lundi 10 avril 2017

La confrérie de la Charité de Chauché (1685-1788)

Installation de la confrérie le 17 juin 1685


C’est Henri de Barillon, évêque de Luçon, qui est à l’origine de la création à Chauché de la confrérie de la Charité. L’acte d’établissement est daté du 17 juin 1685, fait par le supérieur de la congrégation de la Mission, les Lazaristes, installé à l’évêché, nommé Luchet (1). Fondée par Vincent de Paul, cette congrégation avait été accueillie dans le diocèse de Luçon en 1642. Monseigneur de Barillon est connu par son œuvre de charité. Tout juste entré dans les ordres ecclésiastiques, il avait reçu la bénédiction du futur saint, Vincent de Paul (2). Et il continua dans son diocèse l’œuvre de ce dernier, qui avait fondé quelques dizaines d’années auparavant aussi la Compagnie des Filles de la Charité. L’évêque est à l’origine de 108 confréries de la Charité dans son diocèse (3), et créa aussi deux écoles secondaires pour jeunes filles. M. Vincent avait fondé ses ordres charitables (Filles de la Charité, Salpêtrière, Enfants trouvés) dans les années 1630 pour réagir à la misère des temps et à l’effacement des institutions médiévales d’assistance.

Paul Boisson (1951), photo 
conservée aux Archives du diocèse de Luçon
Le grand registre de la confrérie de la Charité de la paroisse Saint-Christophe de Chauché, a déjà fait l’objet de courtes publications. Il comprend 174 pages, dont 120 pages d’écritures de recettes et de dépenses. On y trouve aussi le règlement de la confrérie, avec des éclaircissements et des recommandations sur la manière de traiter les malades, des actes de visites de l’évêque, des noms des officières, des sœurs, et un inventaire des rentes qui lui étaient dues. Le tout a été copié, probablement dans les années 1970, avec son écriture facile à lire, par l’abbé Paul Boisson, professeur au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers. Il a laissé avec cette copie quelques réflexions dans ses notes, le tout conservé dans les archives de l’évêché de Luçon. L’étude détaillée du dossier nous fait découvrir à travers l’action de charité, la pauvreté elle-même et les mœurs de l’époque. Mais pourquoi à Chauché ?

L’évêque pouvait y compter sur le curé, Eustache Madeline. Il pouvait aussi compter surtout sur une paroissienne particulièrement généreuse, Jeanne de Gastinière, la veuve (depuis 1676) de Gabriel Prevost, seigneur du Bignon à Chauché, petit fief relevant de la Jarrie et Merlatière (4). Pour lancer l’institution, elle donna tout de suite 200 livres, et promit de doubler la somme dans les cinq années à venir. De plus, elle donna à la confrérie deux rentes annuelles de 19 boisseaux de seigle au total, plus une rente annuelle en argent de 5 livres 15 sols. Au jour de l’installation, l’évêque donna 22 livres à titre personnel, et son représentant, Luchet, donna 5 livres.

Cette installation se fit au sein de l’assemblée des premières dames adhérentes à la confrérie. Et on y élit à l’unanimité la bienfaitrice, Jeanne de Gastinière, comme supérieure. Simone Marie de Veronnière, épouse de Christophe Basty, fut élue trésorière. Anne Rangouneau, veuve de Louis Basty, sieur de Maurepas, fut élue garde-meuble.

L’on désigna aussi le procureur de la confrérie, poste occupé nécessairement par un homme, le seul de la confrérie, puisqu’il la représentait pour signer des actes chez le notaire par exemple. De plus, il avait officiellement un rôle de comptable et de secrétaire, quoiqu’à Chauché le curé prenait souvent cette place, habitué qu’il était à diriger la confrérie. En 1685, on désigna dans cette fonction communément appelé procureur de la charité ou procureur des pauvres, maître Jacques Basty, sieur de la Perrauderie, le beau-frère d’Anne Rangounneau, alors âgé de 50 ans. Au jour de sa désignation dans sa nouvelle fonction, il fit don à la confrérie d’une rente de 8 boisseaux de seigle, mesure de Chauché, qui lui était due par les héritiers d’André Guerry sur des domaines au Plessis Cougnon (Chauché).

Les soins aux malades pauvres


Saint Vincent de Paul
Cette confrérie avait un double objet : matériel et spirituel, bien expliqué dans un règlement type provenant probablement de la congrégation de la Mission. Les membres de la confrérie devaient porter aux pauvres malades, de quoi se nourrir et se soigner. Et elles devaient en même temps les suivre « afin de mettre leurs âmes en bon état ». Les malades incurables n’étaient pas éligibles à l’œuvre, celle-ci étant réservée aux pauvres ayant des maladies passagères. Les malades incurables « épuiseraient bientôt les petits fonds de la confrérie par leurs longues maladies ». Ils étaient suivis normalement par le curé, qui sollicitait à cet effet l’aide de « quelques vertueuses et charitables familles de noblesse ou de bons bourgeois », et faisait des quêtes spéciales. Et puis il existait depuis longtemps des « maladreries », qui étaient des hôpitaux pour les malades atteints de maladies contagieuses comme la lèpre. On a pu compter jusqu’à 24 établissements dans le Bas-Poitou au 17e siècle s’occupant des malades (5).

Les sœurs de la charité, dûment autorisées de leurs pères ou maris, apportaient de la nourriture aux malades, chacune sa semaine à tour de rôle. Des précautions pour les pestiférés devaient les protéger. Sur ce point il faut noter la dimension dramatique de l’action de charité à cause des épidémies. Monseigneur de Barillon indique lui-même qu’en 1686, il est décédé 36 prêtres dans son diocèse, dont 21 curés. Plusieurs sont morts en assistant les malades de leurs paroisses. En 1687 « il en est mort 24 dans cette année, dont 15 curés, plusieurs en assistant les malades » (6). Le pourpre (7) et la dysenterie furent à l’origine de l’épidémie aux dires de l’évêque.

Il était recommandé de ne pas donner d’argent, et d’assister les malades chez eux, c’est à dire sans les recevoir chez soi. On préférait, pour des raisons d’économie, faire donner aux malades les lavements et les « médecines » (médicaments), par quelque femme en capacité de le faire gratuitement par charité. Sinon on passait un marché avec un chirurgien et un apothicaire, « ou même avec le médecin s’il y en a un qui ne soit pas trop éloigné ». Rappelons que le chirurgien, jusque vers le milieu du 18e siècle, pratiquait des actes sur le corps, après apprentissage et le plus souvent sans étude de médecine à l’université. Les médecins, diplômés de l’université, étaient plus rares (8).

À l’instant du sacrement de l’extrême-onction, la garde-meuble prêtait « pour cela deux chandeliers, deux cierges, un crucifix, une nappe et même un drap blanc pour mettre sur le lit des malades ». Si un malade décédait, la sœur « aura soin de l’ensevelir ou de le faire ensevelir. On lui fournira pour cela un linceul s’il n’en a aucun ».

