mardi 1 février 2011

Acte de notoriété du décès de Simon Charles Guyet



L’augmentation des documents numérisés mis en accès internet sur le site des Archives départementales de la Vendée, nous apporte chaque année son lot d’heureuses surprises. Et encore, ce n’est pas tout, son moteur de recherche est vraiment l’ami des chercheurs. On sait que le vrai problème d’un chercheur de documents d’histoire, comme les prospecteurs d’or d’autrefois, ce n’est pas d’explorer, mais de trouver. Il suffit désormais d’écrire : « Joseph Guyet » dans le moteur de recherche des Archives de Vendée, au bout du clic on obtient le certificat de décès de son père en 1793, dans les minutes d’un notaire de Luçon. Qui serait allé dans cette étude pour l’y trouver ?


Dans mon article sur Joseph Guyet, récemment publié en décembre 2010, j’avais rassemblé toutes les informations recueillies après mes recherches sur des registres paroissiaux, et les notes prises dans les diverses publications que j’avais pu lire à son sujet et à celui de ses proches. Mais j’étais resté dans l’ignorance de la date du décès de Simon Pierre Guyet. Reproduisons l'acte de notoriété du décès :

« Acte notarié constatant la mort de Charles Simon Guyet du 7 messidor an 3 (1)
Par devant le notaire public (2) à Luçon en présence des témoins ci-après nommés et soussignés ont comparu
Les citoyens René Rouillon (3) chasseur de la Vendée et François Bossard servant dans les hussards de Cholet- Pierre François Louis Marie Gentils receveur du droit d’enregistrement à Luçon- François Guinaudeau canonnier et Charles Durand réfugié à Gemme-de-la-Plaine, (4)
Étant tous présents à Luçon
Lesquels ont déclaré avoir parfaitement connu le citoyen Charles Simon Guyet maître de poste à Saint-Fulgent district de Montaigu département de la Vendée qui est tombé au pouvoir des rebelles et a été massacré par eux le quatorze mars mil sept cent quatre-vingt-treize (5) en la maison de Durand aubergiste du Chapeau Rouge à Saint-Vincent-Sterlanges, et est mort de ses blessures le lendemain quinze du dit mois de mars (6)
Ce que dessus les comparants affirment sincère et véritable pour en avoir une parfaite connaissance
Dont et le tout qui’allé fait et rédigé le présent acte pour valoir et servir ce qu’il appartiendra
Fait et passé audit Luçon étude de Pillenière (7) le sept messidor an troisième de la République Française une et indivisible en présence du citoyen Philippe Payneau propriétaire et Louis Porché aubergiste demeurant séparément audit Luçon qui se sont, ainsi que les comparants et nous notaire, soussignés après lecture faite. »


