jeudi 1 avril 2021

SOMMAIRE

 Une adresse du sommaire peut comprendre plusieurs articles


                                                                 LIVRES PUBLIES

Les seigneurs de Linières aux 15e et 16e siècles

Période de la Révolution
Charles Auguste de Lespinay : contrat de mariage (1788)
Acte de décès de Simon Charles Guyet en mars 1793
Mme de Lespinay échappe à la mort par deux fois (1793-1794)
Les témoins de l’enterrement du régisseur de Linière en 1794
La naissance cachée de Guyet-Desfontaines en 1797
Le divorce de Lespinay/du Vigier en 1800
Simon Charles Guyet à Saint-Fulgent (1733-1793)
Le mystère Joseph Guyet (1774-1830)
Etienne Benjamin Martineau (1765-1828)

Période de 1801 à 1830 (au temps de Joseph Guyet)
Félicité Guyet et le milliard des émigrés
Louis XVIII s’intéresse à la Morelière
La rente foncière du tènement de Villeneuve à Chauché
Les régisseurs de Linières de 1800 à 1830
L’évolution des baux dans le domaine de Linières de 1800 à 1830
Les activités agricoles et les techniques utilisées à Linières de 1800 à 1830 (Première partie)
Les activités agricoles et les techniques utilisées à Linières de 1800 à 1830 (deuxième partie)
Le statut des métayers de Linières de 1800 à 1830

Période de 1831 à 1868 (Guyet-Desfontaines)
Emma Duval veuve Chasseriau
La rencontre de Marcellin Guyet-Desfontaines et d’Emma Chassériau
Palluau, juin 1832 : Le juge de paix a peur
Le candidat Guyet-Desfontaines aux élections législatives en Vendée (1834-1849)
Pierre Maindron, un combattant vendéen honoré (1766-1850)
La vie privée de Guyet-Desfontaines (1797-1857)
Isaure Chassériau (1820-1854)
Emma Guyet-Desfontaines dans son intimité familiale
Emma Guyet-Desfontaines, une femme moderne de son temps
Emma Guyet-Desfontaines musicienne
Mme Guyet-Desfontaines femme de théâtre
Mme Guyet-Desfontaines mondaine et artiste
Mme Guyet-Desfontaines romancière
La disparition d’Emma Guyet-Desfontaines
Les cousins de Grandcourt de Saint-Fulgent

Période de 1869 à 1912 (de Brayer, Amaury-Duval et fin du château de Linières)
De Saint-André-Goule-d’Oie à la Haute-Egypte en 1869
Journal du maire de Saint-André-Goule-d’Oie en janvier 1871
Journal du maire de Saint-André-Goule-d’Oie en février 1871 (suite)
La construction du nouveau château de Linières (1871)
De Brayer et la nouvelle église de Saint-André-Goule-d’Oie en 1875
Marcel de Brayer, maire et poète de Saint-André-Goule-d’Oie
De l'art et de l'oeuvre d'Amaury-Duval (Véronique Noël-Bouton-Rollet)
Du nouveau sur le mystère des peintures du café Trotin
Achille Dien, peintre de Linières
La symphonie no 4 d’Henri Reber
Amaury-Duval témoin d’un scandale mondain en 1847
Les liens familiaux entre Amaury-Duval et Gaston de Marcilly
La fortune foncière des châtelains de Linières au 19e siècle
La fin du domaine et la démolition du château de Linières


                                      ARTICLES SUR SAINT-ANDRE-GOULE-D'OIE
Paroisse sous l'Ancien Régime
L'origine de Saint-André-Goule-d’Oie
La naissance de la taille à Saint-André-Goule-d’Oie en 1479
Saint-André-Goule-d'Oie en 1550 (Aveu de Languiller)
Les unités de mesure en usage à Saint-André-Goule-d'Oie sous l'Ancien Régime
Les seigneurs de Saint-Fulgent contre les seigneurs de Languiller (1595-1649)
Les seigneurs de Saint-Fulgent contre les seigneurs de Languiller (1650-1719)
Les seigneurs de Saint-Fulgent contre les seigneurs de Languiller (1720-1770)
Les communautés familiales d’autrefois dans le canton de Saint-Fulgent
Les Moreau de Saint-André-Goule-d’Oie du 16e au 18e siècles
La chapelle des Moreau dans l'église de Saint-André-Goule-d’Oie
La famille de Vaugiraud à Saint-André-Goule-d’Oie
La famille Proust de Saint-Fulgent et Saint-André-Goule-d’Oie aux 17e et 18e siècles
La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle
Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècle
La bibliothèque d’un bourgeois de Saint-André-Goule-d’Oie en 1762
Le standing au 18e siècle d'un bourgeois de Saint-André-Goule d’Oie
Les Fluzeau de la Brossière aux 18e et 19e siècles
La famille de Tinguy à Saint-André-Goule-d’Oie
Du prieuré cure au presbytère à Saint-André-Goule-d’Oie (1306-1988)
Les moulins à Saint-André-Goule-d’Oie
Le testament d’André Boudaud en 1765

Période de la Révolution (1789-1800)
Le premier maire de Saint-André-Goule-d’Oie, Jean Bordron (1790)
Décembre 1790 : le curé de Saint-André-Goule-d'Oie sous surveillance
La vente des biens du clergé à Saint-André-Goule-d’Oie
Le curé intrus de Saint-André-Goule-d'Oie
Les frères Cougnon de Saint-André-Goule-d'Oie
Le maire, Guesdon (1793), assassiné par les conscrits
Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830
M. de Vaugiraud à Saint-André-Goule-d’Oie (1753-1814)
Les pensionnés de la guerre de Vendée nés à Saint-André-Goule-d'Oie
Les agents communaux Fluzeau (1796-1797) et Bordron (1797-1799)
Les nouveaux impôts à Saint-André-Goule-d’Oie en 1796
Les persécutions religieuses dans le canton de Saint-Fulgent (1796-1799)
La vente des biens des émigrés à Saint-André-Goule-d’Oie
Conflit sur la rente foncière du Coudray en 1798
La révolte gronde : deux morts près de Linières (1799)
Justice indigne en 1805 contre les habitants de la Bergeonnière
Les registres paroissiaux clandestins de Saint-André-Goule-d’Oie en 1793 et 1794

 Période du 19e siècle et 20e siècle
Les débuts de l’école de Saint-André-Goule-d’Oie vers 1820
Simon Pierre Herbreteau maire de 1800 à 1825
Deux maires de 1826 à 1830 : François Cougnon et Léon de Tinguy
Maires suite : Bordron (1830-1834) et Rochereau (1835-1848)
Maires de Saint-André : Augustin Charpentier (1848-1869), et Jean François Chaigneau (1869)
On a retrouvé Vincent Mandin
La fabrique de Saint-André Goule-d’Oie au 19e siècle
La construction de la nouvelle église à Saint-André-Goule-d’Oie (1875)
Les fondations religieuses à Saint-André-Goule-d’Oie
L’inventaire des biens d’Eglise en 1906 à Saint-André-Goule-d’Oie
Les école libres de Saint-André-Goule-d’Oie
La vie religieuse à Saint-André-Goule-d’Oie (1820-1900)

