Amblard de Guerry |
Depuis la publication de cet article
en octobre 2008, l’accès récent aux notes d’Amblard de Guerry sur les lieux de
Saint-André-Goule-d’Oie nous permet de remonter le temps d’un siècle dans nos
recherches, jusqu’en 1342. Les travaux de cet historien sont très importants
pour les communes du canton de Saint-Fulgent, tout comme ceux de son
contemporain avec qui il a correspondu : l’abbé Paul Boisson. Aussi, avant
de les utiliser ici dans notre récit sur le bourg, il est juste de le
présenter.
Amblard de Guerry (1919-1996)
appartient à la famille très connue de Chavagnes-en-Paillers, les Guerry de
Beauregard. Son frère, Gilbert de Guerry, a été maire de cette commune de 1942
à 1983, et conseiller général du canton de Saint-Fulgent de 1946 à 1992.
Professeur au Maroc de 1954 à 1988,
Amblard de Guerry a en même temps consacré sa vie à la recherche historique et
philosophique, réservant à la Vendée et à Chavagnes la première place. Il a
fondé l’association « Chavagnes Présence du passé », relancé la
Société d’émulation de la Vendée, et co-fondé l’association de la descendance
La Rochejaquelein. Il a publié 1988 : Chavagnes Communauté Vendéenne, un
livre de 316 pages. Ses autres publications sont des articles historiques et
philosophiques dans plusieurs revues. »
À l’origine du bourg de Saint-André-Goule-d’Oie on a un lieu-dit appelé « Goule d’Oie ». La date d’apparition de ces deux mots en 1306 se trouve dans un document ecclésiastique désignant la paroisse (1). Et nous savons que le même nom désignait un fief, dont les contours bien délimités donnaient l’étendue de ce lieu-dit d’environ une trentaine d’hectares. Son habitat est devenu un bourg, ou chef-lieu de la paroisse.
Il est certainement très ancien à cause de sa position sur le territoire. Les
villages ont été en effet la plupart du temps « la partie bâtie des chemins
à leur point de convergence » (2). Les chemins sont nombreux ici, vers
Chavagnes et Linières, Saint-Fulgent, Vendrennes et la Brossière, les Noues, le
Pin, les Essarts et la Boutarlière, Chauché et Languiller. Des siècles après, le
bourg était toujours un lieu de passage sur la route de Saint-Fulgent aux
Essarts, qui, lors de sa construction en 1850/1858, a conservé le parcours sinueux
entre les maisons des anciens chemins primitifs. Le préfet indiquait alors son
objectif de « faciliter l’accès aux foires
des Essarts, et pour sortir de l’isolement complet dans lequel se trouve la
commune de Saint-André-Goule-d’Oie. » D’origine
plus récente que ce lieu, la paroisse et le fief féodal en tireront leur nom.
Un nom mystérieux
Sur la place des Tilleuls dans le bourg
de Saint-André-Goule-d’Oie
|
On aimerait connaître le clerc qui le premier a
écrit le nom du lieu où fut bâtie l’église du bourg, lequel nom fut retenu pour
désigner la paroisse de « de Goule d’Oie ». Habitait-il sur place, ou
au siège du doyenné de Pareds (Jaudonnière), auquel était déjà semble-t-il
rattachée la paroisse ? C’était en 1306 et cette première occurrence est
« de gula anceris ». Le passage du parler à l’écrit pour désigner un
lieu créait encore des difficultés en 1838 aux ingénieurs du cadastre
napoléonien. Ils ont écrit « Cloin », par exemple, pour désigner le
village du Clouin. De même on peut craindre un hiatus chez le copiste du Moyen
Âge entre ce qu’il a entendu et ce qu’il a écrit après l’avoir traduit en
latin. Les moines latinisaient les noms et surnoms se présentant à eux,
entraînant parfois des changements de sens, comme on l’a constaté parfois dans les
nombreuses chartes écrites en latin à cette époque (3). Les mentions écrites en français reprendront le résultat bizarre de
l’interprétation latine : « de Goule d’Oie », qu’on lit pour la
première fois sur le registre paroissial en 1611 (vue 27 du registre numérisé).
Des érudits ont contesté cette traduction au motif que le mot latin oie serait
« anseris », et que donc le mot « anceris » aurait une
autre signification. À partir de là, on retiendrait une traduction
« oia » qui a été un nom de pays, et gula serait plutôt un goulet.
Une autre hypothèse retiendrait le nom de Guoyas ou Goyer, important seigneur
local que désignerait le mot latin « gula », déformé cette fois-ci.
On aurait en définitive le goulet de l’Oie ou bien Goyer de l’Oie. De là à
perdre son latin … Le premier mot, « de » a été utilisé pendant tout
l’Ancien Régime, puis il a été oublié ensuite. Quant à « goule
d’oie », correspondant à ce qui s’est toujours dit et écrit, les érudits
du 19e siècle ont imaginé des hypothèses, des légendes quant à
faire, pour lui trouver un sens. Il est vrai que ce mot patois de
« goule », qui signifie gueule ou bec dans ce cas précis, donne un
air d’authenticité. Mais la réalité historique est que nous ne savons pas
expliquer de manière certaine ce mot étrange de « Goule-d’Oie ». Les légendes racontées au 19e siècle sur ce nom mériteraient une documentation avec ses sources et des dates, car elles peuvent renvoyer à la civilisation celte qui a marqué la contrée. Le vocabulaire, l’unité de mesure des prés, certaines façons de penser, en portent témoignage. Le mélange des mythes et de la réalité dans les récits historiques des celtes, qu’on pense à l’origine du goût pour les légendes dans l’ancienne Vendée, a été remarqué par les érudits. Il suffit de se rappeler le personnage de Geoffroy la Grand’dent décédé en 1248, qui fait partie de l’histoire de la famille des Lusignan, avec le roman de la fée Mélusine publié en 1387, protectrice de la famille (4). L’histoire du Puy du Fou s’accompagne aussi de la légende de Renaud au IXe ou XIe siècle. Longtemps
la frontière entre le naturel et le surnaturel fut incertaine, écrit Philippe
Ariès au sujet de l’homme devant la mort. Les
pratiques cultuelles de l’Église, avec ses pèlerinages, ses cultes des saints
et des reliques, témoignent alors de cette influence du monde merveilleux des
légendes celtes. Les miracles des saints remplacèrent pour certains le pouvoir
des fées et des eaux guérisseuses dans les forêts. Amblard de Guerry croit à la fois à l’Histoire et à la
Légende, comme deux réalités distinctes qui doivent se respecter mutuellement
(5) Dernier chercheur à s’être penché sur l’origine du nom, il pense que
le nom de Goule d’Oie est bien sûr la forme latinisée d’un nom celte. « Cela
pourrait être quelque chose comme Guldaudia », écrit-il dans ses notes
personnelles (6). C’est l’explication la plus crédible avancée jusqu’ici.
Dans le pouillé de l’évêché de Luçon publié par l’abbé Aillery, on lit pour la première fois en 1534, toujours en latin, les deux premiers mots qui ont été ajoutés : « Sanctii Andree », Saint-André, pour désigner la paroisse. Ils l’ont été bien avant dans la réalité, et on dispose d’un aveu en 1343 où la paroisse est déjà désignée simplement : « Saint-André ». La suppression temporaire du mot « saint » pendant la Révolution fut inégalement appliquée. Ainsi se confondent dès l’origine le nom du lieu devenu un bourg avec son église, et celui de la circonscription religieuse de base, la paroisse sous l’Ancien Régime, devenant en plus la commune à partir de la Révolution : « Saint-André-Goule-d’Oie ».
Le fief de Saint-André-Goule-d’Oie aux 14e et 15e siècles
Le document le plus ancien connu évoquant
l’existence de ce fief est daté de 1343. Il se trouve aux Archives Nationales
et nous disposons de sa transcription par Amblard de Guerry, historien
originaire de Chavagnes-en-Paillers (7). C’est un aveu de Jean de Thouars à la
baronnie de Montaigu, décrivant ses possessions à Saint-André-Goule-d’Oie : la moitié « du tènement au Droulin à
Saint-André », d’autres domaines qu’on ne sait pas repérer : les
tènements du Jai et de la Masure, et le fief de la Sestenbrèche tenu par
Aimery Loriau. Ce dernier fief comprend le village de la Roche, les tènements
de la Vallée et de la Maufrère et le fief de vigne de Saint-André. Le village
de la Roche semble correspondre au lieu appelé plus tard la Roche Herpière,
proche de la Javelière, disparu dans un document daté de 1550. En 1405 on constate que la Roche
relève de la mouvance du Coin Foucaud, donc peut-être aussi ce petit fief de la Sestenbrèche. Quant à Aimery Loriau,
il appartient à cette famille qui a donné son nom au fief du Coudray, appelé
Coudray Loriau pendant tout l’Ancien Régime.
Philippe VI |
Contrairement à l’usage, le seigneur de la
Drollinière s’était réservé les redevances
seigneuriales dues par les propriétaires et habitants dans le fief. Habituellement
le suzerain concédait en effet un fief ou terre noble à un vassal en
contrepartie d’un cadeau rituel ou symbolique, par exemple une paire d’éperons
dorés à chaque changement de génération, ou plus souvent dans la contrée un
« devoir » en argent de quelques sols. La concession de tenures ou
terres roturières par ce vassal à divers particuliers avait en revanche une
contrepartie économique significative avec des redevances en nature et en
argent. Or dans le fief de Saint-André-Goule-d’Oie, le vassal ramassait des
redevances pour son suzerain, mais celles-ci étaient d’un montant
particulièrement faible.
L’aveu de 1343 est conservé aux Archives Nationales
car il fut rendu au roi Philippe VI (roi de 1328 à 1350), qui venait de
confisquer à son profit tous les biens, dont la baronnie de Montaigu, de Jeanne
de Belleville, bannie du royaume après l’exécution pour félonie en août 1343 de
son mari, Olivier IV de Clisson. Celui-ci avait pris parti pour le clan des
Montfort à la succession du duché de Bretagne (mort du duc en 1341), à
l’instigation du roi d’Angleterre, contre le clan des Blois-Châtillon soutenu
par le roi de France, et alors que la guerre de Cent Ans entre les deux
royaumes venait de commencer.
Le tènement au Droulin à Saint-André désigne le
bourg, qui est un fief dont les droits sont tenus sur une moitié du terroir
noblement de Montaigu par Jean de Thouars. L’autre moitié des droits est tenue
par un Droulin, seigneur de la Drollinière (devenue Linières), noblement
probablement, d’un suzerain non désigné. Jean de Thouars était le fils de Louis
Ier de Thouars, vicomte de Thouars de 1333 à 1370. Ce fils est mort en 1355. Il
tenait ces domaines à cause de sa ligence à l’Herbergement (près de Mormaison).
Le mot de ligence se rapporte à une obligation de présence militaire en cette
paroisse. L’aveu ne précise pas le temps de présence annuelle, mais d’autres
ligences à Montaigu étaient généralement de 40 jours. Cette mouvance de la
baronnie de Montaigu sur une partie, même faible ici, du territoire de Saint-André
à cette date pose question. Car un siècle après tout le territoire de la
paroisse est mouvant de la baronnie des Essarts.