(1) 25 juin 1795
(2) La loi du 6-10-1791 avait transformé les « notaires royaux » en « notaires publics ». Ils n’étaient pas officiers chargés de l’état-civil, mais en tant que fonctionnaires publics, leurs actes avaient une force certaine, surtout compte tenu des circonstances.
(3) Ce témoin, comme les autres, nous est inconnu. Trois militaires, un fonctionnaire des impôts et un réfugié. Leur qualité est à la fois d’ « avoir parfaitement connu » C. Guyet et d’avoir « une parfaite connaissance » des circonstances et de la date de sa mort. Ce qui compte ici, on le sait, c’est la signature du notaire.
(4) Le mot « Saint » qui précédait la suite du nom de la commune a disparu, conformément à la loi d’alors. Il s’agissait de « déchristianiser » et « dénobliser » les noms. Mais notre brave notaire ne connaissait pas le nouveau nom de Saint-Fulgent et ne l’a donc pas utilisé. C’est bien excusable, tellement il y a eu de changements de noms. Pour mémoire, rappelons que « Saint-Fulgent » est devenu « Fulgent-des-Bois ». On retrouve ce nom utilisé dans l’acte de rachat de Linières en 1796, par exemple. Même remarque pour Saint-Vincent-Sterlanges.
(5) Le présent acte de décès a donc été rédigé plus de deux ans après la mort qu’il constate. Cela indique que l’acte résulte d’une demande auprès du notaire et qu’il a fallu se donner la peine de réunir tous ces témoins à Luçon, longtemps après les faits. Les fonctions politiques du gendre Benjamin Martineau et celles de son frère Ambroise à  Fontenay, chez les républicains de l’administration du département, ont peut-être été utiles pour aplanir les difficultés à cet égard.
Il paraît naturel d’obtenir cet acte ne serait-ce que pour ouvrir la succession d’un homme, qui plus est devenu riche, laissant une veuve et sept enfants âgés de neuf à vingt et un ans. Dans le désordre des batailles, combien d’actes de décès n’ont pas pu être rédigés ! Et à Saint-Vincent-Sterlanges, comme dans beaucoup d’autres communes du bocage, les archives actuelles de l’état-civil n’ont été conservées qu’à partir de l’an V, toujours à cause de la guerre civile. Quant aux actes reconstitués de cette période, il y en a eu très peu dans cette commune, et ne concernent pas C. Guyet;
Saint-Vincent-Sterlanges
(6) Ce qui s’est passé à Saint-Vincent-Sterlanges se recoupe bien avec les faits de guerre connus. Le 13 mars 1793, les jeunes de Saint-André-Goule-d’Oie, entraînés par Christophe Cougnon (demeurant à la Guérinière et régisseur à Linières), mettent en fuite une troupe de gardes nationaux venus de Fontenay sous les ordres de Charles Pierre Marie Rouillé. (a) C’est sans doute ce jour-là, sinon le lendemain en voyant la tournure des évènements, que Charles Guyet et son gendre Benjamin Martineau s’enfuient avec la troupe de Rouillé (ou la rejoignent) en direction de Fontenay-le-Comte. (b)
Le 13 mars les jeunes du canton se rassemblent au bourg de Saint-Fulgent autour de l’aubergiste Lusson et du procureur de la commune Gautier. (c) Ils convainquent le vieux capitaine d’infanterie Royrand, âgé de 67 ans (riche propriétaire d’une vingtaine de métairies et originaire de la Roussière de Saint-Fulgent et demeurant à la Burnière de Chavagnes), ainsi qu’un de ses neveux de Chavagnes-en-Paillers, de s’engager avec eux et de diriger les combats. (b)
Le 14 mars ils partent vers Fontenay et mettent en fuite à nouveau les gardes nationaux au village de la Brossière de Saint-André-Goule-d’Oie. (d) Ils les poursuivent, passent les Quatre-Chemins, Saint-Vincent-Sterlanges et arrivent à Chantonnay, où à nouveau le lendemain les Vendéens battent les gardes nationaux.
Qu’il y ait eu le 14 mars un massacre de « bleus » et de patriotes de Saint-Fulgent connus, dans l’auberge de Saint-Vincent-Sterlanges, est parfaitement concevable au vu des évènements que nous venons de rappeler.
(7) Acte de décès de Simon Guyet du 7 messidor an III, Archives de la Vendée, notaires de Luçon, étude (I) : vues 311 et 312 du registre numérisé.
Ce notaire, Jean Claude Pillenière s’était marié avec Marie Chauveau à Luçon le 25-1-1780 (vue 102), lequel était présent au mariage de B. Martineau en 1792 à Saint-Fulgent. Or le premier mari de Catherine Couzin, belle-mère de B. Martineau, était Jean Pillenière, fermier. Il y a donc un lien familial, mais non connu, entre la femme de B. Martineau et le notaire. (Voir note au mariage de C. Guyet et B. Martineau dans le dossier S. C. Guyet)

Remarque
Encore un compatriote massacré ! Les mots employés par habitude dans les livres pour désigner les ennemis en présence, de « Vendéens » d’un côté et de « bleus » de l’autre, contribuent à masquer cette réalité, qu’on s’est aussi battu entre Vendéens dans cette guerre civile. Le commandant des gardes nationaux, Charles Rouillé le jeune, était avocat-avoué et électeur du district des Sables-d’Olonne. (a) Quant aux gardes nationaux sous ses ordres, beaucoup étaient Vendéens sans doute, de la région de Fontenay-le-Comte.
D’ailleurs, des chercheurs notent le comportement de certains révolutionnaires locaux, comme ayant contribué à attiser le climat de guerre civile, avant, pendant et après le soulèvement.
Benjamin Martineau, le gendre de Charles Guyet, et tous les Guyet, vont porter dans leur cœur la haine de la devise de leurs adversaires « Dieu et le roi ». Nous le constaterons dans les années à venir dans l’histoire de Linières, avec le fils Joseph Guyet qui en deviendra propriétaire.

Ils ont tenu à faire attester de la sépulture de leur père par neuf personnes : sept de Sainte-Cécile, une de Saint-Vincent-Sterlanges et une de Saint-Germain-de-Princay. « Lesquels dits comparants ont dit et déclaré devant nous dits notaires avoir une parfaite et entière connaissance que le feu citoyen Simon-Charles Guyet, propriétaire demeurant au bourg de Saint-Fulgent, est décédé au bourg de Saint-Vincent-Sterlanges en la demeure de la citoyenne Petit, veuve Durand, le 15 mars 1793, vieux style an 2 de la République, le corps duquel dit feu Guyet a été inhumé le lendemain dans le cimetière de ladite commune de Saint-Vincent-Sterlanges, ce que les dits comparants déclarent être sincère et véritable et que foi doit y être ajouté … ». C’est ce qu’écrit en son étude le notaire Gabriel Benesteau de Sainte-Cécile, un cousin des enfants Guyet, le 12 germinal an 12 (8). 


(a) Revue du Souvenir Vendéen no juin 2009, page 22 (article de J. Biteau)
(b) M. Maupilier, …Saint-Fulgent sur la route royale, Herault (1989)
(c) L. de La Boutetière, Le chevalier de Sapinaud …, Salmon (1982), page 32
d) A. Billaud, La guerre de Vendée, Lussaud (1967)

(8) Notoriété du 12 germinal an 12 (3 avril 1804) du décès de Simon Guyet, Archives de Vendée, notaire de Sainte-Cécile, étude A, Gabriel-Jean-Louis Benesteau, 3 E 15 21-2, accessible en ligne : vue 254 à 255/514.