Cette implication très forte en pratique, était autant spirituelle que matérielle pour les dames et les filles de la charité qu’on appelait à Chauché les sœurs de la charité. C’est Jésus Christ qu’elle servait « en la personne des pauvres malades », est-il écrit dans le règlement, et ceux-ci « sont les membres infirmes de Jésus Christ ». « Elles assisteront aussi en corps lorsqu’elles le pourront à l’enterrement des pauvres qu’elles auront assistés, et feront célébrer une messe basse pour eux ». Elles devaient participer à la procession spéciale de la confrérie une fois par mois après les vêpres d’un dimanche, et faire dire une messe par mois. L’assistance et l’entraide entre elles faisaient partie de leur engagement. « Et elles souviendront que le tout est sans aucune obligation à péché ni mortel ni véniel », c'est à dire un vrai don de soi.

Le Nain : Repas de paysans
Le règlement était très précis sur les soins à donner aux malades. Ainsi chaque repas type comportait du pain en quantité suffisante, 5 onces (environ 150 grammes) de viande de veau ou mouton, ou un peu de volaille, un « setier » de vin (environ un quart de litre). Aux jours maigres « on leur donnera, outre le pain, le vin et le potage, un couple d’œufs et un peu de beurre ». « Pour ce qui est de ceux qui ne pourront manger de viandes solides, on leur donnera des bouillons et des œufs frais quatre fois le jour, et une garde à ceux qui seront à l’extrémité, et qui n’auront personne pour les veiller ». Ce régime alimentaire est un peu moins riche que celui du collège des jésuites un siècle plus tôt à Paris, où on servait 6 onces de viande au souper (9).

À Chauché on s’écartera des prescriptions précises de ce règlement d’origine au cours du 18e siècle. Parfois on distribua du blé directement, quitte à laisser le soin aux entourages des malades à le faire moudre. Surtout on investit dans la fabrication des vêtements distribués aux pauvres malades. C’est que la confrérie recevait parfois de certains paroissiens des dons en nature, lin et laine. Alors les sœurs donnaient, moyennant finances, à brayer le lin, carder la laine, puis à peigner et filer les fibres. On commandait la confection des étoffes, toiles, étoupes (mélange de fibres incluant des fils courts de lin) à un tisserand du bourg. Puis un tailleur fabriquait les « hardes » (habits) ou des « bernes » (grosses couvertures).

L’organisation de la confrérie de la charité


Trois officières dirigeaient la confrérie par un mandat, renouvelable, de deux à trois années, mais « de l’avis toujours de M. le curé ». Elles choisissaient le procureur, « un homme de la paroisse, pieux, charitable et d’une vie exemplaire ».

La supérieure veillait au respect du règlement, et décidait « en concertation avec les autres officières » de la prise en charge des malades et de son terme.

La trésorière gardait en sa maison l’argent de la confrérie en un petit coffre à deux serrures différentes. Elle en gardait une clef, ainsi qu’une clef du tronc dans l’église paroissiale dédié aux dons de charité, les deux autres clefs étant gardées par la supérieure. Elle disposait d’un peu d’argent donné aux sœurs pour les cas d’urgence.

La garde-meuble était la dépositaire principalement du linge mis à la disposition des malades, qu’elle lavait et raccommodait. Ce linge devait porter une « marque que l’on connaisse facilement ».

M. le curé devait assembler les sœurs une fois par mois, le dimanche immédiatement après la procession de la charité, qui avait lieu à l’issue des vêpres. On devait y parler de l’observation du règlement, et écouter l’exhortation du curé à de « plus en plus » de charité. On y évoquait des difficultés éventuelles, et on ouvrait le tronc dans l’église. Celui-ci recueillait les dons anonymes et le produit des quêtes. Le curé rédigeait sur les deux livres de la confrérie, chaque mois, les comptes de dépenses et de recettes. Ceux-ci servaient, presque uniquement, à suivre les sommes dépensées de celles mises en réserve dans le coffre à deux serrures de la trésorière, et de celles gardées en avance de trésorerie pour des dépenses d’urgence à venir. Lors de ses visites pastorales, l’évêque recevait la confrérie assemblée, et des procès-verbaux font état de son contrôle des comptes. À moins que celui-ci n’ait lieu par la visite spéciale d’un responsable de l’évêché, véritable cour des comptes avant l’heure.

Le curé veillait au recrutement et renouvellement des sœurs reçues en l’assemblée. Celles-ci élisaient les officières « par suffrages communs ou à voix secrètes comme on le juge plus à propos », le lendemain de la Pentecôte suivant le règlement. On laissait le procureur « dans son charitable emploi autant de temps qu’il l’a pour agréable et qu’on s’en trouve bien ».

La manière de traiter les malades


Les recommandations données aux sœurs de la charité méritent attention, car elles ne nous renseignent pas seulement sur cette œuvre originale vue d’aujourd’hui. En même temps elles nous parlent de leur époque : la fin du 17e siècle. C’est ainsi que le vin a un rôle thérapeutique, quoique à surveiller de près : « L’on ne donne du vin qu’à ceux qui en ont besoin à cause de leur vieillesse, faiblesse ou débilité, et qui n’ont point de fièvre. L’on n’en donne point aux jeunes garçons ni aux jeunes filles ». On sait par ailleurs, mais ce que le règlement de la charité ignorait, que le vin a pu sauver des vies dans ces temps anciens, en remplaçant comme boisson certaines eaux non potables.


En revanche, quelle modernité dans cette préconisation de diététique : « L’on ne met dans le potage des malades ni choux ni poireaux, mais bien de bonnes herbes, autant qu’on en pourra trouver. Le poireau a depuis une meilleure réputation diététique. L’on ne met pas non plus ni bœuf ni lard au pot des dits malades, au moins ordinairement (de préférence veau et mouton, voire volaille)… Quand le malade ne prend que des bouillons, un collet de mouton ou une poitrine de veau sont les meilleurs endroits pour faire des bouillons. » Lorsque le mouton et le veau seront fort chers, et qu’on le juge à propos, l’on se contentera de donner du bœuf aux pauvres convalescents. Et l’on recommande de ne pas trop donner à manger aux malades, parce que cela « les ferait bientôt retomber ».

L’heure des repas sous le règne de Louis XIV nous est rappelée, calée sur la lumière du jour. L’heure la plus convenable des malades pour le « dîner » (déjeuner) en été est vers les 9 h à 10 h, et pour le « souper » (dîner) à 6 h. Il faut ajouter 2 heures de temps pour traduire ces horaires dans l’horaire d’été introduit en France depuis 1976 (10). En hiver pour le dîner sur les 10 h à 11 h, et pour le souper vers les 5 h du soir. Au matin on recommandait de « donner quelque chose à déjeuner, et à 3 heures après-midi » aussi « afin qu’ils ne languissent point ». En cas de fièvre, il fallait adapter les horaires aux périodes de rémission, « encore leur donnera-t-on très peu à manger, de crainte de donner de la nourriture à la fièvre ».

