jeudi 1 février 2018

Au village de la Forêt à Saint-André-Goule-d’Oie

D’une forêt à un village


Village de la Forêt
La Forêt à Saint-André-Goule-d’Oie est le nom d’un village. Ce nom suggère un habitat créé à l’origine dans une ancienne forêt. Sous l’Ancien Régime le village s’appelait la Forêt Loriau, comme son voisin du Coudray Loriau, du nom de son probable fondateur ou d’un de ses propriétaires importants. À son propos, un aveu du Coin Foucaud aux Essarts en 1550 donne le nom d’un Gelais Loriau, dont les héritiers possédaient un pré touchant les villages de la Forêt et de la Bergeonnière (1). En 1627 on continue encore à le citer dans un autre aveu (2).  

En 1517, les teneurs du Coudray et de la Forêt ne formaient qu’une seule entité pour le paiement d’une rente de 20 deniers à la seigneurie de la Boutarlière, « à savoir 10 deniers en chacune fête de noël, 10 deniers en chacune fête de Saint-Jean-Baptiste, rendables audit lieu de la Boutarlière » (3).

Cette appartenance, ici des teneurs de la Forêt au fief du Coudray, n’en faisait pas moins de la Forêt un village à part, et dans l’aveu ci-dessus de 1550, il était appelé la « Forêt des Loriau ». Un bois devait occuper l’espace à l’origine, appartenant à cette importante famille du Coudray. Puis un habitat s’y est installé sur le coteau qui descend vers le ruisseau venant de l’étang de Linières. Il a donné naissance au village de la Forêt Loriau. Le nom s’est simplifié en celui de la « Forêt » après la Révolution. Le long du ruisseau que nous venons d’évoquer, il y eut quelques maisons, appartenant au tènement de la Bergeonnière, dont on gardait le souvenir encore au 17e siècle. Au pied de ce coteau de nouvelles maisons viennent de prendre la place en ce début du 21e siècle, de celles qui existaient au Moyen Âge. On trouvait aussi aux 16e et 17e siècles une vergnaie et une jonchière près du ruisseau. La vergnaie était une plantation d’aulnes, aussi appelés vergnes. La jonchière était plantée de joncs, dont l’espace servait au pâturage.

Au sud, le tènement de la Forêt était limité par le chemin allant du bourg de Saint-André à Chavagnes. Au-delà du chemin on avait le « fief de Saint-André », avec les terres de la métairie du bourg. Vers l’est la Forêt Loriau était séparée du tènement de la Dibaudelière et de la Machicolière par le chemin de Saint-André à Saint-Fulgent. À l’ouest il était séparé de la Bergeonnière sur une partie par le ruisseau descendant de l’étang de Linières. Au nord il était séparé du tènement du Coudray par le ruisseau qui descend de l’étang du Pin, disait-on au 17e siècle, ou bien de l’étang des Noues. Celui-ci rejoignait le ruisseau descendant de l’étang de Linières au « Gui du Coudray » (4). Il était proche d’un gué du ruisseau qui a donné son nom à une petite mare, celle-ci ayant disparu avec les travaux du remembrement des années 1980.

L’important jardin de la Forêt se trouvait de l’autre côté du chemin allant de la Forêt au bourg de Saint-André par rapport au village, proche de l’actuelle rue des Coccinelles. La borderie de la cure y avait une planche de 300 m2 en 1798 (5).

Village de la Forêt
Le tènement ou terroir de la Forêt Loriau était petit. Le peu de textes parvenus jusqu’à nous ne nous disent pas sa surface, mais pour qui connaît les lieux, on a environ une douzaine d’hectares. Longtemps il a gardé des restes de sa forêt d’origine, comme le suggère des écrits de la fin du 18e siècle sur Linières tout proche. Maintenant les arbres sont partis et son village accueille quelques maisons neuves tout en ayant bien rénové les anciennes. Qu’a-t-on fait de la fontaine, qui alimentait les habitants en eau potable comme dans tous les villages ? L’usage de ce vieux puits a été remplacé par l’adduction d’eau évidemment.

