vendredi 1 février 2013

Les pensionnés de la guerre de Vendée nés à Saint-André-Goule-d'Oie

Château de Vincennes
Les Archives de Vendée mettent à disposition, en accès internet, des listes de pensionnés vendéens des guerres de Vendée. Sur la page d’accueil du site des Archives, il faut ouvrir la rubrique consulter, choisir s’orienter dans les fonds numérisés, puis guerre de Vendée, et enfin dans ces fonds,  les archives militaires à Vincennes où se trouvent ces listes. Il ne semble pas que les tableaux ainsi disponibles soient exhaustifs. Des listes sur papier, existant déjà aux archives à la Roche-sur-Yon, fournissent d’autres renseignements complémentaires.

En parcourant les listes sur le site internet, on relève vingt-sept noms de personnes nées à Saint-André-Goule-d'Oie, soit un peu plus que ceux déjà trouvés et publiés dans notre article de février 2013. C’est pourquoi nous avons complété cette liste et rectifié en conséquence cet article que nous publions à nouveau après l’avoir mis à jour. 

 Ces vingt-sept noms viennent compléter ceux des combattants et victimes de cette guerre dans la commune, soit morts aux combats, soit tués dans les opérations d’extermination où ils sont plus nombreux. Les formules employées par le prieur étaient : « tués par les ennemis de la religion », ou « par les bleus », ou enfin « par les républicains ».

On peut être surpris de cette quantité de vingt-sept noms sélectionnés, à partir de l’année 1815, en raison de leur mérite de combattant et de leur situation personnelle. Elle est faible s’agissant de Saint-André-Goule-d'Oie. Comme est faible la liste des 55 tués repérés dans diverses sources. Dans cette commune, comme dans beaucoup d’autres, l’état-civil a disparu à cause de la guerre, sauf quelques bribes dont l’essentiel est constitué par le registre clandestin du prêtre réfractaire de la paroisse. De 1793 à 1799, nous avons un vide documentaire, qui nous empêche de connaître les morts et de les compter. Ce vide est à imputer pour l’essentiel aux deux camps en lutte, appliqués chacun à détruire les papiers de ses ennemis. Les uns brûlaient les châteaux et les autres les administrations officielles nées de la Révolution.

Mais l’historien J. Hussenet, au prix d'un travail critique sur les recensements de toute sorte, indique que la population de Saint-André-Goule-d'Oie comptait 1300 habitants en 1791 et 1032 en 1800 (1). La part des mouvements migratoires pour expliquer ce dépeuplement est inconnue, mais probablement faible. Ce sont avant tout les républicains qui ont dû fuir le pays en révolte, comme on l’observe à Chauché et Saint-Fulgent, pour se réfugier dans la plaine vendéenne sous protection de l’armée du gouvernement. Ils étaient très en minorité à Saint-André. De plus, on ne connaît pas d’épidémies mortelles dans la commune à cette époque. Mais on sait qu’une épidémie a sévi à Fontenay-le-Comte en novembre 1793, apparemment liée aux combats et à la présence des troupes (2), et dans la pauvreté de la documentation il ne faut écarter aucune hypothèse dans d’autres lieux du département. 

Le printemps trop chaud et l’été pluvieux de 1794 se sont terminés par de mauvaises récoltes. Ajoutées à la désorganisation de l’économie et aux désordres politiques (dévalorisation des assignats, guerre et réquisitions, difficultés maritimes sur les importations), la pénurie frumentaire fut importante. Il fut suivi d’un hiver glacial jusqu’en février 1795. La conséquence fut une disette larvée, aggravée par la fin du maximum qui avait tenté de maîtriser les prix de mai 1793 à décembre 1794. Sa levée fut contre-productive selon l’historien Le Roy Ladurie. Les conséquences furent politiques, mais cette fois-ci par la répression des manifestations, alors qu’en 1789, on assista à leur montée avec la même situation de pénurie de grains. Plus grave, la mortalité à Paris a grimpé en 1794 de 29 % (+ 6 790 morts). Le chiffre comprend les victimes de la Terreur. Mais en 1795 la hausse de la mortalité par rapport à 1793 a été de 19 % (+ 4 310 morts), et on y enregistra cette année-là un déclin de la natalité. Ensuite les années 1796 à 1800 connurent de bonnes récoltes (3).

Grâce aux comptes-rendus du commissaire cantonal de Saint-Fulgent au commissaire départemental à partir de juillet 1796, on est sûr qu’il n’y a pas eu d'épidémie dans le canton à partir de cette date. Pour la période précédente on peut être sûr que les observations météorologiques de l’historien Le Roy Ladurie s’appliquent aussi en Vendée. Ce sont ses conséquences sur la mortalité qu’on ignore. D’un côté l’activité agricole des habitants et le circuit court des grains de la moisson au boulanger auraient dû atténuer ces conséquences. D’un autre côté les massacres de population, les incendies et les pillages ont dû au contraire les aggraver. Cette période est celle de la guerre civile avant tout pendant 3 ans, de mars 1793 à mars 1796. Le facteur d’explication quasi exclusif de l’important dépeuplement réside donc dans les exterminations et les luttes armées pendant cette période.n Selon les recherches les plus récentes, le total des morts et disparus, côté vendéen, est d’environ 170 000 personnes dans le territoire de la Vendée militaire ! Le bilan est énorme, 23 % de la population, près du même ordre de grandeur en pourcentage que le génocide mis en œuvre par les communistes cambodgiens à la fin des années 1970 (25 %). Il faut ajouter à ce chiffre 50 000 morts du côté républicains. Dans la commune voisine de Chavagnes-en-Paillers, l’historien Amblard de Guerry a pu répertorier 200 noms de personnes victimes de la guerre de Vendée, chiffre qu’il double dans un décompte rapprochant les deux recensements de population de 1791 et 1800, pour évaluer le dépeuplement de la commune. Lui aussi arrive à une proportion de 20 % de victimes de la population totale (4). Il fallut attendre l’année 1845 pour que la commune de Saint-André-Goule-d’Oie retrouve un nombre d’habitants identique à celui de 1791, c’est-à-dire deux générations après 1800.

Ces vingt-sept noms de pensionnés représentent donc un fait précieux dans l’histoire de ce massacre de masse à Saint-André-Goule-d'Oie. Comment écrire l’histoire de ces combats et exterminations, en effet, qui ne commencerait pas par s’intéresser aux victimes et à leur nombre ?

Situons d’abord le contexte de l’établissement de ces listes. Pour cela nous nous référerons au livre de l’historien E. Gabory : « Les Bourbons et la Vendée » (1923).

L’auteur nous explique que le retour de Louis XVIII, après la défaite de Napoléon à Waterloo en 1815 a été accueilli avec joie dans les campagnes vendéennes, à l’inverse des villes comme Nantes, où se concentraient les bourgeois républicains. En réponse à cette division, le roi proclama officiellement l’oubli des combats passés, pour apaiser les tensions. Mais il laissa une réaction aveugle des royalistes contre les anciens révolutionnaires se donner libre cours au début. Ce fut ce que les historiens nomment la « terreur blanche », mais il n’y eut pas une goutte de sang versé dans la Vendée, où une certaine épuration dans l’administration a été menée sans excès, comparée à ce qui s’est passé ailleurs, ne serait-ce qu’à Nantes. Dans son livre, Napoléon et la paix, T. Heckmann décrit l’esprit de conciliation dont firent preuve les deux premiers préfets nommés par Napoléon : Jean François Merlet et Prosper de Barante (5). Ils ont su répondre au désir de paix qui animait à partir de 1800 en grande partie les survivants des massacres. Notre époque a tellement décrit les retours des enfers concentrationnaires du XXe siècle, que nous pouvons comprendre sans difficulté la réaction des Vendéens rescapés. Après Napoléon, ils vécurent le retour du roi dans le même esprit de paix. Ensuite il y eut d’une part les discours et d’autre part les actes, et au final une certaine déception des Vendéens à l’égard du pouvoir royal restauré.

Pour les discours on envoya des princes inaugurer des monuments et des statues, ils proclamèrent la reconnaissance du roi à l’égard des combattants vendéens. « Nommer ce département, c’est rappeler toutes les idées du courage, de la fidélité et de l’honneur », a dit Louis XVIII.

Pour les actes, il y eu la continuité administrative pour faire rentrer les impôts et obliger à rendre les armes. Mais pour les Vendéens leur vœu le plus cher était acquis depuis Napoléon : la paix et la liberté religieuse. Le roi n’apporta rien de plus qui ne se situe à un degré plus petit de la nécessité politique.

Pour cela, il y eut les décorations, la reconnaissance des grades pour les officiers, l’attribution d’emplois publics, l’indemnisation des émigrés, l’attribution d’aides à la reconstruction, la distribution de secours aux survivants dans la misère, soldats et veuves, etc.

C’est ce dernier volet de la politique des Bourbons qui a conduit à l’établissement de ces listes, sur proposition d’une commission. Il y en eut plusieurs depuis 1815 jusqu’en 1825, se complétant, comme on distribuerait sa reconnaissance au compte-goutte. Et en 1831 on trouve une liste récapitulative des pensionnés, avec l’éventuelle indication de leur inconduite politique. Après la Révolution de 1830, le nouveau pouvoir de Louis Philippe a surveillé son opposition, en effet. Celle-ci comprenait bien sûr les partisans de la branche aînée des Bourbons, dont certains pensionnés pouvaient faire partie.