Les lieux-dits de Saint-André-Goule-d'Oie
La Baritaudière à Saint-André-Goule-d’Oie
La Bergeonnière à Saint-André-Goule-d’Oie
Sept siècles d’Histoire du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie
La Boninière à Saint-André-Goule-d’Oie
La Brossière à Saint-André-Goule-d’Oie
Les fiefs de la Brossière à Saint-André-Goule-d’Oie (Ière partie)
Les fiefs de la Brossière à Saint-André-Goule-d’Oie (IIe partie)
La Bourolière à Saint-André-Goule-d’Oie
La Boutinière à Saint-André-Goule-d’Oie
La Chevaleraye et la Javelière
Le Clouin à Saint-André-Goule-d’Oie
Histoire du Coin et du Peux à Saint-André-Goule-d’Oie sous l'Ancien Régime
Le Coudray à Saint-André-Goule-d’Oie (1250-1789)
L'ancien logis du Coudray au 18e siècle à Saint-André-Goule d’Oie
La chapelle et la métairie de Fondion à Saint-André-Goule d’Oie
Au village de la Forêt à Saint-André-Goule-d’Oie
La Gandouinière de Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie
Le village des Gâts à Saint-André-Goule-d’Oie
La Jaumarière à Saint-André-Goule-d’Oie
La Machicolière et la Ridolière dont le seigneur fut un prince
La Maigrière de Saint-André-Goule-d’Oie aux 17e et 18e siècles
Le manoir de la Mancellière à Saint-André-Goule-d’Oie
La seigneurie de la Mancellière et le Plessis-le-Tiers
La saisie féodale de la Mancellière à Saint-André-Goule d’Oie
La Milonnière de Saint-André-Goule-d’Oie sous l'Ancien Régime
Les Noues à Saint-André-Goule-d’Oie
Les divers terroirs du Pin à Saint-André-Goule-d’Oie
Du rififi chez les seigneurs du Pin
Les droits seigneuriaux de la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie
Les borderies et la métairie de la Porcelière aux 17e et 18e siècles
Plus de 60 ans de procès à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie
La Racinauzière
La Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien régime


                              ARTICLES SUR LES ALENTOURS DE SAINT-ANDRE
Chauché
Un précieux patrimoine, le vin de Chauché
Le catéchisme des trois Henri : le curé de Chauché attaque son évêque
La confrérie de la Charité de Chauché (1685-1788)
Retour sur la paroisse de la Chapelle de Chauché
Les seigneurs de la Chapelle à Chauché
La géographie de la seigneurie de la Chapelle Begouin à Chauché et aux Essarts
Les domaines de la seigneurie de la Chapelle Begouin à Chauché
Les droits seigneuriaux des nobles dans le fief de la Chapelle Begouin à Chauché
Les droits seigneuriaux sur les roturiers de la Chapelle Begouin à Chauché
Les seigneurs de la Boutarlière et leurs descendants
La Morelière (Chauché)
Les seigneurs de Languiller (1300-1604)
Les seigneurs de Languiller (1604-1797)

lundi 1 mars 2021

L’action municipale à Saint-André-Goule-d’Oie de 1860 à 1930

L’essor de la 2e moitié du 19e siècle



Archives départementales de Vendée

Le percepteur de Saint-Fulgent, qui gérait la comptabilité de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie au 19e siècle et y recouvrait les impôts, fournit dans les archives de la préfecture de la Vendée concernant la commune, des attestations sur le montant des quatre contributions directes. Celles-ci, créées par la Révolution, pesaient sur les biens plutôt que sur les personnes et alimentaient le budget de l’État, alors que l’impôt sur le revenu n’existait pas. Les révolutionnaires ont voulu faire oublier par-là l’ancienne taille royale, et les nombreux possédants parmi-eux éviter de déclarer leurs revenus personnels. Les « quatre vieilles », suivant le vocable d’autrefois, étaient :

-          La contribution foncière portant sur tous les terrains, distinguée à partir de 1881 entre non-bâtis et bâtis. Elle fut transférée aux communes et départements, entièrement en 1948.

-          La contribution personnelle et mobilière portant sur tous les revenus qui ne sont pas tirés du commerce ou de la terre, transférée en 1917 aux communes et départements. Plus tard elle fut calculée sur les valeurs locatives des logements et devint la taxe d’habitation. Elle a commencé de disparapitre depuis 2018.

-          La contribution de la patente, qui taxait les professions selon des signes extérieurs, transférée en 1917 aux communes et départements. Elle fut transformée en taxe professionnelle en 1975.

-           La contribution sur les portes et fenêtres, supprimée en 1926.

Rappelons que l’impôt sur les revenus est une création postérieure (1914) et que s’ajoutaient des taxes diverses, qui allèrent en augmentant pour répondre aux besoins croissants de l’État. À l’époque la TVA n’existait pas. À Saint-André-Goule-d’Oie les quatre contributions ont évolué de la manière suivante (1) :

 

1862

1874

1880

1886

Foncière

3154

3200

3231

3246

Personnelle mobilière

780

893

996

1046

Portes et fenêtres

331

404

458

487

Patente

329

482

478

451

Total

4594

4979

5164

5230

Augmentations

 

8,3 %

3,8 %

1,3 %

On voit qu’en 15 années, de 1862 à 1886, les impôts ont augmenté de 13,8 %, près de 1 % par an. L’INSEE n’existait pas à l’époque, mais on sait que la période est marquée par la stabilité des prix et l’enrichissement des habitants du Bocage vendéen. La taxe foncière représentait la part la plus importante : 68 % du total en 1862, ramenée à 62 % en 1886. Elle n’a augmenté que de 3 % en effet, alors que les autres contributions ont augmenté de 34 % pour la mobilière à 47 % pour les portes et fenêtres. Ces augmentations traduisent l’augmentation de la population par les naissances, de 1443 à 1690 habitants, soit une hausse de 17 %, et aussi une élévation du pouvoir d’achat des propriétaires fonciers, des agriculteurs et des artisans. On n’a pas de données sur les ouvriers, travaillant de manière dispersée alors surtout dans l’agriculture et un peu chez les artisans. L’industrie métallurgique avait révolutionné les techniques agricoles à partir du milieu du siècle. Les nouveaux fours ont produit la chaux nécessaire aux terres acides du bocage à un prix devenu abordable. Elle fut l’engrais du miracle économique dans la région, suivi rapidement d’engrais plus élaborés. Les outils métalliques de travail de la terre ont permis de mieux labourer et enfouir les "mauvaises" herbes et de mécaniser des tâches. La suppression des jachères longues dans l’assolement des terres, qui en a été la conséquence, a pu augmenter d’un tiers environ à elle seule les rendements des exploitations. Elle a favorisé aussi la culture des prairies artificielles et augmenter en conséquence la part de l’élevage dans les exploitations. Bref, on s’est enrichi, et plus qu’on le voit dans l’augmentation ci-dessus des quatre contributions directes. Sur les exploitations agricoles modernisées, voir l’article publié sur ce site en juillet 2014 : La fortune foncière des châtelains de Linières au 19e siècle. Dans les 8 métairies du domaine de Linières en 1897, les prés, pâtures et guérets occupaient 20 % des surfaces, et les plantes fourragères destinées à l’élevage occupaient 40 %. Les champs emblavés en céréales représentaient 30 % du total, dont 60 % en froment, 37 % en avoine et 3 % en seigle (2). 

Jean Droillard : Intérieur vendéen (coll. part.)

Cet enrichissement général dans la 2e moitié du 19e siècle se traduit dans les frais de fonctionnement de la commune. Les frais administratifs et d’entretien passent de 287 F par an en 1861 à 686 F en 1886. Les salaires annuels du secrétaire de mairie et du garde champêtre montent de 120 F à 340 F dans la même période. Les dépenses d’entretien des nouveaux chemins vicinaux récemment construits augmentent de 2 547 F par an à 2 777 F par an. Surtout les dépenses totales annuelles pour les écoles augmentent de 990 F à 5 075 F, à cause du nombre d’instituteurs (trices) rétribués par la commune. Mais la subvention reçue de l’État pour faire face à cette dépense passe dans le même temps de 727 F à 4 528 F (3).

