François Cougnon, maire de 1829 à 1829
Ce
choix paraît naturel dans le contexte politique de l’époque. Il est le fils du
capitaine de paroisse de Saint-André au moment de la guerre de Vendée. La
monarchie restaurée s’attachait à honorer ainsi l’ancien capitaine de paroisse
qui avait combattu pour « dieu et le roi » sous les ordres des
généraux de Royrand, Sapinaud et Charette. François Cougnon avait déjà reçu des mains
du préfet un fusil d’honneur au titre de capitaine au 2e corps
d’armée de l’Ouest. Mme Lucienne Mandin, qui a fait des recherches
généalogiques à Saint-André, fait une description intéressante de son rôle de
capitaine de paroisse : « Il eut parfois une tâche très ingrate
qui exigeait de lui beaucoup de diplomatie. Et en particulier, lorsque Charette
lui commandait de rassembler ses hommes, dans un lieu donné, il lui fallait se
rendre au domicile de chacun d’eux et réussir à les convaincre d’abandonner, de
suite, leur foyer et le travail des champs, pour le suivre, car nos braves
paysans de l’époque n’étaient pas enrôlés, il s’agissait seulement d’un devoir
moral. Il en a été récompensé, et ce n’est que justice. »
Le
nouveau maire est son fils, né en 1792, prénommé François comme lui.
Il
est intéressant de noter qu’à Chauché, l’adjoint nommé en 1826 est Pierre
Maindron, né le 24 septembre 1766 et « ancien officier de l’armée
royale vendéenne », selon les termes de l’arrêté de nomination. On
sait qu’il s’était distingué aux cotés de Charette lui aussi et qu’il vint habiter
Linières à la fin de sa vie. Compte tenu du contexte, sa nomination est
clairement, comme celle de François Cougnon, un signe de reconnaissance au sein
du parti royaliste.
Dans
l’état des nominations conservé aux archives de la Vendée il est indiqué que
François Cougnon fils est marié, propriétaire et expert. Ce dernier mot désigne
une activité d’agent immobilier dans le foncier. On a
un exemple concret de ce que pouvait être ce rôle dans les gaulaiements qu’il a
réalisés en 1834 à la Javelière. Il s’agissait de valider les surfaces des
parcelles foncières possédées dans tout le tènement, et ensuite calculer la
part de chaque propriétaire dans le paiement d’une rente collective due par tous.
Certes il n’y avait plus de redevances seigneuriales à cette date, mais
restaient quelques rentes purement foncières, nécessitant de refaire les
calculs de répartition à cause des nombreux changements de propriétaires. Des
arpenteurs et des notaires réalisaient ces actes sous l’Ancien Régime. Dans les
exemples rencontrés les propriétaires ont fait appel à François Cougnon pour
réaliser l’acte à l’amiable. Il savait compter, c’est à dire ici utiliser la
règle de trois et faire de longues additions, ce qui déjà n’était pas
rien. Mais il faut y voir aussi le signe d’une confiance placée en lui.
C’est
à lui que s’adressa vers 1830 Marie de Vaugiraud des Sables-d’Olonne
relativement aux parcelles foncières qu’elle possédait encore après la vente en
1822 du logis du bourg dont elle avait hérité (1). On le voit aussi sollicité
par Léon de Tinguy en 1835, pour estimer les biens meubles de sa communauté d’avec
sa femme défunte (2). Le conseil municipal de Saint-André lui demanda en 1841 l’arpentage
et l’estimation des terrains communaux de la commune (3).
Par ailleurs il dispose de 600 F de revenus fiscaux. Il demeurait au Coudray comme son père. Il était âgé de 34 ans au moment de son entrée en fonction. Il s’était marié le 7 juillet 1813 à Saint-André avec Marie Loizeau et le couple n’eut pas d’enfants.
L’adjoint
nommé par le préfet au 1e janvier 1826 n’est plus François Fluzeau.
Ce dernier est remplacé par Pierre François Mandin, crédité de 200 F de revenus fiscaux pour son activité de propriétaire cultivateur à la Bergeonnière. Lui aussi est
un combattant distingué de la guerre de Vendée, officier ayant participé à la Virée
de Galerne et ayant réussi à échapper au désastre de Savenay en décembre 1793.