Le seigneur de la Drollinière était Maurice
Droulin, connu par ailleurs par un aveu qu’il fit la même année 1343 au roi de
France à cause de la baronnie de Montaigu, pour divers domaines dans la
paroisse de Saint-Fulgent (8). Il est aussi connu par un partage qu’il fit en
1342, où il donna à Jean Droulin, son frère puîné, pour sa part dans les successions
paternelle et maternelle, le fief de la Boutarlière et 25 livres 9 sols de
rente (9). En 1365 Maurice Droulin mariera sa fille, Jeanne, avec Jean Cathus,
seigneur du Bois Cathus (Saint-Gervais en Vendée). Les châtellenies de
Saint-Fulgent firent partie de la dot de Jeanne Droulin, et passa au patrimoine
des Cathus. Maurice Droulin avait marié son autre fille, Marie, en 1350 avec
Guillaume Baritaud, seigneur de la Baritaudière (Chantonnay). La Drollinière et
le fief de Saint-André firent partie de la dot de Marie Droulin, et passa au
patrimoine des Baritaud. Puis Marguerite Baritaud épousa en 1381 Guillaume
Foucher, d’où naquit Antoine Foucher, nouveau possesseur de la Drollinière et
du fief de Saint-André.
Jean de Thouars déclare en 1343 pour sa moitié du
fief de Saint-André des droits conformes à l’usage : une rente importante
de 43 boisseaux de blé par an. Vers 1405 Antoine Foucher fait un aveu pour son
fief de Saint-André à Jean de Sainte-Flaive, qui deviendra seigneur de
Languiller (Chauché) en 1414 (10). Il déclare dans son fief la moitié de son
étang de Linières et deux moulins, l’un à eau et l’autre à vent, avec droit de verolie
(obligation de moudre au moulin) et destroit (juridiction). Il déclare que ce
fief est tenu à foi et hommage, moitié par un nommé Michau, moitié par Gaschet
à cause de Jeanne Micheau sa femme, aux devoirs de 104 sols 9 deniers et 1
poule de cens, plus de faibles droits de mottage et pasnage sur les cochons. Or en 1370 il fallait 10 deniers pour acheter 1
livre de beurre (11), et ces redevances correspondaient donc à environ 66 kg de
beurre, soit la traite d’une vache pendant 5 à 10 mois, suivant un rendement
retenu très faible de production de lait et de fabrication du beurre.
Les redevances féodales ont donc baissé dans ce fief. Et contrairement à
l’usage, le seigneur de la Drollinière s’était réservé les redevances seigneuriales dues
par les propriétaires et habitants dans le fief. Habituellement le suzerain
concédait en effet un fief ou terre noble à un vassal en contrepartie d’un
cadeau rituel ou symbolique, par exemple une paire d’éperons dorés à chaque
changement de génération, ou plus souvent dans la contrée un
« devoir » en argent de quelques sols ou deniers. La concession de
tenures ou terres roturières par ce vassal à un (ou des) particuliers avait en
revanche une contrepartie économique significative avec des redevances en
nature et en argent. Or dans le fief de Saint-André-Goule-d’Oie, le vassal
amassait des redevances pour son suzerain, mais elles étaient d’un montant
particulièrement faible comme on vient de le voir.
La glandée, Les très riches heures
du duc
de Berry (1485), musée Condé,
Chantilly
|
Il n’y avait pas de droit de terrage, ni de dîme
seigneuriale non plus, dite « inféodée », fréquente à Saint-André
pour les « menues dîmes » sur les veaux, agneaux et pourceaux. À la
place on prélevait deux droits : un droit de « maussage » à la Pentecôte,
calculé sur chaque cochon élevé par les habitants, se montant à une maille ou
un demi denier par bête, et un droit de « panage » d’un denier, aussi sur chaque cochon, à la Saint-Michel-Archange
(12). Ces droits sur les porcs uniquement renvoient à la pratique du pacage
dans les forêts, antérieure à l’élevage dans des bauges. Elle suppose une importante
surface boisée, parfaitement plausible quand on pense à ce qui restait de la
forêt de l’Herbergement (l’Oie), de celle des Essarts, au bois du Vrignais, à
la forêt du Coudray qui a donné son nom au village de la Forêt plus tard. Ce
régime exceptionnel de faibles redevances classe le bourg parmi les bourgs
francs, mais qu’on a généralement créés plutôt au 12e siècle suivant
les historiens (13).
Après l’aveu de Jean de Thouars en 1343, le fief
de Saint-André est entièrement possédé par le seigneur de la Drollinière. Ce
dernier a donc allégé les redevances perçues pour y attirer ou garder des
habitants. Et il a concédé le fief à des roturiers depuis une date non connue.
Cet allègement des redevances, opéré entre 1343 et 1405, trouve sa cause dans les
malheurs qui se sont abattus sur le royaume de France, et sur
Saint-André-Goule-d’Oie.
La peste, d’origine asiatique, est revenue en force
pendant l’hiver 1347/1348 en Provence puis dans tout le royaume, et décima
villes et campagnes. Elle s’installa en Europe, se déployant en grandes vagues
pendant un siècle (14). De plus, le climat avait changé depuis le début des
années 1300, marqué par des hivers plus froids, ce qu’on a appelé le Petit Âge
Glaciaire, avec des épisodes de printemps-été pluvieux. Le gel et la pluie ont
détruit des récoltes et engendré des famines, parfois mortelles comme en 1315,
et toujours propices aux maladies. On n’a pas de description de ces phénomènes
pour le Poitou, où la culture de l’avoine et du sarrazin, plus résistants au froid
humide, a dû favoriser une adaptation. Mais pas plus qu’ailleurs, les
troupeaux, de moutons notamment, ont difficilement résisté aux rigueurs
climatiques du temps. Les années 1340 virent le retour du couple maudit du gel
et des pluies (15). La peste, d’origine accidentelle et s’étendant sur
toute l’Europe, le Moyen Orient et le Caucase, est le facteur principal de la
dépopulation à cette époque. De plus, la guerre de
Cent Ans avait commencé en 1337 entre le roi d’Angleterre et le roi de France.
Le Poitou relève du roi d’Angleterre et ses seigneurs, des Essarts à Montaigu
comme ailleurs, vont devoir choisir leur camp. Cette guerre fut d’abord
ponctuée par les désastres français à Crécy en 1346, à Poitiers en 1356, et par
le traité de Brétigny en 1360 qui donna le Poitou au roi d’Angleterre,
Saint-André devenant anglais et Chavagnes restant français. Ensuite Du
Guesclin, qui vint se battre dans la région et à Benaston (Chavagnes), redressa
pour un temps la situation du roi de France. Les campagnes militaires
procédèrent par vagues comme la peste, touchant inégalement des provinces. Les
bandes armées pillaient partout où elles passaient, quel que soit leurs
commanditaires. Leurs dégâts aggravèrent les désastres pandémiques et climatiques,
des familles disparaissant et des tenures tombant en déshérence. La famine et la peste touchaient les pauvres, mais la guerre a frappé toutes les strates de
la population. Au total tout le royaume fut touché, la peste faisant perdre à
elle seule le tiers de sa population environ en moyenne dans le royaume (soit 6
millions de morts). Et la situation se prolongeant, on verra à
Saint-André-Goule-d’Oie des villages disparaître.
L'aveu en 1405 d’Antoine Foucher n’indique pas
l’existence d’une métairie dans le fief de Saint-André. Nous n’apprenons son
existence qu’à partir de 1453 dans un factum (mémoire judiciaire) de 1646 (16).
La pauvreté de la documentation ne doit pas nous inciter à en conclure que la
création de la métairie s’est faite après la concession du fief à un roturier.
Les deux décisions sont probablement liées, et la création de la métairie
remonterait à la deuxième moitié du 14e siècle. Elle
s’est faite par amassage de parcelles foncières existantes, et non pas par
défrichement, compte tenu de l’époque et du lieu. Sa description au 19e
siècle montre les nombreuses petites surfaces la composant, même si rien ne
prouve qu’elle remonte à 6 siècles auparavant. Cet amassage par le seigneur de
Linières, ou par un roturier, s’est fait au détriment des anciens petits
propriétaires ruinés par la guerre, la famine et les épidémies. Les bâtiments se
trouvaient dans le bourg et elle appartenait en cette année 1453 à Colas
Texier. Ce roturier la tenait avec le fief lui-même à foi et hommage plain
(simple) et à droit de rachat. Les possesseurs dans son fief, tenant leurs biens de
lui, étaient appelés localement des teneurs, dont Texier était le seigneur, mot
générique correspondant pour les biens roturiers à ce qu’était le suzerain pour
les biens nobles. À la différence des bourgs de Saint-Fulgent et des Essarts,
créés près du château seigneurial, celui de Saint-André apparaît comme une
transformation d’un habitat primitif autour d’une église avec des parcelles
foncières de jardins, terres, prés et landes. Et on y constitua au 14e
siècle une métairie.
Étang de Linieres |
Les droits du seigneur de la Drollinière dans l’église paroissiale
La naissance de la paroisse médiévale au sens de
territoire délimité, reprenant le nom du lieu de « Goule d’Oie » où
est bâtie l’église paroissiale et son prieuré, se situe entre 1100 (l’abbaye de
Nieul-sur-l’Autise, fondatrice du prieuré, a été créée en 1068) et 1300 (pouillé
de l’évêché de Poitiers daté de 1306). L’abbé de Nieul-sur-l’Autise devait
choisir à l’origine le titulaire de la paroisse
de Goule d’Oie. Aux bâtiments du prieuré était rattachées à partir d’une époque
non repérée, des terres dans le bourg et aux environs, formant une borderie
d’environ 5 ha au 18e siècle.
On sait que le blason des seigneurs de la
Drollinière se trouvait au sortir du Moyen Âge dans le chœur de l’église du bourg de Saint-André.
Leurs ancêtres étaient enterrés à l’extérieur, mais dans un cimetière jouxtant le
chœur de cette église, « dans laquelle ils ne pouvaient être mis à cause
de sa petitesse sans empêcher le service divin » (18), et leur logis était
situé à un km de distance. De là à faire des seigneurs de la Drollinière les
patrons fondateurs de l’église, le pas parait difficile à franchir. Nous ne
disposons pas d’un aveu de la Drollinière pour le vérifier. Le choix du
desservant du prieuré par l’abbé de Nieul, comme patron ecclésiastique suivant
le pouillé de Poitiers, le contredit. Le baron des Essarts, suzerain supérieur
et ayant la haute justice sur la paroisse de Saint-André, se présentait
lui-même dans ses aveux à Thouars comme « ayant
droit de patronage et fondation tant dans ladite paroisse des Essarts autrement
Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie » (19). Le seigneur de
Saint-Fulgent déclarait le même droit, alors que le prieur de sa paroisse avait
été à la présentation de l’abbaye de Saint-Jouin-de-Marnes pendant un temps.
Décidément ce titre de « patron », donnant le droit de choisir le
desservant d’une église, était très prisé par les seigneurs. C’est qu’il ne se
résumait pas qu’au droit de présentation du curé ou d’un chapelain, mais
emportait aussi des honneurs personnels au cours des cérémonies, comme de se
faire encenser par exemple ou de marcher en tête des processions. L’usage du
mot, comme on le voit, n’a pas toujours répondu à la définition stricte du
droit canon, car le seigneur des Essarts n’avait pas de droit de présentation
au prieuré de Saint-André. Il n’en reste pas moins qu’au XVIIe siècle dans
l’église de Saint-André, le seigneur de la Drollinière avait une place à part,
reconnue, étant seigneur suzerain des lieux. Cela ne prouve pas pour autant que
cette place remonte à l’époque de la création de la paroisse.