Et après le décès ?
Imaginer ce qui s’est passé juste après la mort du 15 mars 1793, est une question intéressante à explorer. Pour cela, on ne dispose d’aucun document, mais on peut néanmoins retenir d’abord des faits connus :
- La fille aînée de Simon Guyet, Catherine, accouchera à Saint-Fulgent le 3 août suivant (baptême clandestin le lendemain par le vicaire insermenté et avec le maire royaliste et combattant comme témoin, vue 10/78 du registre clandestin).
- Son mari, le révolutionnaire extrémiste Benjamin Martineau, avait fui Saint-Fulgent en même temps que son beau-père, n’assistant peut-être pas à son décès, puisqu’il ne témoigne pas devant le notaire de Luçon, Pillenière, dans la rédaction de l’acte de notoriété. Ce notaire était un ami de la famille, présent à son mariage en 1791 à Saint-Fulgent, et Luçon était à l’abri des révoltés Vendéens.
- Avant que la Convention n’ordonne au printemps 1794 aux habitants de s’éloigner « à plus de 20 lieues » du département de la Vendée, des républicains s’étaient déjà réfugiés vers le nord (Nantes), ou vers le sud (Sainte-Hermine, la Chapelle Thémer etc.), après le début de la guerre en mars 1793.
- Les comités communaux royalistes mis en place après la révolte de mars 1793 ont eu pour consignes de mettre en demeure leurs ennemis de combattre à leur côté ou de quitter la contrée (1). Ils ont aussi confisqué les biens « volés » à l’Église par les républicains lors des ventes de « biens nationaux » en 1791. On le constate à Saint-André, où René Robin, acquéreur de la métairie de Fondion (ancien bien d’Église), s’est vu confisqué ses revenus au moins pour l’année 1794, et n’est rentré dans la disposition de son bien qu’en 1795 (2).
À partir de ces faits, on peut imaginer avec vraisemblance que des garçons comme Charles Jacques (21 ans en 1793 et premier fils de Simon Guyet) ait été envoyé à Champagné (sud vendéen à l’abri des combats) dans la famille de sa mère, où il se mariera. Joseph (19 ans en 1793), était peut-être déjà à Paris chez son oncle Jacques Guyet pour y faire des études de droit. Auguste Jacques, 10 ans en 1793, a pu rester à Saint-Fulgent avec sa mère, sa grande sœur enceinte et sa petite sœur de 9 ans. On hésite sur le cas de Pierre Louis (18 ans), et de Louis René (17 ans). À cette époque, on entrait « dans la vie active » beaucoup plus tôt que maintenant et plusieurs hypothèses sont possibles les concernant.
Quant à s’occuper des affaires de Simon Guyet, il est à craindre pour ses héritiers que les comités communaux royalistes, dans un premier temps, en ait fait leur affaire. Sauf dans le Marais, où la famille (peut-être le gendre Martineau) s’en est certainement occupé. Pas sûr que l’oncle de Paris soit venu à Saint-Fulgent pour déranger les comités royalistes (actif d’avril à environ octobre 1793), et s’exposer ensuite à la haine des républicains sévissant chez les habitants. Son frère Jean Guyet de Sainte Cécile a peut-être pu essayer de s’occuper des affaires de sa belle-sœur. Également François Rouillon de Sainte-Cécile, mari de la sœur Marie Louise Guyet, à moins que bon républicain, il n’ait été obligé de chercher refuge en dehors de la contrée. Mathurin Guyet, autre frère aubergiste à Saint-Michel-Mont-Mercure, y était officier municipal et a dû se réfugier à Sainte-Hermine au plus tard en février 1794 (3). Enfin Claude Rathié, maître chirurgien à Montaigu, veuf d’une autre sœur, Jeanne Guyet, n’était certainement pas le bienvenu dans certaines métairies de son beau-frère, mais il a peut-être pu s’occuper de certaines autres s’il ne s’est pas réfugié lui aussi hors de la contrée.
N’oublions pas que de mars 1793 à décembre 1794, Saint-Fulgent et les environs a perdu au moins 20 % de sa population, et que, pendant ce temps, certaines métairies n’ont certainement pas été capables de produire un revenu, sinon de survie pour leurs métayers. Dans le meilleur des cas il faudra attendre 1795 pour que l’ordre commence à revenir dans le respect des propriétés des uns et des autres (traité de la Jaunaie en février 1795).
L’acte de notoriété du décès de Simon Guyet est de juin 1795, préalable à l’ouverture de la succession. Entre temps, il paraît certain que les frères et sœurs de Simon et de son épouse ont aidé matériellement sa famille. Mais on ne sait pas comment.
(1) Claude Petitfrère, Conseils et capitaines de paroisse : des comportements démocratiques en Vendée ? Actes du colloque La Vendée dans l’Histoire, Perrin, 1994, page 67 à 80.
(2) Acte de non conciliation entre Robin et Allain concernant des bestiaux sur la métairie de Fondion, justice de paix de Saint-Fulgent du 28 messidor an 4, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 73-1.
(3) Acte de naissance de Louis Teillet le 16-2-1794 à Saint-Hermand (devenu Sainte-Hermine).


