mai 01, 2025

De la seigneurie au domaine : le cas de Grissay (Essarts) 1784-1853

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La seigneurie de Grissay (Essarts) a été achetée par Simon Guyet en 1784. Son fils, Auguste Guyet, en a hérité en 1807 et s’est consacré, à partir de 1815, à en faire un domaine agricole devenu prospère au moment de son décès en 1852, et à la pointe des progrès techniques de l’époque. La seigneurie a donc connu l’abolition de la propriété féodale, avec ses privilèges, à partir de 1789. Elle y a perdu son statut. Comment ses propriétaires se sont-ils adaptés ?

 

La seigneurie (1784-1789)

 

Indiquons tout de suite que les lieux et la seigneurie ont porté le nom de la Barette ou de Lespinay depuis le Moyen Âge, et qu’Auguste Guyet a simplement donné à son logis et à son domaine le nom du lieu de Grissay, déjà existant pour certaines parcelles foncières, entériné ensuite par le cadastre.

« Messire René Louis Marie de Jousbert (1), chevalier, baron du Landreau, demeurant en son château du Landreau, paroisse de Saint-Pierre-des-Herbiers », a donc vendu en 1784 à Simon Pierre Guyet, maître de postes dans le bourg de Saint-Fulgent, « la maison noble, terre, fief et seigneurie de la Barette ». Elle comprenait la borderie du logis, deux métairies, et les droits de fiefs. Guyet a payé comptant son acquisition pour un montant de 70 000 livres. L’ensemble comptait environ 70 hectares. « Les bâtiments et logements desdits lieux sont en ruine », et il y a un procès pendant au Parlement de Paris pour un droit de terrage entre le seigneur vendeur et le baron des Essarts, suzerain de la seigneurie (2).

Carte IGN 1950

Était-ce une bonne affaire que d’acheter Grissay ? La question se pose, sur le papier, à plus de deux siècles de distance. Mais l’acheteur « n’était pas né de la dernière pluie ». Charles Guyet a commencé par aider sa mère à tenir l’auberge du Chêne Vert à Saint-Fulgent, tout en gérant le relais de poste dans le bourg. Comme son père, il a continué à servir d’intermédiaire entre emprunteurs et créanciers, faute de banque, et a aussi fourni des cautions dans des fermes fiscales. Il a surtout étendu ses activités de fermier, exploitant les biens d’église ou de nobles, sous-louant les métairies à des laboureurs et faisant commerce de blé. Ainsi, a-t-il été fermier de la baronnie des Essarts en 1779. Sa réputation en a fait un expert foncier, nommé par des tribunaux. Il a aussi investi dans l’acquisition de métairies et avait déjà acheté le fief de Puyberneau à Sainte-Florence, avec ses deux borderies et trois métairies.

Charles Guyet et Dangirard se sont rencontrés le 8 octobre 1781 chez ce dernier, à Saint-Maurice-le-Girard. Dans son journal, Dangirard écrivit : « M. Guyet est un petit homme, maigre, l’œil vif, peu de cheveux, parlant assez bien, quoique quelquefois il cherche le mot, mais il le trouve aussitôt. Il raconte très bien une affaire sans verbiage, sans accessoires inutiles, et les mots qu’il emploie sont les mots propres. Il fait les affaires de beaucoup de maisons de ce canton du Bas-Poitou, et il en est considéré parce qu’il travaille bien, qu’il est actif, qu’il a les entrées des principales maisons de robe à Paris et de puissantes protections dans toutes les classes, et joint à cela une grande probité et du désintéressement » (3).

Le vendeur de la Barette, suivant une pratique constante, affermait sa seigneurie pour un montant fixe annuel — 1 300 livres en 1758 — à un régisseur-fermier (4). Ce dernier sous-louait ensuite les exploitations agricoles à des laboureurs et percevait les redevances féodales. En 1779, le fermier demeurant à Grissay s’appelait Pierre Payraudeau (5). Charles Guyet, lui, se passait de régisseur et gardait sa marge pour lui. Il affermait les droits seigneuriaux et les métairies lui-même, en cherchant à améliorer leurs revenus. Ses baux de métairies étaient à partage de fruits, alimentant ses greniers à blé. En vrai commerçant, il savait parcourir des dizaines de kilomètres pour négocier au mieux les produits de ses fermes. Il donne l’image d’un entrepreneur avant tout. À la veille de la Révolution, il avait amassé un patrimoine plus important que certains nobles de la contrée, vivant sur leurs portions d’héritage après avoir été officiers dans les armées du roi. L’ordre institutionnel de son époque l’avait poussé à acheter l’emploi fictif de garde de la porte de Monsieur, frère du roi, donnant le droit de porter le titre d’écuyer. On ne constate l’usage de ce titre que dans un seul acte de procuration à un procureur parisien (6). Il préparait l’avenir de ses enfants. L’achat d’une seigneurie comme la Barette pouvait compter dans leur ascension sociale, au temps de l’Ancien Régime.


Au printemps de 1789, un convoi de grains appartenant à Charles Guyet fut attaqué par des femmes des Essarts. Nous savons que les récoltes de 1788 avaient été mauvaises. À la mi-février 1789, il y eut des émeutes de la faim à Paris, qui se propagèrent en mars à travers tout le pays. On sait que le climat était en cause, provoquant une pénurie de grains et une importante disette. Un peu partout, on attaqua des greniers et pilla des boulangeries. Aux Essarts, un attroupement d’affamés voulut tuer Jean-Baptiste Ignace Merland (1735-1793), au motif qu’il refusait de vendre du blé au prix demandé. Il était le beau-frère de Verdon, procureur fiscal de la baronnie, et ce dernier lui sauva la mise. Les bourgeois, comme Merland et Guyet, qui faisaient le commerce du blé, étaient en danger. Quelques dizaines d’années après 1789, une descendante de Verdon racontait la mésaventure suivante, survenue aux Essarts : « Comme M. Guyet faisait conduire un convoi de grains à Saint-Fulgent, les femmes du bourg s’assemblèrent… s’élancèrent au travers du chemin, barrant le passage, menaçant les conducteurs de coups de pierres et de bâtons, jetant à terre les sacs, les coupant et dépochant le blé avec rage. » L’intervention courageuse de Verdon ramena le calme (7).


Lors de la Révolution, l’ex-seigneur de Saint-Fulgent remporta, devant Charles Guyet, les enchères des ventes des biens du clergé à Saint-Fulgent. Ce dernier se rattrapa en achetant des métairies vers Ardelay, Mouchamps et Les Herbiers, provenant souvent de l’abbaye de la Grainetière. Il acheta aussi des cabanes dans le marais poitevin, d’où sa femme était originaire. Il se rangea du côté de la Révolution au départ, comme beaucoup de monde dans la contrée. Puis, il fit partie de la minorité restée fidèle au processus révolutionnaire, même lorsqu’il se radicalisa. Il paya les deux premières annuités de ses achats, mais la guerre de Vendée bloqua la poursuite de tous les paiements des acquéreurs de biens nationaux en pays insurgé — certains furent obligés de fuir, et l’administration n’était plus en état de fonctionner. Les paiements reprirent en 1796 avec les assignats, une monnaie considérablement dévaluée.


Ses prédécesseurs, seigneurs de la Barette, devaient une rente annuelle de trois boisseaux de seigle à la fabrique de la paroisse des Essarts et une rente d’un boisseau de froment au curé. Ces rentes étaient nées d’une convention en 1632, qui prévoyait aussi une rente de 30 livres par an à la cure pour dire une messe basse avec un Salve Regina tous les samedis de l’année (8). Par cette convention, les seigneurs de la Barette avaient le droit d’être inhumés dans la chapelle Notre-Dame, se trouvant dans l’église des Essarts. L’évêque de Luçon avait fini par interdire ces inhumations. Si ce droit n’avait pas disparu, Charles Guyet l’aurait probablement abandonné, ses traditions familiales se trouvant à Saint-Fulgent.


On n’a pas trouvé trace de ces rentes dans les biens nationaux vendus aux Essarts. Si elles avaient perduré, Charles Guyet les aurait probablement rachetées, répondant ainsi à son intérêt et à ses convictions politiques. D’ailleurs, son fils, Pierre Louis, acheta l’église incendiée de Saint-Fulgent en ruines pour 3 000 livres. Les autorités locales devaient vendre et ont compté sur leurs amis pour acheter. Prudemment, Pierre Guyet la revendit pour 580 F en 1803 à quatre paroissiens qui voulaient la rendre au culte.


La disparition des droits seigneuriaux de la Barette ne posa pas de problème politique à Charles Guyet, car, au départ, ils étaient rachetables. Dans les terres roturières lui appartenant, ses métayers payaient les droits féodaux annuels, le terrage surtout. Au titre de ses fiefs de Puyberneau et de la Barette, il percevait également des droits sur les terres dont il était suzerain sans en être le propriétaire, ces mêmes droits, ainsi que les droits casuels (lods et ventes). On ignore leur importance, mais il est certain qu’une partie n’était plus perçue, car dispersée, de faibles montants, et se prêtant aisément à des contestations. On a l’exemple qu’en 1701, le seigneur de la Parnière (Brouzils) avait abandonné les prélèvements de sa sergentise (9). L’historien Le Roy Ladurie résume la situation en reprenant l’opinion de Boncerf, exprimée vers 1780 : « Les droits féodaux, pour de médiocres profits, présentent mille embarras et difficultés tant au seigneur qu’au vassal » (10). La fin du rachat des droits purement féodaux en 1792 l’aurait lésé, mais il est mort avant leur mise en application.