Il restera adjoint au maire jusqu’en 1830. Voir
notre article publié sur lui en avril 2011 : . Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830;
François
Cougnon ne restera maire que trois ans. Il démissionnera en mai 1829, et il
sera remplacé par Léon de Tinguy, avec qui il parait très lié. Il est mort en 1858.
Léon Auguste de Tinguy du Pouët en 1829/1830
Les de
Tinguy sont une famille noble du Bas-Poitou remontant à un
seigneur de la Garde à la Rocheservière en 1350. Elle comprend plusieurs
branches, dont celle de la Giroulière s’est installée au Coudray et à la Chevaleraie à Saint-André-Goule-d’Oie,
et à la Clavelière de Saint-Fulgent.
Au XVIIIe siècle, y vécurent dans ces lieux Jean Abraham de Tinguy, seigneur de la
Sauvagère et Perrine Bruneau de la Giroulière (Chavagnes). Les registres de Saint-André
et de Saint-Fulgent gardent la trace de la naissance de leurs enfants, et les
actes notariés informent aussi de leurs domiciles successifs.
Le premier de leurs enfants, René
Henri de Tinguy, rejoint Charette et participe à la prise de
Noirmoutier. Charette le nomme gouverneur de l’île en octobre 1793. Capturé par
les républicains ensuite, il eut la langue arrachée et fut fusillé le 10
janvier 1794 par les bleus, deux jours après le généralissime d’Elbée, sur
l’île de Noirmoutier.
Le
mariage cocasse de leur fille Henriette à Saint-André en 1768 avec Antoine Durcot
de Puytesson est raconté dans mon livre (page 85).
Leur
fille Jeanne Henriette a eu pour parrain Charles Guyet (le père de Joseph qui
se mariera en 1804 avec l’ex vicomtesse de Lespinay, châtelaine de Linière).
Le
nouveau maire de Saint-André en 1829 appartient à une autre branche, les de Tinguy
du Pouët, qui s’est installée à la Clavelière de Saint-Fulgent au cours du XVIIIe
siècle. Son père est né le 22 mars 1761 à Saint-Mars-la-Réorthe, où il fut seigneur du Pouët, le
22 mars 1761. Son grand-père s’appelait Charles Gabriel de Tinguy, seigneur du
Pouët, et sa grand-mère paternelle Marie Suzannet.
Il
est né à Saligny le
20 juin 1806 de Pierre Alexandre Benjamin de Tinguy et d’Armande Louise
Henriette Buor.
Il s’est marié à Luçon le 20
novembre 1827 avec Élisa Adélaïde Alexandrine de Buor de
La Voy, née à
Corpe (près de Luçon) le 8 avril 1806.
Blason des Tinguy du Poüet |
Son père a été maire de Saint-Fulgent de 1807 à 1828 et sera remplacé dans cette fonction par son fils, Louis
Henri Benjamin de Tinguy du Pouët, de 1828 jusqu’à la Révolution de 1830. Ce
dernier était né à Boufféré en 1804 et se mariera avec la sœur jumelle de la
femme de son frère : Caroline Bénigne de Buor de La Voy.
Son père était un militaire, chef
de bataillon et chevalier de Saint Louis. En tant que maire il accueillit
Napoléon, de retour d’Espagne le lundi 8 août 1808 vers 19h30. Dans son
discours il rappela avec émotion à l’empereur qu’ils avaient été condisciples à
l’école militaire. Napoléon lui répondit brièvement que beaucoup de choses malheureuses
avaient eu lieu depuis. On raconte aussi qu’après le discours du maire, une
fille de Mlle Delille de la Morandière offrit à l’impératrice une corbeille de
roses et de lauriers ; quelques jours plus tard, cette corbeille devait
lui être rendue toute remplie de cadeaux.
Le registre d’état-civil de Saint-André garde l’acte de décès d’Édouard Dillon le 26 décembre 1825,
au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie (vue 43 à l’état-civil accessible sur le site internet
des Archives de la Vendée). L’information vaut un
développement. E.