Emmanuel François, tous droits réservés
Février 2011, modifié en février 2024

POUR REVENIR AU SOMMAIRE


Journal du maire de Saint-André-Goule-d’Oie en février 1871 (suite)

Voici la suite du journal intime de Marcel de Brayer, maire de Saint-André-Goule-d’Oie, que nous avons commencé de publier dans un article précédent. Nous reproduisons ici la dernière partie correspondant aux quinze premiers jours de février 1871. Les notes s’arrêtent au 16 février, sans explications.

Au vu d’autres documents, nous pensons que la pratique du journal intime n’était pas systématique chez Marcel de Brayer, mais seulement liée aux moments importants pour lui. Quoiqu’il faille rester prudent sur ce point car nous savons que les documents conservés ont fait l’objet d’un tri. Nous découvrons dans ces notes un jeune homme passionné par la politique et possédant une bonne culture historique, lui donnant une capacité de jugement à chaud sur les évènements, tout à fait intéressante. N’oublions pas qu’il a été élevé, après la mort de sa mère, par ses grands-parents maternels. Le deuxième mari de sa grand-mère, Guyet-Desfontaines, avait été député de la Vendée de 1834 à 1848, puis maire de Marly-le-Roi. Il a donc baigné tôt dans la politique, ce qui peut expliquer le ton de certaines de ses réflexions. Et il a partagé les opinions de la famille, des orléanistes.

Musée Rolin à Autun
Précisons que ces notes ont été écrites sur des feuilles volantes portant le titre : « Année 1871 ». Elles sont conservées, sous la référence K8 36, par la société Éduenne des Lettres, Sciences et Arts, dont la bibliothèque comprend le fonds Amaury-Duval. Elle est installée dans le musée Rolin de la ville d’Autun.

La raison de cet archivage à Autun est simple. Célibataire, Amaury-Duval s’est trouvé dépositaire des papiers personnels de son petit-neveu, mort avant lui. Réunis avec les siens, avec ceux de sa sœur et de son beau-frère, et surtout avec les nombreux écrits de son propre père, il a tout légué à un de ses élèves, devenu un ami, en lui demandant de faire un tri. Cet ami, Eugène Froment, a accompli son devoir et à sa mort, ce fonds documentaire est devenu la propriété de sa fille : Mme Mazeran. Comme son père elle habitait Autun. C’est elle qui a décidé de confier cet héritage important par sa valeur historique, littéraire et artistique, à la société savante de sa ville : la société Éduenne. C’est l’occasion ici de remercier le responsable de la société Éduenne, monsieur Strasberg, en même temps conservateur du musée Rolin. C’est à lui que je dois d’avoir pu accéder au fonds Amaury-Duval.

Sans héritier direct, Amaury-Duval, mort en 1885, a confié à ce même ami, aidé de deux autres, le soin de doter les musées et les proches de ses œuvres en sa possession. Et après avoir distribué généreusement rentes et objets personnels à ses parents et amis, il a légué le reste de son patrimoine (Linières et immobilier parisien) à un lointain cousin, parent au 5e degré : M. de Marcilly. Ainsi, tous les souvenirs se rapportant à Linières n’ont heureusement pas disparu à l’occasion de la démolition du château en 1912.

Mercredi 1e février

Nous attendons le journal avec impatience, (26) il arrive et ne contient rien ou presque rien. Une circulaire de Lauzier (27) annonçant pour demain les décrets et proclamations que réclame la situation actuelle. On attend toujours à Bordeaux l’arrivée des membres du gouvernement annoncés, on n’y dit rien. Une délibération du conseil municipal de Bordeaux qui demande à Gambetta de rester à son poste et de continuer la lutte à outrance. Un décret signé des membres de la délégation destitue quatorze magistrats pour des jugements rendus par eux en 1852. L’inamovibilité ne saurait être poussée plus loin ! Je passe ma journée à Linières avec mon oncle à faire transplanter des arbres.

Jeudi 2 février

Léon Gambetta
Cette fois le journal est bavard, mais il ne dit rien de bon. La circulaire de Gambetta, datée de Bordeaux 31 janvier : « il n’a reçu aucune dépêche de Jules Favre, mais M. de Bismarck a répondu. L’armistice ne s’étend pas à l’armée de l’Est. Le général Chanzy a reçu communication de l’armistice par le prince Frédéric Charles. (28) 200 millions sont réclamés à Paris, et les prisonniers prussiens échangés contre des nôtres. Jules Favre ne parlait que d’un armistice général, de là ordre donné par nous à nos troupes de suspendre les opérations tandis que les Prussiens mieux informés les continuaient. » Gambetta termine ainsi : « la délégation, qui n’a, on le voit, reçu sur la convention de Versailles d’autre document officiel français que le télégramme de Versailles, signé Jules Favre, a le droit et le devoir de porter ces faits à la connaissance du pays, afin de faire porter sur qui de droit la responsabilité qui incombe à ceux qui n’ont pas fait connaître la convention dans toute sa teneur, et ont entraîné des erreurs d’interprétation, dont les conséquences, au point de vue de notre héroïque armée de l’Est, peuvent être irréparables pour la France. » Cette dernière phrase a pour but de mettre sur le compte de l’armistice le fait, déjà vieux de plusieurs jours, que l’armée de Bourbaki est complètement tournée et que cet infortuné général, craignant l’insulte de trahison si chère à la démagogie, s’est tiré cinq coups de revolver dans la tête sans parvenir à son but ! La dépêche si pâle de Laurier reparaît aujourd’hui avec des annexes assez colorées. La politique des ministres de la guerre, y est-il dit, est toujours la même, guerre à outrance, résistance jusqu’à complet épuisement ! Il n’est pas jusqu’aux élections qui ne puissent et doivent être mise à profit. Ce qu’il faut à la France, c’est une assemblée qui veuille la guerre et soit décidée à tout pour la faire !!! etc. Comme complément à tant d’inepties, le préfet de Bordeaux convertit tous les théâtres en réunions publiques, où l’on décrète la guerre à outrance, pas d’assemblées, un comité de salut public : et Gambetta sommé par la sainte canaille, répond qu’il est avec elle en parfaite communauté de vues. Ce sont les clubs de Bordeaux qui gouvernent la France !