Mais un autre fait nous intrigue : le prieur de la paroisse
rendait la foi et hommage et un aveu au seigneur du fief de Saint-André
quelques années avant 1639 (20). Cette relation n’existait
pas en 1405, elle a donc été créée après, imposée par le nouveau seigneur du fief, celui de la Boutarlière
(voir plus loin).
De plus, on sait que beaucoup de paroisses ont été créées
entre les XIe et XIIIe siècles. Elles agrégèrent les
fidèles autour d’une église à laquelle fut associé un cimetière. Auparavant le
territoire était moins délimité et moins organisé, même si la contrée autour de
Saint-André-Goule-d’Oie fut évangélisée dès le 6e siècle (21). La
réforme grégorienne de l’Église à partir du 11e siècle lui a permis
de se construire progressivement des territoires au sens moderne du mot,
incarnés notamment dans la fiscalité de la dîme. Les seigneurs ont dû composer avec cette réforme. On le constate dans
la seigneurie du Coin Foucaud en 1405, où dans les tènements relevant d’elle à Saint-André, le
droit de terrage était partagé par moitié avec le prieur de la paroisse. Cela
équivalait, pour un prélèvement total de 1/6 des récoltes, à la grosse dîme
réclamée par l’Église sur les céréales, qui était de 1/13 dans la contrée.
Le partage des fiefs de Saint-Fulgent, la Drollinière et de la Boutarlière au XIVe siècle et les nouveaux liens féodaux
Le mémoire de 1646 évoqué plus haut est précieux
dans notre récit. Il est écrit sur 12 pages de papier endommagé par le temps,
par deux scribes, et d’une lecture parfois difficile. Il a fait l’objet d’une
analyse publiée dans les miscellanées du site internet des Archives de la
Vendée, par T. Heckmann, sous le titre suivant : Pour l'honneur ou pour l'argent ? Rivalité à Saint-André-Goule-d'Oie au XVIIe siècle. Dans l’onglet « Découvrir »,
ouvrir « Dossiers thématiques »
et « Seigneuries »,
pour y accéder. Y sont annexés la transcription
et un examen paléographique du texte. Dans ce factum on voit le seigneur de
Linières et celui de la Boutarlière se quereller notamment sur la prétention de
ce dernier à porter le titre de seigneur de Saint-André-Goule-d’Oie. Et pour
défendre chacun sa position, les deux protagonistes se renvoient leurs droits
acquis et le passé, à la grande joie du chercheur naturellement. Suivons-les un
instant dans ce passé.
Conciergerie de Linières construite vers
1880
|
À l’origine du suzerain du bourg on a la famille
Droulin ou Droellin, qui apparaît dans des textes concernant l’abbaye de la
Grainetière (Ardelay) pour la première fois en 1238. Ils sont seigneurs de
Saint-Fulgent, la Drollinière et la Boutarlière. Saint-Fulgent est un château
tenu de Tiffauges, comprenant plusieurs fiefs lui rendant hommage, situé sur la
paroisse du même nom, dont le fief Drollin (situé près de la Valinière), la
Clavelière, et surtout le Puy Greffier, le plus important. Mais on parlera, chez
les notaires du lieu au 18e siècle, des châtellenies de
Saint-Fulgent, car les seigneurs du lieu sont aussi suzerains au moins de la
Thibaudière, châtellenie qui relèvait de Montaigu. La Drollinière possède un logis entouré d’une muraille en partie,
joignant plus de 300 hectares de terre d’un seul tenant, le tout situé sur
l’ancienne paroisse de la Chapelle de Chauché. Elle comprenait le domaine de la
Boutarlière situé sur la même paroisse, jusqu’au tènement voisin de la
Charillère encore plus au sud.
La Drollinière relève de la baronnie des Essarts à
foi et hommage plain, à rachat le cas advenant, « et à une maille d’or », suivant l’aveu du baron des Essarts
à Thouars en 1597 (22). En 1658, un aveu du même précise que la maille d’or est
estimée à 24 sols tournois. Dans le mémoire de 1646 évoqué plus haut, l’auteur
reprend l’affirmation du seigneur de Linières, indiquant que son hommage aux
Essarts est « lige sans ligence,
garde ni estage », ce qui qualifie l’hommage rendu au-dessus du simple
hommage plain. En revanche la maille d’or est « appréciée à vingt sols de
monnaie » (23). Voilà des détails qui portent à ne pas prendre pour argent
comptant toutes les informations de l’auteur du mémoire de 1646.
En 1342 c’est un Maurice Droulin, né vers 1310 et mort avant 1378, qui est
« seigneur de Saint-Fulgent, Drollinière et la Boutarlière ». Le
« mercredi avant la Madeleine de l’année 1342 », Maurice
Droulin, donna à Jean Droulin, son frère puîné, pour sa part dans les
successions paternelle et maternelle, la seigneurie de la Boutarlière et
diverses rentes (24). Le tènement voisin de la Gandouinière, situé au nord de
la Boutarlière, fit partie de la mouvance de cette dernière, alors que celui
situé au sud, la Charillière, resta dans la mouvance de la Drollinière jusqu’à
la Révolution (25). Néanmoins les teneurs de la Gandouinière reconnaissaient toujours
en 1766 devoir « chaque année à la seigneurie de Saint-Fulgent à cause du
fief Drolin (près de la Valinière à Saint-Fulgent) réuni à ladite seigneurie de
Saint-Fulgent, la rente foncière annuelle et perpétuelle de 16 boisseaux de
froment, mesure réduite des Essarts » (26).
Château des Essarts détruit lors de la
Révolution
|
Pour éviter que le partage des fiefs comme ici,
soit imposé au suzerain, on appliqua la règle de droit féodal de la garantie,
dit « gariment », en parage. Un seul vassal, en l’occurrence le
seigneur de la Drollinière, ferait un hommage unique aux Essarts pour les deux
fiefs désormais distincts de la Drollinière et de la Boutarlière, se portant
garant pour son frère. Cela donnait dans l’aveu du suzerain des Essarts à
Thouars en 1597, le texte suivant : « sous lequel hommage (de la
Drollinière) tient en parage messire René Gazeau chevalier seigneur de la
Brandasnière, son hôtel noble de la Boutarlière avec ses appartenances et
dépendances » (27).
Dans ce fief de la Drollinière en
1597 n’était pas compris le fief de Saint-André-Goule-d’Oie. Le seigneur de la
Drollinière le tenait d’un seigneur différent de celui des Essarts, le seigneur
du Coin Foucaud, suivant le factum de 1646. Le château de celui-ci était en ruine en 1405 et la seigneurie avait été
acquise par Jean de Sainte-Flaive peu de temps auparavant (28). ses droits de seigneurie constituent alors une annexe appartenant
à la seigneurie de Languiller (Chauché). 70% du territoire de la paroisse de Saint-André relevait de sa
mouvance, dont le territoire du bourg. La Drollinière lui rendait pour le fief
de Saint-André « une foi et hommage plain, à
l’abonni de quarante sols pour tout droit de rachat, cheval de service et autre
droit de mutation » (29). Ici droit de rachat et cheval de service font
synonymes, et ils sont payés régulièrement
chaque année ou à chaque mutation suivant la convention passée, à la valeur de
40 sols. C’était la règle de l’abonnement (abonni).
Un moulin turquois
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Dans
l’aveu qui suit l’hommage, le vassal de la Drollinière devait normalement dénombrer
ses domaines et ses redevances à son suzerain du Coin Foucaud. Mais, suivant le
factum de 1646, il y avait le cas particulier de la moitié de l’étang de la
Drollinière et des moulins à proximité, situés sur le territoire du fief de
Saint-André dépendant du Coin Foucaud et non pas sur celui de la Drollinière.
Le ruisseau de la Fontaine de la Haute Gandouinière faisait limite entre les
deux fiefs de la Drollinière et de Saint-André. Situés à l’intérieur
du fief de Saint-André, ces moulins et moitié d’étang appartenaient au seigneur de la Drollinière. C’est certainement avec l’accord du
Coin Foucaud que le seigneur de la Drollinière creusa son étang, car le
ruisseau de 2 mètres de large environ qui l’alimentait, prenait soudain avec
l’étang une largeur de 50 mètres. Il convenait que sa moitié débordant sur le
territoire relevant du Coin Foucaud y restât tenue de ce dernier. Quant au
moulin à eau, il était construit du côté est sur le territoire du Coin Foucaud.
De même pour le moulin à vent bâti encore plus loin vers l’est, dans un espace
depuis appelé le champ du moulin. Logiquement, seule la moitié ouest de l’étang
était située sur le domaine de la Drollinière et relevait des Essarts. Il
paraît normal que le seigneur de la Drollinière n’ait pas concédé avec le fief
de Saint-André ces deux moulins et la moitié d’étang, puisqu’il en conservait l’usage. Surtout, ils en constituaient aussi le chef
d’hommage, qui était en droit féodal le
lieu principal d’un fief, où en principe est porté l’hommage. S’il est situé
hors du fief lui-même c’est une présomption de son démembrement, donnant le
droit au suzerain d’en reprendre la possession (30). Le seigneur de la
Drollinière ne pouvait pas désigner son logis comme chef d’hommage, car il
était situé hors du fief et relevait des Essarts.
L'autonomie progressive de la Boutarlière à laquelle va se rattacher le fief de Saint-André (1350-1646)
Après le partage ayant attribué la Boutarlière en 1342 à son frère, Maurice
Drouelin maria ses deux filles, et
à partir de là, la Drollinière eut un destin différent de celui de
Saint-Fulgent. En 1350 Marie Drouelin épousa Guillaume Baritaud, demeurant à
Chantonnay et lui apportant la Drollinière en dot. La fille de ces derniers épousa en
1381 Guillaume Foucher, originaire des Herbiers, comme on l'a vu plus haut. Cette famille Foucher va conserver
le domaine au nombre de ses possessions jusque vers 1550. Il passa ensuite par
mariage à une famille du Berry, La Châtre.
La sœur de Marie, Jeanne Drouelin, épousa Jean Cathus en
1365, apportant dans sa dot la seigneurie de Saint-Fulgent à son mari. Puis ce
bien passa par héritage dans la famille des Rezé, possesseur de la Merlatière, la
Raslière (près le bourg de la Merlatière) et la Jarrie (Saligny), puis des
Chasteigner, habitant Saint-Denis-la-Chevasse, vers 1500. Saint-Fulgent aussi
ne connut plus pendant longtemps de seigneurs habitant sur place. Leur histoire
a été reconstituée dans les trois récits publiés sur ce site à l’occasion de
leur querelle avec les seigneurs de Languiller, au sujet du titre de seigneur
de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière, qui dura deux siècles. Le premier a
été publié en novembre 2015 : Les seigneurs de Saint-Fulgent contre les seigneurs de Languiller (1595-1649. Et
en janvier 2016 : Les seigneurs de Saint-Fulgent au 18e siècle. Le Bois Thibaud, situé au nord du Bois de Languiller, et à l’emplacement
actuel des éoliennes les plus proches de la route D 37, avait été laissé en
indivision entre les deux sœurs Drouelin, et en 1598 il était toujours en
indivision entre la Drollinière et la Jarrie. Il en était de même du Bois du
Vrignais proche de la Boutarlière (aveu en 1598 de la Merlatière, la Raslière
et la Jarrie à Thouars, page 73). En 1779, le Bois Thibaud était un tènement en grande partie
défriché, dont quelques propriétaires faisaient leur déclaration à Linières (31).