On a tellement écrit sur le manque d’hygiène des temps anciens dans les campagnes, qu’on est heureux pour nos ancêtres des conseils qui suivent : « s’ils ont froid ou le frisson, l’on aura soin de les réchauffer et de les bien faire couvrir, et s’ils suent de les essuyer, et surtout de les tenir toujours le plus proprement et nettement que l’on pourra. Et pour ce sujet qu’il y ait du linge blanc, plus que moins, surtout des draps, des chemises, des serviettes, des coiffes et des mouchoirs ».

L’époque avait ses préjugés, elle aussi : « si le malade est un homme qui n’ait point de femme, l’on priera quelques femmes âgées d’en prendre soin. Les jeunes filles n’iront point seules voir les hommes ou garçons, mais elles iront bien accompagnées de leurs mères ou d’autres personnes de probité ».

La comptabilité du registre de la confrérie


Le registre de la confrérie de la Charité de la paroisse Saint-Christophe de Chauché reproduit les informations que nous avons données jusqu’ici, et celles qui suivent. Il comprend dans sa partie la plus longue les comptes de recettes et de « mises » (dépenses) de 1695 à 1788, près d’un siècle. Malheureusement ce ne sont pas des comptes d’exploitation modernes, comme ceux que les marchands vénitiens utilisaient depuis longtemps. Nous n’avons pas de tableau de chiffres, mais des textes écrits dans le parler de l’époque par le curé, car c’est lui qui tient la plume, alors que c’est la trésorière qui compte apparemment.

Livre comptable
La partie recette est la plus intéressante, indiquant les montants trouvés dans le tronc, ceux de dons particuliers et ceux (pas toujours) des rentes reçues. Une rente en blé est reçue en nature et redonnée comme telle aux malades, ou vendue pour encaisser la valeur en argent, ou reçue directement en argent, autant de cas non systématiquement valorisés dans les comptes à notre disposition. Les montants reçus sont ventilés entre les dépenses en cours et les mises en caisse. Il y avait une caisse officielle appelée le coffre, car il n’y avait pas de compte en banque. Il y avait aussi une caisse qui n’en portait pas le nom : les petits montants laissés entre les mains de la trésorière pour les dépenses courantes. Et puis s’ajoutaient les sorties d’argent du coffre pour payer les dépenses, vues comme une recette de trésorerie courante. Apparemment cette comptabilité avait pour but de s’assurer du non détournement d’argent, mais pas d’analyser la nature des sommes en mouvement. D’ailleurs les consignes compliquées et minutieuses de garde des deux clés du coffre et du tronc, ainsi que de leur ouverture, montrent une bonne prise en compte des faiblesses humaines. Rien que pour cela, on croit y voir une plume inspirée par une longue habitude du confessionnal.

Voyons un exemple simple mais représentatif d’un compte de recettes : « Le 5e octobre 1704 a été ouvert le tronc de la Charité, dans lequel on a trouvé la somme de 5 livres 13 sols, dont on a pris 2 livres 17 sols pour aider à payer la dépense des derniers mois, et le restant, qui est 2 livres 16 sols, a été mis au coffre de la Charité. »

Quant aux comptes de dépenses, ils se répétaient beaucoup avec ceux des recettes, faisant parfois doublon, car eux aussi centrés sur les mêmes flux d’argent. On lit parfois : « … et le surplus de la recette a été employé pour les autres besoins de la confrérie comme il est plus amplement spécifié à l’article de la recette du présent mois ». De rares fois, on voit le curé embarrassé à écrire son texte, préciser : « qui s’est trouvé monté à la somme de 7 livres 13 sols à peu près » ! Ces comptes de dépenses étaient même souvent moins diserts que les comptes des recettes. En ne comptant qu’épisodiquement les dons en nature, ces comptes de dépenses du registre, ne nous servent pas à connaître, même de manière approchée toutes les actions de la confrérie. D’ailleurs ils ont été abandonnés à partir de 1727, pour n’être repris ensuite que cinq années seulement avant 1788.

Tronc d’église
Cela n’a pas empêché l’évêque de constater que des années 1746 à 1753, la confrérie avait engrangé 348 livres de recettes et dépensé 92 livres. On devine qu’une autre comptabilité devait exister, et qui n’est pas reproduite dans le registre conservé.

En reprenant le compte de dépenses à la même date que ci-dessus du 5 octobre 1704, on a un texte qui, lui, ne fait pas doublon, mais ajoute à la perplexité : « Le 5e d’octobre 1704 a été arrêtée la dépense de la trésorière qui s’est trouvée monter à la somme de 3 livres 16 sols, qui a été payée de la recette de ce jour et du restant qui était entre les mains de la trésorière. »

Mais heureusement, l’activité est en elle-même bien simple, et n’a pas besoin d’une comptabilité élaborée pour en suivre les grandes lignes. Commençons par examiner les recettes provenant des dons dans le tronc de l’église, et des quêtes. Elles sont le signe de la participation de la communauté des paroissiens au financement de la confrérie pendant près d’un siècle.


Les dons à la confrérie


Les sœurs faisaient la quête à tour de rôle chaque dimanche et fête dans l’église. Il y avait aussi un « tronc pour les pauvres malades de cette paroisse », suivant son écriteau, « en un lieu de l’église qui soit en vue », précisait le règlement. Le tronc recevait le produit des quêtes du dimanche, et on l’ouvrait chaque mois au cours de l’assemblée des sœurs. Et puis il y avait la quête annuelle dans « toutes les maisons un peu accommodées de la paroisse, même en celles qui sont les plus éloignées du bourg ». On y recueillait de l’argent bien sûr, et aussi diverses sortes de céréales, du beurre, du lin, des noix, du bois et « d’autres biens que la bonté divine aura fait recueillir, et même du linge, de la vaisselle, divers ustensiles, des meubles de quelque qualité qu’elle soit et autres choses utiles aux pauvres malades ».

Le règlement recommandait aussi d’envoyer une sœur pour demander « civilement la charité quand quelques personnes de conditions arrivent au bourg ». Les riches se devaient à la charité.

Il exhortait à répandre dans les testaments des clauses de donation à la confrérie « pour l’amour de Jésus Christ qui le leur rendra plus qu’au centuple. Ah ! Qu’heureux sont ceux et celles qui dans leurs testaments laissent quelque part de leurs biens à notre seigneur, puisque pour récompense il leur fera part de son héritage céleste ! »

L’Église vivait dans son siècle, partageant ses travers, et le règlement n’oublie pas d’indiquer qu’on aura « soin que les juges et magistrats appliquent quelques amendes à (en faveur de) la confrérie de la charité ». Avec quelque malice, on pourrait ajouter qu’à défaut d’être toujours juste, l’administration judiciaire pouvait ainsi se montrer charitable ...