Le régime féodal


Comme le tènement de la Bergeonnière voisine, ce territoire dépendait au sortir du Moyen Âge de la petite seigneurie du  Coudray, qui elle-même se trouvait dans la mouvance de la seigneurie du Coin Foucaud, propriété de Languiller. Le Coin Foucaud rendait hommage à la baronnie des Essarts.

Les archives du Coudray n’existent plus dans les documents accessibles du chartrier de la Rabatelière, et on ne sait pas comment son droit de fief a disparu au profit de son suzerain du Coin Foucaud au 16e siècle probablement, pour le tènement voisin de la Bergeonnière qui était dans sa mouvance. (Voir l’article publié sur ce site en décembre 2017 : La Bergeonnière à Saint-André-Goule-d’Oie). Loys Audayer est le dernier seigneur connu du Coudray en 1550. Ensuite on a Toussaint Menanteau qui a pris sa suite dans la seigneurie du Coudray, mais pour lequel la documentation est quasi inexistante. Après lui ses biens sont passés au Royrand de Chauché (seigneur de Bel Air) par héritage jusque vers la fin du 17e siècle, avant que cette famille ne s’éteigne. On a seulement dans un inventaire après décès de 1762, l’indication d’un parchemin contenant l’hommage fait par Christophe Royrand, écuyer, sieur de la Faguelinière et du Coudray Loriau, à la seigneurie de Languiller, à cause de la seigneurie du Coin, du village du Coudrais Loriau, à deux deniers de service annuel et à rachat abonné à vingt sols, en date du 19 septembre 1617 (6). Son hommage ne comprend que la Forêt, ce que confirme une déclaration roturière en 1618 de deux de ses propriétaires directement à Languiller (7). La plupart de ses biens fonciers ont été récupérés par la branche cadette des Moreau, sieurs de Villeneuve, alors une famille importante de bourgeois de Saint-André-Goule-d’Oie. Mais la branche aîné des Moreau, se disant sieur du Coudray, y possédait aussi des biens et des droits seigneuriaux.

En ce qui concerne le tènement de la Forêt Loriau, nous avons pu lire dix déclarations roturières entre 1618 et 1751, faites à Languiller. Dans trois d’entre elles le notaire n’indique pas sa mouvance, ensuite cela varie entre l’indication des Bouchauds, du Coin Foucaud et de Languiller. Laquelle est la bonne ? Dans un passé plus lointain il s’agissait du Coudray, jamais cité. Languiller a retiré à lui le titre même du fief du Coudray, en tant que possesseur du Coin Foucaud. Nous en avons la preuve pour la Bergeonnière, et très probablement est-ce la même chose pour la Forêt Loriau. Nous retenons donc l’hypothèse que ce village et tènement relevait de la mouvance du Coin Foucaud à partir sans doute de la fin du 16e siècle, après l’avoir été de celle du Coudray.

En 1631, le sénéchal d’un tribunal seigneurial, celui de Languiller probablement, a été saisi d’un conflit au sujet de l’appartenance d’un pré de Jean Rainard au tènement de la Forêt, où il habitait, ou à celui voisin de la Bergeonnière. Les deux étaient mouvants du Coin Foucaud, mais avec des redevances différentes, dues dans les deux cas au même seigneur de Languiller. Le sénéchal du tribunal, Jacques Chedanneau, décida d’un sursis de deux mois pour permettre au défendeur, Jean Rainouard, de présenter ses contrats d’acquisition (8). Le document reproduisant cette décision est unique et on ne connaît pas la suite.