On ne récompensa pas seulement les victimes de la Grand’Guerre (6) de 1793, mais aussi celles du soulèvement de 1815. Pour cette dernière on trouve plusieurs noms dans la liste ci-dessous pour Saint-André-Goule-d'Oie. Quand Napoléon, s’évadant de l’île d’Elbe, reconquit le pouvoir à Paris en 1815, des officiers originaires de Vendée lancèrent des ordres de soulèvement pour s’opposer à son retour. Par fidélité au roi, des paysans répondirent à cet appel des nobles contre « l’usurpateur ». On constitua quatre corps d’armée réunissant environ 16 000 hommes sur l’ancien territoire de la Vendée militaire. Les jeunes de Saint-André-Goule-d'Oie, dont on ne connaît pas le nombre, s’enrôlèrent avec l’ancien capitaine de paroisse, François Cougnon, dans le 2e corps d’armée, division de Mouchamps, apprend-t-on dans ces listes. Les divisions de ce corps couvraient tout l’Est vendéen et comprenaient chacune de 20 à 30 paroisses.

Charles Sapinaud de la Rairie
Le 2e corps était commandé par Charles Sapinaud de la Rairie (1760-1829), demeurant à la Gaubretière (château du Sourdis). Ce dernier avait commandé sous les ordres de Royrand en 1793, puis continué le combat au retour de la Virée de Galerne en 1794 et 1795. Il était pour cela connu des paroissiens de Saint-André-Goule-d'Oie. Ce mouvement ne saurait être confondu avec celui de 1793, ni par ses motivations ni par son organisation. Ce fut un échec militaire pour les Vendéens engagés. La défaite de Waterloo et la seconde abdication de Napoléon, au bout de cent jours, mit fin à ce soulèvement royaliste, pour lequel on a trouvé un mort seulement originaire de Saint-André-Goule-d'Oie à la bataille de l’Aiguillon. Il s’agit de Marie Jean Chapleau, 27 ans, cultivateur à la Mauvelonnière, époux de Françoise Godard, qui laissait 3 enfants (7).

Les demandeurs de pensions à Saint-André devaient se déplacer à la Roche-sur-Yon et présenter un dossier. La manière, avec ses contraintes administratives, n’a pas toujours été bien comprise, mais comment récompenser certains sacrifices sans un minimum de rigueur dans la procédure ? Les sommes distribuées, parfois modestes, ont constitué une aide précieuse dans bien des cas.

Ces diverses listes de pensionnés ne comprennent pas les mêmes informations sur les personnes citées. D’où l’hétérogénéité des renseignements recueillis. Nous avons ajouté les références des dossiers où on peut les retrouver, avec l'indication du numéro de vue (par internet) dans chaque fichier. Dans les archives militaires de Vincennes, il faut sélectionner dans Pensions et gratifications attribuées, puis dans tableaux par département, puis dans Vendée. Voici ces renseignements pour les vingt-sept personnes de Saint-André-Goule-d'Oie, présentées ici dans l’ordre alphabétique :

Marie Blandin, veuve de Pierre Renolleau, tué sur le champ de bataille à Saint-Colomban (Loire-Atlantique) le 29-1-1794 (8). Née le 7-9-1763, elle obtient un secours annuel de 50 F [SHD XU 33-5 (vue 19/22)] et est notée comme fileuse dans un état du 19-10-1831 [SHD XU 33-11 (vue 62/70)]. Elle était la fille de Louis Blandin et de Françoise Lardière, habitants de la Porcelière. Elle est décédée à la Bourolière à 71 ans le 29-12-1834.

Marie Bonnin, veuve de Piveteau, née le 18-5-1752, très méritant : 50 F de secours viager [SHD XU 33-10 (vue 6/13)]. Dans un état du 19-10-1831 [SHD XU 33-11 (vue 62/70)], elle est indiquée comme journalière, âgée alors de 63 ans. Elle était la fille de René Bonnin et de Jeanne Bordet.

Catherine Brisseau, née à Saint-André-Goule-d'Oie le 26 mars 1754, veuve de Jacques Piveteau, était bordière à Sainte-Florence avec 4 enfants. Elle obtint en 1820 un supplément de 50 F à la pension attribuée en 1815. Son mari, soldat, avait été tué à Sainte-Florence en janvier 1794 [SHD XU 39-7 (vue 2/6)].

Jeanne (Anne) Cailleteau, âgée de 56 ans dans un état du 19-10-1831 [SHD XU 33-11 (vue 63/70)], où elle est indiquée comme journalière. Elle était la veuve de René Parpaillon, frère de François qui obtiendra lui aussi un secours (voir plus loin). René et François Parpaillon étaient fils de Jean Parpaillon et de Jeanne Bonnin, habitants la Brossière. Jeanne Cailleteau touche une pension de veuve de 50 F. Son mari, René, était décédé en 1806 (9).

Louis Cailteau, 47 ans en 1816, mendiant, 3 enfants, soldat, blessé à Mortagne d’un coup de feu qui a traversé l’hypocondre gauche, estropié : pension de 100 F [SHD XU 33-2 (vue 28/59)]. 

François Chacun, né le 24-4-1770, cultivateur, soldat au 2e corps et division de Mouchamps. En 1793, on désignait les armées par la région d’où étaient issus les combattants. L’apparition des corps d’armée avec numéro est une initiative des chefs militaires du soulèvement de 1815, eux-mêmes à l’origine de ce soulèvement. Il obtient un complément de 50 F de pension à la pension déjà attribuée de 50 F. Il était fils de Jean Chacun et de Marie Cossais, habitants de la Brossière [SHD XU 33-3 (vue 16/26)], [SHD XU 33-5 (vue 10/22)] et [SHD XU 33-11 (vue 11/70)]. C’est sans doute lui dont parle l’abbé Charpentier dans son livre, indiquant qu’il a participé à 52 batailles (10). Ses parents s’étaient mariés à Saint-André le 1-7-1767 (vue 251). François Chacun y est né le 24-4-1770 (vue 4). Il s’est marié le 9-4-1799 à Mouchamps (vue 54) avec Renée Gaboriau. Il est décédé le 3-5-1852 à Saint-André (vue 173).

Jean François Coneau, né le 21-5-1763, obtient un secours viager de 100 F en 1828. Il était le fils de Jean Coneau et de Marie Gouin, habitants du bourg. Le prieur Musset et sa sœur ont été parrain et marraine à son baptême [SHD XU 33-7 (vue 5/13)]. En 1831 il habitait à Mesnard [SHD XU 33-11 (vue 12/70)].

Pierre Enfrin, né le 16-3-1791 est indiqué comme pensionné (25 F) dans un état du 3-11-1831 [SHD XU 33-12 (vue 6/10)]. Il a participé au soulèvement vendéen de 1815 contre le retour de Napoléon aux Cent-jours.

André Fonteneau, 67 ans en 1816, laboureur, 7 enfants, soldat, blessé à Chantonnay et Saint-Colombin, a reçu un coup de feu au genou et deux coups de sabre et un coup de feu à la main droite : attribution d’une gratification de 100 F. Il était né à la Bourolière de Jean Fonteneau et de Perrine Fonteneau le 1-12-1749 [SHD XU 33-1 (vue 43/80)]. 

Jean Fonteneau, 42 ans en 1816, laboureur, un enfant, soldat, blessé au Mans de 3 coups de baïonnette à la hanche et au ventre : attribution d’une gratification de 50 F. Il était né à la Bourolière le 28-5-1775, fils d’André Fonteneau et de Françoise Fournier [SHD XU 33-1 (vue 43/80)].

Henri Gautron, né le 3-2-1773, il était le fils de Pierre Gautron et de Louise Roger, habitants de la Brossière. Il obtient un secours viager de 100 F en 1828 et habitait alors à la Merlatière [SHD XU 33-7 (vue 7/13)].

Charles Guibreteau, 36 ans en 1816, charron, 2 enfants, volontaire, blessé aux Lucs d’un coup de feu sous l’aisselle gauche : attribution d’une gratification de 80 F. Il était fils de Joseph Guibreteau et de Jeanne Desfontaines à la Brossière. Charron dans ce village, il s’était marié en 1798 à Marie Anne Bonnin de Chavagnes. Il est mort à 80 ans le 8-12-1850 [SHD XU 33-1 (vue 43/80)]. 

de Suzannet commande 
les Vendéens à l’Aiguillon
Jean François Herbreteau, né le 27-6-1767, il est le frère du maire de Saint-André-Goule-d'Oie à partir de 1800, Simon Pierre, et de Jean, prêtre réfractaire. Il était né à Linières, fils de Jean Herbreteau et de Marie Bordron, et il est décédé le 7-8-1831 [état de 1831 : SHD XU 33-11 (vue 32/70)]. Dans un état de 1816 [SHD XU 33-1 (vue 43/80)], il est indiqué comme cultivateur, 5 enfants, sergent, blessé à Mortagne est borgne de l’œil gauche suite à un coup de feu, avec attribution d’une gratification de 60 F. Dans un autre état de 1825 il est indiqué soldat, avec une attribution de 100 F de secours annuels et viagers [SHD XU 33-4 (vue 5/11)]. Il s’était marié à Jeanne Loizeau et habitait à la Machicolière.