Les recettes de la commune consistaient d’abord en centimes additionnels aux quatre contributions. Ainsi en 1886 le centime de la commune valait 51,75 F, et la loi prévoyait pour Saint-André le prélèvement automatique de 4 centimes additionnels ordinaires, représentant 210 F. Elle prévoyait aussi 11 centimes additionnels spéciaux au titre des dépenses de garde-champêtre, de l’entretien des chemins vicinaux et routes et des écoles, représentant 570 F. Pour rembourser des emprunts nécessaires au financement de la construction des routes il y avait aussi 7,5 centimes additionnels extraordinaires pour un montant de 388 F. Comme autre recette on avait la taxe sur les chiens qui rapportait 120 F. Des attributions sur des taxes et des impôts perçus par l’État complétaient les ressources de la commune à hauteur de 149 F. Les rentes d’État et autres placements de la commune rapportèrent cette année-là 247 F. Enfin il y avait la prestation pour l’entretien des chemins vicinaux qui se montait à 2 517 F. Chaque contribuable devait 3 journées de travail à la commune pour cet entretien, et on pouvait se soustraire à cette prestation en nature en payant son équivalent. Puis la partie en nature fut remplacée par la seule contribution financière. La subvention d’État pour les écoles, d’un montant de 4 528 F, représentait à elle seule 52 % du budget (3).

La construction des routes, surtout à partir des années 1860 à Saint-André, a été la grande affaire de la commune. On empierra les chemins séculaires pour faciliter la circulation, notamment des engrais venus de l’extérieur, et du bétail vers les foires plus lointaines. Les investissements nécessaires, aidés dans une grande proportion par l’État et le département, ont été financés par des emprunts. Pour les rembourser le conseil municipal vota des impositions de centimes additionnels extraordinaires aux quatre contributions directes.

L’autre grande affaire a été la construction en 1874 d’une école des garçons de deux classes, et d’un bâtiment servant de logement à l’instituteur et de mairie, aussi aidée par l’État, puis son agrandissement d’une classe supplémentaire en 1882. Il faut ajouter la construction de l’école des filles en 1848 et de l’église en 1875, sous la conduite et le financement de la fabrique de la paroisse. L’argent venait des mêmes personnes, cette fois-ci sur un registre bénévole et avec une aide de l’État assez mince.

Toutes ces initiatives ont permis de tirer profit de la révolution technique dans l’agriculture, qui en avait donné les moyens financiers. L’apogée de cette époque de prospérité peut être située par le chiffre du nombre d’habitants en 1891 : 1735. Il ne fera que baisser ensuite à cause d’une main d’œuvre en surnombre qui émigra vers des régions du sud de la France, conséquence de la hausse de la productivité dans une économie presque uniquement centrée sur l’agriculture.

En 1896 la commune disposait des principales recettes propres suivantes (3) :
- 42 centimes additionnels ordinaires et spéciaux rapportant 2 016 F. On y trouve 2 centimes pour une dépense nouvelle : l’assistance médicale gratuite. Surtout on y trouve une rubrique révélatrice d’un esprit nouveau : 22 centimes additionnels pour « insuffisance de revenus ». Les libellés étaient imposés par l’administration et celui-ci correspondait à une commodité « fourre-tout », étant fixé chaque année par la commune. Mais il faisait désormais partie des ressources nécessaires à son train de vie.
- 12, 9 centimes additionnels extraordinaires pour remboursement des emprunts affectés à la construction des routes, rapportant 620 F par an. Les échéances des 5 emprunts en cours se terminent de 1909 à 1916 pour 4 d’entre eux et en 1924 pour le 5e.

Les débuts du 20e siècle à l’ère du progrès

Avec une valeur de 53 F l’unité, la commune de Saint-André prélevait 55 centimes en 1909. Les centimes additionnels ordinaires et spéciaux étaient au nombre de 36,2, dont 19 pour insuffisance de revenu. En revanche le nombre de centimes additionnels extraordinaires pour remboursement d’emprunts était de 18,8 (4). 

Ce début du siècle a connu des évènements importants dans la vie de Saint-André-Goule-d’Oie : la séparation de l’Église et de l’État et l’expansion des écoles libres. Ce sont des sujets que nous avons abordés dans deux articles déjà publiés sur ce site. Le premier en mai 2019 : L’inventaire des biens d’Église en 1906 à Saint-André-Goule-d’Oie. Le deuxième en juin 2019 : Les écoles libres de Saint-André-Goule-d’Oie. Présentement nous restons sur une vision principalement économique de la vie de la commune. Après la révolution technique agricole du milieu du milieu du 19e siècle en Vendée, les progrès techniques du 20e siècle ont concerné le département comme partout ailleurs. Ainsi en consultant les archives de la préfecture pour la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, les arrêtés du maire et les délibérations du conseil municipal, quelques dates retiennent l’attention.


En 1905 la commune de Saint-André profite de la création d’un réseau téléphonique cantonal à l’initiative du département, établissant une ligne reliant les Essarts à Saint-Fulgent. Mais, « très économe de ses deniers », le conseil municipal veut faire « le moins de sacrifices possibles » pour son usage (5). L’enthousiasme n’est pas au rendez-vous apparemment. Un service téléphonique a donc été mis en place pour la commune entière par demi-journée seulement. Il était assuré par Jean Chatry, préposé au téléphone dans l’administration des PTT (Postes, Télégraphes et Téléphones). En 1929 il demanda une augmentation de 600 F pour doubler son salaire. Son traitement fut fixé par la commune à 1000 F au lieu de 600 F. On était en période d’inflation des prix et le pouvoir d’achat des salariés était devenu un problème après la première guerre mondiale. En 1936 son salaire était toujours de 1 000 F. Cette année-là la direction des PTT augmenta son tarif pour le port des dépêches et messages téléphoniques en dehors du bourg. Pour que ce service reste assuré gratuitement dans toute la commune, le conseil décida d’augmenter à compter du 1e août 1836 de 200 F le salaire de Jean Chatry. L’administration des PTT avait proposé au mois de février précédent de prolonger le service téléphonique de 12 h à 14 h. Le conseil municipal refusa le 23 février 1936 de le faire. En 1938 il vota un crédit de 85 F pour l’ajustement du traitement du préposé au téléphone (6).

Nous n’avons pas de données locales pour apprécier la politique salariale pratiquée dans ce cas. Mais il nous parait intéressant de s’attarder sur l’attitude du conseil municipal au moment de se lancer dans le service téléphonique en 1905. Non pas tant sur son manque d’audace dans un domaine dont nous connaissons l’avenir qu’il a eu depuis. C’est le sens de l’économie animant les conseillers municipaux qu’il faut relever. Ils ne jetaient pas l’argent par les fenêtres comme on le voit, et c’est plutôt une vertu au premier abord. Évidemment sur ce point la vertu et le vice se côtoient séparés par une certaine subjectivité. Ce qu’il importe de noter ici c’est la propension à l’économie dans la dépense chez les habitants du Bocage. Ils ont vécu si longtemps dans une économie de subsistance qu’on peut aisément les comprendre et éviter d’en sourire par simple ignorance. Ce détail ne peut pas être oublié quand on verra à la fin du 20e siècle des artisans devenir industriels avec leurs patrimoines, et avec des salariés issus des mêmes territoires.    

  

En 1907 le maire décide que les couvertures des toits en paille sont interdites dans les constructions neuve, ainsi que l’utilisation du plomb dans les canalisations, et les sols en terre battue dans les maisons d’habitation (7). On a relevé des tuiles sur quelques toitures dans les villages dès le 17e siècle, et probablement y en avait-il avant. Mais dans les années 1870 des toitures en chaume font encore partie des paysages décrits autour de Linières par son propriétaire et poète, Marcel de Brayer. La décision de 1907 sur ce point indique une volonté, mais aussi que les habitants avaient désormais la capacité financière de l’exécuter.