La Forêt à droite vue du Gui du Coudray
Les teneurs (propriétaires) de la Forêt Loriau devaient ensemble, chacun en proportion de sa surface possédée, un cens annuel en argent et en nature. En argent la somme était de 3 sols 4 deniers, ce qui est très peu. En nature la redevance se montait à deux boisseaux et demi de seigle, et à trois boisseaux trois quart d’avoine, à la mesure des Essarts, le tout payable et livrable à la mi-août, ce qui reste particulièrement modeste. De plus, et contrairement à l’habitude, nous n’avons pas rencontré de droit de terrage sur la Forêt Loriau. Il est rare de constater un niveau aussi faible de redevances seigneuriales. Certes, nous n’avons là que les droits payés au suzerain, et sans doute il existait d’autres droits isolés, comme ceux dont bénéficiaient souvent quelques prieurés des environs. Cette modicité s’explique peut-être par la vente d’autres droits féodaux à des créanciers dont nous ne connaissons pas les archives. Ou alors, la nature même des droits seigneuriaux pourrait fournir une autre explication. Ils sont nés avec la propriété féodale, principalement au temps de Charlemagne, puis ont prospéré au Moyen Age, restant figés ensuite dans leurs définitions d’origine. Dans les débuts de l’époque moderne que nous observons, l’espace foncier et la propriété sont déjà constitués. Les droits habituellement attachés aux arpents de bois ont disparu avec eux. On n’en a pas créé d’autres à la Forêt Loriau ensuite. Et pourtant on a défriché des bois pour pratiquer des cultures à la place. Alors pourquoi ne trouve-t-on pas de droit de terrage ?  C’est ce qui s’est passé au tènement des Landes du Pin, où on a mis en place le droit de terrage sur près de 30 hectares de landes communes, à partir de leur transformation en terres labourables dès la 2e moitié du 16e siècle (9). En disparaissant, la seigneurie du Coudray n’aurait pas su, dans cette hypothèse, actualiser les redevances seigneuriales sur le tènement de la Forêt Loriau.

Le caractère obligatoire des redevances seigneuriales était confirmé régulièrement par des reconnaissances faites par les propriétaires. Sous forme d’actes notariés de ces aveux et déclarations, elles constituent l’essentiel des archives dont nous nous servons pour reconstituer une histoire de ces lieux. La justice foncière seigneuriale était dédiée à l’établissement de ces reconnaissances et à leur application. Dans une déclaration de 1666 (10), les déclarants de la Forêt Loriau reconnaissent à Languiller le droit d’assise et de juridiction basse. C’était la justice seigneuriale inférieure, de droit en Poitou pour les petites seigneuries. Elle n’avait plus grand pouvoir en cas de conflit judiciaire, pouvant être court-circuité au profit d’une justice seigneuriale plus élevée, ou au profit de la justice royale. Mais les assises de la seigneurie, où l’on venait présenter sa déclaration rédigée par un notaire, restaient une institution bien vivante et connue de tous les propriétaires ou tenanciers. C’était une cour de justice des propriétaires cantonnée à leurs droits de propriétés, donc limitée et exorbitante en même temps par rapport à une justice moderne.

Le seigneur de Languiller recevait aussi le droit de lods et ventes (1/6 de la valeur du bien) payé par l’acquéreur de tout bien immeuble par dot, héritage, ou achat. Pour un privilège on était bien dans l’exorbitant aussi. Au temps de Philippe Chitton, à la fin du 17e siècle, celui-ci faisait ajouter par les notaires de Saint-Fulgent, qui rédigeaient l’acte de déclaration, le « droit de solidité ». En cas de défaillance d’un propriétaire, c’était le droit de faire payer les autres à sa place. En langage moderne on aurait dit « obligation de solidarité ».

Les habitants et l’habitat à la fin de l’Ancien Régime


Le village et tènement de la Forêt comprenait une douzaine de « part-prenants » (propriétaires) au milieu du 17e siècle. Parmi eux domine la famille Chatry, nombreuse à Saint-André alors, et pas seulement à la Forêt. Elle y est alliée aux You. Ainsi de Suzanne Chatry mariée avec André You en 1649, qui donneront naissance à Jacques (1649), Marie (1650) et Renée (1653). Aussi de Catherine Chatry, fille de René Chatry et de Jeanne Briaud, mariée avec Jacques You, qui donneront naissance à huit enfants entre 1657 et 1675. En 1618 André et Jean Chatry sont les premiers déclarants de leurs biens à Languiller. Et en 1751 on aura un Pierre Chatry comme dernier déclarant à côté de Jeanne Auvinet, veuve de Pierre Piveteau. Outre Suzanne Chatry en 1666 on a aussi Jacques et René Chatry et une belle-sœur, Jeanne You veuve de Jacques David. En 1683 on a Catherine Chatry, puis Jacques (« forgetier » ou forgeron) et Philippe Chatry (celui-ci marié à Jeanne Mandin), demeurant tous à la Forêt. Les lacunes du registre paroissial de Saint-André ne permettent pas de mettre chacun à sa place dans leur généalogie, malheureusement.