Mais une partie laissée en bois taillis (30 boisselées en 1789) appartenait au
seigneur de la Rabatelière, qui avait acheté la Jarrie (32).
Vouvant ancienne cité médiévale
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Du côté de la Boutarlière, Catherine Drouelin épousa Guyon
Bonnevin en 1490, et leur fille Louise Bonnevin épousa en 1519 Antoine Gazeau,
seigneur de la Brandasnière, paroisse de Cezay dans la mouvance de
Vouvant. Devenue veuve, la dame de la Boutarlière épousa en secondes noces
François de La Muce, seigneur d’Aubigné et de Revroc (33). Une déclaration roturière de Jean Proust et Perrine Belin sa
femme, est faite à François de La Muce, « seigneur du fief de
Saint-André » le 16 mars 1543, pour 3 maisons et un four dans le bourg de
Saint-André et diverses autres parcelles de terre et prés, sur un parchemin en
partie illisibles à cause de grandes tâches (34).
Louise Bonnevin et Antoine Gazeau avait acquis en effet ce fief avec la métairie, des héritiers des Texier. Nous situons la date de cette acquisition entre 1534 (aveu de Pierre Brenier à la Drollinière), et 1542 (où François de La Muce est cité dans un jugement des Assises de Languiller) (34). Cette qualité de seigneur du fief de Saint-André était tout à fait normale, puisqu’il en rendait l’hommage à la Drollinière pour son épouse. François de La Muce fut condamné à mort aux environs de 1552, peut-être pour sa participation aux prémices des guerres de religion dans le camp protestant, et ses terres de Revroc et d’Aubigné furent confisquées (35).
Louise Bonnevin et Antoine Gazeau avait acquis en effet ce fief avec la métairie, des héritiers des Texier. Nous situons la date de cette acquisition entre 1534 (aveu de Pierre Brenier à la Drollinière), et 1542 (où François de La Muce est cité dans un jugement des Assises de Languiller) (34). Cette qualité de seigneur du fief de Saint-André était tout à fait normale, puisqu’il en rendait l’hommage à la Drollinière pour son épouse. François de La Muce fut condamné à mort aux environs de 1552, peut-être pour sa participation aux prémices des guerres de religion dans le camp protestant, et ses terres de Revroc et d’Aubigné furent confisquées (35).
En 1536, des habitants du Bourg sont poursuivis aux Assises de
Languiller pour payer un droit de rivage de 12 sols par an (36). Il s’agit
d’une initiative du seigneur de Languiller, Jean IV de Belleville probablement,
car ce droit de rivage n’est pas mentionné dans les redevances tenues par la
Boutarlière en 1517. En 1543, les mêmes assises de Languiller réclament
directement aux teneurs du bourg leurs déclarations roturières (37). Elles
court-circuitent le seigneur de Linières bénéficiaires des redevances, car le fief de Linières lui-même avait été saisi, faute pour son seigneur (Joachim de
La Châtre), demeurant à la cour et dans le Berry, de remplir ses devoir féodaux
envers son suzerain de Languiller.
Après François de La Muce et Louise Bonnevin, la Boutarlière et leur nouveau
fief de Saint-André-Goule-d’Oie passèrent à Jean
II Gazeau (1520-1587), seigneur de la Brandasnière. Son fils, Léon Gazeau Ier,
seigneur de la Brandasnière et de la Boutarlière, fut un marin éprouvé à qui le
roi Henri III permit d’armer pour le prétendant au trône du Portugal, Antoine,
soutenu contre le roi d’Espagne. Il épousa Isabeau de Plouer le 25 février
1580, laquelle était veuve en 1595. Elle appartenait à une famille bien implantée
dans la contrée (Mouchamps, Sainte-Cécile), et elle épousa aussi les ambitions
des Gazeau de la Brandasnière.
Elle obtint du présidial (tribunal supérieur) de
Poitiers contre les habitants du bourg de Saint-André, la fin du chemerage que
Louise Bonnevin avait acheté aux héritiers des Texier (38). On appelait
ainsi le droit de celui des possesseurs des biens dans un fief, qui rendait
l’aveu au suzerain pour lui et pour le compte des autres. Par exemple le
titulaire du prieuré était un de ses copossesseurs dans le fief. La Boutarlière
représentait ce dernier dans l’hommage au suzerain, et était appelé pour cela
le « chemier ». Les Gazeau
remplacèrent cette position de chemier parmi leurs pairs, par une autre, supérieure : ils seraient désormais leur seigneur à qui les autres possesseurs
dans le fief rendraient leur déclaration, voire un aveu en ce qui concernait le
prieur. C’est ainsi que le prieur Pierre Baudry fit une déclaration au seigneur
de la Boutarlière, avant 1639, par laquelle il déclare tenir de lui noblement à
droit de rachat son presbytère et autres domaines dans le bourg (39).
Entrée du château des Essarts
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Ce changement ne concernait pas la relation au suzerain de
la Drollinière. Mais la même Isabeau de Plouer obtint aussi un petit changement
dans cette relation, en la cour de haute justice seigneuriale de la baronnie
des Essarts, le 23 mai 1603. Au lieu d’être tenu en gariment (sous la garantie)
de Linières, le fief de la Boutarlière sera tenu désormais pleinement de lui,
déclarant le parage de 1342 fini. Cela concernait les fiefs de la Boutarlière
et de la Drollinière dans la mouvance des Essarts, mais ce changement devait
recevoir l’accord du suzerain des Essarts. Néanmoins il faudra attendre
longtemps avant que les officiers des Essarts enregistrent ce changement dans
les aveux des Essarts à Thouars. Rien de changé en 1658, et ce n’est qu’en 1718
qu’on voit écrit dans un aveu que le parage de la Boutarlière est fini. Quant
aux teneurs dans le fief lui-même de Saint-André, on a des signes d’opposition
dans les papiers de la famille Moreau, de riches bourgeois habitant dans le
bourg. Opposition à quoi ? On ne sait pas. François
Moreau, avec d’autres, fit une procuration datée du 2 avril 1617
« par laquelle ils connaissent le fief dudit Saint-André être mouvant de
la Boutarlière », est-il écrit sur un relevé des papiers de famille lors
d’un inventaire. Un autre relevé fait état d’un procès au sujet de la justice
foncière et « de la qualité du domaine de Saint-André » (40).
Malheureusement nous ne savons pas ce que disent ces papiers relevés par leur
titre dans un inventaire.
Le fils d’Isabeau de Plouer, Léon II Gazeau, né en
1585, épousa le 24 avril 1613 Marie du Vergier, elle aussi de l’Église
réformée. Il fut déclaré noble en 1624. Et leur fils, René Gazeau (1620-1662), épousa en 1644 Renée Bonnevin. Ce
dernier était un fameux protestant, qui, selon les rumeurs répandues dans le
pays, se déguisa en prêtre, alla à Paris où il dit plusieurs messes par jour
pour cacher sa véritable identité (41). Il est décédé le 21 janvier 1662 à l’âge de 42 ans. Une partie de sa
pierre tombale était encore visible en 1967 sur une maison de la Charillère
(Chauché), récupérée dans un champ près de la maison de la Boutarlière (42).
C’est lui qui chercha querelle au seigneur de la Drollinière dans les mois qui
suivirent son mariage en 1644 et sa prise de possession de la Boutarlière
ensuite.
Revenons à la Drollinière. Dans la période de la fin du 16e
siècle et le début du 17e siècle, la terre de la Drollinière fut
vendue plusieurs fois. De la famille La Châtre elle passa aux Bruneau
(Rabatelière), puis aux Garreau. Gedéon Garreau, écuyer sieur de Lespine, et
Renée de Gastinière sa femme, ont vendu le 2 novembre 1619 le domaine à maître
René Pidoux, magistrat au parlement de Paris et abbé de Valence. En 1621 le
domaine de la Drollinière était à nouveau en vente par adjudication à la criée
en la cour de Poitiers (43). Visiblement nous sommes en période de difficultés,
mais sans que nous sachions si c’est le domaine qui coûte plus qu’il ne
rapporte, ou si ce sont les propriétaires qui ne sont pas à la hauteur des
exigences de gestion d’alors. Il ne faut pas écarter non plus les
conséquences des pillages et destructions qui sévirent dans la région pendant
les guerres de religion. Pour Linières nous ne savons rien à ce sujet, mais
nous connaissons les travaux au château des Essarts en 1570 pour réparer les
dégâts des huguenots (44). On sait aussi que le logis de la Boutarlière est un
ensemble fortifié de la fin du 16e siècle, bâti pour se garantir
contre l’insécurité à cette période. Son cadran solaire date de 1620 (45). Le chœur de l’église de Chavagnes-en-Paillers
fut incendié par des protestants conduits par Gilles Durcot, seigneur de l’Etang à
Chavagnes, et fut réparé par le seigneur de la Rabatelière (46).
On n’est pas
étonné dans ce contexte de voir à nouveau les Assises de Languiller réclamer
directement en 1610 à 10 teneurs du bourg leurs déclarations roturières (47).
En 1617 le tribunal entame une procédure de saisie féodale de Linières (48).
La Boutarlière
|
C’est après l’année 1621 qu’apparût un nouveau propriétaire
de Linières, Élie de Goulaine, qui avait épousé en 1611 Marie Olympe Garreau,
dame de la Drollinière. Sa présence fut courte. Après lui le nouveau propriétaire
est Anne Legras, sieur du Plessis Clain, qui viendra habiter sur place. En 1626
il donne procuration pour l’assise de Languiller (49) (tribunal où l’on
présente ses hommages et aveux). Et on a sa première trace sur le registre de
la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie le 26 novembre 1635 (vue 91 sur le
registre numérisé accessible sur le site internet des Archives de la Vendée),
date du baptême de sa fille Catherine. Anne Legras, se disant seigneur du
Plessis Clain, est en effet le premier seigneur des lieux depuis longtemps à
venir habiter la Drollinière vers 1630. C’est lui qui simplifia le
nom de la Drollinière en celui de Linières à cette époque. Nous écrivons ce
dernier mot avec un « s » selon un usage né au 19e siècle,
mais à l’origine le mot s’écrivait sans « s ». C’était un faux noble
qui usurpait le titre de baron. Son fils, Claude Legras, fut déclaré roturier
et condamné à 5 000 livres d’amende en 1667 (50). Il faut probablement faire un
lien entre ce changement de nom et le titre usurpé, pour brouiller les pistes
remontant du passé. Anne Legras dut affronter l’ambition de René Gazeau de la
Brandasnière, seigneur de la Boutarlière. Celui-ci voulait être reconnu
seigneur de Saint-André-Goule-d’Oie, et non pas simplement seigneur du fief de Saint-André-Goule-d’Oie.
