Le village du Pin à Saint-André-Goule-d’Oie offre deux aspects intéressants à la recherche historique. D’abord
il donne à voir les importantes modifications de l’espace qui ont suivi la fin
de la guerre de Cent Ans et des épidémies aussi dévastatrices que l’a été la
peste noire des années 1350. Ensuite, on peut connaitre d’assez près qui étaient
les propriétaires du village dans les derniers siècles de l’Ancien Régime.
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hache polie |
Le Pin est un des deux endroits à Saint-André-Goule-d’Oie, où l’on a trouvé des haches polies indiquant une
occupation humaine au temps du néolithique (1). C’est la période préhistorique
précédant celles des métaux, quelques milliers d’années avant notre ère, à une
époque variable suivant les régions du globe. Elle se caractérise par la
sédentarisation des humains, et leur passage à une subsistance fondée sur les
débuts des cultures et de l’élevage. La commune de Saint-André-Goule-d’Oie a été
pauvre en recherches ou trouvailles archéologiques, et l’autre endroit où on en
a trouvées est le village du Peux. On n’a pas découvert de vestiges de métal
pré romain, ou quoique ce soit après aux périodes gauloise, romaine,
gallo-romaine, mérovingienne et carolingienne. Alors qu’à Saint-Fulgent on a des
poteries gallo-romaines. C’est surtout à Chavagnes qu’on a plusieurs traces de
la civilisation romaine et des temps carolingiens.
Au sortir du Moyen Âge, les
terroirs du Pin étaient au nombre de quatre. Il y avait le village et tènement
du Pin proprement dit, le tènement des Landes du Pin, les étangs du Pin et des
Noues, et enfin le fief de la Crochardière. Et dans cet ensemble on ne trouve
pas de métairie d’au moins une vingtaine d’hectares. La propriété y était
dispersée comme les tènements eux-mêmes. C’est la situation inverse de celle
des Noues et de la Roche Mauvin, où le tènement était devenu presqu’entièrement
une grande métairie.
Les mots employés de « fief »
et de « tènement », pour désigner ces territoires avaient parfois perdu
dans l’usage leur sens propre. Au départ, le mot de fief associait un bien
noble et une relation vassalique entre nobles. Le mot tènement associait une
concession de terre à des roturiers. À Saint-André-Goule-d’Oie on voit bien des tènements censifs concédés
après leur création à nouveau à foi et hommage, devenant ainsi des fiefs Au fil du temps,
les terroirs ont été appelés tantôt fief, tantôt tènement, tantôt les deux à la fois, comme on le voit dans le fief voisin de la Crochardière dans une période de quelques
mois en 1688 dans 11 déclarations différentes.
Avant de se concentrer sur le
tènement et village du Pin, regardons les autres terroirs géographiquement
associés.
Les Etangs
Il y a d’abord l’étang des Noues,
et une partie de ceux du Pin probablement aussi, concédés en 1658 au même
Charles Tranchant (2). Plus tard, on dissociera l’étang des Noues, rattaché au
tènement du même nom, des étangs du Pin. D’ailleurs cet étang des Noues a été
déplacé sous l’Ancien Régime à l’endroit que nous connaissons actuellement.
Avant il se situait plus proche du Pin, car plusieurs pièces de terre dépendant
du tènement des Landes du Pin étaient limitées en 1808 par le « rivage de l’ancien étang des Noues ».
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Un étang au Pin
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On a peu d’informations sur le
régime de ces étangs, sinon qu’ils étaient dissociés des terres environnantes,
constituant à eux seuls une concession seigneuriale. Dans les villages, la
fosse commune pour abreuver les animaux, et parfois fournir l’eau d’arrosage
des jardins, était aussi un droit concédé par le seigneur à l’origine du
village. On sait seulement que le seigneur de la Boutarlière (voisin d’une
demi-lieue) percevait 8 ras d’avoine par an pour le droit d’abreuvage dans les
étangs du Pin. On n’en est pas étonné quand on se souvient que la Boutarlière
est une création probable des Drouelin, qui fondèrent aussi la Drollinière
devenue Linières, et qu’on sait que le tènement voisin des Noues appartenait au
domaine de Linières.
Il y avait plusieurs étangs au nord-est du
village du Pin. Certains d’entre eux
étaient appelés les étangs du Bois Potay. Nous y reviendrons dans la description
de la concession des Landes du Pin.
Ces étangs sont des ouvrages
utilisant les ressources en eau disponibles. Nul doute qu’ils ont transformé le
milieu, à la lisière de la forêt de l’Herbergement. Ont-ils été une réponse à
une remontée de la nappe phréatique suite à un défrichement forestier, ou au
contraire un préalable pour cultiver un espace marécageux ?
Au village proche de Fondion,
l’étang a disparu à l’époque moderne, alors qu’au Pin comme aux Noues, ils
existent toujours. A Linières aussi l’étang existait au Moyen Âge, il a
failli disparaitre à partir du 18e siècle, pour renaître au milieu
du 19e siècle. Ces étangs pourraient en dire beaucoup sur l’histoire
des hommes dans la région, si l’on pouvait aller au-delà des écrits du
chartrier de la Rabatelière, nous indiquant des droits seigneuriaux nés au
Moyen Âge. Et n’oublions pas que les étangs, avec leurs carpes, ont constitué
longtemps une source importante de protéines animales dans un pays où la chasse
était un privilège de quelques-uns, et l’élevage une activité agricole longtemps
limitée dans la région.
En 1656 Mathurin et Lucas
Paquereau déclarent à Languiller leurs droits sur les Landes du Pin (voir
ci-dessous). Aussi dans le même texte : « l’étang du Pin avec ses appartenances et chaussée, bondes et
rivages ». Le mot « appartenances »
signifie l’accessoire d’un bien, qu’il n’est pas nécessaire de nommer et
détailler (étui d’un bijou, clé d’une serrure, arbres, haies, clôture, poisson
d’un étang, etc.). Il est souvent associé par les notaires avec ses
synonymes : « dépendances »
et « circonstances ». Ces
termes paraissent en voie de désuétude dans le langage juridique moderne.
Faut-il prendre au pied de la lettre le mot étang écrit au singulier dans
le texte ? Au vu des confrontations décrites, il s’agit plutôt des étangs.
Les droits prélevés sur ces
étangs ne sont pas indiqués. S’il s’était agi du droit de pêcherie imposé sur
les pêcheurs, il aurait été spécifié. On suppose que les déclarants
l’exploitaient eux-mêmes, et vendaient les poissons.