Les comptes conservés ne commencent qu’en mai 1694, et on relève deux ouvertures du tronc de l’église paroissiale cette année-là, totalisant une somme modeste de 17 livres 11 sols. Pourtant l’œuvre était fondée depuis 9 années déjà. Il est probable qu’on a là un vide de la documentation. Le curé Eustache Madeline était encore jeune, et il avait un nouveau vicaire depuis 1692, Clément Thibaud, qui le remplacera en 1696.


Les années 1694 à 1696 sont des années d’un climat terrible (11). On n’est pas étonné de constater la faiblesse des montants donnés : seulement 2 livres et 14 livres respectivement pour les années 1695 et 1697. Le froid très vif de l’hiver 1694 avait suivi les deux années pluvieuses précédentes. 1696 connut un hiver gélif pour une partie des semences, suivi d’un été pourri. 1698 fut une mauvaise année. Les dernières années du 17e siècle et les premières du 18e siècle, ont vu un climat particulièrement froid et humide, représentatif de ce qu’on a appelé le Petit Age Glaciaire. La famine et les maladies décimèrent les populations et augmentèrent la pauvreté. Faut-il y voir un lien avec la remontée des dons à partir de 1700 ? Manque de moyens d’une part, pitié accrue d’autre part, ces chiffres à eux seuls sont incapables de donner une explication sur ces facteurs contradictoires. Ensuite, de 1700 à 1705 les montants annuels trouvés dans le tronc de l’église sont importants : de 41 livres au minimum et de 60 livres au maximum, avec une moyenne de 53 livres.

On ne retrouvera plus ces montants de manière régulière avant 70 ans, alors que la monnaie avait subi une petite dévaluation dans la période. Ainsi de 1777 à 1783, les montants annuels varièrent entre des montants importants de 42 livres à 68 livres, avec une moyenne de 51 livres. Il est assez probable que ces deux séries de chiffres traduisent l’implication de deux curés de Chauché, Clément Thibaud d’abord, puis Charles Forestier plus tard.

Le 3 février 1765, on dû constater que le tronc des pauvres dans l’église avait été forcé, et qu’on avait volé la majeure partie de son contenu. Le curé Forestier avait été nommé curé de Chauché le 24 décembre précédent, alors que son prédécesseur (Jude Bellouard) était décédé le 28 novembre d’avant (Voir le dictionnaire des Vendéens sur le site internet des Archives de la Vendée). Cette vacance de la cure est peut-être à l’origine de ce vol. Le tronc fut laissé sur place et on y trouva 6 livres 4 sols 2 deniers le 17 janvier 1768. Raccommodé au printemps suivant, il sera réutilisé et ouvert régulièrement à partir du 5 juin 1768.

Le 19 novembre 1780 la quête n’avait rapporté que la modique (selon le mot du curé) somme de 2 livres, 1 sol et 3 deniers. Et le même jour « a été mis au coffre de la charité de 12 livres 5 sols 12 deniers qui s’est trouvés dans le tronc des captifs ». On est surpris de voir un tronc des captifs dans l’église paroissiale de Chauché en 1780. L’Église s’occupait depuis les croisades, c’est-à-dire depuis cinq siècles, de racheter les chrétiens faits prisonniers par les musulmans sur la méditerranée ou lors de razzias sur les côtes, et vendus comme esclaves en Orient ou au Maghreb. Elle organisait l’amas de dons des fidèles à cet effet, et pour faire dire des messes pour la rédemption de ceux qu’on ne parvenait pas à racheter. L’institution était-elle devenue dépassée en 1780, ou bien faut-il expliquer le geste du curé par d’autres considérations ?

Enfin on note au fil des comptes quelques dons de particuliers hors les quêtes et le tronc, peu nombreux. Monseigneur Barillon donna dans son testament 50 livres à la confrérie de Chauché. Et puis on trouve d’autres dons de particuliers, testaments compris, souvent notés anonymement et modestes : 44 sols, 20 livres, 9 livres 12 sols, 1 livre 10 sols, 8 livres 10 sols, 6 livres, 4 livres.

On a un don forcé, révélateur du sens pratique régnant auprès de l’évêque. Le sacristain de Chauché, Gabriel Renolleau, avait obtenu une dispense de l’évêché pour se marier (peut-être de publication de bans pour en accélérer la date, ou de degré de consanguinité prohibé), mais il fut imposé en retour d’un don obligatoire de 6 livres au profit de la confrérie de sa paroisse.

Les rentes perçues par la confrérie


On se souvient que Jeanne de Gastinière avait donné 200 livres comptant au jour de l’installation de la confrérie en 1683. Et elle avait promis de doubler la somme dans les cinq années à venir. Elle mourut le 16 mai 1695 sans l’avoir fait, mais elle avait prescrit dans son testament de faire un don de 100 livres à chacune de ses deux filles héritières. La première, Marie Roberte, née en 1660, mariée avec François Durcot, seigneur de l’Etang (Chavagnes), puis remariée au seigneur du Bois-Davy (le nom muta en Bois-David plus tard), donna 100 livres en août 1699. Gabrielle, née en 1664, mariée avec Louis de La Fontenelle, puis remariée au seigneur du Payré, donna 100 livres en avril 1704.

Bourg de Chauché
De plus, les rentes annuelles et perpétuelles, à la mesure de Chauché, provenant de Jeanne de Gastinière, étaient les suivantes :
         1° Rente de 8 boisseaux de seigle due sur la métairie de la Vrignais (Chauché), celle-ci dépendante de la chapellenie des Thoumazeau. Elle a été régulièrement payée à la confrérie par le fermier de la métairie.
         2° Rente de 11 boisseaux de seigle due sur les biens et domaines de François Bousseau, sieur des Filées. En octobre 1704, on constate que son fils Charles Bousseau, sieur des Filées, demeurant à Saint-Denis, où il était sergent royal, refuse de la payer. Pour cette raison, il sera assigné en justice par le curé Thibaud. La rente en nature sera transformée en une rente en argent de 8 livres 16 sols. Avec les arrérages, celle-ci commencera d’être payée en août 1710 par les ayants droits de Charles Bousseau, décédé entre temps. 
         3° Rente de 5 livres 15 sols due par les héritiers de feu François Chaillou et Marie Anne Dorinière son épouse, et par les héritiers de feu Mathurin Proust, sieur de la Fosse, et Jeanne Chaillou son épouse. La rente eut ensuite pour débiteur un héritier, maître François Auvinet, arquebusier dans le bourg de Chauché, qui avait épousé Catherine Proust, qui devait 3 livres 5 sols. Et l’autre partie de la rente, d’un montant de 2 livres 10 sols, était due ensuite par maître Alexandre Bousseau, sieur du Petit-Fief, à cause de Suzanne Chaillou son épouse.
         4° Rente en argent de 8 livres 11 sols 4 deniers due par les héritiers de Pierre Basty, sieur de la Limouzinière (Chauché).