Village de la Forêt
La déclaration roturière du 22 juin 1666 donne la liste des autres propriétaires à la Forêt : le prieur de Saint-André, François Loubier, François Mallocheau, Mathurin Mandin. On a aussi Jean Rainard et Pierre Mandin qui habitent le bourg de Saint-André, André Ardouin demeurant au Coudray (10). Le champ de Maillocheau et Loubier sera acquis plus tard par Louis Proust, bourgeois de Saint-Fulgent (11).

En 1684 Jean Mandin, meunier demeurant au Coudray, Jacques Bertrand, aussi meunier demeurant au Coudray (marié à Marie You), et Jean Moreau, laboureur demeurant au Coudray, pour sa bru Anne Daviet, feront chacun une déclaration séparée à Languiller pour des champs qu’ils possèdent sur le tènement de la Forêt.

La non exhaustivité des déclarations roturières conservées ne nous permet pas de se faire une idée de la totalité des bâtiments du village. Tout juste devons-nous nous contenter d’aperçus.
En 1618 André et Jean Chatry vivent en communauté dans une « maison à chaps » (toit à deux pentes et faîte en son milieu).
En 1666 Jean Rainard vit dans « une maison avec une grange au bout et un appentis y joignant ». Jacques Chatry, lui, est logé dans une maison d’une "chambre" (pièce).
En 1683, Catherine Chatry habite « une maison consistant en 3 petites chambres basses (pièces au rez-de-chaussée) avec les ruages en dépendant (abords immédiats), avec un petit toit (pour animaux), se montant 12 gaulées » (environ 180 m2) (12). Le forgetier Jacques Chatry habite au village dans une maison composée de 3 pièces, occupant avec le jardin et les accès 23 gaulées (environ 350 m2). Il en est de même pour Philippe Chatry (13). La 3e pièce servait très probablement de local pour une activité artisanale.
En 1702 Catherine Roussière occupe « une maison composée d’une chambre basse avec ses ruages contenant 12 gaulées » (14).
En 1751 la maison de Pierre Chatry est indiquée comme « maison portant plancher (étage) où je fais actuellement ma demeure avec 2 chambres chaque côté d’icelle maison et les ruages en dépendant contenant 6 gaulées » (environ 90 m2). S’y ajoutait une grange à foin et un toit à bestiaux sur 6 autres gaulées, un autre toit à cochons, une portion de grange en commun avec Pierre Loizeau, et un petit jardin de 4 gaulées (15).

Cette situation des maisons au bord de la route de Chavagnes, fut une malchance pour ses habitants pendant la guerre de Vendée, tout comme pour la Bergeonnière voisine. René Chatry, âgé d'environ 62 ans, du village de la Forêt, a été tué par les républicains, le 8 février 1794 (2e registre clandestin d’état-civil, vue 18). C’était la période des colonnes infernales.