La querelle de 1646 entre la Boutarlière et Linières
Le factum de décembre 1646, qui nous révèle leurs conflits,
a été écrit après les assises de la seigneurie de Linières siégeant dans les
mois précédents apparemment. Ainsi nommait-on le tribunal des seigneurs
autrefois. Le procureur fiscal des assises (représentant le seigneur) dénia à
René Gazeau la qualité de seigneur de Saint-André-Goule-d’Oie, et la cour le
condamna à régler ses arrérages de redevances seigneuriales. De plus, le
procureur lui interdit de continuer à utiliser un droit de passage sur le
chemin qui allait de la Boutarlière à la Guerinière. La cour lui laissa
néanmoins un délai pour présenter sa défense. Et c’est dans ce but que le
factum, dont nous avons une copie, a été rédigé pour le compte de la dame de
Languiller, Marie Hurault, mère de Maximilien Eschallard. Le seigneur de
Linières avait en effet sollicité l’aide de son suzerain, comme il était
d’usage en pareille circonstance.
Pour fonder ses dires, il s’appuya notamment sur la
contenance du fief du bourg de Saint-André. Que dans son enclos il existât un
bien foncier relevant d’un autre régime juridique, voire d’un autre seigneur,
s’était rencontré ailleurs dans la paroisse. Dans le tènement de la
Bergeonnière, le fief Chevillon relevait de la Mancellière à l’origine, alors
que la Bergeonnière relevait du Coudray. Dans le fief de la Jaumarière, qui
relevait du Coin Foucaud, le fief des Segoninières relevait des
Bouchauds. Néanmoins l’existence des deux moulins et moitié d’étang dans le
fief de Saint-André-Goule-d’Oie, mais appartenant à Linières, va servir de prétexte au seigneur de la
Boutarlière pour se quereller avec celui de Linières, pourtant son suzerain.
Cet enclos de moitié d’étang et deux moulins n’avait pas de nom comme le fief
Chevillon ou le fief des Segoninières, et on le désignait par sa description
sommaire, comme un fief anonyme.
Bourg de Saint-André-Goule-d’Oie
|
On aimerait lire un aveu de
Linières au Coin Foucaud pour le fief de Saint-André, afin de bien comprendre comment
la situation était présentée, mais nous n’en avons pas trouvé. À défaut on a un
aveu du suzerain, le seigneur du Coin Foucaud (Languiller) à la baronnie des
Essarts en 1605 (51). Sous un même hommage, l’objet du fief est décrit en deux
parties distinctes : d’abord « le fief de Saint André de Gouledois dans lequel ladite dame (de Linières) tient à
son domaine la moitié de son étang de la Drouellinière, avec …. ses dits deux
moulins à vent et à eau … ». Autrement dit, la moitié d’étang et les deux
moulins font partie du fief de Saint-André tout en étant rattachés à la
Drollinière. Ensuite la dame de Linières avoue tenir sous le même hommage au
Coin Foucaud, la « damoiselle Louise Bonnevin dame de la Boutarlière, et
auparavant le soulait tenir les Michaux et Texier, c’est à savoir le fief dudit
Saint André, ses appartenances et dépendances et les devoirs qui s’en suivent
tant pour elle que pour ses parsonniers… ». L’aveu de 1605 reprend en
réalité ici la situation décrite dans un aveu de 1550, n’en étant qu’une simple
copie. Dans le mémoire de 1646, le seigneur de Linières va plus loin et fait
préciser que le fief de Saint-André est tenu de lui à cause du chef d’hommage
sans nom, comme anonyme, constitué par la moitié d’étang et les deux moulins.
Le procureur fiscal de Linières s’oppose à la
qualité revendiquée de « seigneur de Saint-André » prise par le sieur
de La Brandasnière, quoiqu’il reconnaisse qu’il a un fief au bourg de
Saint-André, qui s’appelle le « fief de Saint-André ». Il peut donc
se dire seigneur du fief, mais il ne peut pour autant se dire seigneur de
Saint-André, n’étant pas patron ni fondateur de l’église paroissiale, et son
fief ne s’étendant pas au total de la paroisse. Ce serait au préjudice du sieur
de Linières, seigneur supérieur qui a fief et domaine en ladite paroisse. On
relèvera que cette accusation d’usurper un titre, faite à la Boutarlière par le
seigneur de Linières, lui-même faux baron, ne manque pas de piquant.
M.
de la Brandasnière prétendit que pour la moitié d’étang de Linières, les
deux moulins et maisons alentours, le seigneur de Linières devait rendre son aveu à
la Boutarlière, possesseur désormais du fief de Saint-André, au lieu d’en
servir Languiller. Ce faisant, cette partie devait contribuer au paiement du
cens dû à Linières. Et partant, payer ses droits de lods et ventes (droits de
mutation), en cas de vente de Linières,
à la Boutarlière plutôt qu’à Languiller. À cet égard, M. de la Brandasnière
réclamait le paiement de ces lods et vente pour la dernière acquisition du
domaine de Linières par René Pidoux en 1619. Ils représentaient en Poitou habituellement
le 1/6 de la valeur des biens. Ce droit de fief lui donnait aussi celui de
retrait féodal en cas de vente des moulins et moitié d’étang. Et puis, étant
seigneur foncier dans le bourg, donc de l’église, il se prétendait son patron
fondateur, et partant de là pouvait porter la qualité de seigneur de la
paroisse.
M. de Plessis Clain rappela que le fief
de Saint-André avait d’abord été une possession du seigneur de Linières tenue du
Coin Foucaud (lequel est devenu annexe de Languiller). Puis les
seigneurs de Linières l’avaient concédé aux Texier, « gens roturiers et de basse
condition », dont maintenant M. de la Brandasnière avait les droits, mais
à la réserve des droits seigneuriaux sur le bourg, de la fondation et
prééminence d’église, qui
sont « des droits de supériorité venant de ladite moitié d’étang, des
moulins et maisons ». Il y a très probablement une
exagération sur son droit de prééminence dans l’église, comme de la part de son
adversaire d’ailleurs. L’un était catholique et l’autre protestant, mais avec
ce droit honorifique il y avait un titre et ses redevances financières. M. de la
Brandasnière avait néanmoins été débouté en 1621 par la cour de Poitiers de sa
demande de faire contribuer l’adjudicataire de Linières au paiement du cens,
car non fondée sur aucun acte récent modifiant la situation décrite dans les
aveux antérieurs (52).
Chemin de la
Boutarlière à la Guerinière
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On
tenta un arbitrage « pour accommoder l’affaire par la douceur » (54). Mais on ne connaît pas la suite immédiate qui
fut donnée à ces querelles entre les deux seigneurs, par accord amiable ou par
décision judiciaire. À voir les documents dans la suite du temps, la
Boutarlière oublia le titre, tout en gardant le droit de fief sur le bourg,
mais vendit sa métairie. On doute qu’elle fit participer Linières au paiement
du cens néanmoins, et le droit de passage existe toujours.
Successions et mutations à Saint-André, la Drollinière et la Boutarlière, XVIIe-XVIIIe siècles
On observe que le frère cadet du seigneur de la Boutarlière
désigné dans le mémoire de 1646, David Gazeau, seigneur
de Bois Saint Martin à Saint-Martin-des-Noyers, se fit appeler seigneur de Saint-André-Goule-d’Oie.
Puis René Gazeau et sa femme Renée Bonnevin n’eurent qu’une fille, Marie, qui
fit un beau mariage en 1653 avec Philippe de Joncourt, authentique baron de la
Forêt-sur-Sèvre. La Boutarlière finit même au siècle suivant, grâce à d’heureux
mariages en milieu catholique, par appartenir au prince de Robech, qui plus est
Grand d’Espagne ! C’est peu dire que la qualité de seigneur de Saint-André-Goule-d’Oie
était sans intérêt pour un prince et un Grand d’Espagne.
Le prince de Robech vendit la seigneurie en 1770 à Jacques
Grégoire Boutillier (1717-1789), sieur du Coin (Coin des Pierres
Blanches à Saint-Martin-de-Beaupréau dans le Maine-et-Loire), bourgeois
habitant Mortagne-sur-Sèvre (55). Dans une transaction de 1776 chez le notaire
de Saint-Fulgent, il se présente comme « seigneur de la Boutarlière, fiefs
de Saint-André et autres lieux » (56). Mais dans la suite du texte on
repère quelques exagérations.
Dans cette transaction il règle un différend avec
François Chevreux, prieur-curé de Saint-André. Ils étaient en procès au
présidial de Poitiers pour des domaines dans le bourg dépendant du prieuré.
Ceux-ci étaient « tenus noblement à foi et hommage plain et à rachat par
mutation dudit sieur prieur, et à 5 sols de cens et devoir noble rendable par
chacun an audit lieu de la Boutarlière, jour et fête de Saint-Jean-Baptiste,
comme étant ledit seigneur de la Boutarlière fondateur et patron de l’église
dudit lieu de Saint-André ». Sans reprendre l’analyse de l’extrait on
appréciera qu’avec le temps on prenait ses aises avec la réalité historique du
côté de la Boutarlière. Mais le prieur Chevreux
accepta ce contenu, faisant
préciser que le prieuré relevait du seigneur du fief de
Saint-André-Goule-d’Oie. On mélangea donc le vrai et le faux dans cette
transaction, dispensant pour cette fois le prieur de faire sa foi et hommage,
et lui donnant 3 mois pour rendre son aveu et dénombrement. Dans le même délai
le prieur s’engagea à payer le rachat, dû à cause de son entrée en possession
et jouissance du prieuré (en 1760), lequel fut convenu à la somme de 120
livres. C’était l’époque des bénéfices ecclésiastiques, où le clergé était
rémunéré par les revenus d’un patrimoine donné temporairement à ses membres. S’agissant
d’un bien d’Église inaliénable, l’enjeu de la querelle n’avait pas une grande
portée financière. On la croit davantage motivée par une question
d’honneur : le patron fondateur avait le droit de se faire encenser et
bénir pendant les cérémonies religieuses, par exemple. On aimerait lire l’aveu du prieur pour connaître le
détail des biens fonciers, en particulier pour situer le moulin du prieuré.
Ambard de Guerry a noté que le prieur payait 2 sols de cens au Coin pour lui,
et il le situe dans le fief du bourg (57).
La Boutarlière
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Les autres propriétaires dans le bourg rendaient
une déclaration roturière à la Boutarlière à cause de son fief de Saint-André.
On le constate lors de l’achat en 1788 d’une pièce de jardin, où l’acquéreur
doit un denier de cens payable annuellement à noël, au receveur de la
Boutarlière (58). Dans une déclaration roturière en date du 18
octobre 1774, Jean Bordron, serrurier au bourg de Saint-André et fabriqueur de la paroisse, avoue devoir
chaque année au terme de noël à la recette de la Boutarlière, 101 sols et 1
géline de cens en solidarité avec tous les propriétaires du fief. On a aussi une
autre déclaration analogue du 12 octobre 1774 de Jean Charpentier, bordier au
bourg de Saint-André (59). On reconnaît le montant du cens fixé à la fin du 14e
siècle.