En 1916 le conseil municipal fixe des emplacements pour la distillation des alcools par les bouilleurs de cru, quatre ; on est dans la proximité :
- Au bourg chez M. Audureau, loueur ambulant
- Au Guinefort, intersection des routes de Chavagnes et de la Rabatelière.
- Près le bourg à l’intersection des routes de Vendrennes et de Sainte-Florence.
- À la Brossière sur le bord du chemin de servitude vis-à-vis de la route de Saint-André à Vendrennes.
Une nouvelle loi avait prévu cette obligation, ainsi que celle de fixer les horaires d’ouverture. Le conseil municipal de Saint-André fut précis : de 7 h du matin à 6 h du soir en hiver, de 6 h du matin et 7 h du soir au printemps et automne, et de 5 h du matin à 8 h du soir en été (8). Auparavant la distillation d’alcool était libre, mais taxée lourdement au moment de sa vente. De là une tendance à la fraude dénoncée par les ligues antialcooliques. Vus par le législateur comme « fléaux des campagnes », la loi de 1916 obligea les bouilleurs de cru à limiter leur consommation personnelle à l’usage de l’équivalent de 10 litres d’eau par an. Le reste devait obligatoirement être soumis à déclaration, tout en étant frappé de droits. D’où les obligations des conseils municipaux évoquées ci-dessus dans le cadre de cette législation. Les bouilleurs de cru ont constitué longtemps un groupe de pression considéré comme sympathique dans les campagnes, défendant leur moyen de subsistance d’appoint, nécessaire pour ne pas tomber dans la pauvreté. Ils défendaient aussi leur liberté individuelle et la propriété privée bridée par les contrôles de l’administration. Les droits de l’homme avaient été proclamés pour eux aussi en 1789, avec la devise comprenant les mots sacrés de liberté et de fraternité. Or contrairement à ce qu’on pense trop souvent, ces droits avaient été chers aux habitants de la commune pendant la première année de la Révolution. On s’amuse à penser que paradoxalement les bouilleurs de cru ont fait plus dans la région que les instituteurs laïques, en butte au rejet de la population, pour la promotion de ce qu’on appelle aujourd’hui communément les valeurs de la République, la démagogie étant chose très partagée.

 

En 1920 le département a voté 60 000 F pour l’érection des monuments aux morts en Vendée. La commune demanda de s'associer à l’opération moyennant une participation de 1 300 F auxquels s’ajoutèrent 2 250 F de souscription par des particuliers (8). En 1938 il est décidé de remettre à neuf le monument aux morts de la guerre 1914-1918 : 300 F « pour redorer les noms des morts et peindre l’entourage comme il convient » (9).

 

En 1923 la société centrale de distribution d’énergie électrique dont le siège était à Paris, proposa l’électrification de la commune de Saint-André. Le conseil municipal donna son accord de principe aussitôt (10). On voit ensuite qu’en 1930 la commission administrative du bureau de bienfaisance de la commune décide l’installation de l’électricité chez M. Brochard, ferblantier, locataire dans le bourg du bureau de bienfaisance, à la condition que le loyer annuel soit augmenté de 50 F (11). Le « Syndicat intercommunal d’électrification de la région de Montaigu » fut créé en février 1937. En faisait partie Saint-André-Goule-d’Oie. Le conseil municipal vota en 1938 une somme de 100 F pour payer les honoraires de M. Jeanot qui avait préparé le dossier de demande de participation de la commune au fonds d’amortissement des dépenses d’électrification (11). Cette décision en 1938 révèle aussi, après celle concernant le téléphone, l’entrée des habitants dans la coopération avec d’autres. À l’époque ce fut l’affaire des élus, mais plus tard tout le monde s’y mit sous diverses appellations (syndicat, coopérative, mutuelle, etc.), et dans bien des domaines. On sait l’influence de l’Église catholique sur ce phénomène en Vendée, emmenée notamment par l’abbé Constant Charpentier (1872-1957), fils d’Alexis Charpentier et Jeanne Guilmineau du Clouin. Il fut secrétaire des Œuvres Diocésaines en 1908, et directeur du secrétariat social de la Vendée en 1922. La modernité et l’importance de son action apostolique en font un des acteurs qui a compté dans le développement de la Vendée au cours du 20e siècle (12).  

 

La construction des routes n’était pas terminée dans la 1e moitié du 20e siècle. On a l’exemple de la construction d’un chemin reliant Fondion à la route de la Brossière à Saint-André. La commune vota 10 000 F de crédit en 1923 pour financer la dépense estimée approximativement à 20 000 F, les propriétaires concernés devant combler le déficit (13). Il fallut aussi poursuivre la construction du chemin du Pin. Pour cela la commune emprunta 15 000 F en 1934, remboursable en 15 ans au taux de 4 %. Le financement sera assuré au moyen des ressources ordinaires de la commune, plus une imposition extraordinaire de 23 centimes additionnels au principal des contributions directes pendant 15 ans à partir de 1935. Mais ces centimes ne seront mis en recouvrement qu’en cas d’insuffisance des ressources ordinaires, dit la décision du conseil (14).

 

Il n’y avait pas que le préposé des PTT qui réclamait une augmentation de salaire, le secrétaire de mairie aussi en 1926. Il s’appelait Henri Seiller, et a demandé une « indemnité de cherté de vie » de 50 F/mois. Le conseil municipal, considérant la demande légitime, vota l’indemnité à effet du 1e septembre 1926. Il maintint l’indemnité aussi l’année d’après, « considérant que la vie est toujours aussi chère » (14). On n’était pas habitué à ce que cela dure, et on attendait que les prix baissent.


En 1928 le conseil municipal approuva le marché conclu pour installer une « bascule communale convenable » dans le bourg, avec M. Allaire, constructeur d’instruments de pesage à Fontenay, au prix de 10 295 F (14). Ce n’est pas un détail, car pendant des siècles la précision de certaines unités de mesure de poids et volumes avait fait défaut aux habitants de Saint-André. L’arithmétique était entrée dans les esprits avec l’école pour tous à la fin du 19e siècle.

Citroën AC4 ou torpédo en 1930

L’arrêté du 21 août 1930 du maire de Saint-André révèle bien son époque concernant la circulation automobile. « Vu la loi du 5 avril 1884, et considérant l’urgence de prévenir les accidents pouvant provenir de la vitesse exagérée de certains véhicules », il fixe la limite de 12 km/h pour les véhicules à traction mécanique dans le bourg et les villages de la commune (14).

Sans doute certaines voitures automobiles traversaient le bourg de Saint-André à « vive » allure à cette époque. Peut-être déplora-t-on un accident. La Citroën C4 par exemple pouvait atteindre 90 km/h maximum. On imagine de plus le choc provoqué par l’irruption de cette innovation dans le silence des campagnes régnant depuis les débuts de l’humanité. 

 

La pose et fourniture en 1931 d’une horloge dans le clocher de l’église est décidée pour le prix de 9 850 F. Le fournisseur est Lussault fabricant d’horloges publiques à Tiffauges (15).

 

Et après ?


Notre démarche commence par les documents d’archives, continuent par les accès internet, et nos récits en proviennent. En s’approchant plus près de nous, les règles d’accès à certains documents restreignent à juste titre la connaissance des données personnelles qu’elles peuvent contenir. De plus, s’approcher de notre propre vie comporte le risque accru de garder avec soi les « lunettes » dont notre cerveau se sert d’habitude. La maladie de l’anachronisme guette alors encore plus l’observateur du passé proche. Pourtant ce regard est très intéressant. Il nous touche et fournit l’occasion d’approfondir notre expérience. Mais par goût, je préfère l’aventure des voyages dans l’Histoire lointaine. Le passé proche abonde pourtant en données, et leur étude est à cet égard une lourde tâche. En revanche elle réclame elle aussi, au-delà de cette abondance, des témoignages humains personnels. Beaucoup d’anciens qui meurent emportent avec eux une part de matière historique. L’urgence serait d’abord de la recueillir.  