En 1789, Charles Guyet afferma la Barette pour 5 ans (1791-1796), à partage de fruits à moitié, à Jean et Nicolas Landais, « demeurant en la maison noble de la Barette » (Grissay). Une borderie à la Rabretière est comprise dans le bail. Guyet se réserve, dans le logis, au rez-de-chaussée, « la salle » (nom de la pièce de réception), « la petite chambre à côté et la cave », et, à l’étage, « les greniers et les chambres hautes ». Le mot « chambre » désignait alors une pièce sans fonction définie. Il demande, avec les menus suffrages habituels, la nourriture d’une vache. Les engrais sont achetés à moitié, et les récoltes sont livrées à ses greniers de la Barette (11). Cette seigneurie n'était pas une rente pour lui, mais une entreprise de création de richesse. La conjoncture politique n’a évidemment pas compté dans sa gestion.

 

Pendant la tourmente révolutionnaire (1790-1807)

 

Élu grand électeur dans le canton de Saint-Fulgent en 1792, il appartint au camp révolutionnaire ultra minoritaire (12). Il fut massacré le 14 mars 1793 à Saint-Vincent-Sterlanges par les révoltés vendéens, dans les premiers jours du soulèvement, et mourut de ses blessures le lendemain (12). Marié tard, mort à l’âge de soixante ans, Charles Guyet n’a pas eu le temps de voir ses 7 enfants survivants s’établir. L’aînée avait alors vingt-trois ans et la petite dernière neuf ans. Un acte de notoriété concernant son décès, daté du 7 messidor an III (25 juin 1795), a été rédigé par un notaire de Luçon (13). Sa femme, Catherine Couzin, devint « chef de la communauté existante entre elle et ses enfants mineurs et majeurs ». En septembre 1796, elle désigna son deuxième fils, Joseph Guyet, fondé de sa procuration dans un bail du domaine de Grissay (14).

 

Champagné-les-Marais
Son fils aîné, Jacques Charles, habitait avec sa famille maternelle dans le Marais poitevin, où il se maria à Champagné en février 1796. Son deuxième fils, Joseph, jeune étudiant en droit, vivait alors entre Paris et la Vendée. C’est donc lui qui assuma le rôle de chef de famille. Ses deux frères, Pierre Louis et Louis René, âgés respectivement de 20 et 19 ans, restaient probablement à Saint-Fulgent auprès de leur mère. Le cinquième fils, âgé de 12 ans en 1795, Jacques Auguste, fut envoyé à Paris chez son oncle Jacques Guyet, avocat, pour y faire des études (15).


Joseph Guyet reconduisit dans leur bail, en 1797, Nicolas Landais et son frère Jean, dans un acte sous seing privé, rédigé avec précision, sans doute en recopiant de nombreuses clauses du bail précédent signé par son père (16). Le bail est à partage de fruits à moitié : blé, froment, seigle, méture, baillarge, orge, avoine, fèves, mogettes, pois secs, mil et blé noir, battus, vannés et rendus aux greniers du bailleur. Les sacs seront fournis par les preneurs, et le partage se fera sur l’aire, après prélèvement des semences. Seront également partagés les fruits de haute branche, les pommes de terre et le lin produits hors du jardin. La nourriture d’une vache au profit du bailleur est maintenue, été comme hiver, « de vert et de sel », suivant la formule en usage. Les bestiaux sont fournis pour moitié entre les parties, mais il en manque, probablement à cause des ravages de la guerre de Vendée. Guyet a payé la reconstitution du cheptel, et les métayers reconnaissent lui devoir, pour leur part, la somme de 733 livres 10 sols. En 1798, il fit un premier bilan du paiement par les métayers de leur part du bétail. Le métayer Jean Landais est décédé en 1806, « cultivateur à Grissay, âgé de 74 ans », dit l’état civil (17). Il était le frère de Nicolas Landais, âgé de 70 ans.


Catherine Couzin est décédée le 12 janvier 1807 à Saint-Fulgent. Ses enfants procédèrent au partage de sa succession et de celle de son défunt mari, le 8 mai 1807 (18). Le domaine de Grissay échut à Jacques Auguste Guyet, alors âgé de 24 ans. Il était engagé dans la marine de guerre de Napoléon, à l’escadre de l’Escaut, dans un emploi de comptable (19). Lors de ses longues permissions, il se rendait à Paris chez son frère Joseph ou chez son oncle Jacques. Il faisait aussi des séjours à Saint-Fulgent ou à Linières, devenu la propriété de Joseph Guyet. La majorité civile ayant été fixée à 21 ans en 1792, Auguste Guyet signe seul un bail de son domaine le 20 août 1807, c’est-à-dire sans tuteur légal (20).


Il contracte avec « Nicolas Landais père, agissant en communauté avec sa femme et ses enfants », demeurant à la maison de Grissay, pour une durée de 5 ans à compter du 23 avril 1808. Nicolas, frère de Jean et âgé de 71 ans, est marié à Perrine Arnaud, avec qui il a eu au moins sept enfants : Pierre, Nicolas, Louis, Jean-Baptiste, Jeanne, Henriette, Perrine. Le bail concerne le logis avec la borderie qui en dépend, ainsi que les deux métairies dites de la Barette. Cette fois-ci, le bail est à prix d’argent : 2 600 F par an, payable en deux termes égaux. C’était plus commode pour un propriétaire n’habitant pas sur place. Les métayers lui garantissaient un revenu fixe et prenaient à leur charge l’exploitation des métairies. Ils ne devaient pas sous-affermer, et devaient donc engager des domestiques pour faire face à l’exploitation d’une telle surface. Le bailleur vendit sa part des bestiaux aux métayers. Néanmoins, une partie du domaine restait exploitée par un nommé Jaud, « à droit de colonage partiaire » (partage des fruits), mais en rendant compte au fermier Landais, subrogé à cet effet par le bailleur. Cette partie avait été fixée par Auguste Guyet, en cette même année 1807, lors d’une visite et d’un partage des 86 parcelles, dont 35 pour la partie de Jaud (21).


Le propriétaire se réservait « les fruits de haute branche » (pommes, poires, cerises, etc.), sans doute pour ses frères de Saint-Fulgent, mais en payant la taille des arbres fruitiers. La ferme de 2 600 F représentait une somme importante, mais proportionnée aux surfaces affermées. Les métairies voisines de la Touche et de Bellevue étaient louées ensemble par Joseph Guyet en 1823 pour 1 400 F. L’hypothèque demandée au métayer n’est pas fréquente. L’importance du domaine loué et les conseils du juriste Joseph, son frère, ont probablement guidé le bailleur.


Dans ce bail, on voit les transformations décidées par Auguste Guyet : mise en culture de la gîte de Barillaud, création d’un pré dans la grande gîte du Jard, transformation du champ de l’Aubret (0,75 ha) en pré. Il souhaitait agrandir les surfaces dédiées à l’élevage pour un meilleur rendement. Il bénéficiait des nombreuses sources d’eau aux Essarts, et pas seulement à Grissay. Cela nécessitait de gérer leur écoulement (aplanir la Fosse aux Loups), de creuser des fossés pour drainer autour des champs (l’Aubret), et de créer des abreuvoirs dans les nouveaux prés de l’Aubret et de la gîte du Jard. Toujours dans la Marine, il était secondé sur place par ses frères. Les bois sont exclus de la ferme (la grande gîte du Jard et la gîte de Garne), suivant l’habitude : les propriétaires se les réservaient et en faisaient une source de profits à part, en vendant leurs arbres à la coupe. Accessoirement, ils constituaient des réserves pour la chasse.

 

L’agrandissement du domaine de Grissay (1808-1820)

 

Le 19 mai 1809, Auguste Guyet acheta une borderie d’environ 13 hectares à la Rabretière (Essarts). Il était représenté à l’acte par son frère Joseph, propriétaire demeurant à Paris mais résidant provisoirement à Linières. À cette date, Auguste était agent comptable de la Marine à bord du vaisseau Le César, en rade de Flessingue (Hollande). Les vendeurs étaient René Allaire et Françoise Ollivier, son épouse, propriétaires demeurant au bourg des Essarts (22). De Linières, Joseph lui écrit le 25 mai suivant : « M. Allaire a vendu à ton compte les terres de la Rabretière. Le prix est fixé à 4 280 livres tournois. Tu n’entreras en jouissance qu’à la saint-Georges 1810. Il faut maintenant que Coliche Landais (le fermier) paye pour qu’on t’acquitte » (23). L’acquisition faisait partie de la métairie de la Rabretière.


Le 15 novembre 1812, Auguste Guyet acheta les deux métairies de Lespinay, aussi dites de la Cambronnière, l’une appelée la métairie de la Porte et l’autre la métairie de l’Airault. Il était présent à l’acte signé chez son frère Louis-René dans le bourg de Saint-Fulgent. Les vendeurs étaient comme dessus, René Élie Allaire, aîné, propriétaire, et dame Françoise Ollivier, son épouse (24). L’entrée en jouissance se fera au 23 avril 1813. La vente s’est faite moyennant la somme de 19 000 F payée comptant. De plus, les biens étaient grevés de 3 rentes foncières, dont les 2/3 étaient à la charge de l’acquéreur, représentant un capital de 10 285 F. C’était un ancien bien national. De ce fait, des formalités viendront compliquer la procédure d’acquisition, où l’homme de lois qu’était Joseph Guyet apporta une aide précieuse pour en venir à bout.