Jean François Herbreteau, cultivateur et sous-lieutenant au 2e corps d’armée, division de Mouchamps. Domicilié au Boisselin de Vendrennes au moment de la décision d’attribution de secours de 100 F, du 17-8-1818 [SHD XU 33-3 (vue 7/26)]. Il était né à la Guérinière (Chauché) le 21 décembre 1781, où habitaient ses parents, Jean Herbreteau et Jeanne Cougnon (registre de Saint-André, vue 123/249).

Jean Herbreteau, 41 ans en 1816, laboureur, 4 enfants, capitaine, blessé à Boulogne, a reçu 2 coups de feu à l’occiput et à la jambe droite : attribution d’une gratification de 100 F [SHD XU 33-1 (vue 43/80)]. 

Merland, 57 ans en 1831, touche une pension de 100 F. cultivateur [SHD XU 33-11 (vue 37/70)].

François Merle, 40 ans en 1816, journalier, 2 enfants, soldat, blessé à Luçon d’un coup de feu au visage : attribution d’une gratification de 80 F [SHD XU 33-1 (vue 43/80)].

François Métaireau, né le 5-6-1771, journalier et soldat au 2e corps et division de Mouchamps. Il obtient un complément de 50 F de pension à la pension déjà attribuée de 50 F en 1818 [SHD XU 33-3 (vue 16/26)] et [SHD XU 33-5 (vue 12/22)].
Dans un état du 19-10-1831, il a 64 ans, journalier et n’est pas mal noté politiquement [SHD XU 33-11 (vue 39/70)]. Il était fils de Jean Métaireau et de Catherine Robin, habitants de la Porcelière. Il est indiqué comme témoin de la mort de Mathurin Brisseau au siège d’Angers le 1-12-1793.

René Micheleau, tailleur, lieutenant au 2e corps, division de Mouchamps, né le 27-5-1771 : pension de 100 F [SHD XU 33-3 (vue 5/26)]. René Micheleau a donc participé au soulèvement de 1815. Fils de Louis Micheleau et de Françoise Caillaud, ses parents habitaient le bourg. Dans un état du 19-10-1831 il est noté comme laboureur et avec une conduite politique « mauvaise » [SHD XU 33-11 (vue 40/70)]. Il devait se répandre en imprécations contre le roi Louis Philippe probablement et a peut-être soutenu les jeunes gens qui se sont révoltés contre les nouvelles autorités en 1831. À cette époque une seule catégorie de militants politiques était tolérée, celle comprenant les soutiens du gouvernement en place.

Marie Millasseau, née le 15 septembre 1757, veuve de Jean Bretin, soldat tué à Pouzauges le 29 décembre 1794. Elle était journalière et sans moyen de subsistance, avec 2 enfants au moment de l’attribution en 1817 de 40 F de supplément à la pension attribuée en 1815 [SHD XU 39-9 (vue 9/10)].

Pierre Pacaud, 42 ans en 1816, cultivateur, 6 enfants, soldat, blessé à Villeneuve d’un coup de feu dans la jambe gauche : attribution d’une gratification de 60 F [SHD XU 33-1 (vue 43/80)]. Il était fils de Jean Pacaud et Madeleine Bossard et il est décédé à Treize-Septiers le 22-3-1839, après avoir exercé le métier de chaunier au Point Girouard. Les chauniers travaillaient la chaux que leur livraient les rouliers venant de la plaine. Il en existait un à Mesnard-la-Barotière (11). Elle était utilisée à cette époque pour passer les semences au lait de chaux, et comme désinfectant (12) (tombeaux et cercueils). L’utilisation en tant qu’engrais dans le bocage se fera quelques dizaines d’années plus tard, semble-t-il, quand les nouvelles routes permettront de transporter en plus grande quantité la chaux produite industriellement dans la région de Chantonnay.

François Parpaillon, né le 1-6-1754, obtient un secours viager de 100 F en 1828 et habite alors la Boissière [SHD XU 33-8 (vue 3/6)]. Il décédera à la Boissière-de-Montaigu le 12 décembre 1829. C’était le beau-frère de Jeanne Cailleteau (voir plus haut).

Jacques Pinet, né le 23-10-1776, soldat, maçon, 6 enfants, blessé au Mans d’un coup de feu au gros orteil droit : attribution d’une gratification de 50 F [SHD XU 33-1 (vue 43/80)]. Il recevra 100 F de secours annuels et viagers, avec jouissance à compter du 1-1-1825 [SHD XU 33-4 (vue 9/11)]. Sa date de naissance est alors indiquée le 23 novembre 1774. Dans un état du 19-10-1831 il est noté propriétaire avec des revenus de 300 F et n’est pas mal noté politiquement [SHD XU 33-11 (vue 49/70)]. Il était fils de Jean Pinet et de Jeanne Piveteau à la Bergeonnière. Il s’était marié à Rose Crépeau et habitait à la Bourolière.

Jacques Piveteau, né le 6 avril 1771 à Saint-André-Goule-d'Oie (baptisé à Chavagnes, selon le registre paroissial de Saint-André, (vue 16/249), soldat. Il obtint un secours de 100 F en 1825 et habitait alors à Saint-Fulgent [SHD XU 33-4 (vue 7/11)]. Il était fils de Jean Piveteau et Renée Soulard.

Jean Promognier, né le 15-5-1760, obtient un complément de 50 F de pension à la pension déjà attribuée de 50 F. Il était fils de Pierre Promognier et de Louise Micheneau, habitants de la Maigrière. Il habitait à Saint-Georges-de-Montaigu en 1825 [SHD XU 33-5 (vue 7/22)].

René Seiller, 42 ans en 1816, laboureur, 5 enfants, soldat, blessé à la Guérinière (St Vincent Sterlanges) d’un coup de feu au bras droit, estropié : pension de 60 F [SHD XU 33-2 (vue 28/59)].

Rose Trotin, née le 1e mars 1745, veuve de Louis Boisson, tué en mars ou novembre 1793. Propriétaire, elle est classée comme indigente avec un enfant en 1817 pour un supplément de pension de 40 F [SHD XU 39-9 (vue 9/10)]. Elle habitait alors Chavagnes-en-Paillers.

Ces personnes ont été sélectionnées pour leur mérite. Elles représentent, on le voit, un échantillon n’ayant rien à envier au peuple de Paris pour ce qui concerne son caractère « populaire ». Champ de manœuvre des révolutionnaires, le peuple a été bourreau d’un côté et victime de l’autre, quand il n’a pas été absent ou tenu à distance !

Une information intéressante qui nous est révélée, au-delà des souffrances de ces destins individuels, ce sont les combats auxquels ils ont participé. Cette liste nous confirme ce que nous savions déjà : les jeunes de Saint-André, emmenés par leur premier capitaine de paroisse, Christophe Cougnon (habitant la Guérinière de Chauché), ont fait partie des premières troupes de l’armée du Centre commandée par le général de Royrand (habitant Chavagnes-en-Paillers). Elle a remporté la première bataille des Vendéens contre les troupes de ligne du général Marcé le 19 mars 1793 au village de la Guérinière. Cette bataille est aussi dite de Gravereau, près de Saint-Vincent-Sterlanges, où une plaque commémorative a été apposée. Cette même armée a combattu à Chantonnay tout de suite après, et à Luçon un peu plus tard.

Et puis  certains des combattants ont suivi le général de Royrand dans la Virée de Galerne, après la bataille de Mortagne, échappant notamment aux massacres du Mans (comme la vicomtesse de Linières). Le registre clandestin du prieur Allain indique deux morts dans cette virée, dont Mathurin Brisseau (Brossière) au siège d’Angers le 1e décembre 1793. Il indique aussi le baptême du petit Jean Louis Paquier à Saint Benoît en Normandie, né « en suivant l’armée des insurgés ».

Cette liste nous apporte, de plus, une information peu connue sur la participation des combattants de Saint-André-Goule-d'Oie dans la division de Sapinaud de la Rairie en 1794 et 1795. Au retour de la Virée de Galerne, celui-ci continua la lutte à la tête de ce qui restait de l’ancienne armée du Centre, en remplacement du général de Royrand mort en décembre 1793. Un de ses fidèles officiers était Jean Aimé de Vaugiraud, de Saint-André-Goule-d'Oie. Il s’allia à Charette à diverses occasions. C’est ainsi qu’il participa le 10 février 1794 à la bataille de Saint-Colombin, où périrent 400 hommes côté vendéen (13). Parmi eux, Pierre Renolleau de Saint-André-Goule-d'Oie.

Sur le deuxième registre clandestin du prieur Allain, on relève des morts aux combats de Montaigu, des Brouzils et de Pouzauges. Ainsi à la date du 15 janvier 1794, Jacques Drapeau, sabotier au bourg de Saint-André, « a été tué au combat des Brouzils et est resté sur le champ de bataille ». Puis il précise que « …a été témoin de sa mort par les républicains Pierre Herbreteau maréchal dans le bourg, Jacques Godard et Pierre Mandin, ainsi que Jean et François Herbreteau, tous ses voisins ». Pierre Herbreteau, gendre du nouveau régisseur de Linières sera maire de Saint-André de 1800 à 1825. Jacques Godard, 32 ans, est métayer au village de la Mauvelonnière, marié à Marie Chaigneau, originaire de la Boninière. Les autres nous sont inconnus (Pierre Mandin) ou incertains (Jean et François peuvent être les frères, 27 et 22 ans, de Pierre Herbretau).