Les Landes du Pin
Autrefois appelées les Landes du
Bois Pothé, le baron des Essarts en possédaient une partie au milieu du 16
e
siècle. C’est ainsi qu’il vendit 20 boisselées de landes situées dans ce
terroir au seigneur de la Boutarlière le 23 mai 1564. Le vendeur était Jean de
Bretagne, duc d’Etampes, et l’acheteur Jean Gazeau. Ce fut une cession à foi et
hommage, et à devoir annuel de 15 boisseaux
de seigle et 23 ras d’avoine, mesure des Essarts (3). Ces redevances signifient
que la surface concédée était cultivée, ou à mettre en culture à cette date.
Cela signifie aussi que le
suzerain de tout le territoire de Saint-André à cette époque, le baron des
Essarts, n’avait pas encore concédé cette partie des landes du Pin au seigneur
du Coin Foucaud, comme il l’avait fait pour le reste. On en déduit que nous
sommes ici probablement dans un espace primitif, c’est-à-dire défriché pour la
première fois.
En 1550 les étangs du Pin étaient
bordés de «
landes communes »
en direction de la forêt de l’Herbergement, devenues propriétés individuelles
ensuite. Ces landes servaient alors de pâturage.
Dans l’aveu du Coin
Foucaud, elles formaient un tènement
d’environ 16 septrées de terres, soit 31 hectares (4).
Un siècle après, la nature de
ces landes avait radicalement changé. Elles occupaient une surface de 35
hectares dans 21 parcelles cultivées, possédées privativement par les
nommés Gaucher, Fluzeau, Metereau, Benoit, Brisseau, les héritiers Sébastien
Menanteau, Revelleau, Bouffard, Bertrand, Besnard, etc. On reconnait beaucoup
d’habitants de la Brossière parmi eux. Ces parcelles étaient alors encloses de
haies et fossés, signe d’une véritable mise en valeur de ces anciennes landes. On
a là, sur une échelle importante, un autre exemple du défrichement opéré à
Saint-André-Goule-d’Oie à partir du 16
e siècle environ, après la grande
dépopulation des années ayant atteint son point le plus bas en 1440/1450 en
France. On l’a déjà rencontré pour une friche à la Machicolière (voir notre
article publié sur ce site en août 2015 :
La Machicolière dont le seigneur fut un prince).
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Guy Dezaunay :
Bord d’étang
(Antiquités Thébaud,
Nantes)
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Ces «
terres et landes appelées les Landes du Bois Pothé, autrement les
Landes de l’étang du Pin » relevaient de la seigneurie du Coin
Foucaud. Ses propriétaires payaient leurs droits seigneuriaux à Mathurin et
Lucas Paquereau en 1550, qui étaient des propriétaires eux aussi habitant la
Brossière voisine. On rencontre cette famille des Paquereau, possédant des
droits seigneuriaux acquis du seigneur de Belleville au 16
e siècle,
aussi aux tènements de la Maigrière et de la Bergeonnière. Apparemment les
descendants ont dû les vendre dès la fin du 16
e siècle et au début
du 17
e siècle
dans ces ceux derniers
villages.
Dans une déclaration noble à
Languiller du 13 juillet 1656, les Paquereau reconnaissent tenir ces anciennes
landes communes du Pin « en
perpétuel gariment sous l’hommage qu’il (Languiller) en fait au baron des Essarts, à
5 sols de service payable à noël ». Ils ont droit de prélever des
droits seigneuriaux, dont le terrage. Celui-ci consistait à prélever un sixième
des récoltes, ce qui confirme bien que les terres avaient été mises en cultures.
On relève une exception à ce droit de terrage, qui était important on le
voit : 30 boisselées (3,6 ha), soit 10% du tènement en était exonérées. À la place, les propriétaires payaient une rente de 6 boisseaux d’avoine et 6
chapons. Et on relève sur toute cette surface le droit de prélever les « lods et ventes », qui étaient un
droit de mutation au moment des changements de propriétaires par vente, dot ou
succession (5).
Il est intéressant de s’arrêter
sur ce défrichement des landes du Pin à cette époque sur une telle surface. D’abord
on remarquera la dimension des parcelles, en moyenne de 1,6 hectare. A la même
époque les champs portant un nom dans les déclarations roturières atteignaient
des surfaces approchantes, mais presque toujours divisés en plusieurs parcelles
appartenant à des propriétaires différents. On a enclos de haies les nouveaux
champs en même temps qu’on défrichait. C’était la manifestation de la propriété
individuelle, remplaçant les « landes
communes », celles-ci ayant pu appartenir à la collectivité du
village, peut-être avec d’autres villages voisins, ou, plus probablement ici,
au seigneur du Coin Foucaud lui-même. Celui-ci avait alors vraisemblablement
donné un droit de pacage aux villageois pour leurs bestiaux, et peut-être aussi
un droit de couper des landes et brandes dans certaines conditions. On a trouvé
une situation de ce type au village de la Brossette (Chauché) en 1777 (6).
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Au bord de la forêt de l’Herbergement
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S’agissait-il de landes
primitives ou d’espaces rendus à l’état de friches après la dépopulation de la
fin du Moyen Âge ? Les textes consultés ne nous donnent pas de réponse claire
pour le Pin. Touchant la forêt de l’Herbergement, on peut penser qu’à l’origine
cet espace avait été aussi une forêt. Défriché au Moyen Âge, il était ensuite
devenu une friche appelé « landes
communes », ou bien il n’avait jamais été cultivé et était resté en
nature de landes depuis l’origine du défrichement. Nous avons déjà vu que la petite partie vendue
par le baron des Essarts en 1564 était probablement un espace primitif. Pour le
reste, l’historien Amblard de Guerry pense qu’il en a été probablement de même.
Il affirme même que les Noues, les Gâts, le Pin, le Clouin ont été des
défrichements tardifs comme l’indiquent, selon lui, les noms de lieux (7).
Les seigneurs de la terre
n’étaient que des gros propriétaires locaux roturiers au 17e siècle,
tenant leurs droits du Coin Foucaud. À cette époque le dernier seigneur du Coin
était mort depuis plus de deux siècles, et le droit de fief de la seigneurie était
possédé par Languiller. La relation vassalique que nous avons indiquée plus
haut n’est pas née ex nihilo au 16e siècle sur ces terres. Elle
devait déjà y exister, et on l’a seulement actualisée lors du défrichement.