Du
côté du suzerain du fief de Saint-André, c’est-à-dire de Linières, nous sommes
peu informés. Le fils d’Anne Legras,
Claude, se maria en 1677 avec Françoise Charbonneau. Il mourut peu de temps
après, sans postérité. Mais le domaine de Linières avait été saisi pour la première fois en 1675 à
cause des dettes de son propriétaire, (60) et à nouveau suite à une décision
du parlement de Paris sur appel en 1679 (61). Le domaine resta saisi plusieurs
années. C’est
ainsi que le « commissaire receveur général aux criées des deniers et des
saisies réelles à Poitiers », donna procuration au sieur du Coudray,
Pierre Moreau, d’offrir la foi et hommage à Languiller. Ce dernier le
fit le 16 mars 1686 à Philippe Chitton, le nouveau seigneur de Languiller depuis 1671, « pour
raison de la moitié de l’étang de Linière, alias Drollinière, moulin à vent et
à eau en dépendant à cause du fief du Coin Foucaud… » (62). C’est
seulement le chef d’hommage qui est ici mentionné. Et dans l’aveu qui a suivi,
que nous ne connaissons pas, le seigneur de Linières a dû détailler l’objet de
cet hommage, décrivant le fief de Saint-André et ses redevances perçues par
lui.
Les moulins et la métairie du bourg de Saint-André
En
1796, quand la châtelaine de Linières racheta le domaine comme bien national,
on lit dans l’acte qu’il existe à Linières une « vieille tonnelle de
moulin avec la cour y joignant d’une boisselée trois quart ». C’est la ruine du moulin à vent, et le moulin à eau n’est
même pas évoqué. Lors de la saisie de Linières en 1675, le moulin
à eau n’est pas mentionné, signe probable de l’arrêt de son activité, alors
qu’on cite le moulin à vent, sans être sûr de son activité à cette date. On sait que l’étang s’est envasé au 18e siècle et qu’il avait
laissé la place à des broussailles dans le cadastre de 1838. Il a été recreusé
comme nous le connaissons maintenant vers 1872. L’emplacement du moulin
à vent est indiqué dans le cadastre napoléonien de Saint-André-Goule-d’Oie en
1838, section E 2, près du village de la Forêt (parcelle no 198). Il était
alors toujours en ruine, sans les maisons qui s’y trouvaient auparavant avec
leurs voies d’accès et cours attenantes.
La métairie du bourg
de Saint-André fut acquise par les Chitton de Languiller dans la première
moitié du 18e siècle. Elle fit partie de l’héritage de Marie Bénigne
Chitton, fille de Charles Auguste Chitton et d’Élisabeth de Châteauneuf, qui
épousa Charles Seghin de Brilhac de Nouzières, puis se remaria avec Louis
Auguste Pascault de Villars de Pauléon. Leur fille, Marie Geneviève, épousa en
1770 Charles Antoine Brilhac de la Laurencie. Elle conserva la métairie
jusqu’en 1791 (63).
Entre le bourg
de Saint-André et Linières
|
Le 25 avril 1791 on trouve deux étranges fermiers à moitié entre eux, de la
métairie du bourg : le prieur de Saint-André et le métayer de Linières. Ces
derniers signèrent ensemble un bail de 9 ans devant commencer le 23 avril 1792,
moyennant le paiement de 800 livres par an pour les deux métairies du bourg de
Saint-André et des Bouligneaux (Saint-Martin-des-Noyers). Ces deux fermiers
devaient ensuite sous-affermer à des laboureurs. Dans ce bail, le bailleur est Charles
Antoine de la Laurencie, l’époux de Marie Geneviève Brilhac de Nouzières,
représenté par Charles Augustin de Lespinay,
propriétaire de Linières (65). Les preneurs paraissent comme des prête-noms, à
cause des discussions en cours pour l’achat des deux métairies par Charles
Augustin de Lespinay. L’achat se fit le 10 juin suivant (66). L’émigration de Charles
Antoine de la Laurencie au
mois de septembre suivant pourrait expliquer ces deux actes successifs. Pour la
métairie, c’était un retour au domaine de Linières renouant avec son origine au
Moyen Âge.
Elle
faisait partie de ce domaine quand celui-ci fut racheté en 1796 comme bien
national par Mme de Lespinay. Le métayer s’appelait alors Pierre Texier (quelle
coïncidence de noms avec 1453 !), et les bâtiments dans le bourg avaient
été incendiés lors de la guerre de Vendée (67). En 1804, la métairie était
affermée pour 3 ans à Jean et Jacques Herbreteau, venant de la
Bergeonnière. Dans la
description du bien loué les dégâts ont disparu : « maison,
grange, toit, toiteries, ruages (abords immédiats des bâtiments), jardin, prés,
pâtis, terres labourables et non labourables ». Le propriétaire est alors le
deuxième mari de Mme de Lespinay, Joseph Guyet, qui avait donné pouvoir à son
régisseur sur place de gérer le domaine, son cousin Jean Guyet (68). Désormais
la ferme est à prix d’argent, 380 F par an. De façon peu fréquente, le père des
deux preneurs, demeurant dans le bourg de Saint-André, s’est porté caution pour
ses enfants. Dans cette ferme les métayers devaient fournir les bestiaux
garnissant les lieux, ce qui n’était pas à la portée de tous les
laboureurs, particulièrement après les ruines de la guerre de Vendée. Ils se
sont transportés pour signer le bail à l’Oie « en la demeure du citoyen
Pignard », Jean Guyet demeurant alors dans le bourg de Saint-Fulgent. Les
notaires choisis étaient de Sainte-Cécile, dont l’un parent du régisseur. Il
n’y avait pas encore de notaires à Saint-Fulgent après leurs disparitions au
début de la guerre de Vendée.
Pré
de la métairie du
bourg de Saint-André
|
Le bail sera renouvelé en 1828 avec les mêmes
métayers pour la période 1830-1835, et pour le prix de 612 F (70). Il a été
signé le 30 septembre 1828 au château de Linières par Landrieau le jeune, avec
procuration de ses parents. Mais le régisseur était absent, il mourra le 31
octobre suivant. Le bailleur, demeurant à Paris, n’est pas venu signer tout de
suite, et il est mort le 30 mai 1830. C’est son fils et unique héritier, Marcellin
Guyet-Desfontaines, qui le signera dans le bourg de Saint-Fulgent le 5
septembre 1830. Dans le corps du bail on relève que « M. Guyet se réserve
comme par le passé le petit bois taillis qui existe dans le pré dit de la
Bergeonnière. Dans le cas où il conviendrait de le faire arracher, le fermier
aurait la jouissance des récoltes à la condition qu’il mettrait le terrain en
nature de pré deux ans au moins avant l’expiration du bail ». On était en
période de reprise des défrichements sous l’impulsion de Joseph Guyet. Il
voulait aussi avoir de belles haies, et comme dans le précédent bail il ajoute
cette clause : « les fermiers s’obligent à planter, soigner et
entretenir par chaque année du présent bail la quantité de dix pieds
d’arbres ». Et il créa de nouvelles haies comme dans l’exemple
ci-dessus : « les preneurs s’obligent de faire faire, dès cette
année, à leurs frais, sans répétition contre M. Guyet, un fossé pour mettre en
deux parties égales le champ du Martinet dont ils jouissent. Ce fossé aura
trois pieds d’ouverture et trois pieds de profondeur …….. sera fermé à sept
pieds de haut, et il sera garni et couvert … de gazon, comme aussi il sera
fourni dans toute sa longueur de plants d’aubépines en suffisante quantité. Il
sera planté aussi en jet des arbres de bonne semence à 10 pieds de distance.
Les fermiers feront à saison convenable greffe à bons fruits des rejets ainsi
plantés ; ils cultiveront, bêcheront, soigneront tant le fossé que le plan
d’un lopin avec leurs arbres de manière à laisser le tout en bon état à
l’expiration du bail ». Dans la déclaration de la succession de Joseph
Guyet au bureau de Montaigu, on lit que la métairie du bourg comptait 31
hectares en 1830, s’étendant sur Saint-André et aussi sur Chauché. Dans les
années 1890, au temps de Gaston de Marcillly, avant-dernier propriétaire du
domaine de Linières, elle fut vendue à un nommé Maixent Girard.
Métairie, prieuré-cure et logis du bourg de Saint-André, un effacement progressif jusqu'à nos jours
Rue de la
Madone à
Saint-André-Goule-d’Oie
|
L’église
actuelle, construite en 1875/1876 et bénite en 1877 (72), a remplacé une
antique église plus petite, située au même endroit quand on regarde le cadastre
de la commune en 1838. Les anciens bâtiments du prieuré-cure, le jardin
et ses dépendances, devenus propriété de la commune par la loi de 1905, se
trouvaient à droite de l’entrée principale de l’église actuelle, sur le terrain
occupé maintenant par une place publique (square Marie Charrieau). Derrière,
vers l’est, était l’ancienne mairie, construite et aménagée dans les
dépendances de l’ancien prieuré, après échange avec Eugène Grolleau. Des ruines
de cette vieille cure, où le dernier habitant était le sacristain Joseph
Remaud, furent démolies en avril 1949 (73). Les pierres ont servi à
l’empierrement d’une rue dans le village du Coudray (74). L’ancien cimetière,
« près le chœur de l’église » quand on y enterrait les Droullin
seigneurs de la Drollinière, devait aussi jouxter cet espace, probablement vers
le nord. Sur le cadastre napoléonien de 1838 le nouveau cimetière était déjà aménagé à l’extérieur du bourg le long du chemin
conduisant à la Machicolière.
On a une description du presbytère au moment de sa
vente comme bien national en 1796 : « la maison ci-devant curiale de la commune de
André-Goule-d’Oie consiste dans une cuisine, une chambre, un four, un salon,
une chambre au-dessus et une cabine à côté, un cellier et une chambre
par-dessus, une cour, deux petites écuries, une poulaillerie et un toit, un
jardin, une grange-grenier par-dessus, ensemble (en plus) la ci-devant église
dudit lieu, sacristie et ballet (auvent) en dépendant, le tout se joignant,
contenant le total environ 2 boisselées de terre (2 430 m2), y
compris quelques bâtiments et servitudes qui ont été incendiés. Plus une ouche
contenant environ une boisselée appelée les Trois Carrières tenant au chemin
qui conduit à Florence » (75). Voir notre article publié sur ce
site en mars 2017 : La vente des biens du clergé à Saint-André-Goule-d’Oie. Cette description du presbytère
en 1796 correspond à peu près au constat fait lors d’un inventaire après-décès
du curé de Saint-André en 1666. Les incendies des « bleus » ont
touché les bâtiments de la métairie et une partie du prieuré, aussi le logis de
Vaugiraud et une maison d’André Bordron dans le bourg. On a une liste de 53
maisons incendiées dans la commune, incomplète, dressée par le maire en 1810,
mais seulement avec le nom de leurs propriétaires et sans indication du lieu,
ce qui rend notre inventaire des incendies dans le bourg peut-être insuffisant
(76).
La première école des garçons a été bénite en 1853
par l’évêque, mais très probablement existant depuis plusieurs années. C’était
une classe aménagée dans les bâtiments du vieux prieuré. La première école des
filles a été construite et ouverte en 1849, tenue dès l’origine par les sœurs
de Mormaison. Elle se trouvait au milieu des maisons du bourg proches de la
route des Essarts et de la route de Chauché. Vers 1902 elle déménagea dans une
construction neuve, rue Amaury-Duval.