La passerelle du château des Essarts
Le 26 avril 1815, Auguste Guyet et son épouse, demeurant à Grissay, achètent une autre partie de la métairie de Lespinay (Cambronnière) et une vigne. Le vendeur est Joachim Allaire, médecin demeurant Chaillé-les-Marais, et frère de René Élie Allaire ci-dessus (25). La vente s’est faite moyennant la somme de 15 500 F, devant être payée en 3 paiements étalés sur un an. Des bâtiments seront ajoutés à cette acquisition pour un montant de 1300 F, et du bétail pour la même somme. Mais Auguste Guyet demanda de surseoir au paiement d’une somme de 2 800 F pendant 6 mois en juillet 1815, « étant privé par suite de la guerre dite de la Vendée de la jouissance de mes biens qui se trouvent dans le pays insurgé ». Pendant les Cent jours de Napoléon, une armée d’insurgés royalistes se souleva contre son retour, et Auguste Guyet, réfugié à Triaize chez son beau-père, s’engagea même dans une compagnie des Chasseurs de la Vendée pour se battre dans les troupes impériales. Il avait fui Grissay, en effet.

Après ces achats, Auguste Guyet opéra un partage de l’ensemble des parcelles foncières, celles récemment acquises à la Cambronnière et à la Rabretière, et celles comprises dans son héritage. Il en fit un inventaire en date du 7 décembre 1815 qui se présente comme suit (26) :

La borderie que je me réserve : 29 boisselées.

La métairie de la Porte (Grissay) : 282 boisselées avec des prés à 24 charretées.

La métairie de Lespinay (Cambronnière) : 253 boisselées avec des prés à 22 charretées.

La métairie des Barettes exploitée par Jaud : 243 boisselées avec des prés à 24 charretées.

La métairie des Barettes exploitée par Couturier : 251 boisselées avec des prés à 22 charretées.

Pour le garde du domaine, le Petit Pré de la Fontaine de la Guibonnière et l’Ouche des Brelandières du Chemin.

Les acquisitions à la Cambronnière ne sont pas documentées dans la liste des parcelles avec leurs surfaces. Il n’est alors pas possible de chercher une historicité à cette constitution des 4 métairies. 


Les 1063 boisselées au total à la mesure ancienne des Essarts font 129 hectares. On ne sait pas à quelle surface de pré correspond une charretée de foin, mais on suppute une surface des prairies naturelles d’environ 18 % des terres, ce qui fait un total de la surface des 4 métairies et de la borderie de 152 ha, auxquels il faut ajouter quelques landes et gîtes. Néanmoins, ces chiffres nous paraissent sujets à caution, car, dans le premier cadastre des Essarts et de Sainte-Florence en 1826, la borderie et les 4 métairies rassemblent en tout 192 hectares, alors qu’entre temps, les achats de parcelles ont été très réduits. C’est donc plutôt autour de 190 hectares qu’il faut évaluer la surface du domaine de Grissay quand Auguste Guyet quitte la marine et s’y installe à partir de 1814. 


Auguste Guyet avait fréquenté des cousins à Triaize dans le Marais poitevin, où sa mère possédait des terres à Champagné-les-Marais et où son frère aîné s’était installé. Il fut séduit par la fille d’un cousin remué de germain, Anne-Marie Guyet, demeurant à Triaize. Il lui fit la cour dès 1811 (27), et l’épousa en novembre 1813 (28). En janvier, il réside dans la cabane de Beauvoir à Triaize chez son beau-père Louis Charles Guyet, en même temps maire de la commune (28). En janvier 1814, Auguste Guyet est toujours à Beauvoir (Triaize) chez sa jeune épouse (29). Il s’installe à Grissay au cours de cette année et entreprend des travaux sur des bâtiments de ses métairies et de son logis (30). À la fin de l’année, il chasse dans la forêt de l’Herbergement de Sainte-Florence (31).


En mars 1815, on l’y voit faire un échange de terre à la Rabretière (32). Sa femme embauche une cuisinière et une domestique en avril. Elle paye cette année-là un chaisier aux Essarts, un cafetier, un scieur de bois, autres signes de l’installation du couple. Mais l’année 1815 sera une épreuve pour le jeune couple. La jeune épouse de 19 ans aurait pu être heureuse avec la naissance de leur premier enfant, prénommé Louis-Auguste, qui aura lieu à Grissay le 30 mai 1816 (33). Mais l’actualité politique et l’activisme de son mari âgé de 32 ans lui apportèrent plutôt de l’anxiété.


Auguste Guyet avait la réputation d’un « sans peur ». Déjà en septembre 1813, il avait reçu le conseil de ne pas venir en Vendée à cause de la levée de 180 000 hommes décidée par Napoléon au titre de la garde d’honneur, qui risquait de l’enrôler (34). Il n’en fit rien. Au retour de Napoléon pendant les Cent-Jours, il s’engagea avec son beau-père dans Les chasseurs de la Vendée, compagnies militaires formées pour soutenir Napoléon contre l’armée d’insurgés royalistes se battant pour le retour des Bourbons. Les chasseurs de la Vendée ont combattu à la bataille d’Aizenay, le 19 mai 1815. Avec le deuxième retour du roi Louis XVIII à l’été 1815, Auguste Guyet se trouva dans le camp des vaincus, réfugié avec son épouse à Triaize. Il dut demander le 9 septembre 1815 à l’autorité militaire de La Roche-sur-Yon de se soumettre pour obtenir un sauf-conduit. Pour cela, il remit ses armes et son cheval (35). Et il paya sans retard sa quote-part dans l’impôt exceptionnel de 100 millions décidé par ordonnance du roi pour faire face aux dépenses de la guerre et de l’occupation des troupes étrangères (36).


Auguste Guyet présentait un trait de caractère intéressant à relever. À côté de son emploi public dans la Marine de guerre, il faisait du négoce pour son compte. Les mœurs de l’époque le permettaient. Ses affaires portaient sur des mousselines et des dentelles (37), de la liqueur de Hollande (38), du café et du sucre (39). Une fois, il réclame même à son frère Joseph de Paris de lui envoyer ses mousselines et son thé qui sont stockés à Paris (40). Il est à Saint-Fulgent, et sans doute a-t-il trouvé des débouchés dans la contrée. Comme son père, il aimait sans doute flairer les bonnes affaires. Pour celles-ci, Auguste fera encore une incursion à Anvers à la fin de l’année. C’était pour y régler une dette d’un montant de 4 000 F (41).


L. Rousselot, Scène de combats à l'Ouest en 1815
Il a passé Noël 1815 à Grissay, mais sans sa femme, accompagné par un neveu et un cousin. Sa famille l’en avait découragé, apeurée par ce qui s’était passé à Saint-Martin-des-Noyers. La maison du maire libéral, Cacaud, avait été envahie par des « chouans » le 30 septembre précédent, et sa mère mourut des suites de l’agression (42). Auguste Guyet s’était fait voler un cheval par l’armée vendéenne valant 200 F (43). Le jour de Noël, « sur les 9 heures du soir, une troupe d’individus armés, dont j’ignore le nombre, après avoir cerné ma demeure de Grissay, s’est introduite chez moi au nom du roi », écrit-il le lendemain au préfet pour protester. Cette bande armée, où il reconnaît Billaudeau, cordonnier, et Alexandre Drapeau, charpentier, tous deux des Essarts, lui déclara qu’il était dénoncé « comme devant tenir, ledit jour 25 décembre, une réunion de 60 personnes », et « qu’ils venaient, par les ordres de M. Dubois, lieutenant des Éclaireurs royaux, s’assurer de la vérité du fait ». De plus, il aurait été menacé de mort par un nommé « Herbreteau, dit Giroulière, métayer à la Maison Rouge », un pistolet caché sous son habit. C’était un oncle de Rosalie Loizeau, qui s’était mariée en 1811 avec Pierre François Cougnon de la Bergeonnière (44), beau-fils de Pierre François Mandin, lequel était un fidèle soutien des Bourbons et fut nommé adjoint au maire de Saint-André en 1826. « J’étais le chef d’un complot contre la tranquillité du pays, on m’a désigné au mépris et à la haine de mes concitoyens, l’affront a été public, j’ose espérer que la réparation sera publique », écrit Guyet au préfet (45). C’était une menace et l’affaire en resta là. Elle est une manifestation des répliques étalées dans le temps du séisme de la guerre de Vendée (1793-1796). Les historiens antiroyalistes ont qualifié de « terreur blanche » ces troubles survenus en France en 1815. Pour le propriétaire de Grissay, ce fut une peur bleue, si l’on peut dire. Qu’il ait été visé ne surprend pas. Son engagement dans Les chasseurs de la Vendée en faisait un partisan antiroyaliste craint par ces derniers. Dans le même camp, son beau-frère Martineau, ancien révolutionnaire de Saint-Fulgent, était haï dans la contrée. Auguste Guyet se vivait en victime des royalistes, définitivement et depuis longtemps. Il avait 10 ans quand son père avait été tué par les révoltés vendéens en mars 1793. Dans son intimité, on ne sait pas comment il a géré son traumatisme. Mais dans ses positions politiques, sa représentation des évènements le situait à l’opposé de celle de ses adversaires dans une incompréhension absolue.