(26) La poste a semble-t-il bien fonctionné vers la Vendée, malgré l’occupation prussienne. Mais nous avons une lettre de Gaston de Marcilly du 29-10-1870, à son cousin Amaury-Duval, où il se plaint des difficultés de circulation du courrier vers Brionne.
(27) Directeur du personnel au ministère de l’intérieur dirigé par Gambetta.
(28) Neveu du roi de Prusse, qui commanda brillamment au sein des armées prussiennes en France.

Vendredi 3 février

L’administration de M. Gambetta aura une fin digne d’elle. Nous recevons ce matin trois décrets et une proclamation. La proclamation dont le mot de la fin : aux armes aux urnes, résume le sens, contient ce passage : « Grâce à Paris, si nous sommes des patriotes résolus, nous tenons en main tout ce qu’il faut pour le venger et nous affranchir. Mais si comme la mauvaise fortune tenait à nous accabler, quelque chose de plus sinistre et de plus douloureux que la chute de Paris, nous attendait. On a signé sans nous avertir, à notre insu, sans nous consulter, un armistice dont nous n’avons connu que tardivement la coupable légèreté, qui livre aux Prussiens les départements occupés par nos soldats et qui nous impose l’obligation de rester trois semaines au repos pour réunir dans les tristes circonstances où se trouve le pays, une assemblée nationale. »

Le premier décret convoque les électeurs pour mercredi prochain 8 février. Le second est unique dans son genre, il faut en citer en entier les considérants. « Les membres etc…., considérant qu’il est juste que tous les complices du régime qui a commencé par l’attentat du 2 décembre, pour finir par la capitulation de Sedan, léguant à la France la ruine et l’invasion, soient frappés momentanément de la même déchéance politique que la dynastie à jamais maudite dont ils ont été les coupables instruments, considérant que c’est là une sanction nécessaire de la responsabilité qu’ils ont encourue en aidant et assistant, avec connaissance des causes, l’ex-empereur dans l’accomplissement des divers actes de son gouvernement, qui ont mis la patrie en danger, décrète… ». Suit le décret en trois articles qui excluent du droit d’être députés ceux qui depuis le 2 décembre 1851 jusqu’au 4 septembre 1870 ont occupé 1° les fonctions de ministres, sénateurs, conseillers d’État et préfets. 2° la candidature officielle aux élections législatives. Déclare enfin nuls de nullité absolue les bulletins portant les noms de ces individus. Ces bulletins ne doivent pas être comptés. Pourquoi ne pas exclure aussi du droit de voter les 8 000 000 d’électeurs qui répondaient par oui ou par non au plébiscite de mai dernier. Le corps électoral français ne devrait se composer que du million et demi d’individus qui protesta alors par un non ! Je n’aime pas l’Empire, je hais la catastrophe que ses fautes ont amenée, mais de pareils décrets me rapprocheraient de lui par dégoût de ceux qui les formulent. Le 3e décret règle les formes de l’élection, il a aussi son article intéressant. C’est l’article 15 que voici : sont exclus de l’éligibilité les membres des familles qui ont régné sur la France depuis 1789. Sont nuls de nullité absolue, les bulletins de vote portant les noms des personnes désignées dans le présent article. Ces bulletins ne seront pas comptés dans la supputation des voix. Voilà pour le compte de M. Gambetta ministre de l’intérieur. 

Général Clinchant
Voici maintenant pour le ministre de la guerre, M. Gambetta. 1e février : l’armée du général Clinchant forte de 85 00 hommes avec son artillerie, est entrée en suisse par Verrières. Le 24e corps d’armée a pu s’échapper se dirigeant vers Lyon. Le général Clinchant est celui qui remplaça Bourbaki quand ce dernier voyant, il y a quelques jours, sa position tournée, poursuivi par la crainte d’être soupçonné de trahison, se brûla la cervelle, ou du moins tenta de le faire. On dit son état désespéré. Je reçois une lettre du préfet qui me demande la disposition des esprits autour de moi. Je ne répondrai pas. Je verrai le préfet lundi au conseil de révision de la classe 71 et là je lui parlerai. Ce que veut la France, c’est l’ordre d’abord, la paix ensuite, car tout homme sensé comprend maintenant que la continuation de la lutte est impossible ! La clique des exaltés républicains aidera pour une grande part à ce résultat, par la terreur qu’elle imposera aux honnêtes gens. Dans la réunion publique tenue au grand théâtre de Bordeaux le 31, communication a été faite des décrets relatifs aux élections. La réunion satisfaite, a nommé un comité de salut public pour prêter son concours au gouvernement ! Voilà un concours qui nous fera du bien.