Une remarque pour Saint-André-Goule-d’Oie : 1968 constitue un point bas dans son histoire, 1087 habitants. L’exode rural a dépeuplé la commune pendant presque un siècle jusqu'au niveau atteint jadis en 1826, après les exterminations de la guerre de Vendée. En 2018 elle compte 1844 habitants avec un nombre infime d’étrangers, dépassant le pic de la fin du 19e siècle et résultant d’un besoin accru de main-d’œuvre. À son activité agricole elle a ajouté, avec son environnement, l’industrie et les services. Sans ressources naturelles, à l’écart des grands axes de communication et de l’implantation de grandes entreprises publiques, ses habitants ont participé de leur propre initiative à un mouvement puissant de créations d’activités dans la région. Quel historien pourra comprendre les particularités de ces hommes et de ces femmes ? Et quelle part celles-ci doivent à leur Histoire ?

 

(1) Construction d’une école des garçons et d’une mairie en 1873/1874, Édifices et services publics, Les écoles (1852-1907), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 632. Et revenus et charges, Emprunts et impositions 1862-1897, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(2) Vente par adjudication de Linières le 6 avril 1897, Archives de Vendée, cahier des charges des adjudications (1897-1039) : U 1-354.
(3) Revenus et Charges, Emprunts et impositions 1862-1897, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(4) Dépenses et recettes particulières (1909-1940), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 1032.
(5) Délibérations de 1903 à 1912 du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie de juin 1905 aux Archives de Vendée, vue 23.
(6) Édifices et services publics, horloge, école des filles et bouilleurs de cru, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(7) Arrêté du maire de Saint-André-Goule-d’Oie du 15-12-1907, registre (1873-1909) de la commune aux Archives de Vendée, vue 43.
(8) Idem (4).
(9) Délibérations de 1916 à 1921 du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie de juin 1905 aux Archives de Vendée, vue 39.
(10) Délibérations de 1921 à 1925, du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie de juin 1905 aux Archives de Vendée, vue 25.
(11) Idem (4).
(12) A. Gérard, L’Église des mouvements, dans la Revue du Centre vendéen de Recherches Historiques no 6, 1999, « La Vendée, histoire d’un siècle », page 147.
(13) Idem (10), vue 24.
(14) Idem (4).
(15) Idem (6).


Emmanuel François
Mars 2021




mardi 2 février 2021

Conflit sur des terrains communaux à Saint-André-Goule-d’Oie (1836-1844)

 Usage contesté de certains biens communaux du bourg


Archives dépatementales de la Vendée
Lors de la publication du premier cadastre de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie en 1838, sa surface est de 2 037 ha, soit celle d’aujourd’hui à peu près. Il y eut très peu de terrains vagues alors, et ils furent déclarés comme appartenant à la commune, ou aux habitants des villages. Dans ce dernier cas, la commune s’en considéra aussi comme propriétaire, puisque les villages n’avaient pas d’existence juridique. On les appela des terrains communaux, comme par exemple au village de la Machicolière où les habitants possédaient ensemble Le Lagot, une parcelle de 1 ha 40 centiares (section D 6, parcelle no 398 au cadastre de 1838). Les mares appartenaient toujours aux habitants des villages, entretenues par la commune.

À la fin du Moyen Âge pourtant, les terrains non concédés par le seigneur ont occupé une surface importante dans les tènements de Saint-André. On le sait en additionnant dès le 16e siècle dans les déclarations roturières les surfaces des parcelles concédées et possédées par les teneurs. Ce total se trouve inférieur à la surface totale estimée dans les limites du tènement lui-même, et la différence mesure les terrains non concédés et non possédés par des particuliers, appelées généralement landes communes ou terrains vagues. Et souvent on vérifie que les surfaces possédées augmentent dans un même tènement au fil des 17e et 18 siècles, au détriment des surfaces non possédées, non concédées et non mises en valeur. On comprend que l’augmentation des surfaces possédées est liée au recul des landes communes dans un même tènement ou entre plusieurs tènements voisins et à leur défrichement, comme on a rencontré le cas à la Maigrière, au Pin et au Coin. Encore faut-il distinguer les landes en jachère longue, mais limitée à une dizaine d’années, découlant des règles d’assolement, et les jachères permanentes. Ce sont ces dernières qui ont pu se trouver sans propriétaires particuliers après la suppression du régime féodal. La propriété comme la nature ayant horreur du vide, la commune de Saint-André devint propriétaire des terrains vagues non reconnus appartenir à des particuliers nommément désignés, les seigneurs ayant disparu.

On ne sait pas ce qui s’est passé à Saint-André pendant la Révolution sur les terrains communaux. C’est pourtant un sujet qui passionna dans beaucoup de campagnes. D’un côté, le droit ancien et abolit permettait aux pauvres l’usage des terres communautaires pour faire paître des bêtes (vaine pâture). De l’autre les propriétaires voulaient acheter ces biens aux enchères. D’autres en voulaient un partage égalitaire, ce que décidèrent les députés le 10 juin 1793, mais sans que ce soit toujours suivi d’effet. La vaine pâture ne semble pas avoir existé à Saint-André, et il est probable qu’on conserva les usages anciens réservant les friches aux propriétaires du tènement où elles se situaient.

On a repéré une contestation en 1838 par le juge de paix du canton de Saint-Fulgent, en tant que fondé de pouvoir de Marcellin Guyet-Desfontaines, propriétaire de Linières, sur un terrain de la métairie de la Morelière, classé terrain communal dans le projet de cadastre. Apparemment on transigea et la parcelle resta comprise dans la métairie. Mais sur d’autres terrains un conflit surgit sur leur usage entre des propriétaires du bourg et ceux des villages voisins de la Machicolière, Ridolière, Milonnière et du Coudray. Les premiers revendiquaient l’usage exclusif de 5 biens communaux, et les seconds affirmaient y avoir des droits partagés. Ces 5 biens étaient la Noue du Filleteau dans le bourg (1 boisselée 38 gaulées), la Croix du Pin dans le bourg (13 boisselées), les Bergaudières dans les Landes du Pin au bord du chemin de Sainte-Florence et des terres du Pin (30 boisselées), à côté la pièce des Bergaudières en la versaine sur l’étang (18 boisselées) joignant d’un bout le même chemin, et la Petite Landette (6 boisselées) au bord du chemin du bourg vers la Brossière, avant le virage vers les Noues. Vers la fin de février 1836 les habitants du bourg voulurent couper les bois et arbustes ayant atteint l’âge requis dans ces terrains, lesquels étaient à usage de pacage des animaux et de litière (engrais naturels par pourrissement de végétaux). Ils firent des lots pour se partager la litière de manière égale entre eux. Mais en avril 1836 les habitants des villages voisins vinrent couper et enlever une grande partie de la litière dans la parcelle de la Croix du Pin, en privant les habitants du bourg (1). On remarque qu’en cette année 1836, les nouvelles unités de mesure du système métrique, créées en 1795 par la Révolution, abandonnées par Napoléon en 1812, continuaient d’être ignorées. C’est en 1837 qu’elles redevinrent obligatoires à effet au 1e janvier 1840.