C’est dans les documents papiers des Archives de Vendée qu’on trouve trois noms complétant la liste ci-dessus et concernant des destins distingués ensuite par les autorités et à leur suite par certains historiens, trois capitaines : François Cougnon du Coudray, Pierre François Mandin de la Bergeonnière, et Pierre Maindron, originaire de la Rabatelière, un temps maire de Chauché, et qui termina ses jours à Linières à l’âge de 84 ans.

David d'Angers : Le pardon de Bonchamps
À ces 27 pensionnés, on peut ajouter le nom de 22 autres combattants natifs de Saint-André-Goule-d’Oie, recomman-dés pour leurs mérites, tous blessés, par une commission cantonale en 1815, mais qui ne furent pas retenu dans les décisions de pensions (14). Encore ne comprend-t-elle pas François Fluzeau, de la Brossière, capitaine, qui fut distingué, lui, d’une décoration du Lys au 1e janvier de cette-là. Et dans cette liste des 22 non retenus, on remarque un capitaine inconnu, Pierre David, et un sergent-major, Pierre Paul Renolleau, qui fut emprisonné.

Ajoutons enfin une autre liste : les 55 personnes tuées dans les combats ou civils massacrés, qu’on a pu repérer dans diverses archives. 

Il faut aussi interroger les archives sur les destructions matérielles. On dispose pour cela d’un tableau des maisons incendiées pendant les troubles de la Vendée dans la commune de Saint-André-Goule-d'Oie (15). Réalisé en janvier 1810, et signé du maire de la commune en vue d’une demande d’indemnisation, il répertorie 53 maisons au total, incendiées en 1794. 16 ans plus tard, 19 d’entre elles n’ont pas été reconstruites ou retapées, faute de moyens, précise le tableau à chaque fois. Dans ce chiffre de 19 maisons abandonnées, 6 d’entre elles avaient une valeur avant l’incendie inférieure à 20 F. C’était donc des masures. Mais le reste donne un indice sur la dépopulation de la commune. 34 maisons ont donc fait l’objet de travaux de remise en état, de manière progressive avec 3 maisons seulement à partir de 1796. Jusqu’en 1798 on n’en compte que 10 au total. En 1799 les travaux reprirent vraiment, concernant 10 maisons, puis 9 maisons de 1800 à 1802 et 5 maisons de 1803 à 1806.

Les maisons incendiées de valeur importante, supérieure à 2 000 F, au nombre de 3, ont fait l’objet de rafistolage, et en 1810 elles avaient perdu au moins 95 % de leur valeur d’avant l’incendie. Parmi elles on compte le logis de Jean de Vaugiraud dans le bourg. À l’inverse, seulement 3 masures, dont la valeur avant l’incendie était inférieure à 20 F, ont été retapées.

Il reste 28 maisons qui ont été reconstruites en partie ou rafistolées, pour lesquelles le tableau donne la valeur après les travaux, ce qui permet de voir les coûts des travaux et de ce qui reste à entreprendre. Ces 28 maisons ont des valeurs d’avant les incendies allant de 20 F à 300 F, avec une moyenne de 58 F seulement, ce qui est peu et parait révélateur d’une certaine pauvreté générale. Aux extrêmes des pertes, on a 6 maisons n’ayant perdu que moins du tiers de leur valeur après travaux, et 2 plus des deux tiers. Les autres ont perdu entre un tiers et les deux tiers de leur valeur après reconstruction.

Au vu des noms des propriétaires on repère des incendies dans le Bourg, à la Brossière et à la Boutinière. Il faudrait connaître les demeures de toutes les victimes citées, ce qui n’est pas facile à faire à Saint-André, pour repérer le parcours des incendiaires. 

On a pu vérifier que ce tableau n’est pas complet, et il ne tient pas compte des dégâts peu importants, non plus que des destructions de bâtiments d’exploitations agricoles. La période indiquée des incendies, systématiquement l’année 1794, laisse un doute, d’autant que le tableau a été établi 16 années après l’évènement. Les dégâts ont pu être moins graves qu’on pourrait le craindre, car les colonnes militaires ont opéré en hiver, saison peu propice au feu. Un témoin de Chavagnes indiquait quelques dizaines d’années après la guerre de Vendée, puisant dans ses souvenirs, que généralement les troupes incendiaires restaient peu de temps au même endroit, et qu’on put assez souvent éteindre l’incendie. On comprend la hâte des républicains, les feux se voyaient de loin, et ceux qui les allumaient pouvait craindre à tout instant de voir fondre sur eux une troupe furieuse armée de fusils, parfois conduite par le redoutable Charette (16).

Comprendre le massacre


L’après-coup de l’évènement se prolonge deux siècles après, malgré, ou plutôt à cause de l’oubli, voire du déni, dans lequel l’entretient le discours national dominant, sinon officiel. Il reste à comprendre ces chiffres. La simple énumération des faits sur les mises à mort laisse incrédule. Les colonnes infernales font aussi penser aux policiers allemands qui massacrèrent les juifs dans les villages de Pologne (1939-1945). Ils liquidèrent sans inhibition, même s’ils n’étaient pas enclins spontanément à tuer, prétendant n’avoir pas le choix de désobéir. La discipline militaire, l’endoctrinement, l’effet de groupe et l’alcool y ont fait leur œuvre comme en Vendée (17).

Le rapprochement des colonnes infernales avec les massacres et génocides des totalitarismes du 20e siècle, nazisme, stalinisme, est une tentation que nous pensons devoir écarter suivant les travaux d’Hannah Arendt (18). Le phénomène totalitaire a été totalement nouveau dans l’Histoire. Pourtant le nombre de morts incite à cette assimilation, et qu’importe les moyens archaïques employés en 1794. L’idéologie a régné dans tous les cas, enfermant la liberté inhérente à la faculté humaine de penser dans une sorte de camisole de la logique s’émancipant de la réalité. Mais deux éléments sont spécifiquement totalitaires : la prétention à tout expliquer et l’affranchissement de toute expérience humaine. Dans les crimes des régimes totalitaires, la psyché des victimes était détruite sans que l’homme soit physiquement détruit. Et les camps de concentration ont coupé du monde des vivants autant que la mort, car le meurtre était impersonnel. À cet égard les massacres des colonnes infernales apparaissent différents, plus comme des barbaries furieuses des temps plus anciens. Qu’on se rappelle, au hasard, les destructions dans le Palatinat par les troupes de Louis XIV ou les décapitations en Anatolie par l’ottoman Selim le terrible (1466-1520). De plus, dans les totalitarismes modernes le pouvoir était accaparé par une police secrète autrement plus terrible que la loi des suspects et les commissions militaires de la Convention. En définitive, Robespierre s’est autorisé des moyens injustifiables pour une fin mal définie. Alors que les idéologies nazies et communistes ne sont pas des opinions mais des systèmes de pensées autrement mieux construits, affirmant détenir la connaissance profonde des lois universelles censées gouverner la nature et l’homme. Le totalitarisme ne tend pas au despotisme, mais à un système dans lequel les hommes sont superflus. Les révolutionnaires français ont inventé en marchant.

    Mais ils ont montré un exemple qui a été étudié par les acteurs à venir des révolutions communistes. Lénine a fait référence aux luttes entre les Montagnards et les Girondins comme d’une évidence dans l’analyse du mouvement révolutionnaire (19). Les violences révolutionnaires possèdent quelques caractéristiques communes, notamment propagande envahissante, déshumanisation de l’ennemi, désignation de boucs émissaires, théorie de l’omelette. Pour minimiser et banaliser les violences en effet, l’habitude est de ressortir la vieille formule : « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». L’argument masque une question de fond. Tant dans la Révolution Française que dans la Révolution Communiste de 1917, on a subordonné les droits de l’individu à un intérêt général proclamé, et une fois que vous ne tenez plus compte des droits de l’individu, il devient facile de ne plus tenir compte de la souffrance humaine, même à grande échelle. 

Enfin, nazisme et stalinisme sont différents de la guerre de Vendée, où les victimes ont parfois donné leur pardon. C’est un fait avéré pendant toute l’année 1793 avec les libérations de prisonniers, notamment après la prise d'Argenton le 30 avril, la prise de Thouars le 5 mai, la prise de Fontenay-le-Comte le 27 mai. C’est l’armée des Angevins et Bressuirais avant tout qui s’illustra ainsi. À Fontenay huit chefs royalistes signèrent même une lettre d’autant plus improbable qu’on massacrait dans le camp d’en face. On y lit entre autres : « Nos sentiments purs et religieux nous commandent impérieusement de remplacer les crimes que la Révolution fait commettre par autant d'actes de vertu ». Après la guerre, les historiens catholiques ont érigé en mythe le pardon de Bonchamps du 18 octobre 1793. Ce fut au point de donner parfois une image déformée de la réalité de cette guerre civile. Mais il s’insère malgré tout dans la série des faits de coexistence pacifique relevés çà et là après les combats entre ennemis d’hier dans la même paroisse. Dans des itinéraires personnels, le dialogue avec l’au-delà et la prise en compte de la mort dans l’intimité des âmes, par le moyen de la religion en Vendée, a sans doute aidé les rescapés à trouver dans le pardon une manière de se libérer des effets de leur douleur.  