Samedi 4 février

Les journaux la Liberté, le Français, la France, le Constitutionnel, (29) l’Univers, la Patrie, l’Union, la Gazette de France, (30) le Courrier de la Gironde, le Journal de Bordeaux, la Guyenne et la Province, publient une protestation contre le décret du 31 janvier. Ils ont envoyé des délégués à Jules Simon qui vient d’arriver de Paris, apportant un décret sur les élections signé le 28 janvier et supprimant toutes les incompatibilités, sauf l’inéligibilité des préfets en exercice dans les départements qu’ils administrent. Le décret seul est valable et doit être exécuté ! Je regrette que Jules Simon soit le commissaire envoyé par le gouvernement de Paris. Je n’ai jamais eu confiance dans cet homme. Voici les noms du comité de salut public chargé par le club du grand théâtre de Bordeaux de gouverner la France : Gambetta, Esquiros, Ledru-Rollin, Lullier, Albert Baume, Dupontel, de Royannet, Paulet, Sansas, Guépin père, Cantagril, Ranc, Louis Blanc, Scholeher, V. Hugo, Rochefort, Marcou, Mie, Delonstal, Hémon, Malardier, Delbois, Pierre Lefranc.
On annonce que le duc d’Aumale (31) se porte à Angoulême et à Paris, le prince de Joinville (32) à Cherbourg.

(29) ces 4 derniers journaux sont de tendances libérales
(30) ces 4 derniers journaux sont de tendance conservatrice. Le professeur René Rémond classe ainsi ces journaux, Gazette : légitimiste – Union : légitimiste - Univers : légitimiste – Le Français : catholique libéral et orléaniste (La Droite en France, 1968, Aubier, T 2, page 336)
(31) 5e fils de Louis-Philippe Ier, roi-citoyen déchu en 1848 (Monarchie de Juillet, branche des Orléans)
(32) 3e fils de Louis-Philippe 1e qui a fait carrière dans la marine de guerre, y entrant à l’âge de 13 ans.

Dimanche 5 février

On parle de conditions de paix exigées par la Prusse : 10 milliards, la Lorraine, l’Alsace, 20 vaisseaux, Pondichéry. Je n’y crois pas. Belle proclamation du gouvernement de Paris, calme, digne et pacifique. Gambetta a reçu la lettre suivante : Bordeaux, 4 février « Au nom de la liberté des élections stipulées par la convention d’armistice, je proteste contre les dispositions émanées en votre nom (sic) pour priver du droit d’être élus à l’assemblée des catégories nombreuses de citoyens français. Des élections faites sous un régime d’oppression arbitraire ne pouvant conférer les droits que la convention d’armistice reconnaît aux députés librement élus - de Bismarck ». Gambetta profite de cette liberté, qui est assurément une faute politique de la part de celui qui l’a écrite (si toutefois ce n’est pas une porte qu’il s’ouvre pour se débarrasser d’avoir à traiter avec un Gambetta qui ne lui plairait pas). Gambetta profite de cette lettre pour maintenir son décret du 31, dont elle est la justification la plus éclatante !

Lundi 6 février

Jules Simon
Je vais à Montaigu pour le conseil de révision de la classe 71. Je reviens avec Chauvin, qui me dit qu’à Napoléon, il a été question de me porter sur une liste de candidats modérés à la constituante. Je regrette de ne pas l’avoir su, mais il est trop tard. J’ai d’ailleurs peu l’envie de me trouver dans une chambre dont le rôle sera fort ingrat, et qui aura peut-être à proclamer la République comme gouvernement de la France. Je reviens de fort bonne heure et je trouve une circulaire de la délégation de Bordeaux qui maintient plus que jamais son décret, s’appuyant sur ce que le gouvernement de Paris est investi depuis quatre mois coupé de toutes communications avec l’esprit public, et de plus à l’état de personnel de guerre. Que fait donc Jules Simon ? Cela ne m’étonne pas de cet homme. Un membre de la délégation va partir pour Paris. Les bonapartistes, assure-t-on, se remuent beaucoup. Ceux-là je ne les crains guère ! Je fais une grande plantation d’arbres à Linières.


Mardi 7 février

Nouvelle protestation des journaux contre le décret de Bordeaux. Rien de nouveau sur le conflit. Gambetta fait tout ce qu’il peut pour agiter la France, mais la lassitude est venue. Quant aux élections qui se feront demain, je ne m’en mêle en aucune façon. Votera qui voudra et comme il voudra. Pour moi je fais mon choix dans les deux listes légitimiste et républicaine. Voici mon bulletin : général Trochu (33), Beaussire, Baron, Boucher, Jules Favre, Thiers, Bienvenu, Tabouret. (34)

Mercredi 8 février

Je suis à sept heures du matin à la mairie (35). On forme deux bureaux, je fais partie du second avec Eugène pour président. On se porte en foule au vote, quelques légitimistes présents dans la salle me font beaucoup de grâces, j’y réponds avec politesse. À sept heures et demie on commence le dépouillement du scrutin. Cela dure jusqu’à 1h du matin.