Bourg de Saint-André-Goule-d’Oie en 1900

Les habitants du bourg, emmenés par Jean Bordron, l’ancien maire nommé par la monarchie de Juillet en 1830 puis remplacé 3 ans plus tard, signèrent une pétition à l’adresse du préfet le 20 décembre 1836. Ils y expliquent que depuis « la guerre de 1793 qui désorganisa tout pendant de longues années, la jouissance de ces communs avait été négligée. L’abus fut porté à un point que le premier venu ayant droit y coupait la litière et y pacageait les bestiaux, sous prétexte qu’il possédait des terres en l’étendue du tènement du bourg. » Les habitants des villages voisins auraient été dirigés dans leur forfait d’avril 1836 par François Cougnon fils, propriétaire demeurant au village du Coudray, l’ancien maire nommé à la fin de la monarchie légitimiste de 1826 à 1829. C’était le fils du capitaine de paroisse en 1793. On est tenté de voir dans la querelle des relents politiques, mais restons prudents. Jean Bordron n’y va pas de main morte, expliquant « que par une négligence inexplicable, cette voie de fait plus qu’illégale, et qu’on peut qualifier de criminelle puisqu’elle a été la suite d’un rassemblement, où la force et les menaces ont été les seuls juges, est restée impunie jusqu’à ce jour. Les soussignés et tous les teneurs du bourg au nombre de 24 ne peuvent supporter plus longtemps l’impunition. Contraints d’élever leur voix, vu le silence trop prolongé de ceux qui sont appelés à défendre les intérêts des communautés, ils osent s’adresser à vous monsieur le préfet dans l’intérêt des habitants de la section de la commune et de l’ancien fief du bourg de Saint-André, et tels qu’ils ont toujours joui avant la guerre de 1793 ». Ils demandent au préfet de les autoriser à se rassembler sous la présidence du juge de paix ou du maire ou de tout autre qu’il lui plaira de désigner, afin qu’ils aient à nommer un ou plusieurs syndics (représentant spécial), chargé de faire valoir les droits de cette section de commune devant qui de droit. Ils demandent aussi d’ordonner au maire de faire exécuter les arrêtés de 1830 et 1833 de l’ancien maire Jean Bordron, interdisant aux particuliers l’usage des communs sans autorisation, et qu’il poursuive criminellement les contrevenants. L’ancien maire en veut visiblement au nouveau, lequel (Pierre Rochereau) avait accepté de participer au scrutin municipal après 1830, ce qui ne le désigne pas comme un légitimiste pur et dur comme François Cougnon.


Préfet à la manœuvre


Le préfet, Jacques-Christian Paulze d’Ivoy, commença par consulter le procureur du roi de la Roche-sur-Yon. Ce dernier répondit en regrettant que le maire n’ait pris aucune mesure pour empêcher les désordres signalés dans la plainte. Il aurait dû au moins dresser procès-verbal des voies de fait d’avril 1836. Il conclut son analyse en constatant l’absence de faits suffisants pour enclencher une action judiciaire d’ordre pénal. Les plaignants peuvent toujours saisir un tribunal civil pour réclamer réparation des dommages subis (2).

Le préfet demanda le 16 janvier 1837 au maire de convoquer le conseil municipal pour que ce dernier prenne position dans l’affaire. La délibération du 29 janvier du conseil prend parti pour les habitants des villages voisins. François Cougnon fils en fait partie, et à l’unanimité on décide qu’il « n’y a pas lieu d’accorder aux pétitionnaires du bourg l’autorisation de désigner des syndics pour représenter leurs intérêts. Le procès qui pourrait s’en suivre, loin de leur être satisfaisant dans ses résultats, ne pourrait avoir pour eux qu’une termination onéreuse avec rejet de leur pétition ». Ils affirment que depuis un temps immémorial avant la Révolution, les habitants des villages voisins, propriétaires dans le fief du bourg de Saint-André, payaient au seigneur de ce dernier les redevances accoutumées, car ils avaient eux aussi le droit de pacager et de couper dans les parcelles foncières en question. Apprenant l’espèce de partage illégal exclusif proposé par les seuls habitants du bourg, ils coupèrent et enlevèrent la litière en avril 1836 par continuation de leur usage et d’après leur droit (3).

À la suite de quoi, et constatant les intérêts opposés, le préfet demanda au conseil municipal d’organiser la proposition de nomination des syndics par les habitants du bourg. Le juge de paix du canton de Saint-Fulgent, d’abord nommé, se désista en août 1837. Le même mois Pierre Bordron des Essarts fit de même. Pour les remplacer le préfet nomma, après nouvelle désignation par la section du bourg de la commune, André Bordron de Mouchamps et René Micheleau de Saint-André. Le camp adverse obtint aussi la désignation de 3 syndics pour défendre ses intérêts dans le commun des Bégaudières. Ce furent François Fluzeau adjoint au maire, propriétaire à la Brossière, François Cougnon fils, conseiller municipal, propriétaire au Coudray, et Mathurin Loizeau conseiller municipal, propriétaire à la Ridolière (4). À noter que le maire lui-même possédait des parcelles dans le bourg. Mais il ne prit parti qu’en accord avec le conseil municipal.

En 1838 les syndics du bourg temporisèrent à cause du « cadastrement de la commune et l’attribution de propriété qui en sera la suite ». Le premier cadastre de la commune, dit napoléonien, sera affectivement publié cette année-là, et on voit qu’il fut l’occasion de mettre de l’ordre entre les propriétaires dans les limites de certaines parcelles foncières. C’est une loi de 1807 qui l’avait institué, demandant un lourd travail qui prit des années comme on le voit, commencé dans les années 1830 à Saint-André-Goule-d’Oie. Le clan Bordron eut « l’espoir d’obtenir une transaction à l’amiable ». Pour la faciliter ses membres demandent au préfet de « commettre quelqu’un, soit un membre du conseil de préfecture, soit tout autre qui vint sur les lieux recevoir les dires des parties et voir les pièces, voulant éviter les longueurs et coûts d’un procès ». Ils se disent près « à accepter la décision de cet arbitre ou du préfet rendu en conseil de préfecture ou autrement » (5). Demander l’intervention du préfet pour remplacer un tribunal qui coûte trop cher, parait osé vu d’aujourd’hui. Mais Bordron se savait du même bord politique que le pouvoir en place et peut-être que cette perspective lui a donné des illusions. Dans une lettre du 9 mars 1839 le préfet répondit à Bordron que « cette affaire ne peut pas se traiter par voie d’arbitrage judiciaire. Les personnes doivent chercher à s’entendre entre elles et proposer une transaction, ou porter leurs prétentions devant les tribunaux ». 


Projet de vente des biens par la commune


L. Daudeteau : Place Napoléon
à la Roche-sur-Yon (coll. part.)
En 1841 les positions des deux camps n’ont pas bougé, mais la commune tente de changer la donne et décide de vendre les communaux. Peut-être que la querelle avait plus d’importance que l’objet même de la querelle. Le maire Pierre Rochereau en informe le préfet par lettre du 23 mai 1841 (6). Les conseillers veulent utiliser le produit des ventes pour bâtir une maison d’école, tout en évitant pour cela une imposition extraordinaire. Le maire demande l’autorisation de le faire, comme il en était obligé, et demande en même temps au préfet de lui indiquer la marche à suivre. « Ce faisant vous obligerez tous les propriétaires. Vous arrêterez un grand procès qui est sur le point de s’élever ». Cette dernière phrase est une allusion à la querelle toujours en cours sur l’usage de certains biens communaux. Voilà comment les propriétaires des villages voisins en butte avec les habitants du bourg comptaient se sortir de cette dispute. Le 27 mai le préfet répondit que pour aliéner des terrains, la commune devait d’abord faire dresser par un expert leur état descriptif et estimatif, puis officialiser sa décision d’aliéner en conseil municipal, et lui envoyer le dossier. Ensuite il ferait procéder à une enquête de commodo et incommodo. « S’il n’y a pas d’opposition je vous autoriserai à vendre au nom de la commune. » Néanmoins la volonté de construire une école des garçons était bien réelle, tout autant que de vouloir échapper à la création des centimes additionnels extraordinaires (aux 4 impôts directs des collectivités territoriales). On finit d’ailleurs par aménager une salle enclavée à usage de classe dans les bâtiments du vieux presbytère, qui fut bénite par l’évêque de Luçon le 10 septembre 1852 (7).