Toujours est-il que cette reprise
des « landes communes » du
Pin s’est faite par la concession de nouvelles tenures aux laboureurs des
environs. Pourquoi n’avoir pas profité de l’occasion pour créer une
métairie ? C’est ce qu’auraient fait les seigneurs en Gâtine poitevine (nord
des Deux-Sèvres et est de la Vendée) à cette époque. Au lieu de cela, le
seigneur de Languiller a vendu ses droits seigneuriaux au milieu du 16e
siècle par fiefs et tènements, se contentant d’affermer le reste. Pris dans ses
combats des guerres de religion, il ne vivait pas régulièrement sur place pour
s’investir dans la mise en valeur de ses domaines.
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Michel Moy :
Tondo
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Ces nouvelles concessions de
tenures, faites à de nouveau propriétaires, sont postérieures au Moyen Âge, et
on a pu retrouver deux actes notariés en date du 23 mai 1564. Jules de
Belleville, seigneur de Languiller et du Coin Foucaud, y était représenté par André
Brisseau demeurant au village de la Gandouinière en la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie,
devant les notaires de Saint-Fulgent, Paineau et Morineau (8). Ce jour-là il a
concédé à titre de terrage au 1/6
e des récoltes des terres à deux
particuliers : Maurice Apparilleau (6 boisselées), laboureur demeurant à la
Bergeonnière, et André Pidoux (9 boisselées), laboureur à bœufs demeurant à la
Brossière. Ces deux parcelles avaient été préalablement «
gaulayées et
mesurées » par des arpenteurs en présence de Brisseau et de Jean Paineau,
greffier de la seigneurie de Languiller.
Pour marquer le lien féodal de la
terre, le nouveau propriétaire devait en plus payer chaque année à la Saint-Michel
« un ras d’avoine bonne et nouvelle, de cens et rente noble portant fief et juridiction, mesure des Essarts »,
pour les 6 boisselées. Pour les 9 boisselées le cens était de 1,5 ras d’avoine.
Rappelons que le cens représentait une somme modique, mais il entraînait le
paiement des lods et ventes au moment des mutations des biens et soumettait la
terre au régime seigneurial des déclarations et de juridiction. Mais cette
concession de terrage de la terre ne faisait pas du bénéficiaire un propriétaire
au sens moderne du mot, libre de disposer du bien à sa guise. Il s’engageait
dans l’acte à « bien et dûment labourer, cultiver et
ensemencer ladite terre selon la coutume du pays de Poitou où elle est située
et assise ». Il devait aussi rendre le terrage et l’avoine à Languiller,
entretenir les chemins d’accès aux parcelles, et « acquitter les cens, rentes et devoirs par lui dus à ladite seigneurie du
Coin Foucaud ». Les actes notariés furent accompagnés des serments par
les deux parties de respecter l’accord et « donnés aux saints évangiles de notre seigneur ». Jules de
Belleville signa lui-même le 6 septembre 1564, chez les mêmes notaires, un acte
de consentement à ces deux concessions.
On trouve une « borderie des
Landes », près du Pin, où demeuraient en 1626 Pierre Chatry, laboureur à
bras, et Perrine Guesdon sa femme (9). Elle ne devait occuper que quelques
hectares probablement.
Pierre Moreau, sieur du Coudray
(Saint-André) et sénéchal de Beaurepaire, a acheté les deux tiers des droits
seigneuriaux sur les Landes du Pin dans la deuxième moitié du 17e
siècle. Il déclarait à Languiller devoir 5 sols à noël, le droit de terrage au
1/6 des récoltes, et une rente de 40 boisseaux d’avoine due à la mi-août, avec
ses autres part-prenants (autres propriétaires des droits représentés par l’un
d’entre eux, le chemier, à l’égard du suzerain), qu’il n’indique pas (10). Peut-être
les Paquerau, cités plus haut, avaient-ils conservés une partie de ces
droits ?
Il est intéressant de voir ce
qu’était devenu ce tènement des Landes du Pin au début du 19e
siècle. Or en 1808, après la Révolution, ses propriétaires devaient encore
collectivement la rente non féodale de 40 boisseaux d’avoine par an à deux
créanciers : Jean Aimé de Vaugiraud pour 2/3 (héritier des Moreau), et les
Fluzeau de la Brossière pour 1/3 (qui avait dû l’acheter). Cette année-là ils
demandèrent à un voisin du village du Clouin, Louis Charpentier, de réaliser un
gaulaiement de tout le tènement pour calculer la part de chacun dans le total
de la rente, au prorata des surfaces individuelles possédées (11). Plus besoin
de notaire, Louis Charpentier rédigea un texte à l’amiable avec les teneurs.
Les mesures utilisées, comme la forme de l’acte, reprenaient les usages d’avant
1789. Les 279 boisselées et 7 gaulées furent réparties entre les 42
propriétaires.
Elles correspondaient à 34
hectares, soit une surface proche des 35 hectares de 1656. A cette dernière
date nous avons une dizaine de noms de propriétaires cités, mais la liste n’est
pas exhaustive. En revanche les 21 parcelles sont parfaitement bien délimitées.
En 1808, elles sont devenues 71, réparties entre 42 propriétaires. Là aussi la
parcellisation des terres s’est imposée par les héritages.
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La Brossière
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Les propriétaires les plus
nombreux habitant la Brossière ont vendu leurs terres aux Brisseau et Fluzeau,
deux familles alliées qui y demeuraient et possédaient 96 boisselées en 1808. La
métairie voisine des Noues, dépendant du domaine de Linières, y avait 19
boisselées sur le tènement. Les autres propriétaires se partageaient le reste des
164 boisselées.
Le gaulaiement de 1808 prolonge
la notion de tènement au-delà de la Révolution. Sa raison d’être était le
périmètre géographique des redevances seigneuriales. Il a été remplacé par le
cadastre, qui servit à calculer l’impôt foncier. Mais les rentes collectives
non féodales, n’ont pas été abolies, devenant simplement rachetables de droit
par leurs débiteurs, ce qui s’est passé progressivement au cours du 19e
siècle. C’est ce qui explique ce nouveau gaulaiement. Son auteur mérite une
brève présentation.
Louis Charpentier est le père
d’Augustin Charpentier, qui fut maire de Saint-André-Goule-d’Oie de 1848 à 1869.
Il s’était marié une première fois avec Jeanne Giraudeau. Celle-ci mourut en
1801, quelques mois après avoir mis au monde son fils Louis. Il se remaria une
deuxième fois en 1803 avec Marie Bouffard, à l’âge de 42 ans. Celle-ci mit au
monde Augustin au Clouin le 2 octobre 1808 (registre d’état-civil numérisé de Saint-André-Goule-d’Oie, vue 328 accessible sur le site internet des Archives de
Vendée). L’enfant avait 7 ans quand son père est mort le 5 octobre 1815 à St
André (vue 230).