Voici le résultat du vote du canton : la liste conservatrice légitimiste : 15411 voix, la liste républicaine : 1104 (Gambetta qui était porté en tête a obtenu le plus petit nombre de voix). Ont obtenu des voix sans figurer sur aucune liste légitimiste ou républicaine : Jules Favre : 21, Thiers : 14, les princes d’Orléans : 10, Garibaldi : 1, et les vainqueurs de la veille oubliés aujourd’hui (36), Alquier : 3, de la Poëze : 2, et en tout 198 voix. Le journal nous a appris ce matin l’arrivée à Bordeaux d’Emmanuel Arago, Garnier-Pagès et Pelletan, et la victoire décisive du gouvernement de Paris sur la délégation de Bordeaux. Gambetta se retire et l’annonce par une proclamation où se trouve cette phrase significative : « la divergence des opinions sur le fond des choses, au point de vue extérieur et intérieur, se manifeste de manière à ne laisser aucun doute ». C’est en effet la raison qui triomphe de l’extravagance inhabile et ambitieuse. Le décret de Paris est seul valable. Jules Simon, dans une lettre adressée aux journaux, dément que la Prusse ait fait connaître ses conditions. Il dit qu’il y a espérance sérieuse d’une paix honorable. Il faut donc, dit-il avec beaucoup de raison, faire tout ce qu’il faut pour que l’autorité de l’assemblée s’impose à la France, à l’ennemi, à l’Europe. Voilà qui est sagement parlé et j’aimerais l’homme qui écrit de telles paroles, si je ne connaissais son caractère et que je ne visse pas encore là un effet de girouette qui sait tourner au vent.

(33) Trochu appartient à la liste des « conservateurs libéraux » (justement qualifiée ici de conservatrice). Parisien, il s’était présenté aussi dans le Morbihan. Les candidatures multiples étaient autorisées à l’époque.
(34) Il ne prend qu’un nom à droite en définitive (Trochu). Les autres personnes choisies sont à gauche, des républicains modérés, vendéens ou parisiens. Il n’a pas voté pour les monarchistes orléanistes (le parti de son grand-père), qui faisaient liste commune avec les monarchistes légitimistes en Vendée. Il n’a dû retenir que 8 noms sur sa liste le lendemain, car la Vendée n’avait que 8 députés à élire. Tabouret est probablement celui qui était juge à Napoléon et anti-Napoléon III en 1852 (vue 12, enquête sur les suspects : 4 M 396, Second empire, sûreté générale, préfecture, administration générale, inventaires en ligne, Archives de la Vendée)
(35) Mairie de Saint-Fulgent, où devaient se rendre les électeurs du canton, ce qui explique la présidence d’un bureau de vote par Eugène de Grandcourt.
(36) députés de Vendée sous le régime précédent de Napoléon III, des bonapartistes.

Jeudi 9 février

Emmanuel Arago
Décidément la logique n’est pas une qualité républicaine. Voici leurs circulaires signées Arago. Toutes les catégories d’inéligibles sont supprimées. Le peuple souverain peut porter son choix où il lui plait. Seconde circulaire, même date, même heure : « les familles qui ont régné sur la France ne peuvent être éligibles en vertu de la loi du 10 avril 1832 et du décret du 9 juin 1848. Un décret du 7 février 1871 étend ces dispositions à la famille Bonaparte. Veillez rigoureusement à ce que ces lois et décrets soient exécutés » Le peuple souverain a le droit de porter son choix où il lui plait, mais M. Arago, s’il lui plaît de n’être pas en République et de choisir un monarque parmi les familles déchues du trône, n’est-il donc plus alors souverain, et de quel droit limitez-vous sa souveraineté ? Au fond, en tant que républicain, vous avez raison, mais il y a des phrases qu’il ne faut pas trop rapprocher les unes des autres sous peine de se faire moquer de soi. On écrit de Berlin au Times que l’Angleterre encourage les puissances neutres à l’aider activement dans l’œuvre de rétablissement de la paix, qu’elle a recommandé à la Prusse des conditions modérées, et demander aux puissances d’envoyer à leurs représentants à la conférence des instructions destinées à faciliter les négociations en faveur de la paix.

Vendredi 10 février

La liste conservatrice a passé en Vendée à une grande majorité, de même à Nantes (37). L’assemblée se réunira le 12 à Bordeaux. Guyot-Montpayroux (38) a été arrêté à Brioude par ordre de Gambetta et relâché le lendemain.
Cela fait grand bruit, on parle d’une façon de coup d’État que Gambetta aurait voulu tenter et que l’arrivée des membres du gouvernement de Paris aurait empêché. Je ne sais ce qu’il faut en croire.