Il en résulte que la guerre de Vendée garde encore sa fraîcheur pour la recherche historique, quand on songe que la première thèse de doctorat soutenue dans l’Université sur ce sujet ne l’a été qu’en janvier 1977 à Toulouse-Le Mirail : Blancs et Bleus d’Anjou (1789-1793), par Claude Petitfrère (20). L’historien Alain Gérard a vérifié des faits et renouvelé la compréhension de cette guerre de Vendée à partir des années 1990, notamment dans son livre édité en 1999 (Fayard) : « Par principe d’humanité … » La terreur en Vendée ". Il vient de publier en ce printemps 2013 un nouveau livre : « Vendée, les archives de l’extermination » (Centre vendéen de recherches historiques).


(1) Jacques Hussenet, Détruisez la Vendée, Éditions du Centre Vendéen de Recherches Historiques (2007), page 605.
(2) Jean Artarit, Fontenay-le-Comte sous la Révolution, Éditions du CVRH, 2014, page 195.
(3) Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Tome II, Fayard, 2006, chapitre 7.
(4) A. de Guerry, Les Chavagnais tués pendant la Révolution, dans Recherches Vendéennes no 25, 2020, page 67 et s.
(5) T. Heckmann, Napoléon et la paix, Éditions d’Orbestier et Société d’Émulation de la Vendée (2004).
(6) Nom donné par les Vendéens après coup aux combats de 1793/1796.
(7) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-1, victimes au combat de l’Aiguillon du 19 mai 1815.
(8) Saint-Colombin est devenue Saint-Colomban en 1792.
(9) Denis Parpaillon, courriel du 7 avril 2013.
(10) F. Charpentier, Chez nous en 1793, Saint-André-Goule-d'Oie, récits d'un vieux Vendéen (Gallica.fr).
(11) Archives de Vendée, étude de notaire de Saint-Fulgent, Frappier Rigournière : 3 E 30/13, bail de la Tricherie du 11-9-1791. Voir aussi : Archives de Vendée, bibliothèque numérisée, bibliothèque du comte de Chabot, historiographie, biographies : BR 118, vue 12.
(12) M. Maupilier, Saint-Fulgent sur la route royale …, Hérault Editions (1989), page 61.
(13) G. Lenôtre, Monsieur de Charette, Hachette (1924), page 122.
(14) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 106-1, victimes de la Révolution, contrôles nominatifs pour Saint-André.
(15) Archives de la Vendée, destructions immobilières pendant la guerre de Vendée : 1 M 392, commune de Saint-André-Goule-d'Oie.
(16) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 46-2, les débuts de l’insurrection et l’année 1793.
(17) Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanité, Banalité du mal, banalité du bien, La Découverte M.A.U.S.S, 2005.
(18) Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, chapitres 12 et 13 et article complémentaire sur Les techniques de la science sociale et l’étude des camps de concentration, Quarto Gallimard, 2002. Voir aussi sur les camps de concentration : David Rousset, Les jours de notre mort, 1947.
(19) Lénine, Que faire ? Les questions brûlantes de notre mouvement, 1902, éditions Dietz à Stuttgart. Imprimé par les éditions du Progrès à Moscou et Éditions Sociales à Paris, 1979, pages 21 et 22. 
(19) J. Hussenet, Détruisez la Vendée, Éditions du Centre Vendéen de Recherches Historiques, (2007), page 93.

Emmanuel François, tous droits réservés
Février 2013 et complété en septembre 2023

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jeudi 3 janvier 2013

La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle

Origine et définition de la fabrique


Dans les débuts de l’Église, le mot fabrique désignait la masse des biens affectés à la construction et à l’entretien d’une église. Puis le sens a évolué pour désigner une fonction créée pour décharger les curés d'une administration parfois critiquable et d'une responsabilité quelque fois lourde, et à laquelle on n'était pas fâché de substituer celle des laïcs (1). Au 9e siècle on commença à donner aux officiers de l’église, des laïcs, le nom de fabriqueur (ou marguillier, luminier). Ils étaient chargés de l’aide aux pauvres et aussi de participer à l’administration des revenus et dîmes destinés aux constructions et aux réparations d'églises.

Le Titien : Le concile de Trente
Puis le concile de Trente (1545-1563), a défini la fabrique comme l'ensemble des biens d'une église, et aussi l'organisme qui la représente et qui doit pourvoir à l'exercice du culte. Il décida que la fabrique demeurait un organisme chargé d'assurer l'administration des biens d'une église, en prêtant son concours, à cette fin, à celui qui en était le recteur ou curé. À sa suite, le statut des fabriques fut fixé par des lois civiles en France. La fabrique devint ainsi une personne morale autonome (1).

L'édit de Melun en 1580, précise que l'administration et l'inventaire des fabriques seraient fait par des fabriqueurs. L'édit de Louis XIII en 1610 oblige à utiliser tous les revenus des fabriques pour les fins auxquelles ils sont destinés et les fabriqueurs doivent en rendre compte à l'évêque. On a aussi l'ordonnance de 1629 sur l'entretien des églises, l'édit de 1680 réglant l'emploi des revenus des fabriques et la forme des inventaires de leurs biens, les lettres patentes de 1732 sur les réparations des églises et maisons presbytérales, etc. (1)

Une documentation ne remontant qu’au 18e siècle à Saint-André-Goule-d’Oie


À Saint-André-Goule-d'Oie, le premier document trouvé indiquant la présence d’un fabriqueur est le registre paroissial. Ce mot de fabriqueur n’était pas le seul employé dans le Bas-Poitou, puisqu’à Mesnard-la-Barotière on employait le mot de marguiller (2). À Saint-Fulgent on employait plus fréquemment le mot de fabrice.

Ainsi François Aulneau, 34 ans et demeurant à la Brossière, est noté fabriqueur sur le registre paroissial de St André le 2 octobre 1744, jour de son inhumation. Il a été remplacé par Pierre Piveteau, noté lui aussi comme fabriqueur le 27 avril 1748, jour du baptême de sa fille Marie. La même annotation est écrite sur le registre paroissial le 8 mars 1749, jour de l’inhumation de son épouse Jeanne Piveteau. Il habitait la ferme des Noues, appartenant au domaine de Linières, avec son père Mathurin et son frère Jean.

Apparemment la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie était administrée par un seul homme, alors que dans les villes surtout elle l’était par un conseil de plusieurs membres. Le notaire de Saint-Fulgent dressait un acte officiel de sa nomination. Dans ses papiers conservés aux Archives de la Roche-sur-Yon, on trouve le procès-verbal de l’élection à la fonction de fabriqueur de Louis Loizeau fils, le 12 septembre 1784, par l’assemblée des habitants de la paroisse réunie devant la porte de l'église à l'issue de la grand-messe (3).

On y apprend que Jean Bordron (1716-1790)  a provoqué cette élection, étant lui-même fabriqueur en charge de la paroisse depuis plus de 20 ans. Âgé de 68 ans à cette date, il était maréchal serrurier dans le bourg. Il était aussi fermier des métairies des Bouligneaux (Saint-Martin-des-Noyers) et du Bourg de Saint-André, et c’est son fils François qui le remplacera dans cette activité (4). Ils sous-affermaient ensuite les exploitations. Son fils et son petit-fils seront maires de la commune plus tard.

Comme justification à son retrait il aurait pu invoquer son âge, mais il choisit de rappeler que « le temps fixé par les ordonnances étant plus qu’expiré, il est juste et nécessaire que soit nommé et élu son remplaçant. » Il semble que la durée légale du mandat était de deux ans, mais elle n’a pas été respectée à Saint-André. C’est que, si en théorie l’élu n’avait pas le droit de refuser le poste auquel il était désigné, les responsabilités impliquées exigeaient de s’assurer de son accord préalable. Pour convaincre que sa décision de retrait était irrévocable, Jean Bordron précise « qu’il n’est plus en charge de l’administration des revenus de la fabrique, ayant rendu ses comptes il y a peu de jours. »

Le fabriqueur était responsable de l'entretien de l'église, de son aération et de sa décoration ; il avait la garde du mobilier qu'il devait conserver en bon état : linges, nappes d'autel, aubes, surplis, bonnet carré de monsieur le curé, croix, aspersoir, burettes, ornements sacerdotaux. Il administrait les fonds, percevait les revenus, acquittait toutes les charges du culte dont il devait respecter les usages (la distribution de pain bénit, la sonnerie des cloches, l’occupation des bancs, chapelles, l’autorisation des quêtes).