Louis Charpentier est visiblement un homme considéré,
sachant lire, bien écrire et compter surtout. C’est ainsi qu’il faut comprendre
cette fonction qu’il a assumée à la demande amiable des propriétaires du
tènement des Landes du Pin. Il a tenu, à l’âge de 47 ans, un rôle dévolu
autrefois aux notaires. Les surfaces étaient connues, sauf à en vérifier
certaines. Mais il fallait être un as de la règle de trois pour calculer les
gaulaiements, « à la main » si l’on peut dire.
Son deuxième fils (Augustin) fut maire, et deux des fils de
son premier enfant (Louis) furent prêtres, répertoriés dans le dictionnaire des
Vendéens (voir sur le site internet des Archives départementales de la Vendée).
Le premier, Jean Louis Charpentier, a été archiprêtre de Luçon, et le deuxième,
Ferdinand Charpentier, a été curé et aussi écrivain. Il est en effet l’auteur,
entre autres, d’un précieux ouvrage publié en 1906 : «
Chez nous en 1793, Saint-André-Goule-d'Oie,
récits d'un vieux Vendéen ». Sur lui et sa famille, on peut lire notre
article publié sur ce site en juin 2012 :
Maires de St André : Augustin Charpentier (1848-1869), et Jean François Chaigneau (1869)
Le moulin Briand, Dria, Belair
Beaucoup de noms pour désigner le
même moulin !
Dans le gaulaiement de 1808 des
Landes du Pin, on rencontre Charles Marmin, habitant Vendrennes, qui possédait
deux champs appelés « les champs de
la Croix » sur lesquels étaient une maison et un moulin à vent dit « de Belair ». Ceux-ci se trouvaient
au bord du chemin qui conduit de la Brossière à St André, contenant ensemble 4
boisselées et 50 gaulées. C’est le
seul bâti dans le tènement des Landes du Pin, et à cette date il était en
ruines.
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Jean
Burkhalter : Moulins en Vendée
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Le moulin de Belair s’est appelé
aussi le moulin "Brieau" « Briand »
ou « Dria », suivant les
écritures, et il est connu dans les livres d’Histoire. On en parle dans les récits des premiers jours du
soulèvement en mars 1793 : «
Ce fut dans la nuit du 9 au 10 mars, au moulin Briand dit Dria, entre le bourg de Saint-André et
le village de la Brossière, que se réunirent spontanément tous les conscrits du
voisinage, pour se concerter sur la conduite à tenir au sujet de la loi de
conscription » (12). Le chroniqueur ajoute dans une note datée de
1904 : «
Le moulin Dria a disparu ; mais son emplacement
est encore marqué, à l'heure où j'écris, par un vieux pan de mur. ».
Les géomètres du cadastre
napoléonien en 1838 ont donné au nom de la section no 4 de l’assemblage de la Brossière
celui de « Le moulin Briand et les
Marzelles no 4 ».
En 1766, ce moulin, avec sa
maison et ses terres, a appartenu aux
frères Garnaud. Ils ont eu un procès avec un nommé René Audureau, « émouleur » habitant Beaurepaire. Ce
dernier a eu gain de cause devant le tribunal civil de Montaigu en mars 1793,
obtenant le délaissement du moulin à son profit. C’est à cette occasion qu’on
apprend qu’autrefois le moulin s’appelait « Belair » (13).
Ensuite l’état-civil de
Saint-André nous fait connaître le nom d’autres meuniers. En 1804, Jean Janière
est farinier demeurant avec son épouse, Françoise Charrieau, au moulin de
Belair, suivant l’acte de naissance de son fils Jean Pierre, le 13 brumaire an
13 (vue 141). Il en est de même pour la naissance de sa fille Rose le 4 octobre
1807 (vue 277).
On n’est pas sûr qu’il ait été
propriétaire du moulin, car en 1797, un nommé Charles Marmin y habitait,
indiqué en 1808 comme propriétaire demeurant à Vendrennes, suivant l’acte de
gaulaiement évoqué plus haut. A moins d’être deux fariniers à exploiter le
moulin. Puis en 1823 André Marmin habite
au moulin suivant l’acte de naissance de son fils, François André, du 3 février
(vue 307). Il y avait un Marmin, meunier à
la Basse Clavelière (fonds de l’abbé Boisson 7 Z 108, Fortin, arrentement de 2
moulins à vent près de la Basse Clavelière le 3 juillet 1770)
En 1827 on découvre un autre
habitant au moulin, Louis Coutaud, marié avec Renée Boudaud. Leur fils, Louis y
et décédé à l’âge de 7 ans le 22 avril de cette année (vue 121). A cette
occasion on découvre la présence de François Coutaud, frère du précédent, aussi
farinier au moulin de Belair.
La Crochardière
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Autrefois la
Crochardière
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Le seigneur de Languiller fit un aveu aux
Essarts, à cause du Coin Foucaud, entre 1405 et 1441, du fief des
Crochardières. Ce dernier touchait aux terres du Pin et le tènement de la
Frissonnière (habitat disparu situé aux Essarts) appartenant à Jean Amauvin. Le
rachat est estimé à 3 septiers de blé et 3 charrettes de foin (14). Plus précisément
il était situé entre les villages du Pin et du Clouin, bordant le chemin qui va de Chauché à Sainte-Florence-de-l’Oie, les terres de la Gandouinière et de la Frissonière (ce dernier habitat disparu aussi, situé aux Essarts). L’habitat actuel appelé Saint-Joseph-de-Bel-Air, ne parait pas en être une survivance, plutôt une création plus récente. En consultant les vues aériennes, les bâtis de la Crochardière nous semblent avoir été construits un peu plus à l’est dans un champ descendant en pente douce, vers un chemin de servitude (autrefois appelé «
le chemin du Pin à Laubrière »). Sur la photo ci-dessus le paysage ne laisse rien deviner de ces anciens bâtis sur le champ situé au troisième plan.
En 1550 on décrivait encore le village avec ses
masuraux, ses cours et ses jardins. Ceux-ci contenaient 2 boisselées, les terres
labourables et en friches contenaient environ 5 septrées (10 ha), et les prés
« en journaux à 10 hommes de pré ». Il était alors tenu de la
seigneurie du Coin Foucaud par André Daviet, sous « foi et hommage plain et à droit de rachat par mutation d’hommes quand
le cas y advient, et à douze deniers de service annuel à moi rendable en chacun
terme d’Ascension de notre Seigneur », dit le seigneur de Languiller
(15). Voilà bien qui désigne un fief au sens originel du terme. D’ailleurs, l’aveu
cité indique aussi qu’en cas de mutation l’acheteur payait le droit de rachat, le même qu’au début du 14e siècle, qui valait « trois septiers ou
environ et par foin trois charretées ». Si les septiers étaient du
seigle, cela faisait environ 8 quintaux d’aujourd’hui. Or cette valeur de
rachat équivalait en principe dans le Poitou à une année de revenus. Et il y a
plus, le propriétaire du fief devait payer un droit de garde, c’est-à-dire une
redevance en argent ayant remplacé une ancienne obligation de garder un lieu au
Moyen Âge. La redevance était de 15 deniers, payables chaque année à la Saint-Jean-Baptiste au seigneur du Coin Foucaud.
