, 1990, mémoire de maîtrise d’Histoire, Paris Sorbonne IV, Archives du diocèse de Luçon, bibliothèque.
(50) Nouveau calcul fait le 3-11-1703, de la répartition des devoirs dus par les teneurs des Gâts, Archives de la Vendée, don de l’abbé Boisson : 84 J 5.
(51) G. Zeller, Les Institutions de la France au 16e siècle, PUF, 1948, page 381.
(52) Inventaire après-décès de Louis Corbier de Beauvais du 8 au 13 février 1762, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(53) Inventaire après-décès de 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 151, et suivantes indiquées dans le corps du texte.
(54) Idem (43).
(55) Bail à cheptel de fer du 25-10-1772 par Marie Chatry à René Gouin, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(56) Vente du 21-8-1773 de domaines par René Gouin à Jean et François Fluzeau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.

Emmanuel François, tous droits réservés
Novembre 2017, complété en janvier 2024

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