Alors non seulement l’élu devait accepter cette charge avec bonne volonté, mais il devait être un bon chrétien de bonne vie et mœurs, savoir lire, écrire, et capable de tenir des comptes. Selon l’acte notarié du 12 septembre 1784, le fabriqueur s’engageait à « tenir des états et mémoires exacts des recettes et dépenses qu’il fera pendant que durera sa charge et pour être responsable de l’église et de la fabrique, et enfin pour rendre chaque année ses comptes, toutes les fois et quand il en sera requis soit devant messieurs les officiers de justice, monseigneur l’évêque, ou son commissaire ». D’ailleurs Jean Bordron a, le jour de l’élection de son successeur, devant les habitants assemblés, « donné lecture du compte qu’il a rendu le 25 août dernier devant le sieur Gilbert, curé de la Rabatelière, commissaire en cette partie de monseigneur l’évêque de Luçon ».

La désignation du fabriqueur à Saint-André


À Saint-André, on a vu un artisan en vue occuper le poste, mais aussi un jeune métayer. Et la fonction était bien distincte de celle de syndic de la paroisse, l’ancêtre du maire. Nous ne savons pas avec précision comment les habitants de la paroisse désignaient l’élu. La pratique du suffrage électoral, dans le sens moderne de chaque voix égale à chacune des autres, ne semble pas avoir été en usage dans ce type d’assemblée, où des voix semblaient compter plus que d’autres pour dégager la décision à prendre. L’acte notarié écrit, suivant la formule d’usage : « ils ont tous d’une voix unanime, après avoir entre eux mûrement réfléchi et délibéré, nommé et élu pour fabriqueur de l’église et paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie … ». L’élection du fabriqueur s’est faite de la même manière que toutes les décisions des assemblées paroissiales à Saint-André-Goule-d'Oie, par ailleurs identique à celles pratiquées dans les environs. L’assemblée réunissait les chefs de famille car on y traitait des questions d’impôts paroissiaux souvent, le syndic ou le prieur paraissant mener les débats suivant l’ordre du jour. Le 12 septembre 1784, c’est apparemment le fabriqueur sortant qui mène le débat avec le syndic et le prieur. Ces derniers sont très probablement à l’origine du choix du successeur proposé à l’élection : Louis Loizeau fils, laboureur (5), et demeurant au village du Coudray Loriau (6), « comme convenable et capable pour exercer fidèlement ladite charge pendant le temps fixé par les ordonnances, édits et déclarations de sa majesté ». Il est le fils de Louis René Loizeau, bordier au Coudray, et marié à Marie Anne Godard (7). Il a deux oncles, Mathurin et Pierre Loizeau. Ce dernier étant à cette époque en communauté de métayers à la Mauvelonnière (domaine de Linières), avec son beau-frère Pierre Godard (8). C’est aussi le frère de Jeanne Loizeau, qui se mariera en 1790 avec François Cougnon, le futur capitaine de paroisse.


Les rôles de l’assemblée des habitants, du fabriqueur et du curé


La rétribution du fabriqueur nous est inconnue, mais l’acte notarié de l’élection indique que « pendant que durera ladite charge, Loizeau jouira des droits, honneurs, privilèges et exemptions qui y sont attachés ». 

Au cours de l’assemblée des habitants, Jean Bordron « a compté présentement en espèces d’argent et monnaie la somme de six cent quatre-vingt-dix-sept livres huit sols (9) formant le reliquat du compte de la fabrique » remis à Loizeau son successeur. « Loizeau promet d’en rendre compte à l’avenir lorsqu’il en sera requis, avec les recettes qu’il fera et les dépenses qu’il justifiera, le tout en se conformant à ce qui lui est permis par les ordonnances royales, Bordron ayant au surplus déclaré n’avoir aucun titre ni autre papier concernant l’église et fabrique de ce lieu ».

Nous savons qu’il tenait un registre où il reportait les entrées et sorties d’argent par dates. Par ailleurs la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens (terres affermées, rentes, etc.), et les biens du prieuré (rente, métairie de Fondion, borderie du bourg) étaient distincts et n’entraient pas dans sa gouvernance (10). Ses ressources provenaient des oblations, c'est à dire du casuel (cérémonies au cas par cas), des quêtes ou offrandes, location de bancs, utilisation des cloches tentures et ornements.

Une particularité est à relever sur l’église de Saint-André à la fin du 18e siècle : elle était petite. Elle avait une surface totale de 230 m2, dont 185 m2 seulement pour les fidèles, une fois déduits le chœur, les petits autels et les fonds baptismaux. Sa dimension trop réduite a constitué le motif principal pour en construire une nouvelle un siècle plus tard (11). Les fidèles devaient s’y tenir debout et les bancs y étaient rares.

En 1737, le propriétaire du fief du Coudray, Louis Corbier, sieur de Beauvais, voulant avoir son banc dans l’église devant l’autel de Saint Pierre, dû payer une rente annuelle de 15 sols à la fabrique. Et pour l’obtenir, il fallut la décision de l’assemblée des habitants de la paroisse, le 24 mars 1737. On rencontre la même procédure à Boulogne en 1776, où un banc a été adjugé pour 9 livres par an (12). Celle-ci concernait aussi d’autres personnes, non désignées dans le document conservé, et l’emprise au sol était de six pieds de longs sur quatre de large (13). Normalement le patron fondateur de l’église avait droit à son banc sans le payer. Les premiers seigneurs de Linières avaient leurs armes gravées dans le chœur de l'église, signe d'une position privilégiée. Mais ils n'avaient pas le statut de patron fondateur, que lui a disputé au 17e siècle le seigneur de la Boutarlière (14). 

Le cimetière appartenait à l’église le plus souvent, mais à Saint-André nous n’avons pas d’informations le concernant à la fin du 18e siècle. Un édit d'avril 1695 édictait que les habitants des paroisses étaient tenus d'entretenir et de réparer la clôture du cimetière qui devait être béni et clos. Le respect de cette obligation devait entrer sans doute dans les attributions du fabriqueur.

Au moins à cause de cette participation financière, l'église était considérée comme appartenant à tous, les habitants s’y sentaient chez eux, et c’est naturellement sous son toit qu'avaient lieu les réunions de la communauté paroissiale. On en déduit que sa confiscation en 1791 par les révolutionnaires a dû révolté les habitants de Saint-André-Goule-d'Oie. À Saint-André, les réunions se tenaient sous le ballet, sorte de préau construit à l’entrée de l’église et adossé à elle, « suivant la convocation qui lui a été faite au son de la cloche à la manière accoutumée », indiquent les actes notariaux.

Le curé était le chef spirituel de la paroisse et les paroissiens lui devaient le logis (le presbytère) et les meubles, la dîme, le boisselage (impôts payés à l'Église), et le casuel (offrandes à l'occasion de certaines cérémonies, et donc versées au cas par cas, d'où son nom). Mais la principale charge des fabriques était l'entretien de l’église. Il n’entrait pas dans le rôle du fabriqueur de décider des grosses réparations. Ce type de décision était partagé avec le curé et les habitants. C’est ce que nous confirme l’acte d’assemblée des habitants de Saint-André-Goule-d'Oie du 8 décembre 1784 (15). Un arrêt du parlement de Paris concernant le Poitou fixera en 1786 à 30 livres le montant des travaux d’entretien ordinaire que pouvait décider seul le fabriqueur. Au-delà il devait avoir l’assentiment de l’assemblée des habitants. L’arrêt n’a fait que préciser une règle déjà en vigueur (16).

L’assemblée des habitants en 1784


Nommé prieur curé de Saint-André-Goule-d'Oie depuis un an (17), Louis Marie Joseph Allain, avait probablement favorisé le changement de fabriqueur en septembre dernier. Maintenant il présentait aux habitants, en ce mois de décembre, deux projets : réparer l’église et bâtir un grenier au presbytère. Il avait préparé le terrain avant l’assemblée qui devait les entériner. Il leur en a « plusieurs fois fait part, leurs sentiments lui avaient paru conforme aux siens et ils désiraient autant que de vrais chrétiens le doivent, que leur église fut décorée de manière décente et telle que l’exige le culte de dieu et les ordonnances des prélats ».

Probablement que l’effondrement cette année-là d’une partie de la charpente de l’église de Sainte-Cécile, une paroisse voisine, lui avait donné à réfléchir. En tombant elle écrasa deux autels et la chaire (18). À Saint-André, il s’agissait concrètement de réparer la charpente et les boiseries des autels.

Déjà en 1764 on avait fait recarreler le sol de l’église. En 1780, on avait fait refondre la petite cloche, en place depuis 1721, par un fondeur de Nantes, pour obtenir une plus grosse cloche pesant le double. L’opération, qui avait coûté plus de 1060 livres, avait été décidée contre l’avis du prieur, par l’assemblée des paroissiens. Cette année-là, « Mme du Chaffault (belle-mère du seigneur de Linières) fit présent à l’église de l’ornement violet qui a une croix du roi de Sicile et une dentelle d’argent » (19).