Le presbytère a été transféré dans le logis du bourg
en 1898 (77). Celui-ci a été acheté l’année d’avant par le curé Charles Veron, au propriétaire de Linières,
lequel l’avait acquis de la famille de Tinguy dans les années 1880/1890. Cette
possession par un particulier a permis d’éviter sa nationalisation au moment de
la loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État, qui a confisqué les
biens des fabriques. Le curé le revendit à un particulier qui le conserva
jusqu’en 1954, date où il en fit l’apport à une association diocésaine de
gestion immobilière des biens d’Église. Les bâtiments de l’ancien prieuré
adossé à l’église sont devenus propriété de la commune par la loi de 1905,
toujours inhabités et en ruines en 1931. Le logis du bourg, devenu
nouveau presbytère, était un bâtiment à deux étages, recouvert de tuiles,
comprenant 4 pièces au rez de chaussée et 6 chambres au-dessus. Il
avait un jardin au-devant, enclos de murs, et longeant au nord le chemin de
Saint-Fulgent aux Essarts, devant l’église. Le jardin est devenu la place des
Tilleuls dans les années 1970, et le logis-presbytère a été vendu en 1988 à la
commune par l’association diocésaine propriétaire. En 1576 ce jardin, qui
existait déjà, était en indivision entre plusieurs propriétaires, comme
il était d’usage souvent entre les habitants des villages et des bourgs. C’est
ce qu’on constate par un achat effectué cette année-là, dans un acte où on
relève ce bout de phrase : « les choses étant au fief de Saint-André
… au pied duquel est la quittance de Jean Gazeau seigneur de la
Boutarlière » (78). La quittance était celle du paiement des lods et
ventes (droit de mutation).
À côté de l’ancien logis
du bourg de Saint-André
|
On a une information
intéressante sur une maison en 1776, située à la place de l’ancien café
Fonteny, c’est-à-dire à l’angle de la route de Saint-Fulgent aux Essarts et de
l’allée des Tilleuls. Elle était en ruine et composée autrefois de 3
pièces au rez-de-chaussée et d’une à l’étage, avec un petit jardin y joignant.
En face de l’église on imagine le tableau de désolation offert à la
vue ! Elle fut vendue par son propriétaire, un frère de Jean Aimé de
Vaugiraud, Auguste, qui habitait ordinairement dans le bourg des Essart, à
Charles Trotin, cabaretier dans le bourg de Saint-André. La vente s’est faite
sous forme d’un arrentement, consistant pour l’acquéreur à payer une rente
annuelle et perpétuelle de 18 livres par an. Il prit l’obligation de « rétablir
en maison la masure en tout ou partie, afin que le fonds sujet à la rente
puisse toujours en répondre ». Le notaire rappelle l’obligation de faire
les « certes et obéissances » au seigneur de la Boutarlière, dont
relève roturièrement le domaine. La valeur de 18 livres valorise le bien fonds
acheté à 360 livres, ce
qui fait un bien entretenu de la valeur d’au moins le double (environ 800
livres), bien situé et spacieux pour l’époque (79).
Probablement la maison avait-elle
fait partie des achats des ancêtres Moreau des de Vaugiraud. En effet, Jacques
et René Moreau avaient effectué 5 achats dans la seule année 1631 dans le bourg
de Saint-André (80), comme ils en firent beaucoup d’autres aussi en 1631 aux villages
des Gâts et de Villeneuve, toujours concernant de petites surfaces ou masures.
Beaucoup de petits propriétaires ont certainement été obligés de vendre cette
année-là leurs modestes biens pour survivre. On sait que les moissons ratées de
1630/1631 pour cause d’humidité excessive, ont causé une famine et aggravé une épidémie
de peste, expliquant « l’extraordinaire poussée de la mort au printemps
1631 à Nantes et dans les zones limitrophes du Poitou » (81). Le vicaire
de Mouchamps avait baptisé le 26 juillet 1629 Honoré Frappier dans la chapelle
de la commanderie de Launay à Sainte-Cécile, pour cause de maladie contagieuse
sévissant dans le bourg de Sainte-Cécile (82). Avec la veuve de son frère René,
Jacques Moreau fit deux autres petits achats dans le bourg en 1644 (83). Et
ensemble ils achetèrent en 1640 et 1643 des biens dans le bourg à Samuel et
Pierre Proust, à chaque fois pour 400 livres (84). Les sommes sont importantes,
mais on n’en sait pas davantage puisque ce sont des relevés d’inventaires de
papiers de la famille que nous lisons, et non pas les documents eux-mêmes. Mais
on se demande si ces deux achats ne sont pas à l’origine de l’ancien logis du
bourg.
Le logis du bourg était la demeure de Jean Aimé de Vaugiraud un peu avant la Révolution, jusqu’à sa mort en 1814. Il en avait hérité de son père dans les années 1770, puisqu’en 1776, le partage de la succession était déjà fait (85). Nous avons des indices forts pour penser que ce logis était celui des Moreau déjà à la fin du 17e siècle (86). En 1726 il était estimé à une somme importante de 4000 livres, comprenant avec le jardin, une prairie au derrière et une autre maison et jardin dans le bourg (87). Voir les articles publiés sur ce site en avril 2012 : M. de Vaugiraud à Saint-André-Goule-d’Oie, et en juin 2014 : Les Moreau de Saint-André-Goule-d’Oie du 16e au 18e siècles. Le logis date au moins des années 1650, et le Pierre Moreau qui offrit la foi et hommage de Linières à Languiller le 16 mars 1686 (voir ci-dessus), devait y habiter.
Amblard de Guerry a
relevé dans les minutes du notaire Gouraud de Chavagnes, qu’un inventaire des
meubles d’Aimé de Vaugiraud a été effectué le 10 novembre 1814. Après le décès
intervenu le 7 septembre précédent d’Aimé de Vaugiraud, son logis du bourg et sa
borderie du bourg de 200 boisselées (24 ha), allèrent à son cousin des Sables-d’Olonne, Pierre René Marie de
Vaugiraud (88). Peu de temps après c’est sa fille, Marie Renée Marguerite de
Vaugiraud, qui en devint propriétaire, épouse du baron de Fériet.
En 1822 Marie Anne Quantin et son mari Edward
Dillon achetèrent « une maison de maître avec un grand jardin et une
prairie entourée de vieux murs et une haie (plus pièces de terres) sis au bourg
de Saint-André » (89). Ce dernier était « député commissaire général
de sa majesté britannique », un officier supérieur, né à Londres en 1764 d’Étienne
Dillon et d’Élisabeth McCarthy. Les nouveaux propriétaires vinrent habiter au
logis du bourg, et Édouard Dillon y mourut le 26 décembre 1825 (vue 43 du
registre d’état-civil). Marie Anne Quantin devint l’héritière de son mari par son
testament daté de Lisbonne le 11 septembre 1816, écrit en anglais. Elle quitta
Saint-André et vendit en 1829 le logis à Léon Auguste de Tinguy du Pouët et Élisa Adélaïde de Buor de la Voye son épouse, demeurant à la Clavelière. Ces
derniers acquirent la même année des terres sur Saint-André qu’avaient gardé M.
de Fériet (90)
Léon
de Tinguy du Pouët, qui fut maire de la commune brièvement en 1829 et 1830,
habita au logis du bourg. À
la mort de son épouse en août 1834, un inventaire des meubles de sa succession
et de la communauté d’avec son mari fut effectué par le notaire de
Saint-Fulgent en janvier 1835. C’est l’occasion de découvrir la composition du logis :
au rez de chaussée une cuisine, une salle à manger, un salon de compagnie, un
corridor et une laiterie. À l’étage il y avait 6 chambres, dont 2 avec une
cheminée. Les communs comprenaient autour d’une cour à l’arrière du logis (côté
sud), où s’entassait les fagots de bois pour l’hiver, divers bâtiments : un
cellier, une sellerie, une écurie, un grenier, une remise, une écurie, une boulangerie,
une grange et une étable aux vaches (90).
Conclusions
L’histoire connue des sept siècles du bourg de
Saint-André-Goule-d’Oie est marquée par l’inconnue de son origine, comme les
autres villages de la commune, mais elle y est moins forte cependant. On peut
approcher sa nature particulière de bourg franc et son régime seigneurial presque d’origine.
C’est un des avantages des procès féodaux que de
chercher des preuves dans le passé pour légitimer le présent. Celui ayant
opposé les seigneurs de Linières et de la Boutarlière autour de 1646 nous donne
la chance de remonter ainsi jusqu’à 1342 dans l'histoire du bourg, en
complément des découvertes d’Amblard de Guerry. Cette querelle entre seigneurs n’est
pas un phénomène réservé au bourg à Saint-André. Les villages de la Boutinière,
Chevaleraye et Javelière l’ont connu aussi entre les seigneurs de Languiller et
de Saint-Fulgent pendant près de deux siècles, de 1595 à 1770, et avec
l’intervention du baron des Essarts. Le Coin et le Pin n’ont pas été épargnés
non plus, et d’autres querelles ont impliqués des bourgeois comme à la
Bergeonnière et à la Porcelière. La même motivation revient toujours, inhérente
à la propriété féodale des terres nobles, pour l’honneur ou (et) pour l’argent.
Les sources d’informations disponibles, le chartrier de la seigneurie de la
Rabatelière principalement, nous offrent malheureusement trop peu
d’informations sur la masse de la population appartenant au tiers-état. C’est
important de le rappeler quand il faut souligner que ce monde féodal s’est
effondré d’un coup avec la Révolution de 1789.
La métairie du bourg, née comme d’autres (la Roche
Mauvin) dans la fin du Moyen Âge, a traversé les siècles dans l’immuabilité des
techniques agricoles du bocage vendéen. Elle a bénéficié de l’attention de ses
propriétaires de Linières au cours du 19e siècle, et certainement a
dû profiter comme les autres métairies de la révolution des techniques
agricoles au milieu de ce siècle avec l’arrivée de la chaux comme engrais et de
l’acier dans de nouveaux outils. Puis elle s’est effacée au 20e
siècle, n’ayant plus alors sa place dans l’urbanisme moderne d’un bourg.
Église de Saint-André-Goule-d’Oie
|
Maintenant la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie
est devenue un relais de la nouvelle paroisse de Saint-Jean-Les-Paillers en
1997. La commune de Saint-André-Goule-d’Oie avec ses voisines, est désormais
enserrée en partie entre deux nouvelles communes nées de regroupements :
Montaigu-Vendée (20 000 habitants), et Les Essart-en-Bocage (8 500
habitants). Avec des communications routières rapides et internet, les villages
et le bourg de Saint-André deviennent résidentiels dans une région créatrice
d’activités économiques, voyant sa population accueillir de nouveaux habitants
depuis peu. Cette adaptation voulue ouvre un nouveau chapitre de son histoire,
y compris dans la définition des territoires. Puisque tout change, tout bouge, nous
apprennent les pages que l’on vient de tourner.
(1) Eugène
Aillery, Pouillé de l’évêché de Luçon
(1860) page 86, (d’après le pouillé de l’évêché de Poitiers).
(2) Gaston Roupnel, Histoire de la campagne française, Tallandier, 2017, page 107.
(3) Joël Bibonne, Histoire de la famille de Vivonne, A. C. V. B. Tome 1, 2018, pages
42 et 446 note 66. De
tout temps et souvent, les hommes ont donné aux lieux où ils vivaient en
fonction des éléments les plus caractéristiques visibles dans le paysage :
une colline, un ruisseau, etc. Ce nom était dans la langue parlée à cet endroit
à l’époque en question. Par conséquence beaucoup des toponymes utilisés chez
nous sont d’origine celte, traduits en latin dans les premiers textes écrits
par des moines ou des secrétaires des seigneuries, puis conservés dans une
francisation plus tard à l’orthographe incertain, guidée par des sonorités
proches (note personnelle).