Le maire demanda à François Cougnon du Coudray, par ailleurs conseiller municipal, de procéder à l’arpentage et estimation des terrains communaux de la commune. C’est qu’il exerçait à l’occasion les fonctions d’« expert », comme on le voit dans la confection du gaulaiement en 1834 du tènement de la Javelière (8). C’est à lui que s’adressa vers 1830 Marie de Vaugiraud des Sables-d’Olonne relativement aux parcelles foncières qu’elle possédait encore après la vente en 1822 du logis du bourg dont elle avait hérité. Dans ses lettres elle évoque la cabale des Guyet, propriétaires de Linières (9). François Cougnon rendit son procès-verbal le 9 juin 1841 (10). Il a relevé 10 terrains communaux désignés comme appartenant à la commune, totalisant 8 ha 43 ares 40 centiares et estimés au total 5 490 F. Il y manque selon nous un terrain en pâture dans le bourg (Quaireux de Chaintre) et la mare du Vivier (Machicolière) désignés ainsi dans le cadastre de 1838. Il y ajoute les autres biens communaux désignés au nom des habitants dans certains villages concernés, totalisant 7 ha 86 ares, 70 centiares, et estimés valoir 3 170 F. Dans sa liste on repère mal les biens objets du contentieux entre les habitants du bourg et ceux des villages voisins et le préfet n’aura de cesse de demander des éclaircissements sur cette liste. Dans une lettre du 1e juillet 1841 au préfet, le maire Pierre Rochereau précise : « nous avons deux espèces de communs, les uns sont portés au nom de la commune, et les autres au nom de certains villages. Aucun titre ne peut être produits de cette propriété, par conséquent tous ces terrains sans distinction paraissent très bien appartenir à la commune ». Et il ajoute une justification supplémentaire à la vente : faire agrandir l’église car elle est beaucoup trop petite pour la population qui s’accroît de jour en jour (11). C’était vrai, et il faudra attendre encore une trentaine d’années pour en construire une autre. Pierre Rochereau insiste : « C’est là le désir des trois quarts au moins des propriétaires de la commune ». On voit là encore que la légitimité des décisions politiques repose sur les propriétaires et non sur les habitants dans l’esprit du maire. Il était peut-être orléaniste, mais pas républicain. Le suffrage universel des hommes sera instauré 7 ans plus tard.

Pour procéder à l’enquête de commodo et incommodo à faire sur le projet de vente, après l’enquête sur les terrains, le préfet s’adressa au juge de paix du canton de Saint-Fulgent. Ce dernier, Joseph Alexandre Gourraud (1791-1853), avait épousé à Saint-Fulgent le 17 octobre 1825, Rose Adélaïde Félicité Martineau, fille du médecin Étienne Benjamin Martineau et de Catherine Marie Sophie Guyet. Cette dernière était la sœur aînée de Joseph Guyet, le père du propriétaire de Linières en 1841, Marcellin Guyet-Desfontaines. Le juge Gourraud habitait Chavagnes-en-Paillers où il avait constitué avec son frère Constant Gourraud, notaire et maire de la commune, un parti libéral en 1830 (12). Chargé des intérêts de son cousin, qui possédait la métairie du bourg de Saint-André, il informa le préfet qu’il s’opposera à la vente des terrains du bourg en litige, en attendant la position du propriétaire de Linières sur le sujet. Il ne pouvait pas en conséquence réaliser l’enquête avec la neutralité nécessaire. Le juge de paix avait dû voter pour son cousin Guyet-Desfontaines, devenu en 1834 député de la circonscription des Herbiers, un royaliste orléaniste lui-aussi comme Jean Bordron, qui se revendiquait de « l’opinion libérale et modérée » de la Vendée (13). Sur l’échiquier politique d'aujourd'hui, l’étiquette de ce parti le situait au centre gauche, quoiqu’aux Herbiers le candidat ajoutait l’épithète de modéré pour s’adapter au contexte local. Le parti bonapartiste eu été aussi au centre gauche et les royalistes légitimistes à droite, tandis que le petit parti des républicains aurait été situé à gauche. Ce positionnement des partis politiques puisait sa source dans les divisions nées de la Révolution française. Ce serait exagéré d’imputer à la politique la définition des deux camps qui s’opposaient dans l’affaire de l’usage, puis de la vente des biens communaux de Saint-André-Goule-d’Oie. Le droit de propriété, érigé en droit de l’homme en 1789, était sacré pour tout le monde et méritait bien de ne pas transiger sur son principe. Simplement, les divisions politiques n’ont pas dû arranger les choses.

Le nouveau préfet de la Vendée depuis le 1e août 1841 s’appelait Jean-Raymond-Prosper Gauja. Après le désistement du juge de paix, il s’adressa en août 1841 à Victor Pertuzé, notaire et maire de Saint-Fulgent, pour le charger de l’enquête de commodo et incommodo. Celui-ci lui remit son procès-verbal d’enquête le 20 septembre suivant. L’enquête consistait à recevoir les réclamations des habitants de Saint-André sur le projet formé par le conseil municipal dans sa délibération du 27 juin dernier, d’aliéner plusieurs terrains communaux. La première réclamation fut celle de Joseph Gourraud, agissant pour Guyet-Desfontaines, propriétaire demeurant à Paris, lequel a déclaré quant aux communaux désignés au procès-verbal d’expertise de Cougnon sous les nos 1, 2, 3, 4, 5 et 6, qu’il ne peut être procédé à leur vente par voie administrative avant que l’instance judiciaire par devant le tribunal de la Roche-sur-Yon n’ait été vidée. Si la commune les vendait, alors que les parcelles ne relèveraient pas de sa propriété dans le jugement à venir, elle s’exposerait à des poursuites coûteuses en frais de garantie pour éviction illégale de propriété. La seule chose que la commune pouvait faire, c’était d’intervenir en l’audience et de faire valoir ses droits à cette propriété. Suivent ensuite 8 autres réclamations par différents propriétaires portant sur la propriété revendiquée d’autres parcelles dont la vente est projetée (14).  

Par délibération du 1e novembre suivant le conseil municipal prétendit que les oppositions mises à la vente de terrains étaient sans aucuns fondements, et demanda au préfet l’autorisation de poursuivre les opposants. Pour cela il fallait une demande officielle du conseil, où les membres du conseil intéressés à la jouissance des droits revendiqués ne devraient pas participer aux délibérations relatives au litige, suivant la loi municipale du 18 juillet 1837. Ils devraient être remplacés sous le contrôle de la préfecture par des électeurs non concernés (15). Cela nous vaut de connaître les 12 membres du conseil municipal : André Robin, François Chaigneau, Joseph Auneau, Auguste Charpentier, Jean Fonteneau, Pierre Guiberteau et Henri Jousseaume : non intéressés à la jouissance ou propriété des biens communs. S’ajoutent Alexis Herbreteau, Mathurin Loizeau, François Cougnon, François Fluzeau adjoint, Pierre Rochereau maire : tous les cinq intéressés à la jouissance ou propriété des biens en litige mais d’accord pour leur aliénation. Dans la séance du conseil municipal de Saint-André du 15 janvier 1842 tous les présents unanimes sont d’avis de faire vendre les 10 parcelles de la 1e série du procès-verbal d’expertise de François Cougnon, au profit de la commune. Les membres du conseil intéressés aux biens en litige ont été remplacés dans ce vote par Joseph Boisson, Jacques Grolleau, Marie Alain, Louis Charpentier et Jean Robin, choisis parmi les électeurs les plus imposés. De plus étaient présents Charles Chatry, Jacques Seiller et François Seiller, électeurs municipaux les plus imposés, convoqués au nombre de 12 pour égaler en nombre le conseil municipal, les 9 autres plus imposés étant absents (16). Le préfet répond à cette délibération : « Il convient alors d’attendre pour donner suite à la proposition d’aliénation, que la contestation pendante au tribunal de Bourbon-Vendée ait été décidée » (17).