Samedi 11 février

Les résultats des élections commencent à être connus : dans le journal d’aujourd’hui, sur 24 résultats, 18 sont en faveur de la liste libérale et conservatrice, 5 listes républicaines, 1 celui de Marseille est mixte républicaine et conservatrice. M. Thiers a sept nominations et Gambetta deux. Magnifique proclamation du gouvernement de Paris, en réponse aux injures de Gambetta : elle ferait presque aimer les principes de ceux qui l’ont écrite.

Dimanche 12 février

A. Thiers (photo Nadar)

Sur 22 élections, 19 appartiennent au parti libéral conservateur, 1 au parti républicain, celle du Var, les deux mêmes, celle de la Savoie et de Saône et Loire, mixtes. M. Thiers a 5 nominations, Gambetta une. La plus significative est celle du prince de Joinville dans la Manche, nommé le 1e de tous les candidats.
Intéressant article du journal de Genève : il prétend tenir de très hautes sources que la diplomatie européenne présenterait comme solution à la guerre actuelle la neutralisation, au point de vue militaire seulement, de l’Alsace. Ce serait un résultat parfait pour nous, je crains même qu’il ne soit trop beau pour que la Prusse l’accepte. Tout aujourd’hui dépend de l’Europe : son intervention active peut décider pour longtemps de la paix du monde ! Aura-t-elle la sagesse de le voir ?

(37) Les élections du 8 février se sont déroulées au scrutin de liste majoritaire départemental à un tour : la liste arrivée en tête remporte l'intégralité des sièges à pourvoir dans le département.
La Vendée avait 112 821 inscrits et la participation a été de 65 %. Les 8 députés élus de Vendée, dont Trochu, appartiennent tous à la même tendance : « conservateurs et libéraux » (en fait des royalistes légitimistes et orléanistes), obtenant en moyenne quatre fois plus de voix que la liste républicaine. Vu par les électeurs, c’était la victoire de l’ordre et de la paix contre les troubles républicains et la poursuite de la guerre.
Les résultats nationaux, exprimés en nombre de sièges obtenus, sont : Républicains radicaux (Gambetta) : 38- Républicains modérés (Jules Favre) : 112- Libéraux (centre gauche : Thiers) : 72- Monarchistes orléanistes : 214- Monarchistes légitimistes : 182- Bonapartistes : 20
(38) Député de l'arrondissement de Brioude. Adversaire de Gambetta, il fut arrêté comme réfractaire à la mobilisation et relâché le lendemain, ayant prouvé la régularité de sa situation militaire.

Lundi 13 février

Dix élections connues : 5 libérales conservatrices, 4 républicaines, une mixte, celle de la Marne. M. Thiers est élu 1 fois. On ne sait rien encore de précis sur les élections à Paris, mais les bruits qui courent les annoncent mauvaises.
J’ai à dîner le maire de Chauché M. Leroux, Eugène et Chauvin, maire de Saint-Fulgent.

Mardi 14 février

G. Clemenceau en 1871 (photo Nadar)
20 élections : 17 libérales, 2 républicaines, une mixte, celle du Jura. Le duc d’Aumale est élu dans l’Oise, et M. Thiers a 3 nominations. On commence à connaître quelques résultats des élections de Paris : elles sont honteuses (39). Paris, après son admirable siège, vient de se déshonorer, mais où donc s’y cachent en pareille circonstance les honnêtes gens ? Compte rendu de la 1e séance de l’assemblée nationale tenue à Bordeaux le 12 à 3h, trois cent membres environ étaient présents. M. Benoist d’Azy préside comme doyen d’âge (40).

Sont secrétaires comme les plus jeunes MM. de Castellane, Tanneguy Duchatel, Daniel Wilson et Paul de Rémusat. Séance préparatoire sans intérêt.

Mercredi 15 février

Trois élections, toutes les trois libérales. M. Thiers est nommé deux fois. 2e séance de l’assemblée le 13. Garibaldi, par une lettre fort digne au président, déclare ne pas accepter le mandat de député. Jules Favre, dans un discours simple, noble et élégant, remet, en son nom et au nom de ses collègues de la défense nationale, le pouvoir entre les mains de l’assemblée.
Il demande à repartir pour Paris où il va traiter de la prolongation de l’armistice : il la veut courte, car les souffrances des pays envahis sont extrêmes. À la fin de la séance, Garibaldi veut parler. Insulte effroyable dans les tribunes : le président les fait évacuer. Et on est encore qu’à la 2e séance ! Rien d’officiel encore sur les élections de Paris, mais il est sûr qu’elles sont honteuses ! La paix, la paix ! Il nous la faut !

(39) Les républicains étaient vainqueurs à Paris, dont faisait partie Georges Clemenceau, né le 28-9-1841 à Mouilleron-en-Pareds. Le jeune comte de Brayer a pourtant voté pour des républicains lui-même, mais en choisissant des modérés parmi eux.
(40) Denys Benoist d’Azy a 75 ans et il est le grand-père de Marie Benoist-d’Azy qui fut enterrée dans la tombe de Marcel de Brayer en 1933 au cimetière Montmartre de Paris. Mais ceci est une autre histoire.

Jeudi 16 février : fin des notes

Emmanuel François, tous droits réservés