Cette rente provenait du legs du premier procureur de la Charité, Jacques Basty, sieur de la Perrauderie (Chauché), dans son testament passé devant le curé de Chauché en date du 14 février 1701. On note ici la capacité des curés à passer des testaments en concurrence avec les notaires, encore à cette date. Par son testament, Jacques Basty remplaçait la rente de 8 boisseaux de seigle, promise au jour de l’institution de la confrérie en 1685, par cette rente en argent.

Présidial dans l’ancienne forteresse de Poitiers
Celle-ci était due par ses neveux, Pierre Basty, sieur de la Limouzinière, étant son frère. Ceux-ci refusèrent de la payer ensuite et Charles Basty, l’un d’entre eux, sieur de la Limouzinière, fut condamné à le faire par le présidial de Poitiers saisi par le curé Thibaud. En 1721 il dû payer tous les arrérages de 19 années en versant une somme de 162 livres.

Charles Basty vendit peu après ses biens, domaines, maisons et jardins situés au bourg de Chauché, avec la rente due à la Charité, à maître René Forestier, sieur de la Rivière. À la Saint-Georges 1725, c’est ce dernier qui la versa. Il restait néanmoins des frais de procédure dus à la Charité, que l’acquéreur s’engagea à payer sous forme d’une rente annuelle de 4 livres. Au total il devait désormais une rente annuelle de 12 livres 16 sols à la confrérie, devenue 12 livres quelques années après. Entre temps, l’épouse de René Forestier, Marie Augereau, était devenue trésorière de la confrérie. Et elle sera élue supérieure le 18 janvier 1761, étant alors veuve.

Cette rente fut amortie plus tard par Mathurin Forestier qui en avait fait l’offre à la confrérie le 25 mai 1765. Le 1e juin 1766 l’assemblée des sœurs décida de justesse d’accepter l’offre : 3 voix contre, 4 absentions, 4 voix pour en comptant le curé et le procureur. Marie Augereau était absente, probablement pour raison de santé, et elle mourra en 1767 à l’âge de 71 ans.

Et la Charité versa en 1766 une somme de 300 livres, provenant de l’amortissement,  à Jean Eusèbe Bousseau, sieur de la Preverie et sénéchal de Beaurepaire, demeurant au bourg de Bazoges-en-Paillers. Ce dernier constitua alors, sur le « denier 25 » (4 %), une rente de 12 livres par an au profit de la Charité (acte du notaire apostolique Frappier de Saint-Fulgent du 15-11-1766). Son premier paiement est du 8 mars 1767. Il gardait la possibilité de la racheter, moyennant le versement de 25 fois son montant, soit 300 livres.

À raison d’une livre en moyenne par boisseau de seigle, les quatre rentes apportaient une ressource régulière chaque année de l’ordre de 40 livres au début du 18e siècle.

Les dépenses de la confrérie face aux famines et épidémies du 18e siècle dans la contrée


Les années de disette, mortelles pour les personnes, qu’a connue la France en 1710, 1719 et 1747, apparaissent dans ces comptes. Le curé indique le 4 août 1709 « que l’on a pris au coffre pour acheter du blé pour soulager les pauvres dans leur grande disette ». En 1710, la recette du tronc tombe à 7 livres 10 sols, mais les dépenses montent au chiffre élevé de 86 livres 19 sols.

En novembre 1719 on a distribué une rente de 8 boisseaux de seigle en espèces, ce qui était normalement interdit par le règlement. En 1720 et 1721, la recette du tronc est nulle, reprenant en 1722 à un niveau exceptionnel de 45 livres 7 sols.

Le 16 janvier 1752, le curé Jude Bellouard note : « La cherté du blé a été si grande que l’on n’a pu faire de quête par la paroisse depuis 3 ans ».

Charles Milcendeau :
La mère Pageot dans sa cuisine
Le curé d’Aubigny a écrit dans son registre paroissial des notes tout à fait intéressantes sur les fortes pluies de 1751, la cherté de la vie en 1752 et la sécheresse et épidémie de 1753. On peut les lire sur le site internet des Archives départementales de la Vendée, en accédant aux notes relevées par l’archiviste concernant les calamités du temps pour les années 1665, 1751 et 1753 à Aubigny. Ces notes se trouvent dans les rapports et délibérations du Conseil Général de la Vendée, année 1898, 2e partie, chapitre II, p. 62-66. On y accède aussi par la référence suivante : 4 Num 220/166, vues 268-272.

Dans les années 1760/1765, on a une crise frumentaire à Chauché, qu’on n’a pas pu relier à semblable phénomène étudié au niveau national. D’abord la Confrérie est obligée d’acheter le boisseau de seigle à 2 livres 2 sols 2 deniers en juillet 1760, le curé indiquant la cherté du blé à cette occasion dans son texte. De 1699 à 1721 on avait des valeurs pratiquées à Chauché de 1 livre 6 sols à 1 livre 16 sols, avec un effondrement à 16 sols le boisseau de seigle en décembre 1718. En 1762, le boisseau était revenu à 1 livre 10 sols, que se faisait payer le fermier du Boisreau (Chauché). Mais à nouveau en 1765 et 1770, le prix était monté à 2 livres et un peu plus.

La littérature historique donne des variations plus fortes, sur les périodes courtes de spéculation, que celles rencontrées ici. Peut-être que les prix étaient plus sensibles sur les foires et marchés des villes qu’en campagne, subissant des effets de stock plus forts que sur les lieux de production. D’autant qu’il n’y avait pas de marché au sens que les économistes libéraux donnent à cette notion, faute d’une circulation suffisante des denrées d’une région à l’autre. Les déséquilibres de l’offre et de la demande n’étaient pas régulés par les prix, la variation de ceux-ci ne faisant qu’aggraver les effets de la crise.  

Le 11 mai 1762, lors d’une visite pastorale, l’évêque de Luçon, Jacquemet Gautier d’Ancize, décide d’un important achat de grains, d’un montant de 100 livres, « pour la nourriture des pauvres les plus nécessiteux, et celle de 50 livres en étoffes et hardes pour les vêtir ».

Ensuite, l’indication des dépenses reprend dans le registre pour les deux années 1765 et 1766, et pour des montants élevés : 54 livres et 79 livres. De plus, on fait une chose qui n’est marquée que deux fois dans le registre, et contraire au règlement on distribue de l’argent : « on y a pris 50 livres 15 sols en liards (pièces de 3 deniers), qu’on a distribués et qu’on distribuera aux plus nécessiteux de la paroisse, ainsi qu’il est convenu par les sœurs, le sieur Royer (le procureur) et moi (le nouveau curé Forestier) » (compte de dépense du 2 juin 1765).

L’épidémie de dysenterie de la fin d’année 1779, ressentie cette année-là à Chavagnes et Saint-André-Goule-d’Oie, ne semble pas avoir étendu ses méfaits à la Rabatelière, ou du moins en faible proportion. À Chauché, elle fut notée sur le registre paroissial par le curé comme une « maladie contagieuse ». On y compta 19 morts en septembre, 13 en octobre et 9 en novembre, soit un total de 41 morts, à comparer aux 78 morts à Saint-André pour la même période. Malheureusement les comptes de dépenses de la confrérie sont muets pour cette période.