Le texte de 1550 ne donne aucun
indice de ruine à la Crochardière (ou Crochardières). On soupçonne que c’était
le cas pourtant, car le village va disparaitre, comme d’autres à Saint-André à la
même époque. Son nom sera même ignoré par le cadastre napoléonien de 1838,
comme il l’avait été de la carte Cassini à la fin du 18e siècle.
Cette dernière couvre d’ailleurs l’espace par la forêt de l’Herbergement de
manière excessive.
La grande dépopulation avec son
niveau le plus bas dans les années 1440/1450, que nous avons évoquée plus haut,
a divisé la population par deux en France. Ensuite, du fait de l’espacement des
épidémies devenues moins meurtrières, et de la fin de la guerre de Cent Ans, la
démographie a fait un bond en avant, entrainant la remise en culture d’espaces
en friches. Il ne faut pas oublier non plus l’amélioration relative du climat
au cours du 16e siècle, dans la période du Petit Âge Glaciaire,
expliquée par l’historien Le Roy Ladurie (16). Après les ruines, des fortunes
se sont construites ou reconstruites, et d’autres ont disparu. Elles ont pu
remodeler les espaces de la propriété foncière. Une étude intéressante dans la
région de Partenay et Bressuire a pu montrer qu’alors, dans cette situation, le
nombre de grandes métairies a augmenté (17). Il n’en a rien été à la
Crochardière, sans que nous puissions proposer une explication basée sur une
documentation.
N’oublions pas cependant que les
épidémies n’avaient pas complètement disparu, non plus que les disettes. Ainsi
les récoltes de blés en 1682 avaient été quatre fois moins importantes que
d’habitude dans certaines métairies de la baronnie des Essarts. Le blé récolté,
mélangé de graines de mauvaises plantes, était impropre à faire du pain. Pour
la nourriture et la semence de l’année à venir, il avait fallu acheter des
graines propres. Et certains métayers des Essarts, par exemple, se disaient
réduits à la misère, incapables de payer leur taille (18). On sait aussi que
l’hiver glacial de 1684 a tué en Poitou des bestiaux et perdu les deux tiers du
froment (19).
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Autour du village du
Pin
et des Crochardières autrefois
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Plus d’un siècle après 1550, le
village de la Crochardière a disparu, et le droit de fief a été rattaché
directement à son suzerain, la seigneurie du Coin Foucaud. Pour parler comme
les jurisconsultes de l’époque, le droit de fief a été «
infus » dans la seigneurie directe du Coin Foucaud. Quoique
celle-ci n’est même plus désignée. À la place on désigne son possesseur :
le seigneur de Languiller.
L’abbé Boisson a trouvé dans le
registre d’insinuation de Languiller, l’achat en 1597 du fief de la
Crochardière avec ses émoluments (lods et ventes, hommage, etc.) par Sébastien
Masson (20). Il possédait déjà les droits de fief de la Jaumarière et du Pin. Les vendeurs s’appelaient Marie Chaigneau, veuve de Jehan
Fonteneau, et Catherine Ardouin, veuve d’André Fonteneau. Le prix paraît faible :
25 écus sol, soit 75 livres. Et peut-être y eut-il ensuite un retrait féodal
opéré par le seigneur de Languiller.
Les archives conservées à la Rabatelière et
maintenant aux Archives départementales de la Vendée, nous donnent à lire 11
déclarations roturières rédigées par des notaires de Saint-Fulgent, Proust et
Arnaudeau, entre le mois d’août 1688 et le mois de février 1689. C’est pour
elles que les notaires ont hésité entre le mot de « fief », et celui
de « tènement ».
Les 11 déclarants possèdent en
tout 9,1 hectares, soit un peu plus de la moitié de cet ancien fief, évalué désormais
à 130 boisselées au total (16 hectares), y compris les prés et jardins,
décomptées avec un arpentement précis (21). Ils se nomment : Jacques et Mathurin Brisseau, Hilaire
Menanteau, André Barbot, Jacques Badreau, Louis Texier, Jean Auvinet, René
Besson, Jacques Charpentier, Hilaire Menanteau, Julien Crespeau, les héritiers
Jean Bonnin. On connait aussi Philippe Chatry et Nicolas Cougnon, qui n’ont pas
fait de déclaration conservée.
La redevance seigneuriale est
fixée de manière « moderne » désormais, à raison de 4 deniers pour
une boisselée de terre, payable à Languiller à chaque noël. Cette valeur a
remplacé l’ancienne rente de 4 boisseaux d’avoine due chaque année par les
teneurs. A cette occasion, le seigneur ne semble pas avoir profité de la
situation pour revaloriser la redevance. Nous le vérifions en
1779 dans un procès-verbal du partage de la succession du seigneur de la Rabatelière,
où il est indiqué qu’aux Crochardières le revenu annuel perçu est de 43 sols et
4 deniers à raison de 4 deniers par boisselée (22). Cela donne un boisseau
valant 10 sols et 10 deniers, tout à fait en ligne avec sa valeur de l’époque. Dans une situation de fort
appauvrissement, cela aurait été difficile. Rappelons que l’essentiel de ses
revenus provenait dans ce cas des droits de lods et ventes.
Le texte précise qu’au total
l’ensemble des propriétaires devait chaque année 43 sols et 4 deniers. Et les
déclarations disent bien la parcellisation des terres entre de nombreux
propriétaires. Le plus petit déclare une parcelle de 60 gaulées, et le plus
important déclare 4 parcelles pour un total de 1,7 hectare. Trois d’entre eux
habitent à coté au Pin et un au Clouin. Les autres habitent dans les environs,
dispersés par les mariages et les héritages.
Le tènement du Pin
Enfin, venons-en maintenant au
village et tènement du Pin. En 1550 il était tenu directement par le seigneur
de Belleville, possesseur de Languiller et du Coin Foucaud, mouvant de cette
dernière seigneurie, dont le sort restera lié à celui de Languiller jusqu’à la
Révolution.