Dillon était né le 2 juin 1764 à Londres. Selon l’inscription du registre de Saint-André, c’était un officier supérieur au service de sa majesté britannique, fils
de feu Étienne Dillon et de feu Élisabeth McCarthy (4). Les témoins sur l’acte
de décès sont Alexandre de Tinguy (maire de Saint-Fulgent), Guillaume Chauvreau, instituteur, et
François Cougnon (fils) propriétaire cultivateur, tous « amis du
défunt. » Cet acte de décès révèle la solidarité envers ce militaire,
des de Tingy et des royalistes convaincus intimes de la famille, l’instituteur
et le jeune propriétaire du Coudray.
Les Dillon sont connus. Famille noble ancienne d’origine écossaise, qui a
suivi en exil en France le roi d’Écosse déchu de ses droits, elle a donné des
serviteurs au royaume de France. Au long du XVIIIe siècle, un régiment
d’écossais, appartenant à la famille Dillon, servira vaillamment les rois de
France. Pour la récompenser, un membre de la famille sera même nommé archevêque
de Narbonne par Louis XVI. Les liens d’amitié entre Alexandre de Tinguy et Édouard
Dillon étaient-ils de bon voisinage ou remontaient-ils à plus loin, on ne sait.
Mais ce dernier étant officier britannique, il faut le distinguer des Dillon de nationalité française.
Ce décès n’eut pas lieu au domicile de Léon de Tinguy, et le défunt habitait chez lui au logis du bourg. Sa veuve, Marie Anne Quantin, vendit le logis à Léon de Tinguy en 1829, acheté en 1822 de l’héritière de Jean de Vaugiraud (5). Plus tard, le bâtiment deviendra le presbytère de Saint-André-Goule-d’Oie.
Il
comprenait au rez de chaussée une cuisine, une salle à manger, un salon de
compagnie, un corridor et une laiterie. À l’étage il y avait 6 chambres, dont 2
avec une cheminée. Les communs comprenaient autour d’une cour à l’arrière du logis
(côté sud), où s’entassaient les fagots de bois pour l’hiver, divers bâtiments :
un cellier, une sellerie, une écurie, un grenier, une remise, une boulangerie,
une grange et une étable aux vaches. Cette description résulte d’un inventaire
après-décès fait par Me Pertuzé, notaire à Saint-Fulgent, les 5 et 6 janvier
1835, suite au décès de Mme de Tinguy, née Elise Buor de la Voy (6). Elle
laissait deux enfants survivants, héritiers en sa succession, dont leur tuteur
nommé par le conseil de famille était Ernest Grelier du Fougeroux demeurant la
Chapelle-Thémer.
L’énumération
des objets mobiliers dans cet inventaire nous informe du mode de vie du jeune couple
de notables en 1835, membres d’anciennes familles nobles vendéennes. Leur salle
à manger était meublée d’une table ronde en 3 compartiments, 2
petites tables et d’un buffet, tous en bois de cerisier. Dans leur vaisselle on
relève 10 assiettes en porcelaine et d’autres, avec une cafetière, en terre de pipe, qui était une variété de faïence fine réalisée en Lorraine. Dans la laiterie se trouvaient des charniers (abris pour garder les viandes salées),
et des terriers (abris creusés dans le sol). Le salon de compagnie était meublé
d’une commode couverte en marbre, une petite table, 15 chaises, 4 fauteuils, deux
gondoles et un canapé. Les lits des chambres à l’étage étaient composés de
leurs bois en cerisier ou en chêne, avec leurs rideaux en coton, plus une
paillasse, un ou deux matelas, une couette, un traversin, un oreiller, une ou
deux couvertures. Sur un lit il y avait en plus un édredon. Une petite pièce à
l’étage comprenait une baignoire.
Cabriolet |
Au
moment de l’inventaire en janvier 1835, le cellier était bien garni avec 1750
litres de vin blanc en barriques, 150 litres en bouteilles de vin blanc, et 250
litres de vin rouge en barriques. Dans le grenier il y avait alors 3 tonnes de
froment et de seigle, et 2,1 tonnes d’avoine, preuve d’une forte activité agricole du propriétaire
avec ses métairies. On est impressionné par les 700 fagots de bois comptés dans
la cour, pour alimenter les 5 cheminées de la maison. Un cabriolet avec son harnais
et l’équipage en dépendant, valant 700 francs, occupait principalement la
remise. Dans une sellerie à côté étaient rangées 4 selles, 3 brides et 2
colliers. C’est qu’il y avait un cheval et deux juments à équiper dans l’écurie.