Il en est de même pour une autre épidémie constatée par le nombre de décès sur le registre de Saint-André de février à mai 1784 : 42 morts, et sur celui de Chauché : 45 morts.

Nous avons dit que les contrôles de l’évêché dans les comptes de la charité, se sont faits sur des chiffres qui ne sont pas reproduits dans les comptes du registre passés à la postérité. Et nous avons des totaux intéressants à noter lors de deux visites épiscopales. D’abord en mai 1753, l’évêque remonte à 7 années antérieures. Le total des ressources de la période se monte à 348 livres, et celui des dépenses à 92 livres, d’où un boni laissé dans le coffre de 256 livres. En 1778, le contrôle a porté sur les 16 années précédentes, de mai 1762 à septembre 1778. Les ressources de la période se montent à 925 livres, et les dépenses à 903 livres, d’où un boni laissé au coffre de 22 livres.

On constate ainsi que dans le troisième quart du siècle, les ressources moyennes annuelles sont de 58 livres. Si on retient une valeur de 40 livres provenant des rentes, il reste environ 18 livres par an provenant des dons des fidèles. Quant aux dépenses, elles passent d’un niveau faible de 13 livres en moyenne annuelle en 1746/1753, à 56 livres en 1762/1778 (avec l’arrivée du curé Charles Forestier). Cependant il faut prendre ces chiffres avec précaution, n’étant pas sûr qu’ils intègrent toutes les valeurs de ressources et dépenses en nature.

Les responsables et les sœurs de la charité


Les vrais directeurs de la confrérie de Chauché étaient les curés de la paroisse. Le premier est Eustache Madeline, originaire du Calvados et âgé de 34 ans au moment de l’installation de l’institution. Le registre conservé de la confrérie ne porte aucune trace de son activité, mais son rôle dans l’origine de l’œuvre a dû être déterminant.

Il eut un nouveau vicaire en 1692, Clément Thibaud. C’est ce dernier qui écrivit les premiers comptes sur le registre à notre disposition. Il y signe comme curé de Chauché à partir du premier janvier 1696, alors qu’Eustache Madeline est décédé plus tard, le 5 juillet 1699, âgé de 50 ans. Il entreprit des travaux à la sacristie et dans l’église en 1699 : « J'ay fait faire, cette année 1699, la sacristie de Chauché et le grand coffre qui est dedans avec les tirettes, et blanchir le cœur de l’église, et fait marché pour faire le grand autel », note-t-il à la fin du registre de 1699. Clément Thibaud est mort en son presbytère de Chauché le 28 décembre 1744 (vue 158 sur le registre numérisé), apposant sa dernière signature sur le registre paroissial au mois de juillet précédent.

Jansénius
Jude Bellouard lui succéda en mars 1745. Mais les comptes de dépenses du registre n’existent pas sous son ministère, comme ce fut le cas avec son prédécesseur de 1727 à 1744. L’abbé Boisson, transcripteur du registre, note que Jude Bellouard ne tient pas son registre avec la netteté et l’application de son prédécesseur, « mais cette œuvre de charité lui tient manifestement à cœur », ajoute-t-il. Les comptes mal écrits, selon lui, lui paraissent avoir été victimes de distractions, et semble-t-il aussi d’une mauvaise vue. S’agissant de l’appréciation d’un professeur du petit séminaire de Chavagnes, il faut bien sûr la prendre en considération. Par ailleurs, Jude Bellouard est connu pour s’être opposé avec violence à son évêque, monseigneur de Verthanon, accusé de jansénisme. Voir à cet effet notre article publié sur ce site en octobre 2011 : Le catéchisme des trois Henri : le curé de Chauché attaque son évêque.

C’est Charles Forestier qui lui succéda en 1764, fils de René Forestier et de Marie Augereau, de Chauché. À voir les comptes, il s’attacha à redonner de la vigueur à la confrérie dès son arrivée. En rédigeant les comptes de ressources, chaque deux mois en général, il notait avec précision la présence des sœurs à l’assemblée. Le style employé laisse deviner une envie d’exigence. D’ailleurs on retrouve ce trait de caractère dans une polémique qu’il n’hésita pas à déclencher dans la paroisse, au sujet de la répartition de l’impôt royal de la taille. Il la trouvait injuste à Chauché et n’hésita pas à écrire en 1776 au lieutenant général de Poitiers pour la dénoncer. La démarche provoqua une assemblée des habitants de la paroisse, où il fut largement désapprouvé. Voir à ce sujet notre article publié sur ce site en septembre 2013 :Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècleIl est mort à Chauché le 7 juillet 1787. Il fut remplacé par l’abbé Paillaud, qui ne resta que 5 mois (12).

Puis vint Jean Henri Lebouc installé en janvier 1788, la dernière année du registre, avec son langage écrit moderne et parfaitement maîtrisé. Son vicaire Pierre Charbonnel prêta le serment en 1791, portant un regard bienveillant aux réformes des États Généraux. Dommage que nous soyons dépourvus de documentation après 1788. Il écrit à la fin du registre paroissial de 1789 (vue 144) : « Note : c’est, dans cette année que commencèrent les États Généraux de la France qui lui promettent le bonheur en réformant les abus et les vices d'une administration faible et usée. Cette besogne, si elle s'opère, est due à la philosophie de quelques citoyens distingués qui, depuis longtemps, en font la matière principale de leurs occupations. »

Les animatrices de la confrérie étaient les officières, la première d’entre elles étant la supérieure. Après Jeanne de Gastinaire, les sœurs élisent à sa place en août 1695 Marie Touraine. Elle était l’épouse de Jacques Basty sieur de la Perrauderie, bienfaiteur et premier procureur de la charité. Ensuite on eut Suzanne Chaillou, veuve d’Alexandre Bousseau sieur du Petit-Fief, décédée à l'âge de 80 ans et inhumée dans l’église. Marie Anne Augereau, fut élue le 18 janvier 1761. Elle était l’épouse de René Forestier, et mère du nouveau curé à partir de 1764. Décédée en 1767, elle fut remplacée par Marie de la Haye, demeurant à la Chapelle, où elle est décédée en 1791 à 71 ans. Elle soigna un infirme chez elle.

la Perrauderie à Chauché
Le premier procureur de la charité était Jacques Basty sieur de la Perrauderie, demeurant à Villeneuve (près du bourg de Chauché). Probablement à cause de cette fonction, Jacques Basty fut inhumé dans l’église de Chauché en 1701. Il était le fils de Pierre Basty (1600-1645) et d’Esther Roirand (1605-1648), qui s’étaient mariés en 1626 à Chauché. Sa mère était la fille du seigneur du Coudray (Saint-André). La généalogie d’Esther Roirand remonte jusqu’au roi Louis VI le Gros, à la dix-huitième génération, et ils ne sont pas rares les habitants de Chauché à avoir pour cette raison une goutte de sang bleu dans les veines (13). Jacques Basty eut 5 frères et sœurs. Nous avions déjà cité son frère Louis, époux de la première garde meuble de la confrérie Anne Rangouneau. Un autre frère, Pierre, marié à Michelle Chedanneau, sieur de la Limouzinière, était débiteur de la rente donnée à la confrérie. Jacques Basty fut le père lui-même de 8 enfants. Outre ses propres domaines, il avait une activité de fermier de redevances et domaines. Ainsi était-il en 1677 fermier des dîmes et terrages de la Benetière, Limouzinière et la Mainrollant, dus à la seigneurie de la Rabatelière (14).