C’est à lui que les propriétaires
payaient leurs redevances seigneuriales, d’un montant symbolique, sauf
deux : le terrage et les lods et ventes. Il y avait une rente en
argent : 59 sols par an, soit 2 livres et sols, à se répartir entre tous les
teneurs. Ce montant tenait compte de l’incorporation faite de la valeur des
anciennes corvées féodales. Puis il y
avait les rentes en nature à se répartir de la même manière : 14 boisseaux
de seigle, 36 boisseaux d’avoine, 5 poules et 3 chapons (23).
Ces derniers valaient en
1779 : 2 livres 3 sols (24). Au 17
e siècle ces
rentes avaient été acquises par Pierre Moreau, sieur du Coudray, les tenant
roturièrement au devoir de 1 sol par an à la recette de Languiller (25).
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Le Pin
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Le terrage était de 1/6 des
récoltes comme très souvent ailleurs à Saint-André. Mais le terrage des jardins et
quelques boisselées de terre avaient été donné en franche aumône « à la templerie de Mauléon à 14 sols de rente par
chacun an »,
par les prédécesseurs du seigneur en 1550. Mais dans un autre aveu du Coin Foucaud à la même
date, on précise que ce don avait été fait antérieurement, c’est-à-dire hors
influence du protestantisme (25).
Le Temple de Mauléon était un lieu-dit où se trouvait une commanderie
d’hospitaliers. On n’a pas réussi à savoir si au départ cette commanderie
faisait partie de l’ordre des Templiers ou Chevaliers du Temple, victimes du
roi de France Philippe le Bel (le grand maitre Molay exécuté en 1314), ou bien
déjà de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem. On sait que ses biens immobiliers
furent récupérés par l’Eglise et que plus tard la commanderie du Temple de
Mauléon a fait partie des établissements poitevins du Grand prieuré
d’Aquitaine, organisation provinciale de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem,
devenu l’ordre de Malte. Le terrage des autres surfaces était réparti à raison des deux tiers pour le seigneur de Belleville et d’un tiers pour le prieur de Saint-André-Goule-d’Oie
Une dîme seigneuriale était
prélevée sur les éleveurs habitant le village pour les agneaux, la laine, les veaux et les
« gorons » (devenus
« gorets » en patois, ou cochons). Elle aussi était répartie par deux
tiers pour le seigneur de Belleville et un tiers pour le prieur de Saint-André. Ce tiers, « autrefois par mes prédécesseurs baillé en
franche aumône audit prieur-curé ».
A cet égard, il y a bien une
particularité concernant la dîme à Saint-André-Goule-d’Oie. Elle s’appliquait
normalement sur les fruits de la terre et le croît des animaux, au profit de
l’Eglise. Sur les fruits de la terre on ne sait pas avec précision comment elle
était prélevée, à cause du droit de boisselage, censé la remplacer en partie au
moins, les deux droits n’étant pas bien documentés à notre connaissance. Le
boisselage était d’un boisseau par feu, ce qui fait peu. Sur le croît des
animaux, on constate suivant les tènements que la dîme était prélevée tantôt
par le seigneur, tantôt par le prieur, et tantôt partagée entre eux comme au
Pin, apparemment suivant les anciennes décisions des seigneurs.
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Le Pin
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La situation que nous venons de
décrire en 1550 n’évoluera guère ensuite. En revanche le bénéficiaire de ces
redevances a souvent changé, donnant lieu à une histoire forte en
rebondissements dans ses relations avec le suzerain de Languiller.
Le village du Pin avec ses habitants
nous apparait à travers 21 déclarations roturières faites par ses propriétaires
en 1684 (26). Deux d’entre elles sont faites par deux propriétaires en
indivision, ce qui ramène les domaines déclarés à 19. Au total nous avons là un
échantillon propre à nous fournir certaines informations sur les habitants.
11 propriétaires déclarent
posséder des bâtiments dans le village du Pin, dont 4 y habitent. Les 7 autres
sont des enfants du village qui l’ont quitté pour s’installer ailleurs, ou des
étrangers venus s’y marier sans s’y installer, ou de simples acquéreurs.
On cite 9 maisons, dont 3 « portant planché », c’est-à-dire ont
un étage destiné habituellement au séchage des fruits et céréales. Deux y
logent un four dans une des deux pièces. Les autres n’ont que la hauteur d’un
niveau, avec un toit d’une seule pente, ou « à chaps », c’est-à-dire avec deux pentes et un faîte au milieu
du toit. On compte en plus 4 granges, 2 toits à cochon et 7 appentis appuyés
sur un mur de maison ou de grange. Ces 4 granges et 2 toits révèlent
l’existence d’un élevage significatif, contrairement au constat fait chez les
voisins au village des Gâts en 1703.
Ce décompte vaut pour les 11
déclarations comportant l’énumération d’un ou plusieurs bâtiments. Elles sont
incomplètes, et il
faut ajouter d’autres habitats confrontés dans le village, sans déclaration
roturière les concernant. Leurs propriétaires sont : Jean Moreau, René
Daviet, Michelle Besson, Etienne Nicou, Jean Bonnin, Perrine Badreau, René
Besson journalier demeurant au Pin et teneur à la Crochardière. Il est donc probable
que le village possédait environ une quinzaine de maisons d’habitation au moins,
beaucoup habitées par des locataires. Ainsi avons-nous relevé qu’André
Barbot, laboureur, habite au Pin, qu’il est possesseur de deux champs d’un demi
ha chacun à la Crochardière, mais que, ne déclarant pas posséder une maison au
Pin, il y est donc locataire.
Il est difficile en l’absence de
recensement de connaître le nombre d’habitants dans le village. On peut
néanmoins proposer à titre d’hypothèse minimum un nombre d’environ 80
personnes, à cette époque de familles nombreuses et de forte mortalité.
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Une maison au village
du Pin
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Pour nourrir tout ce monde, les
jardins étaient nombreux, totalisant une surface d’environ 11 000 m2,
pour 12 propriétaires nommés dans les 19 domaines déclarés. Installés pour la
plupart entre les maisons et leurs cours, ils donnaient au village des espaces dégagés,
ouverts vers le ciel. La lumière baignant le village y faisait oublier
l’ombrage de la forêt proche de l’Herbergement. Les habitats s’étendaient sur
une grande surface avec plusieurs chemins à l’intérieur, comme on voyait dans
les bourgs. De nos jours cet espace offre un cadre idéal aux architectes pour y
construire des maisons modernes, et y choisir des couleurs d’un goût parfait.
Les 21 auteurs des déclarations
sont presque tous des hommes, parfois déclarant pour les biens de leurs femmes
ou de leurs enfants, ayant eux seuls alors la capacité civile de le faire. Dans
deux cas, on trouve des veuves, à qui les notaires de Saint-Fulgent reconnaissaient
alors cette capacité.