Quand il est revenu à Grissay, le bail des Landais était en cours, devant s’achever le 22 avril 1815. Le 10 mai 1815, le prix de ferme échu est de 4 000 F, car comprenant le solde non payé de l’année précédente (46). Le bail sera renouvelé, toujours à prix fixe en argent, et s’arrêtera le 23 avril 1819, sauf la métairie de Grissay attenante au logis, dont les Landais sont encore fermiers jusqu’au 23 avril 1820. À cette date son exploitations était devenue à partage de fruits à moitié. Les trois autres métairies ne sont pas documentées avant 1820.


Enfin, Auguste Guyet embaucha un garde particulier, Aimé You, qu’il logea dans une maison lui appartenant au village de la Cambronnière. Depuis le Code d’instruction criminelle de 1810, chaque propriétaire avait la possibilité de faire agréer par le maire un garde champêtre particulier, auquel était accordé, après serment, certaines fonctions de police judiciaire. Ils étaient spécialement chargés de la police de la chasse, de la pêche en eau douce et de la garde des productions agricoles au profit des propriétaires. Bien sûr, on ne les rencontrait que dans les grands domaines. Les seigneurs avaient disparu, mais la propriété avait été promue au rang des droits de l’homme. François Aimé You était originaire de Sainte-Cécile, né en 1790. Il s’est marié aux Essarts en 1825 avec Louise Cardinaud. Ses quelques procès-verbaux conservés se rapportent au vagabondage d’animaux, au vol d’arbre coupé dans le Bois Pothé, au braconnage de coqs de perdrix rouge, aux pâturages non autorisés (47).


Depuis le Moyen Âge, le propriétaire était considéré dans la société rurale de la contrée. En dehors même de la caste des seigneurs possédant des droits de nature politique et des droits honorifiques dans les églises, les propriétaires les plus importants dans les tènements (terroirs) roturiers, amassaient les redevances seigneuriales annuelles pour les porter à la recette du seigneur. Sans droit particulier, ils étaient considérés. Les plus riches avaient même les moyens d’instruire leurs enfants. Cette notabilité sociétale a traversé la Révolution sans encombre, alors que la notabilité politique et féodale y a sombré. Le frère d’Auguste Guyet, Joseph, possesseur du grand amenage de Linières et habitant Paris, avait son banc dans l’église paroissiale de Saint-André-Goule-d’Oie. Il le louait comme tous les paroissiens par mise aux enchères. En 1817, il paie la plus grosse somme : 9 F/an, comme un devoir de notabilité (48). Il est probable que son frère de Grissay en a fait autant.

 

Un propriétaire d’avant-garde : Auguste Guyet (1821-1853)

 

Les surfaces


Les mémentos de comptes d’Auguste Guyet nous renseignent sur l’exploitation de son domaine de manière détaillée à partir de 1821. Les surfaces additionnées de la borderie et métairie de Grissay, de la métairie de la Cambronnière et des deux métairies des Barettes sont de 193,6 ha en 1826 et 190,8 ha en 1853. Chacune des quatre métairies comprenait environ une quarantaine d’hectares. La borderie en comprenait 27,4 ha en 1826, diminués à 14,5 ha en 1853 par transferts à la métairie de Grissay. Le classement des parcelles foncières du cadastre de 1826 manque de précision, en classant en nature de terre des landes pacagées et ne réservant la nature de prés qu’aux prairies naturelles. Ces dernières représentaient 10 % à 20 % en moyenne du total des sols selon les exploitations. Les landes incultes et les broussailles n’occupaient que 3,3 ha (1,7 %) et seulement dans les métairies des Barettes. Les 80 % à 90 % des sols qualifiés de terre, comprenaient une partie de champs en guérets (repos de 1 à 2 ans) et une autre de landes pacagées. La visite de la métairie de Grissay en 1830 nous précise que les prairies naturelles et les landes pacagées représentaient ensemble 44 % du total, tandis que les champs en culture et ceux en guérets représentaient 45 % du total. En conclusion, les terres incultes avaient presque disparu et les jachères longues (landes) exploitées en pacage avaient diminué. Ces deux constats à cette époque sont la marque d’un sol plus fertile que dans son environnement du Bocage. Le sol de Grissay était moins acide qu’ailleurs, certes, mais l’emploi d’engrais chimiques dès les années 1820 avait permis d’améliorer leur fertilité.

 

L’élevage


Race parthenaise
On sait que l’apport d’engrais chimiques à partir des années 1850 dans le Bocage vendéen permit l’extension des plantes fourragères destinées à l’élevage. Il est intéressant de voir ce qui s’est passé à Grissay 30 ans plus tôt. Jusqu’en 1827, les quatre métairies du domaine de Grissay ont pratiqué un élevage important, principalement des bœufs. Elles ont vendu en moyenne annuelle 9 paires de bœufs à elles quatre, dont 43 % pour la métairie de Grissay. Aux naissances d’animaux, on y a ajouté l’achat régulier de veaux, aussi de bœufs (3 paires en moyenne par an dans la période). Cette activité d’élevage s’est ensuite effondrée, ne vendant plus que 3 paires de bœufs par an en moyenne de 1828 à 1835. Les années 1831 à 1834 ont connu une chute brutale des transactions, avec des frais de traiteurs et vétérinaires plus élevés. L’art de la médecine vétérinaire de l’époque abusait des guérisseurs, faute de mieux. Il s’en est suivi de sévères épizooties. Ensuite, et jusqu’en 1853, les ventes de bœufs dans chaque métairie sont restées très faibles, autour d’une paire à 2,5 paires en moyenne annuelle. On relève des montants de traitements et de frais de vétérinaires des animaux plus élevés que d’habitude en 1839 et 1842. En 1852 et 1853, c’est un vétérinaire qui intervient et non plus l’habituel traiteur de la Cossardière (Guilbaud). Et les paiements sont de 19,50 F et 14 F, au lieu des quelques francs auparavant. Les remèdes et traitements employés par le traiteur n’inspirent pas toujours confiance avec le recul du temps. En témoigne la recette pour guérir les panaris, qu’il recommandait aussi pour le bétail : « La même chose pour les fis (verrues) aux pieds des bêtes ou à toute autre partie du corps. Il faut avoir les noms, prénoms du maître, sa demeure, la paroisse et faire toutes les mêmes guérisons » (49).

Les ventes de bœufs concernaient soit de jeunes bœufs appareillés pour le trait, soit des bœufs gras pour la boucherie. Et à ces ventes, il faut ajouter les 3 paires de bœufs utilisées pour le trait dans ces grandes métairies d’une quarantaine d’hectares. 3 paires au lieu de 2, à cause d’une surface cultivée plus importante qu’ailleurs. Dans cette période de 1821 à 1853, chaque métairie élevait aussi d’autres bovins, principalement des vaches, reproductrices et fournisseuses de produits laitiers. Avec elles on faisait commerce de bodes, génisses et taureaux. On pratiquait aussi l’élevage des moutons. Enfin, on relève l’élevage d’une ou deux pouliches dans les métairies et autant de mulets. En résumé, si la terre du Bocage avait besoin d’engrais chimiques, son élevage avait besoin d’un art vétérinaire basé sur une science alors en devenir.

Les acheteurs dans les foires sont rarement désignés dans les écritures. Auguste Guyet vend pour le trait apparemment, mais aussi pour la boucherie. Néanmoins, au hasard d’écritures plus précises, on apprend que les deux bœufs qu’il a vendus à la foire de l’Oie le 8 mai 1822, doivent être livrés à Saint-Fulgent à un acheteur nantais. En janvier et février 1825, il vend à la foire de l’Oie 4 bœufs à un nommé Foyer, maître boucher à Beaupréau, pour 1224 F. C’est un bon prix rémunérateur. En mai 1824, il avait vendu 2 bœufs à un nommé Loizeau des Épesses, lors de la foire des Essarts. Cela montre au moins le rayonnement de cette dernière. Il est très probable que les acheteurs venaient de loin aux foires des Essarts et de l’Oie pour s’approvisionner en viande de boucherie, dans une proportion bien plus grande que ne le laissent entendre quelques écritures des mémentos de comptes conservés.

Le prix d’un bœuf variait énormément du simple au double ou au quadruple, suivant l'âge de l'animal, son poids estimé, sa morphologie, ses muscles, sa graisse, etc., ce qui rend très difficile une analyse des prix de vente. Le prix moyen annuel des ventes de bœufs de la Cambronnière fluctue dans la période de 1828 à 1834 de 232 F à 327 F (au lieu de 195 F à 241 F dans la période 1821-1827). Les prix ont monté fortement. Ensuite, on les suit avec peine dans leurs variations, où se mélangent les cycles naturels de prix (c’est un produit de base de la demande alimentaire), et les effets des épizooties sur l’offre.