Le curé a bien préparé son projet, et il propose à l’assemblée « d’abattre des arbres se trouvant sur les domaines dépendant de son prieuré, pour fournir aux réparations, ou d’en faire la vente pour les payer ». S’agissant d’user des biens du prieuré, les habitants n’avaient pas leur mot à dire, et le curé rappelle à cette occasion qu’il n’y a  « aucun revenu à leur fabrique ». Mais s’agissant de réparer l’église, les habitants devaient en décider. Le curé tient le discours suivant, reproduit dans l’acte notarié : « pour qu’à son avis, le lieu saint soit proprement tenu et convenablement décoré, et en même temps soulager autant qu’il est possible les habitants en cette dépense, il est prêt à accepter et approuver ce que fera celui d’entre eux que les habitants voudront nommer pour faire toutes les démarches nécessaires à l’exécution des réparations et obtenir la permission de faire abattre les arbres futaie qui sont sur les domaines du prieuré au nombre de 50 au plus, les habitants lui en laissant la charge et le soin, qu’il prendra très volontiers, pour d’autant plus leur faire partager son désir de participer aux réparations et décorations indispensables ». Et dans l’acte on lit que « après avoir entre eux (les habitants assemblés) mûrement réfléchi et délibéré sur la proposition ci-dessus, dont le sieur prieur leur avait auparavant déjà fait part, ont unanimement déclaré approuver son projet … et le prient de s’en occuper, en conséquence les habitants lui donnent tous pouvoirs nécessaire à cet égard, persuadés qu’il fera toujours pour le mieux comme il a fait jusqu’à présent, promettent d’approuver tout ce qu’il fera au sujet du projet indiqué ci-dessus, comme tout ce qu’il a fait, géré et administré jusqu’à présent avec leur consentement ».

À cet égard on note la présence dans l’assemblée de Simon Charles Guyet, l’actif gestionnaire de biens fonciers de toutes sortes affermés dans la région. Il est aussi maître de poste à Saint-Fulgent et père de Joseph, le futur 2e mari de la future châtelaine de Linières. C’est à titre d’expert qu’il est présent, en lien avec le curé apparemment. N’avait-il pas été nommé l’un des trois experts par décision de justice à Nantes pour faire les partages de la succession des domaines du seigneur de la Rabatelière en 1779 entre ses 6 héritiers ? (20). Les deux autres experts étaient notaires et arpenteurs, lui apportait son expérience de priseur pour estimer les biens. Le procès-verbal d’assemblée rappelle en particulier qu’il fallait obtenir la permission préalable du Conseil d’Etat du roi préparée par l’administration des Eaux-et-Forêts pour abattre des arbres futaies, c'est-à-dire ceux qui n’étaient pas ébranchés. Il s’agissait là d’une survivance du droit de gruerie reconnu au roi, et précisé dans la dernière ordonnance les Eaux et Forêts en 1669. C’est que pour les besoins en bois des chantiers navals, l’État s’assurait ainsi d’un approvisionnement suffisant. On a l’exemple en 1765 de l’autorisation royale au prieur de Sainte-Cécile de couper 13 chênes épars sur les haies et buissons de la métairie de la Caunais pour l’entretien de ses bâtiments dépendant du prieuré (21). Et Simon Guyet avait ses entrées partout dans la contrée, chez des seigneurs importants, dans les administrations et au chapitre de Luçon. On le soupçonne même d’avoir plusieurs fois obtenu des adjudications de coupes de bois où est nommé à chaque fois un Guyet, mais sans être certain que ce soit lui, à Saint-André, à Vendrennes, aux Essarts (22). 

Le deuxième projet présenté aux habitants par le prieur concernait son presbytère, et la décision relevait bien de l’assemblée réunie. Le prieur indique qu’il manque un grenier pour stocker ses blés. Avec une métairie, une borderie et des rentes payées en divers blé, ce stockage était nécessaire. D’autant qu’on y pratiquait aussi le droit de boisselage, représentant 54 % des revenus de la cure en 1770 (23). C’était une contribution en grains payée par les paroissiens, en plus de la dîme, à Saint-André. Là aussi le prieur avait une proposition intéressante à faire pour éviter de taxer les paroissiens : vendre des terres du jardin de son prieuré, car il y en avait beaucoup. Alors « ils consentent également que le sieur Allain prieur vende à telle personne et à tel prix qu’il jugera à propos, la surface de terrain de son jardin qu’il lui plaira, sans cependant le dévaloriser, pour employer le montant obtenu à la construction d’un grenier et autres réparations urgentes et nécessaires du prieuré qui seraient à leur charge autrement, bien entendu que si le prix de la vente des dites terres  ne suffit pas, le sieur prieur suppléera au surplus sans qu’il en coûte rien aux habitants ».

On retrouve cette implication des paroissiens pour faire des travaux dans le presbytère aussi à Saint-Fulgent en 1789. L’ancien curé Gilbert l’avait laissé dans un état détérioré faute d’entretien. Le nouveau curé Limouzin fit alors faire un état des lieux en présence des héritières de son prédécesseur et de représentants de la paroisse. Le procès-verbal de visite donne une idée intéressante et assez précise du mode de vie et du standing du curé de Saint-Fulgent à cette époque. Le devis des réparations se montaient à 758 livres. C’est l’assemblée des habitants de la paroisse de Saint-Fulgent qui décida que les héritières donneraient au curé Limouzin ce montant, à la charge à ce dernier de faire exécuter tous les travaux prévus dans un délai de 2 ans, pour lesquels il devait obtenir les quittances de chaque artisan (24). Cette décision mettait en application la règle voulant que les grosses réparations des presbytères fussent à la charge des paroissiens, alors que l’entretien locatif était à la charge du curé, ou de ses successeurs, ou de ses héritiers.

Il avait bien de la chance le prieur de Saint-André-Goule-d'Oie de pouvoir ainsi en 1784 disposer de quelques biens du prieuré pour entreprendre des améliorations. Le curé de Chauché n’avait pas cette chance, à moins qu’il n’ait pas su s’y prendre dans la même voie. Dans un acte d’assemblée des paroissiens de Chauché du 11 octobre 1789 (la dernière semble-t-il), on lit l’urgence de réaliser des travaux de réfection au presbytère pour un montant de 910 livres et la mauvaise volonté mise par certains habitants pour s’y résoudre (25). Et c’est le syndic Auvinet qui prit l’initiative en ce domaine.

À cette occasion on remarque que le châtelain de Linières faisait partie de ceux des paroissiens de Chauché se désintéressant de la question, alors qu’il était naturellement un des gros contributeurs avec ses métairies. À sa décharge, il faut rappeler qu’il n’était paroissien de Chauché que sur le papier et non dans la réalité.

À Mesnard-la-Barotière, la paroisse ne provenait pas d’un prieuré. Son desservant en 1786, le prêtre curé Michel Abraham Cornu, louait une maison avec un jardin dans le bourg de Mesnard, appartenant à la fabrique de la paroisse. C’était le presbytère ou un complément, nous ne savons pas. Le bailleur est représenté par le fabriqueur, le syndic et trois autres habitants du bourg. Le bail est convenu pour 7 années et un prix de 18 livres 5 sols par an, perçu par le fabriqueur. Avant sa conclusion, ses conditions avaient fait l’objet d’une « publication ordinaire pendant 3 dimanches consécutifs à l’issue de la messe paroissiale » (26).

À Saint-André-Goule-d'Oie le syndic, alors Jean Fluzeau habitant le village de la Brossière, et le fabriqueur en fonction, toujours Louis Loizeau habitant du village du Coudray, sont présents en 1784 et cités aux côtés du prieur dans l’initiative de la réunion de l’assemblée des paroissiens, même si c’est le prieur qui anime les débats. Cela était fonction de l’ordre du jour. Nous avons des assemblées où l’on parle de la collecte de la taille, c’est alors le syndic qui convoque et anime la réunion.

Autre particularité de cette réunion du 8 décembre 1784, la présence de « messire Augustin chevalier de Lespinay capitaine de cavalerie au régiment de Berry », le châtelain de Linières. Il n’a aucun rôle dans l’assemblée, et il est seulement cité en premier dans la liste des présents en signe de déférence. Il est vrai qu’il n’est pas seigneur des lieux, mais cela n’aurait rien changé, compte tenu de l’ordre du jour. Son activité de militaire l’éloignait souvent de son château et sa présence était liée à un congé probablement.

Outre les deux sacristains du moment, François Mandin et Pierre Michelleau (ce dernier élu par une assemblée en 1765), et les responsables déjà cités, on trouve dans l’acte notarié le nom de 28 autres personnes présentes. On ne notait pas tous les présents et une partie seulement de ceux cités signaient l’acte.

Pour terminer sur la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie, indiquons qu’après les violences de la Révolution française, Napoléon voulut faire œuvre de paix avec l'Église catholique. Dans cet esprit, il restaura la liberté d'exercice du culte et l'institution des fabriques d'église. Celles-ci vécurent alors jusqu'à la mise en application de la loi de 1905, dite de « séparation de l’Église et de l’État », qui remplaça les fabriques par des associations cultuelles, destinées à assurer l'exercice public du culte et à recueillir les biens des fabriques.

La fabrique de Saint-André comparé aux autres dans le Poitou.


Bourg de Saint-André-Goule-d'Oie autrefois
La découverte d’un inventaire des biens du prieuré et de la fabrique de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie nous permet de mieux situer celle-ci dans son environnement provincial (10). En effet, un juge des Essarts et le procureur fiscal compétent à Saint-André, celui de la baronnie Essarts, sont venus faire cet inventaire le 30 octobre 1787. Ce faisant ils exécutaient un arrêt du parlement de Paris, portant règlement, et prescrivant aux officiers de justice de réaliser l’inventaire des titres et papiers des prieurés et des fabriques des paroisses situées dans le ressort de la sénéchaussée de Poitiers.