Pour 16 personnes les notaires
nous indiquent leur profession : laboureurs pour 9 d’entre eux et artisans
pour les 7 autres. Pour ces derniers on rencontre les métiers suivants : au
Pin : 2 marchands et 1 tailleur d’habit, un maître tanneur (habitant la
Girarderie), un tisseur de laine (habitant la Milonnière), un forgetier (ou
forgeron, habitant la Forêt), et un meunier (habitant au Coudray). Le marchand
est une appellation vague, assimilée aux artisans ici, pouvant désigner le
mercier ou le marchand de bœufs, par exemple. Comme toujours sa force résidait
dans sa capacité à faire voyager les biens meubles ou les choses, pour les
offrir aux sédentaires, et souvent à en gérer les stocks. Il a parfois été
incompris, assimilé à un intermédiaire abusif, et son incorporation aux
producteurs, artisans et laboureurs, mérite pour cela des précautions.
Cette présence aussi importante
des artisans parmi les propriétaires du Pin indique leur appartenance au même
monde des « paysans » (au sens de gens du pays), que les laboureurs
(agriculteurs). Possédant de petites surfaces de terres ou prés, on les a appelés
parfois des bordiers. Ils complétaient alors leurs revenus en fabriquant des
objets, à une époque où l’industrie n’existait pas. D’autant que leurs épouses,
comme toutes les autres, ajoutaient très souvent un travail rémunérateur ou
nourricier à ses tâches ménagères et de mère de famille. Sans compter aussi les
enfants qui devaient aider. C’est pourquoi ils étaient nombreux, y compris dans
les villages où se trouvaient leurs terres. L’artisan travaillait en
indépendant à son compte, mais il pouvait aussi travailler à façon pour un
marchand.
L’indication du domicile des
propriétaires est faite dans 20 déclarations, dont 4 habitent au Pin. Les 16
autres habitent dans les villages aux alentours de Saint-André (Bourg, Coudray
(2), Jaumarière, Brossière, Milonière (2), Foret, Gandouinière, Javelière), ou
de Vendrennes (Guierche et Girarderie), voire de Saint-Martin-des-Noyers (Fonteny
et la Barre). Deux personnes habitent plus loin : aux Herbiers et à
Ardelay (Barillère).

Voici le début d’une déclaration
faite par Mathurin Brisseau de la Brossière, reproduite ci-contre : « Sachent tous que de vous haut et puissant messire Philippe
Chitton, écuyer, seigneur de Fontbrune, de Languiller, fiefs des Bouchaux, Coin
Foucaut, Touroil, Pothé, le Vrignault, Avenage de Chauché, la Ramée, Maitre Mille
et autres, Je Mathurin Brisseau, laboureur, tant pour moi que pour Charlotte
Paquereau ma femme, demeurant au village de la Brossière paroisse de St André,
tiens et avoue tenir de vous mondit seigneur au village et tènement du Pin à
cause de votre fief de Languiller les choses qui suivent »
La répartition de la propriété
des terres est intéressante à examiner. Les 19 domaines déclarés totalisent une
surface de 36 ha répartis sur 146 parcelles différentes de prés et champs, soit
une moyenne de 2 465 m2 par chaque pièce de terre ou pré. La
parcellisation est donc très poussée. D’ailleurs l’origine des propriétés est
pour plus de 90% à titre successif, excluant presque totalement l’acquisition.
Quelques borderies pouvaient subsister. La plus importante comprend 5,3 ha,
plus 590 m2 de jardin. Les autres propriétaires sont au nombre de 8
à posséder de 2 à 4 ha. Enfin on compte 10 déclarations totalisant une surface
inférieure à 2 ha, pour un total de 8,6 ha. Ces petites surfaces étaient souvent
louées à d’autres propriétaires, soit laboureurs, soit artisans.
Bref, le village et tènement Pin
est alors surtout possédé par des personnes extérieures, principalement à cause
des héritages et des mariages.
Enfin, si on ne veut rien oublier
des messages délivrés par les déclarations roturières de cet échantillon
représentatif des propriétaires du Pin en cette année 1688, on relève que 8
personnes sur 21 signent, alors que les notaires de Saint-Fulgent font à chaque
fois de cette signature un article particulier de leurs actes. Ce ne sont que
des hommes, et encore, à voir certaines graphies, il y avait des débutants
parmi eux. Comparé aux constats faits par les historiens à la même époque,
notamment dans la France du nord de la Loire, on a ici un niveau
d’alphabétisation en retard (27).
On regrettera la restriction que
nous imposent involontairement les documents disponibles sur les habitants du
village. Ceux qui n’étaient pas propriétaires nous échappent. On ne peut même
pas en évaluer le nombre. Et pourtant on ne saurait passer sous silence les
journaliers ne possédant rien, se louant à la journée ou à la tâche, avec un
attelage ou seulement munis d’un outil à bêcher ou à faucher. Sans travail ou
malades, ils tombaient dans la misère, au Pin comme ailleurs.
Dans les minutes des notaires de
Saint-Fulgent on a relevé l’existence de petites borderies néanmoins. En 1740 Pierre Piveteau,
bordier demeurant à la Maigrière, afferme une borderie au Pin à Pierre Borleteau
pour 10 livres par an, somme pouvant correspondre à une surface de 1,5 ou 2 ha
environ. Le bail est de 3 ans (1740-1743), avec des droits d’usage de terres
collectives du village, appelés les « communaux » (28). En
1754 Louis Corbier de Beauvais, bourgeois et propriétaire au Coudray, afferme sa
borderie pour 30 livres par an, ce qui laisse supposer une contenance de quelques
hectares seulement, peut-être 5. Il reconduit les fermiers sortants, Marie
Cougnon, veuve de Louis Robin, et Jean Robin son fils, pour 7 ans (1755-1762).
Les clauses du bail sont celles habituelles des actes notariés (29). Le 6 février 1790, François
Bordron, bordier demeurant à la Guierche (Vendrennes), afferme à François
Aulneau, bordier demeurant au Pin, une petite borderie au Pin, à prix d’argent de
18 livres par an, pour 5 ans (1789-1794). Le mot de borderie employé ici
apparait comme une commodité de langage pour quelques pièces de terre seulement dans
le village : planche de verger, ruages, prés, terres labourables et non
labourables (30).