La rapacité des hommes de loi en 1702


Village de la Forêt en 2018
Il arrive que la lecture des déclarations roturières donne un détail intéressant à étudier de près. C’est ce qui nous est arrivé à la Forêt Loriau. Ainsi, en 1702, Pierre Basty, meunier demeurant dans ce village, rendit une déclaration roturière au seigneur de Languiller, au nom d’une de ses voisines (16). Celle-ci s’appelait Catherine Roussière, était « mineure demeurée » (moins de 25 ans et déficiente mentale), et orpheline de ses père et mère. François Basty déclara au seigneur de Languiller tenir au nom et « comme bienveillant aux droits de Catherine Roussière ». La jeune fille appartenait aux familles You et Chatry du village, et on est étonné que son voisin tienne ici un rôle de tuteur judiciaire, à moins que lui aussi ait été apparenté aux You ou Chatry. Ce rôle de tuteur était indispensable à l’égard d’une mineure orpheline, de sexe féminin et qui plus est « demeurée ». C’est dire si elle manquait de capacité juridique. Son père, mort à Saint-André le 4 janvier 1689 (vue 99 sur le registre paroissial accessible sur le site internet des Archives de la Vendée), était originaire de Chavagnes-en-Paillers. Il s’était marié à Saint-André le 12 février 1676 (vue 3) avec Jeanne You, fille de Catherine Chatry et de Jacques You. Ce qui est intéressant de noter ici, c’est que pour tenir le rôle officiel de tuteur dans un acte juridique concernant la propriété, les notaires de Saint-Fulgent et la société de l’époque dans la région n’éprouvaient pas le besoin de se référer à la législation, c'est-à-dire aux règles de l’État. Non pas qu’elles n’existaient pas en ce domaine, mais on s’en passait en pratique. Nous verrons plus loin pourquoi.

Après ce témoignage de solidarité de voisinage, cette déclaration nous donne un autre aperçu, cette fois sur la rudesse des hommes de loi de l’époque. La déclaration ne concerne qu’une maison d’une pièce, qui avec ses accès occupait une surface de 90 m2. Pour une fois, et probablement à cause de la responsabilité prise par Basty, le notaire Arnaudeau de Saint-Fulgent a jouté en bas de l’acte son coût : « 37 sols 8 deniers pour la façon, contrôle et papier de la présente déclaration et pour une autre délivrée au seigneur ». C’était le tarif normal, validé par un arrêt du parlement de Paris (17). Le coût de l’acte représentait environ 3 jours de travail d’un ouvrier-vigneron, ou 1,5 boisseau de seigle (23 kg). Et il fallait compter en plus le coût de la présentation à l’assise de Languiller. C’était la réunion fixée un jour donnée par les officiers de justice de la seigneurie de Languiller, pour recevoir les aveux et déclarations des vassaux et propriétaires. Ils ne travaillaient pas gratuitement. Le notaire ajoute : « le dit Basty a aussi payé 30 sols aux officiers de Languiller pour la présentation de ladite déclaration ».

Mais il y a pire. La pauvre jeune fille avait hérité de ses parents, d’une pièce de terre labourable dans le champ appelé « le Champ de la Blachère », contenant 2 boisselées (environ 2 400 m2), située le long du chemin de Saint André à la Rabatelière (celui joignant les deux Linières actuellement). Il était situé sur le tènement voisin de la Bergeonnière, relevant du Coin Foucaud, et déclaré au même seigneur de Languiller. Mais les redevances dues n’étaient pas les mêmes, alors on exigea une autre déclaration, que rédigèrent les mêmes notaires de Saint-Fulgent, le même jour (18). Et ceux-ci ajoutèrent aussi les mêmes précisions sur le coût du deuxième acte avec les mêmes montants. Total pour les deux actes : 6 livres 15 sols et 4 deniers, soit environ la moitié d’un mois de gage d’un ouvrier vigneron.

Alors, quand le même notaire a fait preuve de souplesse, pour admettre sans acte officiel le rôle de tuteur de François Basty, il a probablement choisi en réalité de ne pas ajouter un coût supplémentaire dans cette affaire. Il aurait fallu payer un autre fonctionnaire, un sénéchal, pour obtenir un titre officiel de tuteur judiciaire. Pour « plumer », encore fallait-il qu’il restât des plumes !

Tous ces fonctionnaires achetaient leurs charges auprès du roi et des seigneurs. On comptait sur les « assujettis » pour se rembourser et s’enrichir. Qu’on ne vienne pas avancer une contrainte réglementaire pour excuser les notaires. Nous avons un acte de leurs prédécesseurs de Saint-Fulgent en 1664, où on a fait une seule déclaration pour des biens situés sur trois tènements différents relevant de deux seigneuries différentes, les Bouchauds et le Coin Foucaud, appartenant il est vrai  au même seigneur de Languiller (19). Le déclarant était le prieur de Saint-André, Pierre Moreau, moins facile à circonvenir certainement.