(4) Charles Farcinet, Hugues IX de Lusignan et les comtes de la Marche,
Revue du Bas-Poitou, 1896, pages 156 à 164.
(5) A. de Guerry, Histoire et Légende, dans Recherches
Vendéennes autour de l’œuvre d’Amblard de Guerry, no 25, 2020, page 25.
(6) Note d'Amblard de Guerry pour une présentation générale sur Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 1.
(7) Aveu en
1343 de Jean de Thouars à Montaigu (roi de France) pour des domaines à Saint-André,
no 389, Archives Amblard de Guerry : classeur d’aveux copiés aux Archives Nationales.
(8) Aveu en
1343 de Saint-Fulgent à Montaigu, copie d’Amblard de Guerry dans son
classeur d’aveux.
(9) Archives du diocèse de Luçon, fonds de
l’abbé Boisson : 7 Z 29-2, lieux-dits de Chauché, la Boutarlière.
(10) Notes
no 5 et 17 sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de
Guerry : S-A 3.
(11) Quelques prix
pratiqués dans la seigneurie de Palluau en 1371, Archives de la Vendée,
annuaire de la société d’émulation, 1867, vue 116.
(12) Idem (10) et
aveu de Languiller pour le Coin Foucaud à la baronnie des Essarts du 2-7-1605
copiant un aveu de 1550, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière :
150 J/G 61.
(13) Louis Brochet, la Vendée à travers les âges
(1902) : histoiredevendee.com
(14)
Histoire de la France rurale tome II, Hugues Neveux, Déclin et reprise fluctuation biséculaire 1350-1560, Seuil, 1975,
page 42.
(15) E. Le
Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, 2004, tome I, page
31 et s.
(16) Positions contradictoires sur la
dépendance de Saint-André-Goule-d’Oie à Linières et factum de M. du Plessis
Clain contre M. de La Brandasnière dans un mémoire de 1646, Archives de
la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17. Texte et images en
ligne sur le site des Archives départementales de la Vendée (rubriques à
ouvrir : Découvrir, Dossiers thématiques, Seigneuries)
(17) Lettre de Proust du 8-2-1729 à M.
Volluette avocat parisien de M. Descazeaux, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/G 40.
(18) Positions contradictoires en
1646 ... op. cité (16).
(19) Aveu des Essarts à Thouars du 13-6-1639, Archives
nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1136.
(20) Inventaire du 30-10-1787 des titres et papiers
du prieuré et de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie par Pierre Baudry, page
4, Archives de Vendée, commune de Saint-André-Goule-d’Oie : 139 G 3 et 4. La
date de 1677 indiquée dans cet inventaire est erronée, Pierre Baudry ayant été
curé de Saint-André jusqu’en 1639.
(21) Abbé Auber, Saint-Martin-de-Vertou,
Société des Antiquaires de l’Ouest (1868), page 48 et s.
(22) Aveu du 16-4-1597 des Essarts à Thouars, Archives
nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(23) Positions contradictoires en
1646 ... op. cité (16).
(24) Positions contradictoires en
1646 ... op. cité (16), et autre référence : Archives du diocèse de
Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 29-2, la Boutarlière.
(25) Partage du 22-10-1774 de 7,5 boisselées à la
Gandouinière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau :
3 E 30/121.
(26) Reconnaissance du 6-1-1766 d’une rente à la
Gandouinière au seigneur de Saint-Fulgent, Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/119.
(27) Cf. aveu des Essarts à Thouars, 1597, idem (22).
(28) Note no 15 sur le Coin
à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(29) Idem (10).
(30)
Lettre du 14-3-1729 de Proust à Volluette, avocat parisien de Descazeaux,
Archives de Vendée, Chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 40.
(31) Déclaration roturière du 15-4-1779 de 9
teneurs du Bois Thibaud, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Bellet : 3 E 30/126.
(32) Archives de la
Vendée, domaines nationaux : 1 Q 342, no 117, partage Montaudouin et
République du 3 pluviôse an 5 (22-1-1797).
(33) Guy de Raignac, De châteaux en
logis, itinéraires des familles de la Vendée, E. Bonnefonds (1990) T
2 page 112 : la Boutarlière.
(34) Archives de Vendée, G. de Raignac, Quelques familles anciennes du Bas-Poitou
depuis longtemps éteintes, 2e série, (famille de La Muce) : 8 J 2, page 161. Et Assises de Languiller et fiefs annexes en 1542, Archives de Vendée,
chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 22, pages 774 et 842.
(35) Fonds Boisson: 7 Z 29-2.
(36) Assises de Languiller en 1536, Archives de Vendée, chartrier de la
Rabatelière : 150 J/M 22, pages 456 et 491.
(37) Assises de Languiller en 1543, Ibidem : 150 J/M 22, page 922.
(38) Positions contradictoires en
1646 ... op. cité (16).
(39) Cf. inventaire des titres du prieuré, 1787,
idem (20)
(40)
Inventaire après-décès en 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de
Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau
: 22 J 29, page 153.
(41) Fonds Boisson : 7 Z 29-2.
(42) Notes sur la famille Gazeau, fonds
Boisson : 7 Z 18-2.
(43) Positions contradictoires en
1646 ... op. cité (16).
(44) Comptes de la ferme des Essarts arrêtés au 17 mai 1572, Archives de Vendée, baronnie des
Essarts-Brosse et Luxembourg (1435-1642) : 19 J 1.
(45) Fonds Boisson : 7 Z 29-2.
(46) Fonds Boisson : 7 Z 63.
(49) Procuration du
15-7-1626 d’Anne Legras pour l’assise de Languiller, chartrier de la Rabatelière :
150 J/C 17.
(50) État
du Poitou sous Louis XIV. Rapport au roi et mémoire sur le clergé, la noblesse,
la justice et les finances par Charles Colbert de Croissy, Catalogue alphabétique des nobles dressé
par Jacques Honoré Barentin … annotés et publiés par Charles
Dugast-Matifeux, Fontenay, 1865, page 445 et 507 [https://books.google.fr]
(51)
Aveu du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 par Languiller aux Essarts,
deuxième copie : 150 J/G 61, reprenant le texte d’un aveu de 1550.
(52) Positions contradictoires en 1646 ... op. cité (16).
(53) Déclaration roturière du 9-4-1653 de René Gazeau
à Languiller pour des terres proches de la Boutarlière : 150
J/C 9.
(54)
Lettre du 12-12-1646 de Fournier au sieur de l’Auberdière sur les conflits entre
Linières et la Boutarlière : 150 J/C 17.
(55)
Xavier Aimé, La Boutarlière ou le
passé retrouvé, édité par l’auteur.
Archives de la Vendée : BIB MEM 455.
(56) Transaction du 8-5-1776 sur l’hommage du
prieuré de Saint-André à la Boutarlière, Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(57) Note no 4 sur le bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry: S-A 3.
(57) Note no 4 sur le bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry: S-A 3.
(58) Achat d’un canton de jardin du 7-6-1788 dans
le bourg de Saint-André par André Bordron, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Frappier : 3 E 30/12.
(59) Conclusions motivées vers 1844 au tribunal de la section du
bourg édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives
de Vendée : 1 Ǿ 633.
(60)
Saisie du 28-9-1675 de Linières appartenant à Claude Legras, Archives de
Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17.
(61)
Déclaration de la criée aux enchères du domaine de Linières prévue en mai et
juillet 1783, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 17.
(62)
Foi et hommage du 16-3-1686 de Linières à Languiller pour les moulins et
la moitié de l’étang, Ibidem : 150 J/C 17.
(63) Achat des métairies des Bouligneaux et du bourg
de Saint-André le 10-6-1791 de C.A. de Lespinay à La Laurencie, notaires de Saint-Fulgent,
Frappier : 3 E 30/13.
(64) Ferme du 2-1-1778, de la métairie du bourg de
Saint-André par Bordron, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent,
Thoumazeau : 3 E 30/123.
(65) Ferme du 25 avril 1791 des métairies du bourg
de Saint-André et des Bouligneaux à Allain (prieur) et Jean Herbreteau
(Linières) par moitié entre eux, par Charles Antoine de la Laurencie, Archives
du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 73-1, généralités sur Saint-André-Goule-d’Oie.
(66) Achat
des Bouligneaux et de la métairie du bourg de Saint-André par Charles de
Lespinay le 10 juin 1791, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier
: 3 E 30/13.
(67)
Archives de Vendée, vente des biens nationaux, dossier de l’achat de
Linières : 1 Q 240 no 317.
(68) Bail de la métairie du Bourg du 15-2-1804 de
J. Guyet à Herbreteau, Archives de
la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, papiers Guyet : 3 E 30/138.
(69) Bail de la métairie du Bourg du 15-5-1824 de
J. Guyet à Landrieau, Archives de la
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, papiers Guyet : 3 E 30/138.
(70) Bail de la métairie du Bourg du 30-9-1828 de
J. Guyet à Landrieau, Archives de la
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, papiers Guyet : 3 E 30/138.
(71) Délibération du conseil municipal de
Saint-André-Goule-d’Oie du 27-7-1873, Archives de la Vendée, délibérations
municipales, registre numérisé accessible par internet : vue 35.
(72)
Chronique paroissiale p 280 abbé Aillery T1 1892, bénédiction de l’église de
Saint-André-Goule-d’Oie le 19-8-1877.
(73) Fonds Boisson : 7 Z 73-1
(74) Témoignage de Marcel Soulard, qui participa au
charroie des pierres.
(75) Estimation le 24-7-1796 du presbytère et de
l’église de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de la Vendée, ventes des biens
nationaux : 1 Q 218 no 190.
(76) Archives
de la Vendée, destructions immobilières pendant la guerre de Vendée : 1 M 392,
commune de Saint-André-Goule-d'Oie.
(77) Vente du 1-3-1988 du presbytère
à la commune de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de la paroisse de
Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie : carton no 38,
chemise transfert de villages.
(78) Inventaire après-décès en
1666 des papiers Moreau : 22 J 29, page 137.
(79) Cf. arrentement de 1776, 3 E 30/121
(80) Inventaire des
papiers de Moreau : 22 J 29, page
119 et 120.
(81) E. Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, tome 1, 2044, page
346 et s. Aussi M. Perraudeau, Deux
sorcières en Bas-Poitou, Geste Éditions, 2016, page 98.
(82)
famillesdevendée.fr, famille Frappier.
(83) Inventaire des papiers de Moreau : 22 J
29, pages 120 et 122.
(84) Inventaire des papiers de Moreau : 22 J
29, page 136.
(85) Arrentement du 7-5-1776 d’une maison dans le
bourg de Saint-André par de Vaugiraud, Archives de Vendée, notaires de
Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/121.
(86) Ibidem.
(87) Sentence d’ordre du 9-9-1727 des syndics des créanciers
de Moreau et Menard (copie du 9-3-1754), Archives de Vendée, chartrier de
Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29.
(88) Archives de Vendée, déclaration de succession au bureau de
Montaigu du comte de Vaugiraud en 1820, vue 101.
(89) Notes no 14, 15 et 16
sur le bourg à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de
Guerry : S-A 3.
(90) Inventaire
des 5 et 6 janvier 1835 à la requête de Léon Auguste de Tinguy, Archives de
Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Pertuzé : 3 E 30-27.
Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2018, complété en janvier 2023