Il faut faire un saut de 2
siècles pour voir construire le chemin allant du bourg de Saint-André au
village du Pin. C’était un chemin rural à la charge de la commune, et il était
encore dans son état primitif. Dans sa session du mois de mai 1934 le conseil
municipal décida, pour payer les travaux, d’un emprunt de 15 000 F sur 15
ans à 4 % d’intérêts annuels, autorisé par le préfet le 20 juillet 1934. Son
remboursement fut financé par une imposition extraordinaire. Le conseil décida
que l’emprunt serait proposé à des particuliers par tirage au sort, vu les
conditions des établissements de crédit (31).
La guerre de Vendée au Pin
On sait à quel point l’évènement
dispose de peu d’archives dans la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, notamment
pour comprendre sa dépopulation de 268 personnes, constatée en 1800 (21 % de la
population de 1791). Aussi même les indices sont intéressants à relever sur ce point. Et
c’en est un que fourni un inventaire effectué par le notaire de Chavagnes en
1802 dans la maison des enfants d’Alexis Poiron et de sa femme Jeanne Maindron
au village du Pin. Alexis Poiron, cultivateur, était mort cinq mois auparavant
à l’âge de 50 ans, déjà veuf, laissant quatre enfants mineurs : Jean,
Jeanne, Modeste et Marie. Leur tuteur a demandé cet inventaire, d’autant qu’il
n’a pas fait apposer les scellés sur les meubles et effets mobiliers. Il
explique qu’il a voulu éviter ainsi « la multiplication des frais »
sur un mobilier peu « conséquent » (important), « attendu le
fléau de la guerre civile qui a désolé ce département ». Derrière cette
formule du notaire on voit le pillage ou l’incendie comme conséquence très probable
du fléau évoqué. D’ailleurs l’inventaire lui-même est éloquent sur ce point, se
montant au total à 105 livres. Ce dernier se décompose en une vache pour 21
livres (valeur faible), diverses productions agricoles (fumier, foin, paille,
lin) pour 38 livres, des instruments de travail pour 19 livres, le mobilier et
les ustensiles de ménage pour 19 livres. Enfin, disant le dénuement extrême,
les habits et la literie ne valent que 2 livres. Il n’y a pas de lits pour tous
(32). Et on peut craindre que cette
maison des Poiron ne fût pas la seule victime dea guerre dans le village. Un autre cas
similaire s’est rencontré au village de la Maigrière en 1808 avec les trois enfants
mineurs de Jean Micheneau et Marie Anne Billaud. La valeur de la literie
n’y était que de 12,50 livres, même si le total des meubles et effets mobiliers
s’élevait à 232 livres (33). Un lit garni était estimé à 50 F an 1810 à la
Boutarlière dans un autre inventaire après-décès, et une berne (gros drap)
valait 3 livres (34).
(1) Bertrand Poissonnier, La
Vendée préhistorique, Geste Editions, 1997, page 214.
(2) Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/G 10, déclaration du 8 avril 1658 de Charles Tranchant
à Languiller pour les étangs des Nouhes et du Pin.
(3) Archives du diocèse de Luçon,
fonds de l’abbé Boisson, : 7 Z 29-2, Lieux-dits de Chauché.
(4) 150 J/G 61, aveu du Coin
Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts – deuxième copie
d’un aveu de 1550.
(5) 150 J/G 11, déclaration noble
du 13-7-1656 de Mathurin et Lucas Paquereau à Languiller pour les Landes de
l’étang du Pin.
(6) Archives de Vendée, notaires
de St Fulgent, Frappier : 3 E 30/9, transaction du 27-9-1777 entre
Henriette de Tinguy et les teneurs de la Brossette sur l’usage du droit de
pacage dans les landes communes de la Brosette.
(7) Note d'Amblard de Guerry pour une présentation générale sur Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 1.
(8) Deux baux du 23-5-1564 de 6
boisselées dans les Landes du Bois Pothé, de Jules de Belleville à Maurice
Aparilleau, et de 9 boisselées au même lieu par le même, à André Pidoux, Archives
du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien régime : AAP.
(9) Note sur la borderie des
Landes à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(10) Archives de Vendée, chartrier
de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, déclarations roturières de
Pierre Moreau vers 1675.
(11) Archives de la Vendée, don de
l’abbé Boisson : 84 J 14, gaulaiement du 3-2-1808 du tènement des Landes
du Pin.
(12) La Vendée historique (revue de la Vendée militaire) 1904 (No 169-70), page 503 et 529.
(13) Archives de Vendée, notaire
de Montaigu, étude E, P.M. Thibaud :
3 E 27/47, acte de notoriété du 2 pluviôse an 9,
sur un jugement du tribunal de Montaigu au sujet du moulin Briand (vue 88).
(14) Note sur la Crochardière à Saint-André-Goule-d’Oie,
Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(15) Idem (4).
(16) Emmanuel le Roy Ladurie,
Histoire humaine et comparée du climat
Tome I, Fayard, 2004.
(17) Louis Merle, La métairie et l’évolution agraire de la
Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Editions Jean
Touzot, 1958.
(18) Archives de Vendée, archives
des baronnies des Essarts et de Rié, fonds conservé à Turin : 1 Num
231/43, déposition des fermiers : vue 1.
(19) Emmanuel le Roy Ladurie,
Histoire humaine et comparée du climat
Tome I, Fayard, 2004, page 471.
(20) Archives du diocèse de
Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 76-1, Saint-André-Goule-d’Oie,
lieux-dits et autres.
(21) 150/G 4, déclaration
roturière du 21-9-1688 d’André
Barbot à Languiller pour des domaines aux Crochardières.
(22) Partage du 18-10-1779 de la succession de René
de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, pages 31 et 33, Archives de Vendée,
chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(23) Idem (4).
(24) Idem (22).
(25) Notes no 2 et 3 sur le Pin à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(26) chartrier de la Rabatelière,
dossier : 150/G 11.
(27) Histoire de la France rurale
tome II, Jean Jacquart,
Immobilisme et
catastrophes 1560-1660, Seuil, 1975, pages 308 et s.
(28) Ferme du 12-6-1740 d’une
borderie au Pin de Piveteau à Borleteau, Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/2.
(29) Ferme du 12-10-1754 d’une
borderie au Pin par Corbier, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Thoumazeau : 3 E 30/114.
(30) Ferme du 6-2-1790, de terres
au Pin, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E
30/131.
(32) Inventaire du 14-10-1802 de
la succession mobilière de Poiron et Maindron, notaires de
Chavagnes-en-Paillers, Bouron : 3 E 31/20.
(33) Bouron : 3 E 31/23, PV
de vente du 30-1-1808 d’effets mobiliers à la Maigrière.
(34) Bouron : 3 E 31/24, Inventaire
du 14-9-1810 des meubles et effets de la mineure Herbreteau.
Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2016, complété en décembre 2020