Les cultures

L’essentiel de l’activité agricole se concentrait donc toujours sur les cultures. Les documents conservés sont pauvres sur ce point, sauf un tableau des récoltes en 1821 et 1822, le seul pour toute la période observée (50). Les productions de l’année 1822 sont inférieures de 21 % par rapport à l’année précédente. Les principales productions et les quatre métairies ont été également impactées par le phénomène d’origine probablement climatique. Nos remarques générales retiendront la première année 1821 pour laquelle nous connaissons quelques prix pratiqués. Cette année-là, 237,46 quintaux de toutes espèces ont été récoltés sur les quatre métairies, dont 79 % pour le seul froment. Les quantités sont à doubler pour avoir les volumes des récoltes avant partages à moitié. Les autres céréales, seigle, méture, orge, baillarge, avoine, mil et blé noir (ou sarrazin), assimilées aux céréales par les exploitants, ont représenté 15 % des récoltes (34,33 quintaux). Les légumineuses à graines pour la consommation de l’homme, fèves, gesses, mogettes, pois roux et pois verts, ont représenté 6 % des récoltes (15,28 quintaux). Enfin, on n’a produit que 42 kg de légumineuse fourragère pour l’alimentation des bovins, cette année-là de la garobe. Mais elle n’est sans doute pas représentative, car dans leurs baux, les métayers s’obligeaient à semer 10 boisselées par an de trèfle ou de luzerne à la demande du bailleur et à faire la quantité demandée de betteraves champêtres, choux-raves ou de navets, garobe (51).

   
Van Gogh, Champ de blé avec perdrix, 1887

Parmi les autres céréales, la part importante était consacrée à l’orge (9,3 quintaux), la baillarge (9,42 quintaux) et à l’avoine (7,75 quintaux), toutes trois cultivées dans les quatre métairies. Parmi les légumineuses à grains pour la consommation de l’homme, la culture des fèves était privilégiée (12,48 quintaux). Dans beaucoup de métairies de la contrée, dans les temps plus anciens, la céréale dominante a été le seigle, réduite à 75 kg de récolte en 1821 par Auguste Guyet. Elle fut remplacée par le froment, qui faisait un pain meilleur dans le goût de l’époque. La méture, nom patois du mesteil ou métail, était un mélange de céréales qu’on semait et récoltait ensemble. Dans le Bas-Poitou, le mélange était composé d’orge d’automne (ou d’hiver) avec un peu de froment, ou bien de seigle et de froment. Les graines servaient pour faire du pain. La baillarge était le nom donné à l’orge prime ou du printemps. Elle était moins sensible aux rigueurs du climat, et d’ailleurs on en récolta 11,1 quintaux dans la mauvaise année 1822, au lieu de 9,3 quintaux en 1821. L’avoine était surtout destinée à l’alimentation des chevaux, et Auguste Guyet en achetait à ses métayers. Les quatre métairies récoltèrent de la mogette en 1822 au lieu de deux d’entre elles l’année précédente, mais toujours dans de modestes quantités. On ignore l’assolement pratiqué sur des terres produisant une telle proportion de froment, mais il devait comprendre de courtes périodes de repos en guéret et des alternances de cultures. De ce fait, on ignore la surface dédiée à chaque production et en conséquence le rendement des récoltes.

La modernité de Jacques Auguste Guyet

 

Ses comptes à partir de 1821 nous confirment son goût pour le négoce. C’est lui qui achète et vend le bétail de ses métairies dans les foires, presque toujours aux Essarts (3ᵉ mercredi du mois) et à l’Oie (2ᵉ mercredi du mois, avant la Révolution, c’était le 2ᵉ mardi). Les montants sont partagés à moitié. Beaucoup plus rarement, on le voit aux foires plus lointaines de la Mothe-Achard, de Chantonnay, de Vendrennes, de Luçon, des Herbiers. On ne sait pas s’il utilisait un cabriolet pour se déplacer, ou s’il continuait à monter à cheval comme son père. La première calèche utilisée à Saint-André date des années 1830 (52), et il paraît probable que J. Auguste Guyet n’a pas tardé à s’en offrir une. Il cessa d’aller aux foires en 1834, laissant la place à ses métayers. Il avait 51 ans, et en 1844 il confia même la gestion du domaine à son fils aîné, Louis. En revanche, les métayers vendaient eux-mêmes leurs parts des récoltes.


On note une fois l’achat de 2 taureaux de race parthenaise en 1821. C’est donc un précurseur qui sélectionna les races et les vaches parthenaises (bovins à robe fauve) sont promises à un bel avenir dans le Bocage pour remplacer les races diverses qu’on y élevait avant la Révolution. Il faisait nourrir les « bœufs de crèche », avec du son acheté aux meuniers ou aux boulangers. En janvier 1822, il a acheté 64 boisseaux de son à un boulanger de La Chaize-le-Vicomte pour être distribués dans ses quatre métairies du domaine de Grissay. Le son, d'avoine ou de blé, est l'enveloppe qui protège les grains de céréales. Obtenu lors de la mouture de la céréale, il a longtemps nourri les animaux. 


Auguste Guyet était abonné au « journal de l’industrie agricole », Le Cultivateur (53). Il s’instruisait pour moderniser les activités agricoles. Il était aussi abonné à Le Père de famille, « journal universel par la société d’instruction nationale et du bien public sous le patronage de plus de cent pairs de France et députés » (54). Ce dernier titre dit la modernité d’Auguste Guyet qui a cherché à s’instruire sur le sujet dans un siècle de certitudes, avec les meilleures références. Il était aussi abonné au Courrier français d’obédience libérale, où écrivait son cousin Isidore Guyet (55).


Il a fait peu cultiver des plantes fourragères en 1821 et 1822, comme on l’a vu. Mais après, nous ne connaissons pas les productions. En revanche, il fait acheter en 1825 des graines de betterave et de rutabaga auprès d’un grainetier parisien par un de ses neveux (56). Prenons l’exemple de la métairie de la Barette Haute. Les métayers ont semé 25 livres de graines de luzerne en 1828. En 1830, ils ont semé 1 livre de graines de betteraves champêtres, et 1 autre livre en 1833. Cette année-là, ils ont aussi semé pour 15 F de graines de trèfle. En 1835, c’est du trèfle à nouveau qu’on a semé et de la jarosse, les deux payés 20,50 F. On se croirait dans une ferme pilote avec son centre de recherches. À partir de 1842, Auguste Guyet a fait son choix, il fera semer régulièrement du trèfle, mais apparemment sur une petite surface (57). Son beau-frère Martineau de Saint-Fulgent, augmenta fortement aux Herbiers en 1810 la culture de la luzerne dans une de ses borderies. Il y avait déjà une luzernière et il demanda à son métayer d’en ensemencer trois de plus, précisant de bien les fumer et de « semer par rayons ». Le prix de ferme de 950 livres par an était en conséquence élevé pour une petite surface (58). Aussi docteur en médecine, le propriétaire foncier qu’était Étienne Benjamin Martineau innova dans l’agriculture. Son beau-père, Simon Guyet, avait fait cultiver de la chicorée sauvage sur quelques boisselées avant la Révolution (59). Ils font partie, avec Jacques Auguste Guyet, de ces nouveaux propriétaires de domaines agricoles qui vont contribuer tout au long du 19ᵉ siècle à moderniser l’agriculture vendéenne. 


Les fermiers de son neveu Marcellin Guyet-Desfontaines à Linières remportaient des prix aux comices agricoles du canton de Saint-Fulgent en 1857. Dans le canton des Essarts, des concours ont été plus tardifs et on n’y voit rien concernant Grissay. Guyet-Desfontaines était membre en 1855 de la Société d’Acclimatation pour la protection de la nature (cf. bulletin de la société).  Notaire puis député vivant à Paris, comme beaucoup de propriétaires terriens, il se voulait à la pointe du progrès en cherchant à valoriser son patrimoine. L’oncle de Grissay était de la même veine, de manière plus impliquée et parmi les premiers de la contrée. Cette recherche du progrès a concerné aussi des propriétaires plus modestes, comme on le voit dans les années 1850 avec l’un d’entre eux au Clouin de Saint-André-Goule-d’Oie, Augustin Charpentier.


À Linières, on pratiquait les baux à prix fixes en argent, et à Grissay, les baux à partage de fruits. Sur ces pratiques, il paraît utile de réformer une idée répandue au 20ᵉ siècle. C’est alors qu’au moment de s’engager dans une modernisation en profondeur des exploitations agricoles, les métayers et les syndicats agricoles ont critiqué l’affermage à partage de fruits comme empêchant les initiatives du métayer et l’enfermant dans un rapport trop subordonné à l’égard du propriétaire. Dans l’opération, un argument a été avancé : le partage des fruits à moitié était la marque d’un passé révolu. Les moins informés ressortaient les seigneurs de l’Ancien Régime pour faire bonne mesure. C’est faux, les baux à prix fixes en argent étaient aussi nombreux jusqu’au 19ᵉ siècle dans la contrée, même si par nature ils ne portaient pas les défauts des baux à partage des fruits. Auguste Guyet affermait d’ailleurs à prix fixes en argent ses cabanes dans le Marais poitevin, à cause de l’éloignement tout simplement, mais tout en suivant de très près l’assolement des carrés par ses métayers (60).


Autre signe de modernité d’Auguste Guyet : ses travaux dans les bâtiments. Ils ont été fréquents dans les métairies, à cause peut-être des dommages de guerre à réparer, certainement dus aux entretiens nécessaires, mais aussi résultant d’une volonté d’amélioration du propriétaire. Quand Charles Guyet acheta Grissay en 1784, les bâtiments et logements des lieux, logis compris, étaient en ruine. Le logis du propriétaire avait la forme d’une longère dans le cadastre de 1826. Il était bâti au fond d’une petite cour avec un jardin à l’arrière. Au sud, se trouvaient les logements et bâtiments de la métairie, avec le toit aux oies plus au sud. Le logis avait été bâti vers 1670 (61). En 1830, une maison des métayers a été construite plus au nord, à l’écart du logis. Suivant les usages de l’époque dans les grandes métairies, elle comprenait au rez-de-chaussée deux pièces à vivre et à dormir, et deux petites pièces de service. À l’étage, il y avait un grenier (62).