Du 4 septembre 1707 jusqu’au 5 novembre 1758 on ne trouve pas de mention du nom du procureur, mais on sait que le 17 septembre 1713 fut élu procureur Alexandre Bousseau.
Alexandre René Bousseau (1684-1745), sieur du Petit-Fief, demeurait dans le bourg de Chauché, et il s’était marié en 1712 avec Suzanne Chaillou (fille de François Chaillou et de Marie Anne Dorinière). Celle-ci fut Supérieure des dames de la Charité à Chauché.
Alexandre Bousseau a été dévoué au dernier marquis de la Rabatelière, Pierre Bruneau, étant son homme d’affaires pendant près de 15 ans, jusqu’à la mort de ce dernier en 1727 (1). Puis l’acquéreur de la châtellenie, René Montaudouin l’a conservé dans le même emploi d’homme d’affaires (2), ayant à payer son acquisition en partie en désintéressant certains créanciers du vendeur. René Montaudouin, habitant Nantes, a tenu à conserver cet homme au courant de tout. Ce dernier travailla en liaison avec l’avocat Copineau de Paris à remplir les conditions préalables et les formalités nécessaires au levé du scellé de la Rabatelière, qui avait été judiciairement saisie au profit des créanciers du châtelain. Il lui a de plus servi de conseils dans les procès de certains vassaux, et d’intermédiaires pour l’achat de nouveaux domaines : la Chapelle Begouin (Chauché), la Jarrie (Saligny), la Grassière (Chavagnes), Aubigny (Roche-sur-Yon), Montorgueil (Champ-Saint-Père).
C’était un bon juriste et dans une de ses lettres il écrit : « je sais lire les vieux parchemins aussi bien et mieux qu’un autre » (3). Or on eut à faire à certains chicaneurs, et à Nantes on s’impatientait sur la lenteur des procédures. Bousseau écrivit à ce propos : « les affaires de chicane vont lentement. Il y a bien 50 ans qu’à Montaigu, les Essarts, Languiller et autres terres fortes en fiefs elles ne sont pas finies ». Il reproche au propriétaire de ne pas rester assez longtemps lors de ses visites au château de la Rabatelière : « Dans une visite on n’a pas le temps de prendre la connaissance qu’il faut dans une terre qui a 60 ans de bail judiciaire » écrit-il en 1729 (4).
Ses connaissances des affaires de la Rabatelière et du droit lui conférèrent une autorité tendant à déborder sur le rôle du régisseur du château et du receveur des recettes, celui-ci en même temps homme à tout faire. Le propriétaire a dû lui demander de ne pas interférer avec eux (5). Alexandre Bousseau a été notaire et procureur fiscal de la Jarrie et de la Rabatelière (6). René Montaudouin lui concéda quelques fermes, comme celle importante de la Fesselière (7). Bousseau, réclama la métairie du Buignon, offrant 600 livres de ferme par an (8). 
Il mourut à l’âge de 61 ans, c’est-à-dire qu’il résista à la maladie. En 1729 elle l’obligea à s’arrêter de travailler pendant 6 semaines (9).
Son frère, Léonard Bousseau, fut procureur fiscal de la Rabatelière.

(1) Lettre sans date de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 7.
(2) Lettre du 16-9-1735 de M. de Letorière à M. Montaudouin (titres), Ibidem : 150 J/F 7.
(3) Lettre sans date de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(4) Lettre du 18-7-1732 de Bousseau à Mme Montaudouin pour les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(5) Lettre du 12-12-1729 de Bousseau à M. Montaudouin sur plusieurs affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(6) Vidimus du 19-5-1747 d'actes à la demande de Merland (pages 16 et 27), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 24.
(7) Lettre du 20-12-1729 de Bousseau à M. Montaudouin frère sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(8) Lettre du 20-8-1727 de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7.
(9) Lettre du 20-12-1729 de Bousseau à M. Montaudouin frère sur les affaires en cours, Ibidem : 150 J/F 7. 
Le 5 novembre 1758, le nouveau procureur élu fut Joseph Royer sieur du Puytireau (Chauché), apothicaire. Il décéda le 22 mars 1774 à 76 ans. Il fut remplacé par René de la Haye, sieur de la Picauderie.

Et les sœurs ? Le registre porte le nom de 19 femmes à la date du 7 août 1695. Ce chiffre révèle bien un engagement significatif. Au total, on trouve le nom de 94 sœurs pour la période de 1695 à 1788. Nous ne connaissons pas tout le monde, mais à l’évidence la majeure partie d’entre elles appartient au milieu le plus favorisé de la paroisse. Faut-il s’en étonner à voir la disponibilité nécessaire ? Cette exigence excluait toutes celles qui devaient consacrer une part de leur temps dans les champs et aux travaux d’artisanat. On verra néanmoins une servante faire partie des sœurs, avec l’autorisation de son maître évidemment. À la manière de l’époque, le curé Forestier les désignait avec l’article défini précédent leur nom : « la Basty, la Tournerie, la Bossard ». Né à Chauché, c’était un familier.

Permanence et métamorphose de la « dame patronnesse »


Ce personnage de « dame patronnesse », date beaucoup dans notre époque marquée par la séparation du religieux et du temporel, et par la prise en charge de la santé par l’État moderne. Il peut même faire sourire dans une certaine tradition anticléricale et anti « morale bourgeoise ». Quoique la pauvreté, notion relative à chaque époque, n’ait pas été éradiquée, et que le besoin personnel de se réaliser pour certaines personnes dans le don de soi n’a pas disparu. Si le mot même de « morale » gêne certains contemporains, qui préfèrent parler de « repères » ou de « valeurs », sa réalité se porte bien. Elle s’est adaptée à un nouveau monde politique. Les « organisations humanitaires » contemporaines ne prolongent-elles pas désormais les confréries de la Charité ? Entre Jeanne de Gastinaire et Coluche, la filiation ne serait-elle pas plus sérieuse qu’il n’y paraît ? L’Église et sa morale n’ont pas disparu, en témoignent l’abbé Pierre, mère Theresa, etc. Mais elle a perdu le monopole de l’action en ce domaine.