Cet arrêt avait été motivé par l’absence de beaucoup de fabriques dans les paroisses rurales du diocèse de Poitiers en cette fin du 18e siècle. La gestion était assurée par les curés, ce qui était contraire aux règles canoniques, et pouvait prêter à des confusions entre les biens et revenus des cures et les revenus des offrandes par exemple. De plus, dans les paroisses pourvues de fabrique, il n’y avait souvent qu’un fabriqueur au lieu de deux. Et leurs comptes n’étaient pas toujours tenus avec rigueur et pas toujours contrôlés (27).

On le voit, la situation de Saint-André-Goule-d'Oie était bien meilleure que la moyenne en Poitou. Et à parcourir les minutes notariales, son cas n’est pas exceptionnel dans la contrée. Y avait-il une spécificité du bocage vendéen ? Il est vrai qu’elle n’avait qu’un fabriqueur, et que son mandat a pu durer bien plus longtemps que les deux ans voulus par la réglementation royale. Mais le fabriqueur rendait des comptes à un commissaire nommé spécialement à cet effet par l’évêché, en l’occurrence le curé d’une paroisse voisine comme nous l’avons vu.

Le prieur se plia donc à l’obligation de l’inventaire des titres et papiers de son prieuré, ce qui nous apporte des informations intéressantes, ayant été conservé. Deux fabriqueurs en exercice vinrent aussi rencontrer les officiers de justice. Ils s’appelaient Jean You et René Boudaud, tous deux bordiers. Ils avaient donc remplacé Louis Loizeau récemment, au terme de son mandat de deux ans. Voilà qui témoigne de la volonté sur place de se conformer à l’arrêt du parlement. Jean Bordron et Louis Loizeau, les anciens fabriqueurs, sont venus témoigner avec leurs successeurs, auprès des officiers de justice, que la fabrique de Saint-André n’avait pas de biens-fonds, et qu’on y tenait un registre des recettes et des dépenses, coté et paraphé par un greffier des Essarts. Il avait été contrôlé par le curé de la Rabatelière deux ans auparavant. Les anciens fabriqueurs étaient accompagnés dans cette rencontre très officielle du syndic de la paroisse, alors Jean Bordron (fils du précédent), qui deviendra maire en 1790, de Jean Fluzeau, l’ancien syndic, de Jean Rondeau et François Seiller.

Pour terminer nous reproduisons les principales mesures prévues par l’arrêt du parlement. On pourra ainsi confronter la réalité pratiquée dans la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie, avec les règles pensées par des magistrats parisiens, principalement sur la participation des habitants et le contrôle des fabriqueurs. Habitués par profession à la turpitude des hommes, comment des juges pourraient-il savoir qu’on les gouverne par la confiance ?

Ainsi, il sera convoqué dans chaque paroisse une assemblée générale composée du curé, des anciens fabriqueurs et autres principaux habitants payant au moins 12 livres de taille personnelle. L’assemblée fera le choix de deux habitants pour être, l’un fabriqueur comptable (comptabilisant les recettes et dépenses) pendant un an, et l’autre premier fabriqueur, remplaçant le marguillier comptable l’année suivante.

Chaque année il y aura deux assemblées générales des habitants : l’une pour l’élection d’un nouveau fabriqueur (pour un mandat de deux ans, dont la dernière année comme comptable), l’autre pour arrêter les comptes du fabriqueur comptable sortant, dans les trois mois suivant la fin de son mandat.
Chaque 1e dimanche de chaque mois se réunit une assemblée particulière composée du curé, des deux fabriqueurs, et des quatre derniers sortis de la charge de fabriqueur, ou à défaut de quatre habitants désignés en assemblée des habitants, où on décidera des adjudications des baux éventuels des biens, des réparations nécessaires, et des dépenses extraordinaires inférieures à 30 livres.

Pour les dépenses extraordinaires au-dessus de 30 livres, les emprunts, les procès, on décidera en assemblée générale convoquée par l’assemblée particulière. Un registre des délibérations sera tenu, coté et paraphé gratuitement par le juge local. Les participants aux réunions devront le signer et leur refus de le faire sera noté.

On fera faire par les officiers de justice des lieux l’inventaire des titres et papiers concernant tant les cures que les fabriques, qui seront déposés dans les coffres des fabriques fermées à 3 serrures, avec des clefs différentes : l’une pour le curé, l’autre pour le fabriqueur comptable et la troisième pour l’officier du ministère public du lieu, à défaut un habitant désigné par l’assemblée générale des habitants. L'argent sera déposé dans le coffre. Les papiers n’en sortiront et entreront qu’avec récépissé.

Enfin le juge et le procureur des Essarts ont « enjoint auxdits fabriqueurs nouvellement nommés de se conformer aux arrêts des 1e mai et 5 juillet 1786, de faire rendre compte à l’ancien fabriqueur ses comptes, et de tenir dans le coffre destiné pour mettre les titres ceux que possèdent la fabrique, qui doit être à trois serrures à clefs différentes pour être déposées entre les mains de ceux à qui elles doivent être remises relativement auxdits arrêts ci-dessus datés, dont nous avons derechef donné lecture audits fabriqueurs ».

Les fabriques ont été supprimées par la Révolution et rétablies par Napoléon. Celle de Saint-André-Goule-d’Oie a conservé la plus grande partie de ses archives pour le 19e siècle. Elles nous permettent d’en faire un récit pour cette époque, jusqu’à leur suppression à nouveau avec la loi de 1905. Voir notre article publié sur ce site en novembre 2018 : La fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie au 18e siècle.


(1) Abbé Yvon Marcoux, pages.infinit.net/eglisejc/mot-fabrique.htm L’Histoire des Fabriques paroissiales.
(2) Archives de Vendée, notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/5, assemblée des habitants de Mesnard du 2-2-1768.  
(3)  Frappier 3 E 30/10, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie du 12-9-1784.
(4)  Frappier 3 E 30/13, achat des métairies des Bouligneaux et du Bourg (Saint-André) le 10-6-1791 par C.A. de Lespinay aux La Laurencie.
(5) Le mot a ici un sens général qu’on peut traduire par agriculteur, ne précisant pas s’il s’agit d’un propriétaire ou d’un métayer.
(6) Souvent sous l’ancien régime, le village du Coudray est appelé dans les documents d’archives le Coudray Loriau, allusion peut-être au nom d’un propriétaire fondateur au temps du Moyen Âge.
(7) Archives de Vendée, registre paroissial de Saint-Fulgent, mariage de Louis Loizeau et Marie Anne Godard le 5 juillet 1758 (vue 66). Voir aussi notaire de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, acte de communauté des Loizeau du Coudrais du 23-11-1788.
(8) Frappier 3 E 30/12, contrats de mariage des couples Godard et Chaigneau du 5-1-1788.
(9) Il fallait 20 sols pour faire une livre.

(10) Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d'Oie : 139 G 3 et 4, inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d'Oie.
(11) Archives de Vendée, Saint-André-Goule-d'Oie : 1 O art.632.
(12) Frappier : 3 E 30/8, assemblée d’habitants du 11-2-1776 à Boulogne.
(13) Frappier 3 E 30/3, inventaire après décès de Louis Corbier, sieur de Beauvais, du 8-2-1762.
(14) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière 150 J/C 17, positions contradictoires sur la dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linière et factum de M. du Plessis Clain contre M. La Brandasnière dans un mémoire de 1646.
(15) Frappier 3 E 30/10, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Saint-André-Goule-d'Oie du 8-12-1784.
(16) Arrêt portant règlement du 1e mai 1786 pour l’administration des biens et revenus des fabriques des paroisses situées dans l’étendue du diocèse de Poitiers.
(17) Voir sa biographie aux Archives de Vendée : dictionnaire des Vendéens.
(18) Archives de Vendée, registre paroissial de Sainte-Cécile en 1784, note en fin d’année du curé Dolbeq (vue 119).

(19) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 73-1 généralités sur Saint-André-Goule-d'Oie.
(20) Partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 57, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(21) Autorisation du 19-1-1765 de couper des arbres au prieuré de Sainte-Cécile, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay-le-Comte : B 1446.
(22) Martelage le 7-3-1783 d’arbres situés à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée, maîtrise des Eaux et Forêts de Fontenay : B 1461. Aussi ibidem : B 1465, martelage le 1-2-1790 d’arbres situés au Essarts.
(23) Marcel Faucheux, Un ancien droit ecclésiastique perçu en Bas-Poitou : le boisselage, Potier, 1953, page 137.
(24) Frappier : 3 E 30/12, assemblée des habitants de Saint-Fulgent du 11-10-1789 sur les réparations à faire au presbytère.
(25) Frappier 3 E 30/12, acte d’assemblée d’habitants de la paroisse de Chauché du 11-10-1789.
(26) Frappier : 3 E 30/11, ferme du 30-5-1786 d’une maison par le syndic et fabriqueur au curé de Mesnard.
(27) Jacques Marcadé : Les fabriques rurales dans le diocèse de Poitiers (1750-1840).


Emmanuel François, tous droits réservés
Janvier 2013, complété en juin 2019

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