En 1831, la description du logement des métayers de la Cambronnière est plus complète. La pièce à vivre comprend 2 fenêtres vitrées avec leurs volets. Le sol est pavé en pierres. Il y a une cheminée et un espace de rangement fermé de 2 grilles en fer. La chambre d’à côté comprend aussi 2 fenêtres vitrées avec leurs volets. Le sol est pavé en briques et il y a une cheminée. Un escalier en bois monte au plancher (grenier) avec une porte d’entrée. Ses murs sont en bousillage, un mélange de terre détrempée et de chaume tenu entre des poutres en bois. Le sol est carrelé en carreaux (63). On note deux éléments de confort qu’on ne trouvait pas partout : une cheminée dans la chambre à coucher et les sols pavés de pierres et de briques.

 

Logis de Grissay rehaussé vers 1840

En 1838/1841, Auguste Guyet a transformé son logis en le rehaussant d’un étage, supprimant les greniers pour y créer des pièces d’habitations et créant des mansardes au-dessus. Un tailleur de pierres est intervenu dans une recherche d’esthétique de la façade extérieure. Il a refait tout l’intérieur, tant la décoration que l’ameublement (64). Il n’a pas démoli pour rebâtir à neuf, comme le fera le baron des Essarts en 1856, ou le châtelain de Linières en 1872. L’actuel château de Grissay est une nouvelle transformation en 1895 du logis d’Auguste Guyet, avec une nouvelle toiture de style renaissance, et aux extrémités l’adjonction d’une tour et d’un pavillon.

 

Le pionnier des nouveaux engrais (1821-1853)

 

Les engrais naturels


Ils étaient constitués de la litière des animaux, des bourrées et de la cendre.

Litière

Jusqu’en 1827, les quatre métairies du domaine de Grissay ont pratiqué un élevage important. Plus qu’ailleurs on a pu disposer de litières, mais de toutes façons très largement insuffisantes. On les réservait aux jardins, et ouches en priorité.


Bourrée

Pour compléter la litière des animaux on continuait à utiliser de la bourrée. Le mot avait plusieurs sens. Il pouvait désigner la végétation qui pousse dans un champ plus ou moins en jachère, que l'on fauche pour servir de litière aux bovins, en plus de la paille. C’était aussi le fumier ou engrais à base de plantes pourries. Pour cela, on entassait celles-ci dans des flaques d’eau des chemins ou des aires. Comme la litière, les métayers devaient conserver la bourrée à l’usage exclusif de leurs terres, et ne pas en vendre. On a une exception en 1825, où Auguste Guyet en a acheté à Bonnaud de la Touche (65). Mais le propriétaire de la Touche était son frère Joseph, propriétaire de Linières près de Saint-André-Goule-d’Oie. On voit un autre achat en 1820 à la Barette Basse (66) et à la Barette Haute en 1821 et 1827 (67). Son achat, sinon son usage a disparu ensuite. Ces rares achats d’engrais naturels, comme les autres, étaient payés à moitié par les parties au bail (68).


Cendre

On a toujours utilisé la cendre dans la première moitié du 19e siècle à Grissay, qu’on achetait le plus souvent. Ce n’était pas de la cendre de bois qui faisait baisser le ph. Plutôt celle obtenue dans le Bocage en brûlant des plantes sauvages (ajoncs, bruyères et fougères). Elle apportait soude et potasse à la terre, aussi l’azote provenant de la cendre de genêt. Les cendres étaient étendues sur la terre quelques jours avant les semailles. Elle provenait aussi des fours à chaux et des tuileries, chauffés avec du bois.


On trouve un achat de cendre en 1827 à Grissay, puis ensuite seulement en 1849. On l’a utilisé assez peu et en forme d’appoint tout au long de la période observée. Une charretée de cendre est payée 36 F et 43 F avant 1835, et ensuite de 50 F à 75 F. Son utilisation épisodique se voit jusqu’en 1852 à la Barette Basse. Entre 1837 et 1846 on l’a délaissée à la Barette Haute, puis reprise en 1847 et 1850.

 

Les engrais chimiques


La chaux

Cet engrais permettait de désacidifier les terres du Bocage Vendéen, dont la fertilité était faible qui s’épuisait trop vite. C’était moins nécessaire à Grissay où se terminait une bande de sous-sol calcaire marneux plus fertile venant de Chantonnay (69). La seule adaptation pratiquée depuis le Moyen Âge consistait à laisser temporairement les terres en repos, soit avec des guérets qui n’étaient pas emblavés ou plantés pendant un à deux ans, soit avec des landes qui étaient des jachères longues d’une dizaine d’années. Ces surfaces de terres provisoirement sans récoltes pouvaient occuper le tiers d’une métairie. C’est dire, avec leur suppression, l’enrichissement apporté par l’emploi de la chaux dans le Bocage aux environs des années 1850.


Sur ce sujet, Auguste Guyet a été un pionnier. La lecture de ses premiers comptes conservés nous apprend que ses métayers de la métairie de Grissay utilisent de la chaux en 1820 (70). En 1821 ils paient le « salaire de l’homme qui a enfourné la chaux » (71). Auguste Guyet possédait un four à chaux, dit de Grissay, situé en bas de la Cambronnière (72). En août 1822, il fait ses comptes avec son journalier Richard pour ses 2 fournées comprenant l’extraction de la pierre de chaux dans une carrière (p. 24 du memento de comptes). La première fournée pour le compte de ses métayers a donné lieu au paiement de 3 journées à tirer la pierre à raison de 1,5 F/jour et de 5 journées et 5 nuitées à raison de 1,75 F/jour. La deuxième fournée « pour le compte de Libaud des Essarts, pour celui de Puaud à la Ferchaudière et pour le mien », a donné lieu au paiement de 4 journées à tirer la pierre et de 6 journées et 6 nuitées. Rappelons que le même Richard était payé 0,75 F/jour pour les travaux habituels. Il faut dire qu’il s’agissait d’un travail pénible. La carrière ne devait pas être située loin du four. Les pierres de calcaire étaient tirées par des chevaux et enfournées par le haut dans une tour en pierres et briques réfractaires, le four, grâce à une rampe d’accès. Puis on allumait le four avec des grosses bûches, complétées plus tard par des cokes (combustibles issus du charbon) que l’on mettait en haut de la cheminée. On laissait cuire la pierre et le calcaire brûlant était transformé en chaux vive. Du four se dégageaient une forte température et beaucoup de gaz carbonique. Issue de la réaction de l’eau sur la chaux vive, la chaux éteinte se présente sous forme de poudre et elle est répandue sur le sol pour corriger l’acidité des terres.


En 1824, le bonhomme Richard travaille toujours à tirer de la « pierre de chaux » (p. 50 du mémento de comptes), lequel est toujours actif en 1827 (p. 85). Il y avait une carrière de pierres dans un champ de la métairie de la Barette Haute (73). Sous la couche arable on y trouve une roche de calcaire. On sait qu’on s’y fournissait en matériaux de construction au milieu du 19 siècle, et probablement a-t-elle alimenté aussi le four à chaux de la Cambronnière. Auguste Guyet a-t-il été pionnier avec son four à chaux ou s’est-il contenté de continuer à faire fonctionner un four existant ? Les actes d’achat effectués ne permettent pas de répondre à la question. Toujours est-il que son frère Joseph, ne paraît pas avoir chaulé les terres de ses 4 métairies aux Essarts et ailleurs. On pense que ce four à chaux, peut-être d’activité ancienne, a été orienté vers l’usage agricole de la chaux par le nouveau propriétaire de Grissay.


Les quatre métairies du domaine ont utilisé la chaux au début des années 1820. Puis c’est devenu plus rare. À Grissay on a acheté de la chaux en 1835 pour 31,5 F, et ensuite elle est absente des écritures. Les achats reprennent en 1852 et 1853, auprès des nouveaux fours à chaux des Essarts. À la Cambronnière, la chaux aussi a été peu utilisée au bout de quelques années : en 1841 pour 17 F, en 1949 pour 26 F. Son usage redémarre avec 2 livraisons achetées au « Four à chaux des Essarts », situé près de Maison Rouge : 200 litres en 1851 et autant en 1853. La chaux apparaît chaque année de 1849 à 1852 à la Barette Basse. On ne l’avait pas vu depuis les comptes de 1828, il est vrai avec un vide documentaire de 1835 à 1848. De manière documentée, on observe à la Barette Haute que la chaux a été abandonné de 1828 à 1844. En 1845, on en a acheté pour 107 F, continuant ensuite régulièrement chaque année. Les 100 litres de chaux valaient environ 13 F.


Ces constatations confirment ce qu’on a observé ailleurs un peu plus tard en Vendée. Vendue d’abord comme un engrais universel, la chaux a déçu après quelques années faute d’être employée à bon escient. « La chaux enrichit les pères et ruine les enfants », a-t-on entendu parfois. Au début de son utilisation massive, les propriétaires et les agriculteurs se sont partagés en effet entre les partisans et les adversaires de la chaux. Puis les partages d’expériences et les conseils avisés ont abouti à une utilisation mieux appropriée, adaptée aux sols et complétée par d’autres engrais (74).