Un jeune cheval à poils rouges âgé de 3 ans fut estimé valoir 150 F. Une jument
de 4 ans fut estimée 300 F, et une autre, grise, âgée de 6 ans, 432 F. Dans l’écurie
il y avait une couchette composée de son bois en chêne, une paillasse
et un matelas. De même, dans une chambre près de la remise se trouvait un lit
en forme de couchette composé de son bois en chêne, une paillasse, une couette
en plumes mélangées, un traversin en balle et trois mauvaises couvertures. C’était
l’usage que les garçons d’écurie avaient une chambre dans les communs. Et dans
cette chambre il y avait à côté du lit un vieux coffre presque usé en bois de cerisier,
une scie, une fourche, un dail (faux) et une faucille, les instruments de
travail de l’occupant. La grange abritait 3 tonnes de foin et une étable à
vaches hébergeait 3 vaches à poils rouges et une génisse.
Comme il se doit la maîtresse de maison accumulait du linge dans ses
armoires comme d’autres approvisionnait leurs bas de laine : 40 paires de
drap, plus 20 autres paires de draps de domestiques (le notaire comme tout le
monde faisait la différence), 25 douzaines de serviettes, 22 essuie-mains, 23
nappes, etc. La garde-robe de Mme de Tinguy n’est pas détaillée malheureusement
et nous aurons du mal à connaître la mode de l’époque. Tout juste le notaire
note à part les bijoux : 3 bagues et une noix montée en diamant, valant le
tout 400 F. Cela montre qu’on était chez des notables, mais de fortune mesurée, pour autant que l'évaluation de celle-ci puisse répondre à une cetaine objectivité.
L’argenterie fut estimée valoir 672 F. Le total de l’actif des biens meubles se
monta à 8 647 F et le passif à 1 300 F. L’inventaire comporte l’énumération
des titres de propriété du couple, mais pas ses livres. Dommage, derrière des lectures
des personnalités peuvent se dessiner, mais cette exclusion résulte d’un choix
du notaire.
Léon de Tinguy a
23 ans quand il est nommé maire, la même année où il s’installe au logis du bourg. C’est l’année aussi où naît son premier fils, Louis.
Son épouse lui donnera trois enfants et décédera
le 30 août 1834. Il est crédité d’un revenu de 4 000 F, selon le percepteur, au
moment de sa nomination.
Léon
de Tinguy se remariera avec Aimée Stéphanie de Béjarry ensuite, appartenant à
une famille ancienne de la noblesse vendéenne (originaire de Saint-Martin-Lars).
Elle donnera naissance à deux enfants et mourra, suite à un accouchement elle
aussi, le 2 juillet 1840.
Léon
de Tinguy a démissionné pour protester contre la Révolution de juillet 1830 qui
venait de chasser Charles X de son trône, le frère de Louis XVI. De toute façon le nouveau pouvoir n’aurait pas conservé
un maire légitimiste partisan du roi renversé. Il ne sera
resté maire qu’une année. Pierre Mandin, qui était toujours adjoint, a
démissionné ensuite, mais en assurant l’intérim pendant l’été 1830.
(1) Archives de Mme Potier vues en 1974, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 76-1.
(2) Inventaire des 5 et 6 janvier 1835 à la requête de Léon Auguste de Tinguy, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Pertuzé : 3 E 30-27.
(3) Arpentage et estimation du 9-6-1841 par F. Cougnon des communs de Saint-André, édifices et services publics, mairie de Saint-André-Goule-d’Oie, Archives de Vendée : 1 Ǿ 633.
(4) Il y avait une famille Mac Carthy dans la région du bocage vendéen. Marie Rosalie Mac Carthy était l’épouse d’Auguste Salomon du Chaffaut (Boufféré) en 1804, et elle avait un frère, Charles Mac Carthy, qui demeurait en 1804 à Saint-Pierre-d’Oloron (Charente-Inférieure) [Notaires de Montaigu, étude E, Thibaud, inventaire après décès du 22 messidor an XII (11-7-1804), vue 379]. Nous n’avons pas établi de lien avec l’épouse d’Edouard Dillon.
(5) Notes no 14 et 15 sur le bourg de Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry: S-A 3.
Emmanuel
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