En l’absence d’archives de la commune on constate que celles de la préfecture sont pauvres sur le procès au tribunal civil de la Roche-sur-Yon. On ne sait pas comment il s’est terminé. En 1844 la procédure durait encore. En témoigne deux mémoires d’avoués pour chacune des deux parties qu’on peut lire dans leur intégralité. La section du bourg, demandeur au procès, était représentée par Jean Bordron, propriétaire demeurant au chef-lieu de Saint-André, François Chapeleau, propriétaire et maçon, demeurant au même lieu et André Bordron, propriétaire demeurant au chef-lieu de Mouchamps. Les sections du Coudray, Ridolière, Milonnière et Machicolière, défendeurs au procès, étaient représentées par François Cougnon fils, propriétaire demeurant au Coudray, François Fluzeau propriétaire demeurant à la Brossière et Mathurin Loizeau propriétaire demeurant à la Ridolière.


La propriété : du droit féodal au code civil


Pour la section du bourg, les communs en question faisaient partie avant la Révolution du fief du bourg de Saint-André. Ils ne pouvaient n’être destinés qu’à l’usage de ses habitants et non pas aux habitants des tènements étrangers. Une déclaration roturière du 18 octobre 1774 de Jean Bordron, serrurier au bourg de Saint-André au seigneur de la Boutarlière, suzerain du fief du bourg, et une autre déclaration analogue du 12 octobre 1774 de Jean Charpentier, bordier au bourg de Saint-André, montrent d’une manière formelle, non seulement que les habitants du bourg jouissaient et avaient l’usage des communs en litige, mais encore et d’une manière précise que ces communs dépendaient du fief du bourg. Les demandeurs à l’instance affirment dans la foulée que ces communs étaient destinés à leur usage exclusif, que la conséquence forcée à en tirer, c’est qu’ils en sont encore propriétaires. D’autant que tous les villages contestants ont sur leurs tènements respectifs des communs plus ou moins importants dont ils ont joui et disposés d’une manière toute privative et à l’exclusion des habitants du bourg. Ils ajoutent que pendant « les guerres de la Vendée de 1793 », il a pu y avoir, à la faveur du désordre, des usurpations commises à leur préjudice, mais que ces usurpations, si elles se sont renouvelées depuis, ne l’ont jamais été que clandestinement (18).

Pour les sections des villages voisins, défendeurs, leur avoué affirme comme une évidence que puisque leurs habitants ont la possession des communs en litige, celle-ci est signe de la propriété. Cette possession est avérée depuis le « temps de la guerre civile de l’année 1793 ». Le conseil municipal fut consulté et repoussa les prétentions des demandeurs par une délibération du mois de janvier 1836. De plus il existe de semblables déclarations que celles citées par les demandeurs en octobre 1774, rendues par les habitants des villages, ce qui prouve qu’avant l’abolition de la féodalité ils étaient dans la même position quant au pacage exercé dans ces terrains en litige, ce qui du reste est étranger à la contestation actuelle, où il s’agit de la propriété de ces mêmes terrains. Avant l’abolition de la féodalité les habitants des villages payaient comme ceux du bourg les rentes et devoirs pesant sur ces biens, ce qui prouve encore l’antiquité de leurs droits sur ces terrains (19).

Voilà pour l’essentiel des motifs invoqués par les deux parties. Si on se réfère au droit acquis par la coutume en tant qu’usage de temps immémorial, les habitants des villages devaient continuer à jouir des communaux de la commune. Mais la notion de propriété a connu un changement fixé dans le nouveau code civil de 1804 : « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Elle est toujours la même, plus de deux siècles après, et portant toujours le même numéro 544. En son article 17 on lit dans la Déclaration de l’homme : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. ». Fini la distinction entre la propriété éminente du seigneur et la propriété utile du possédant. Elle n’a plus d’équivalent en droit moderne. Alors Jean Bordron, féru de Révolution, et ses adversaires attentifs à leurs droits, ont bien compris que la jouissance d’un bien est liée à la propriété exclusive, sous réserve d’exceptions comme l’usufruit. Mais Jean Bordron va un peu plus loin, en affirmant que les communs deviennent d’usage exclusif pour les habitants du bourg, c’est à dire de l’ancien fief qui est devenu une notion obsolète. Curieux argument pour un ami de la Révolution. On ne connaît pas la décision des juges. Et on observe que les démarches sérieuses pour construire une nouvelle église plus grande datent de 1873, année où fut aussi entrepris la construction d’une maison d’école des garçons.

Il reste à faire une recherche dans le cadastre sur le sort réservé par la commune à ses terrains communaux. À titre d’exemple on relève qu’en 1928 le conseil municipal de Saint-André demanda au préfet de la Vendée l’autorisation de vendre de gré à gré le quaireux de la Gandouinière aux habitants du village (20). On a aussi le cas de la Maigrière. Ses habitants partageaient des landes communes avec ceux des tènements voisins, encore en 1751. C’est probablement un reste de ces landes qui était devenu la propriété de la commune de Saint-André, telle qu’elle apparaît dans le cadastre de 1838 (section F 6, parcelle no 92) sous le nom de Coteau Bouquet, d’une surface de 6 ares 80 centiares, situé le long du ruisseau du Vendrenneau. En 1929 le conseil municipal décida de vendre par adjudication les arbres situés sur le terrain de la Maigrière touchant le village de la Chaunière. Il avait été question d’abord de vendre le terrain, mais les conseillers, en bons propriétaires, décidèrent plutôt de le garder et de vendre les arbres (21). En 1932 la mairie de Saint-André vendit deux chemins inutiles pour la commune situés à la Morelière à la veuve Onillon. Ils totalisaient 4 ares 58 centiares et furent estimés 274, 80 F (22). 


(1) Pétition et syndics pour les communaux du 20-12-1836, Édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(2) Ibidem : lettre du 9-1-1837 du préfet de la Vendée au procureur du roi de Bourbon, et la réponse de ce dernier du 14-1-1807.
(3) Ibidem : délibération du conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie du 29-1-1837.
(4) Ibidem : lettres de nomination des syndics du bourg en août, septembre et novembre 1837.
(5) Ibidem : pétition au préfet en 1837.
(6) Ibidem : lettre du 23-5-1841 du maire au préfet, et réponse du préfet du 27-5-1841.
(7) Procès-verbal de la bénédiction de l’école des garçons le 9-10-1852, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VIII.
(8) Gaulaiement du 12-3-1834 de la Javelière, Archives de la Vendée, don de l’abbé Boisson : 84 J 16.
(9) Archives de Mme Potier vues en 1974, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 76-1.
(10) Arpentage et estimation du 9-6-1841 par F. Cougnon des communs de Saint-André, édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(11) Ibidem : lettre du 1e juillet 1841 du maire Pierre Rochereau au préfet de la Vendée.
(12) Amblard de Guerry, Chavagnes, communauté vendéenne, Privat, 1988, page 230.
(13) À MM. Les électeurs de l’arrondissement des Herbiers (Vendée) en mai 1849, par Marcellin Guyet-Desfontaines. Bibliothèque Nationale de France : volumes élections.
(14) Procès-verbal de Pertuzé du 20-9-1841 des réclamations sur le projet de vente des communaux à Saint-André, Édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(15) Ibidem : lettre du 16 novembre 1841 du préfet au maire.
(16) Ibidem : séance du conseil municipal de Saint-André du 15 janvier 1842.
(17) Ibidem : lettre du 1e février 1842 du préfet au maire
(18) Ibidem : conclusions motivées vers 1844 au tribunal de la section du bourg.
(19) Ibidem : conclusions motivées du 4 août 1844 pour les habitants des villages voisins du bourg.
(20) Dépenses et recettes particulières (1909-1940), mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 1032.
(21) Ibidem. Et délibérations du conseil municipal de Saint-André sur le site des Archives de Vendée à la date de novembre 1929 : vue 44.
(22) Idem (20).

Emmanuel François
Février 2021