L’ouverture du nouveau four à chaux des Essarts (près de Maison Rouge), a aussi facilité le retour de la chaux pour amender les terres. En 1852 le métayer de Grissay achète 600 litres de chaux au « four à chaux des Essarts » (75). La chaux se vendait 1 F à 1,1 F le mètre/hectolitres de chaux, ou 100 litres. Les 5 achats effectués de 1852 et 1853 par la seule métairie de Grissay totalisent 311 F, représentant ainsi approximativement 311 hectolitres.


Lieu des fours à chaux près Maison Rouge (Essarts)
 Deux fours étaient en activité depuis 1846, près de la Maison Rouge, à l’initiative de MM. Charpentier et Rémi. Sa forte activité révèle une mutation dans la production offerte à une clientèle bien plus élargie que celle de l’ancien four de la Cambronnière. Si on compte le nombre de livraisons au décompte des numéros de livraison, il y en eu 471 entre le 24 mai et 18 septembre 1852. Ce décompte paraît excessif à moins de nombreuses petites livraisons, mais il montre le pic des livraisons en été et une forte activité dans cette période. Si elle utilisait encore du bois de chauffage à ses débuts, ce ne serait plus pour longtemps. La mine de charbon de Faymoreau avait ouvert en 1836, et rapidement elle chercha des débouchés vers les fours à chaux. Elle ouvrit elle-même les fours de Pareds et de l’Arcanson (Bazoges) en 1850. Puis, en 1851, deux fours à Payré qui produisaient 40 m³/jour (76). On n’a pas de témoignages sur la présence de fours métalliques dans la contrée en ce milieu du 19ᵉ siècle. Ce sont les routes en construction qui amèneront le charbon aux fours à chaux du nord de Chantonnay, permettant ainsi d’en augmenter la production et la productivité.  Si Auguste Guyet avait été un précurseur pour désacidifier ses terres dans les années 1820, il n’a eu en définitive qu’une vingtaine ou trentaine d’années d’avance. Pour pallier aux dommages provoqués par la première utilisation intensive de la chaux, il sut trouver une parade avec le noir animal. 

 

Le noir animal

C’était un engrais actif utilisé en petites quantités et composé de charbon d’os, de sang desséché et de rognures de cornes, mélangé avec d’autres éléments fertilisants. Le port de Nantes en importait de toute l’Europe en 1828, où il était revendu 7 F l’hectolitre (environ 100 kg) au commerce et à l’agriculture locale (77) On a vu un rare achat de noir par les métayers de Grissay en 1826 dans le mémento de comptes (78), mais c’est le seul. Une écriture du 27-8-1828 du nouveau mémento de comptes (page 27) nous indique que le noir était transporté depuis Nantes par les métayers jusqu’aux Essarts. Il était vendu par Guicheteau frères « Achats de grains de toutes sortes, magasins de noir animal pour engrais, et de charbon de terre anglais pour forges et fourneaux » (79). Les métayers l’achetaient 10,5 F/hecto.


Le noir est devenu le principal engrais utilisé dans le domaine à partir de 1828. Dans les 18 années de 1836 à 1853, les métayers de Grissay ont fait 11 achats pour un montant total de 1652 F et correspondant à 156 hectolitres, soit en moyenne 8,6 hecto/an. Les données en volumes et prix de certaines écritures permettent de calculer les unités de volumes utilisées. Ainsi, le boisseau de noir contenait 24,3 litres, et une barrique 145 litres, ce qui donnait 6 boisseaux pour une barrique. Ces valeurs de volumes étaient pratiquées par le fournisseur nantais, sans garantie qu’il en allait de même pour d’autres fournitures, comme la chaux produite dans la région des Essarts.


Les métayers de la Cambronnière ont effectué 5 achats de noir de 1828 à 1840, par 4 à 6 barriques et une fois une charretée de cendre, le tout pour au moins 300 F. De 1841 à 1853, 8 achats de noir ont été effectués pour 730 F, soit environ 36 barriques achetées à Nantes. C’est le principal engrais utilisé, avec un peu de cendre. À la Barette Basse les informations sont parcellaires. On note « 2 barriques de noir qu’Olivreau a amenées de Nantes cette année » (1830). 1 barrique de noir vaut 15,5 F et on en prend 6 pour la Barette Basse en 1834. Le noir, fut l’engrais chimique dominant utilisé chaque année à la Barette Haute de 1828 à 1853. La barrique de noir s’achetait autour de 16 F, et on en consommait à la place de la cendre ou en supplément. On a 17 paiements de noir en 25 ans, pour environ 120 barriques. Le retour de la chaux ensuite n’a pas fait diminuer son utilisation à la fin de notre période du nouveau mémento de comptes. 

 

Conclusions

 

Les archives de la Barette et de Grissay nous donnent l’exemple d’une seigneurie dont la valeur résidait dans l’exploitation agricole bien plus que dans l’exploitation des droits féodaux qu’elles possédaient. La suppression de ces derniers a eu un faible impact dans la vie des domaines. En revanche, les engrais chimiques, 60 ans après, constituèrent un premier facteur de la révolution des techniques agricoles au milieu du 19e siècle dans le Bocage vendéen, qui elle, fut capitale pour l’économie et la société rurale. Puis les enfants d’Auguste Guyet connaîtront l’apport de la science dans l’art vétérinaire et le machinisme dans les outils de travail.


Les fermiers professionnels de l’agriculture comme Charles Guyet, étaient mieux à même de réussir dans l’exploitation agricole que les fermiers hommes de lois, souvent rencontrés sous l’Ancien Régime. Que son fils, Auguste Guyet, se soit plus impliqué que d’autres propriétaires de grands domaines de son époque est affaire personnelle. Mais d’autres propriétaires que lui ont favorisé la révolution agricole du Bocage vendéen au 19ᵉ siècle, soit par eux-mêmes, soit avec leurs régisseurs. Et tous n’avaient plus besoin de procureurs fiscaux. Leurs droits de propriété étaient mieux assurés et les métayers payaient moins d’impôts fonciers.


Les comptes d’Auguste Guyet font des points réguliers de trésorerie dans ses relations avec ses fournisseurs et ses métayers. Ils éclairent ses dépenses, mais peu ses recettes. On devine néanmoins qu’il s’est enrichi, mais sans pouvoir le mesurer. Ses métayers aussi, mais tout en restant dans leurs communautés familiales où on faisait bourse commune sous l’autorité du chef de famille. Ces communautés avaient constitué un mode d’adaptation à une économie de subsistance. La politique n’a pas modifié leur existence. Mais dans le même temps, un monde s’achève avec Auguste Guyet. Après lui, les nouveaux progrès techniques, l’extension de l’industrie, la diffusion d’une finance moderne, créèrent une économie plus ouverte aux échanges. Attirés principalement dans les villes, des capitaux fonciers et des travailleurs de la terre entamèrent un long et important exode pendant près d’un siècle. 

 

Auguste Guyet a pris trente années d’avance sur ses voisins en tâtonnant sur les semences et les engrais. C’est là que son exemple est précieux. On a parlé de ses opinions et de son engagement politique, comme d'un témoignage local de la grande Histoire, mais ils sont sans importance sur l’évolution de son domaine. Il est mort en 1852, d’où l’arrêt de ses archives en 1853 avec l’ouverture de sa succession. Il a laissé deux fils, Louis, l’aîné, et Georges-Émile. La fille de Louis, Marie-Adèle Guyet, épousa Charles-Ferdinand Batiot, celui qui transforma le château de Grissay tel qu’il est aujourd’hui.

 

 

(1) René Louis Marie Jousbert (1752-1796), chevalier baron du Landreau, seigneur du Plesis-Tesselin, Rochetémer, Les Voureilles, et pour moitié de la châtellenie des Herbiers. Il était le fils de René Julien Jousbert et de Marie Claire Duchesne du Mesnil, et fut capitaine du régiment Navarre-cavalerie. Il épousa en 1785 Antoinette d’Escoubleau de Sourdis, fille du châtelain de l’Etenduère (Ardelay). Il émigra en 1791 et mourut à Dortmund en 1796. (Notes de Jean Lagniau 1971).

(2) Achat 30-10-1784 du fief de la Barette de C. Guyet à Jousbert du Landreau, notaire de Saint-Fulgent, Frappier, 3 E 30/10.

(3) Journal inédit de Dangirard, Éditions du CVRH 2008, page 227.

(4) Ferme du 6-11-1754 de la Barette de 1758 à 1765 à Girault sieur de la Claverie, Archives de la Vendée, archives de la Barette : 2 MI 36/3.

(5) Baux du 29-11-1179 de Payraudeau, Archives de Vendée, notaire des Essarts, minutier d’Ancien Régime (1779-1780), Verdon étude C, 3 E 14 4-2, vues 254 à 261.

(6) Procuration du 18-11-1787 dans l’instance de C. Guyet pour le fief de la Barette, Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12.

(7) Archives de Vendée, Archives de Vendée, annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée (1913), soirées vendéennes, page 50, vue 29.

(8) Assemblée paroissiale des Essarts du 19 avril 1632, Archives de la Vendée, transcription par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-1, pages 43 et 44.