Bénédiction de la croix de la Roche en 1860


Croix restaurée en 2009
L’histoire du village de la Forêt ne se résume pas à cet acte isolé, révélateur des mœurs d’une époque. Au hasard des documents conservés, on trouve dans une époque plus récente l’inauguration de la croix de la Roche. Elle se dresse toujours de nos jours, dans le virage de la rue François Cougnon en face du village de la Forêt, vers la rue de la Croix Charette. C’est une croix de pierre qui surmonte un petit sanctuaire. Elle fut érigée par les héritiers d’André Chatry, un habitant du village de la Forêt, qui, en mourant, avait recommandé à ses enfants de l’élever. Elle fut bénite le vendredi 30 novembre 1860, en la fête patronale de saint André, jour de clôture de la mission prêchée par le révérend père Jean Baptiste Coumaillleau et Toussaint Breteche FMI (20), à laquelle ont pris part plus de 1400 personnes de Saint-André et des paroisses voisines (21). À l’occasion de sa restauration récente, on apprend que cette croix de 1860 pourrait avoir remplacé une autre plus ancienne remontant au 18e siècle.


(1) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61, aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par le seigneur de Languiller aux Essarts, reproduisant un aveu de 1550.
(2) 150 J/G 114, déclaration noble du 21-6-1627 de Perrine Pavageau à Languiller pour la Bergeonnière.
(3) 150 J/C 95, copie de l’aveu du 26-1-1517 de la Boutarlière aux Essarts
(4) 150 J/G 64, déclaration roturière du 22-6-1666 de 7 teneurs à Languiller pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(5) Archives de Vendée : 1 Q 218 no 132, estimation du 20-1-1798 de la borderie de la cure de Saint-André-Goule-d’Oie.
(6) Inventaire après-décès de Louis Corbier de Beauvais du 8 au 13 février 1762, notaire de Saint-Fulgent, Frappier 1761-1764 : 3 E 30/3.
(7) Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 64, déclaration roturière du 3-4-1618 d’André et René Chatry à Languiller pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(8) 150 J/G 64, sentence seigneuriale du 2-6-1631 concernant l’appartenance d’un pré à la Forêt ou à la Bergeonnière.
(9) 150 J/G 11, déclaration noble du 13-7-1656 de Mathurin et Lucas Paquereau à Languiller pour les Landes de l’étang du Pin.
(10) Idem (4).
(11) 150 J/G 64, déclaration roturière du 24-5-1683 de Philippe Chatry à Languiller pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(12) 150 J/G 64, déclaration roturière du 24-5-1683 de Catherine Chatry à Languiller pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(13) 150 J/G 64, déclaration roturière du 24-5-1683 de Jacques Chatry à Languiller pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(14) 150 J/G 115, déclaration roturière du 21-3-1702 de François Basty à Languiller pour Catherine Roussière concernant des biens à la Forêt Loriau.
(15) 150 J/G 64, déclaration roturière du 15-6-1751 de Pierre Chatry et Jeanne Auvinet pour domaines au fief de la Forêt Loriau.
(16) Idem (14).
(17) Archives de Vendée, bibliothèque numérisée, Répertoire de jurisprudence de Joseph-Nicolas Guyot, tome 6, page 1538, vue 271.
(18) Idem (14).
(19) 150 J/G 1, déclaration roturière du 30-6-1664 de Pierre Moreau à Languiller pour domaines à la Maigrière.
(20) Fils de Marie Immaculée, congrégation de prêtres fondée en 1801 par Louis Marie Baudouin à Chavagnes-en-Paillers. On les appelle aussi les Pères de Chavagnes.
(21) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 73-4 ancienne église de Saint-André-Goule-d’Oie

Emmanuel François, tous droits réservés
février 2018, complété en novembre 2018


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