(9) Mémoire vers 1701 sur le paiement d’un droit de ligence par la Parnière, copie d'Amblard de Guerry dans un classeur d’aveux rendus au roi pour Montaigu en 1344.

(10) Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire des paysans français de la peste noire à la Révolution, Seuil/PUF, 2022, p. 532.

(11) Bail de la Barette du 19-10-1789 par Charles Guyet à Jean et Nicolas Landais, Archives de la Vendée, transcriptions par Guy de Raignac des archives de la Barette : 8 J 87-2, page 167.

(12) Avant l’insurrection (1789-1792), fonds Boisson, Arch. hist. dioc. Luçon, 7 Z 46-1.

(13) Notoriété du décès de Charles Guyet établie le 7 messidor an III par Pillenière, notaire de Luçon, Arch. dép. Vendée, 3 E 49/111-3, vues 311-312/416.

(14) Bail du 19-9-1796 de la borderie de Grissay par Joseph Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(15) Lettre vers 1818 d’A. M. Lenoble à son neveu J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet.

(16) Bail du 19-9-1796 de la borderie de Grissay par Joseph Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(17) Décès de Jean Landais du 21-6-1806, Archives de Vendée, état civil des Essarts, vue 53 accessible par internet.

(18) Partage de la succession de Mme Sibuet, page 26, Archives de Grissay, dossier des Titres divers.

(19) Lettre du 28-3-1807 de Joseph Guyet à Jacques Auguste Guyet à Saint-Fulgent, Archives de Grissay, dossier des lettres de Joseph à Jacques Auguste.

(20) Bail du 20-8-1807 de Grissay et des métairies de la Barette par J. Auguste Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(21) Ibidem, visite et partage vers 1807 du domaine de Grissay.

(22) Vente du 19-5-1809 d’une partie de la métairie de la Rabretière par René Allaire à J. Auguste Guyet, Archives de Grissay, dossier des propriétés de Grissay.

(23) Lettre du 25-5-1809 de Joseph Guyet à Jacques Auguste Guyet à Flessingue, Archives de Grissay, dossier des lettres de Joseph à Jacques Auguste.

(24) Vente du 15 novembre 1812, des deux métairies de Lespinay par Allaire à Jacques Auguste Guyet, Archives de Grissay, dossier des propriétés de Grissay.

(25) Ibidem, vente du 26-4-1815 d’une métairie à la Cambronnière par Joachim Allaire à J. Auguste Guyet.

(26) Inventaire du 7-12-1815 de la propriété de Grissay, Archives de Grissay, dossier des baux.

(27) Lettre du 23-8-v1811 de Benjamin Charles Martineau à son oncle Jacques Auguste Guyet à Étiolles, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet.

(28) Mariage du 24-11-1813 d’Auguste Guyet et d’A. M. Guyet, Archives de Vendée, état civil de Triaize, vue 309 accessible par internet.

(29) Lettre du 8-1-1814 de Benjamin C. Martineau à son oncle Jacques Auguste Guyet à Beauvoir, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet.

(30) Nouveau Mémento de comptes, écritures de 1814 page 2, Archives de Grissay, dossier des Recettes et Dépenses d’Auguste Guyet à Grissay.

(31) Lettre du 7-1-1815 de M. du Fougerais à J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet.

(32) Échange du 2-3-1815 de terre à la Rabretière entre Jean Allaire et J. Auguste Guyet, Archives de Grissay, dossier des propriétés de Grissay.

(33) Liquidation de la succession Mme Sibuet du 10-6-1835, page 18, Archives de Grissay, dossier des Titres divers.

(34)  Lettre du 6-9-1813 de Benjamin C. Martineau à son oncle J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet.

(35) Ibidem, lettre du 11-9-1815 des autorités militaires à J. A. Guyet.

(36) Ibidem, lettre du 16-9-1815 de Louis R. Guyet à son frère J. A. Guyet.

(37) Lettres du 13 et 14-9-1811 de Joseph Guyet à Jacques Auguste Guyet à Anvers, Archives de Grissay, dossier des lettres de Joseph à Jacques Auguste.

(38) Ibidem, lettre du 17-1-1812 de M. Chiquand à Jacques Auguste Guyet à Paris.

(39) Ibidem, note du 26-10-1827 des dépenses d’Auguste Guyet à rembourser par Joseph.

(40) Ibidem, lettre du 26-12-1812 de Joseph Guyet à Jacques Auguste Guyet à Saint-Fulgent.

(41) Ibidem, billet à ordre du 13-12-1815 de Jacques Auguste Guyet à Anvers.

(42) Rapport du préfet Paulze d'Ivoy au ministre de l'Intérieur sur la situation en Vendée - juillet 1833 -, page 12, Archives départementales de la Vendée.

(43) Cf. note (39).

(44) Contrat de mariage du 11-4-1811 de Pierre François Cougnon et Rosalie Loizeau, Arch. de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Billaud : 3 E 30/1.

(45) Lettre du 26-12-1815 de Jacques Auguste Guyet au préfet de la Vendée, Archives de Grissay, dossier des lettres de Joseph à Jacques Auguste.

(46) Écriture du 10-5-1815 et 20-5-1819, page 273, nouveau mémento de comptes, Archives de Grissay, dossier des recettes et dépenses d’A. Guyet à Grissay.

(47) Sept procès-verbaux du garde particulier (1816-1831), Archives de Grissay, Contentieux et divers

(48) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André Goule-d’Oie (1811-1812), Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 29, chemise V.

(49) Ibidem, recette pour guérir les panaris, entorses et brûlures, nouveau mémento de comptes.

(50) Ibidem, récoltes des métairies en 1821 et 1822.

(51) Bail du 31-7-1826 de la métairie de Grissay par J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(52) Inventaire des 5 et 6 janvier 1835 à la requête de Léon Auguste de Tinguy, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Pertuzé : 3 E 30-27.

(53) Lettre du 25-1-1830 de Victoire Sibuet à Jacques Auguste Guyet à Grissay, Archives de Grissay, dossier des lettres de famille à Jacques Auguste Guyet).

(54) Ibidem, lettre du 17-7-1832 de Victoire Sibuet.

(55) Cf. (53).

(56) Ibidem, lettres du 6 et du 12-3-1825 de Victoire Sibuet.

(57) Nouveau mémento de comptes, Archives de Grissay, dossier des recettes et dépenses d’A. Guyet à Grissay.

(58) Bail le 26-5-1810 d’une borderie aux Herbiers de Benjamin Martineau, Arch. de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Billaud : 3 E 30/1.

(59) Jean-Alexandre Cavoleau, Statistique ou description générale du département de la Vendée, Arch. de Vendée, bibliothèque historique BIB C 48-2, p. 583.

(60) Bail en 15-12-1842 des cabanes du Vignaud et de la Bouhière par J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(61) Aveu du 4-8-1679 de Lespinay/la Barette (Renée Jousseaume) aux Essarts (Mme royale), page 3, Archives de Grissay.

(62) Visite du 28-4-1830 de la métairie de Grissay, Archives de Grissay, dossier des baux.

(63) Ibidem, visite du 3-5-1831 de la métairie de la Cambronnière.

(64) Compte des bâtisses que j’ai fait en 1835, nouveau mémento de comptes, p. 137, Archives de Grissay, Recettes et Dépenses d’Auguste Guyet à Grissay.   

(65) Ibidem, mémento de comptes, 7-1-1826, p. 64.

(66) Ibidem, mémento de comptes, 12-11-1820, p. 7.

(67) Ibidem, mémento de comptes, 30-12-1821, p. 17, et 14 janvier 1827, p. 85.

(68) Bail du 25-4-1821 de la métairie de la Cambronnière par J. A. Guyet, Archives de Grissay, dossier des baux.

(69) Syndicat des agriculteurs de la Vendée, Manuel d’enseignement agricole, imp. Rezeau à Luçon, 1932, p. 8.

(70) Mémento de comptes, 1820, p. 8, Archives de Grissay, Recettes et Dépenses d’Auguste Guyet à Grissay.   

(71) Ibidem, mémento de comptes, 30-9-1821, p. 13.

(72) No 768 section H du cadastre des Essarts de 1826, vue 320 aux Archives de la Vendée.

(73) Parcelle dans la Plaine des Barettes contenant la carrière, nos 776 et 503 de la section H du cadastre des Essarts en 1826, dans le partage du 30-3-1853 de la succession d’Auguste et Anne-Marie Guyet, pages 8 et 30, Archives de Grissay, dossier des propriétés de Grissay.

(74) A. Merveau, « De l’emploi de la chaux en agriculture », Arch. dép. Vendée, Annuaire de la société d’émulation, 1860, vue 139/176 et s.

(75) Facture du 24-5-1852 du four à chaux des Essarts à Debien, nouveau mémento de comptes, p. 160, Archives de Grissay, Recettes et Dépenses d’Auguste Guyet à Grissay.

(76) Journal L’Indicateur 1850 et 1851, Archives de la Vendée.

(77) https://histoire-agriculture-touraine.over-blog.com/2017/09/noir-animal-engrais.htm).

(78) Mémento de comptes, p. 8, Archives de Grissay, Recettes et Dépenses d’Auguste Guyet à Grissay.   

(79) Ibidem, facture du 5-11-1852 de Guicheteau à Debien pour du noir, nouveau mémento de comptes, p. 160.

 

Emmanuel François, tous droits réservés.

Mai 2025.


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