À la fin du 17e siècle, la moquerie des sœurs de la Charité existait déjà, et sans doute chantait-on quelques pamphlets d’un « Jacques Brel » oublié (chanson de « La dame patronnesse ») en quelques « lieux de mauvaises fréquentations ». En témoigne cet extrait des explications du règlement de la charité s’adressant aux curés : « Ils recommanderont aussi de temps en temps en leurs prônes aux paroissiens, de ne pas prendre cette liberté damnable de se moquer de cette sainte confrérie, de ses charitables emplois, ni de celles qui ont le bonheur d’y être enrôlées ; leur faisant bien concevoir que ces sortes de railleries ne procèdent que de l’ennemi du genre humain et de la charité  … ». Ces raisons des moqueries au 17e siècle, inhérentes à l’époque évidemment, et qu’il faudrait d’abord connaître, restent à investiguer. L’activité de ces femmes dérogeait à leur statut traditionnel. Elles ne pouvaient avoir que deux destinées possibles : se marier ou entrer en religion. Leur statut dérangeait.

La confrérie de la Charité n’avait pas le monopole


On a trouvé à Montaigu des « sœurs de la Propagation et de la confrérie de la Charité » (15). Ce mot de propagation trouve son origine dans la vocation première d’une congrégation religieuse catholique, dite « de la Propagation de la Foi », orientée vers la lutte contre le calvinisme. Elle a élargi ensuite son action en direction des pauvres, à la fois dans les hôpitaux et dans les écoles pour les « enfants du peuple ». Elle est devenue l’Union Chrétienne ensuite. Et derrière cette dernière, on trouve l’influence de « Monsieur Vincent » (de Paul) (16). Ainsi, des sœurs religieuses et des laïques, semble-t-il, ont alors uni leurs efforts, à Montaigu, sur le même terrain de la pauvreté.

À Saint-Fulgent, depuis une fondation de Mme de Chevigné en 1771, il y avait quelques religieuses provenant très probablement de la même congrégation de l’Union Chrétienne, se consacrant à la fois à l’instruction des filles et aux soins aux pauvres (17). On les appelait aussi vulgairement la communauté des propagandes de Saint-Fulgent (18). En revanche on n’y a pas rencontré de confrérie animée par des laïques comme à Chauché. Aux Essarts une fondation d’aumône a été créée par la baronne des lieux, Mme de Mercœur comme elle est désignée dans le document consulté (soit Marie de Luxembourg décédée en 1623, soit sa fille Françoise de Lorraine décédée en 1669). La dame avait doté la fondation d’une rente de 100 livres par an à payer par le fermier de la baronnie, suivant un bail de 1721 (19). En 1787 des habitants des Essarts, au nom de la confrérie de la Charité de leur paroisse, firent une procuration pour obtenir le paiement d’une rente de 100 £ du seigneur des lieux (20). Et puis on a trouvé une donation par testament faite par le prévôt des Essarts en 1701, Jacques Gaitte, de 100 livres annuelles « pour être employées à former des maîtres d’école ». Le même légua aussi 100 livres à la confrérie de la Charité des Essarts (21). On trouve aussi une confrérie de la charité aux Herbiers (22), et une autre à la Rabatelière (23).

Nous n’avons pas trouvé semblable institution à Saint-André-Goule-d’Oie, ce qui n’est pas une preuve de son inexistence, quand on sait le peu de soins apportés parfois aux archives. Néanmoins on pense qu’il fallait une conjonction de bonnes volontés pour faire naître et durer ce type d’institution. Il fallait d’abord une autorité, incarnée dans l’exemple de Chauché par monseigneur de Barillon, mais aussi un relais en la personne du curé de la paroisse. Ensuite il fallait un bienfaiteur (trice), ce qui est déjà moins fréquent. Les riches n’hésitaient pas à payer beaucoup de messes dans leur testament, en prévision du repos de leur âme, mais l’habitude de donner aux pauvres y paraît moins fréquente. Quoiqu’il faille rester prudent, le testament n’étant pas le seul moyen pour donner. Et bien sûr on avait des quêtes à l’intention de l’ensemble des paroissiens. Mais nous avons vu que, sauf courtes périodes exceptionnelles, les montants reçus, hors les rentes dues, ne représentaient que 30 % en moyenne des dépenses de l’œuvre à Chauché.

Il ne faut pas en déduire que l’action sociale en faveur des pauvres n’a pas existé dans les paroisses n’ayant pas de confrérie de la Charité ou quelques religieuses. Comme l’instruction, elle était l’affaire de l’Église. En effet, on voit au Moyen Âge les abbayes du Bas-Poitou ouvertes aux malades pauvres du dehors. La charte de l’abbaye de la Grainetière en 1180, fixait à 12 le nombre de pauvres obligatoirement pris en charges par les moines. Les religieux et religieuses tenaient aussi des hôpitaux dans les villes, des Maisons-Dieu, des Maisons hospitalières, des aumôneries (chargées de distribuer des aumônes), des maladreries, des Maisons Rouges, des Marmites des Pauvres (24). Il semble qu'ait existé une Maison Rouge à Saint-Fulgent, ainsi appelée à cause de la couleur des murs, permettant aux malades de les repérer et à d'autres de les éviter. Elles servaient de lieux de soins pour les personnes atteintes d'épidémie (25).

V. Mottez : Portrait d’Amaury-Duval
(musée de la Roche-sur-Yon)
Dans les paroisses, le clergé était impliqué au premier chef pour les secours en cas de calamité, et dans la lutte contre la pauvreté et les maladies, avec l’aide du roi et de son administration parfois. Alors les vicaires et les curés organisaient la charité aux plus nécessiteux en sollicitant les riches. Encore en 1880, le châtelain de Linières, Amaury-Duval, était toujours sollicité. Et pour l’époque bien sûr cela paraissait plus naturel que ce ne le serait de nos jours.

On a aussi les comptes du châtelain de la Rabatelière qui prouve cette implication des riches envers les pauvres par l’intermédiaire des curés des paroisses. Ainsi cette écriture, à titre d’exemple, dans le registre des paiements tenu par le régisseur en mai 1770 : « J’ai donné pour les pauvres par ordre de Mme de la Clartière la somme de 120 livres, savoir 96 livres à M. le curé de la Rabatelière et 24 livres à celui de Boulogne suivant leurs quittances de plusieurs dates. » (26). Dans son testament en 1754, son beau-frère, René de Montaudouin, avait donné « 2 000 livres aux pauvres honteux (pauvres issus des classes favorisées) de la paroisse de Saint-Nicolas [sa paroisse à Nantes], laquelle sera remise aux mains des dames de la Charité pour être par elles distribuées ». Pour les curés des 16 paroisses vendéennes où il possédait des propriétés, il légua aussi 2 000 livres de dons aux « pauvres des paroisses de campagne » (tous les pauvres). Ainsi le curé de Saint-André-Goule-d’Oie eut une part de 230 livres (27). Et il était rare qu’à chacun de leur passage dans leur château, les seigneurs de la Rabatelière ne distribuent pas des aumônes en réponse aux demandes ; au total : 9 livres 6 sols en septembre 1772, 6 livres en mars 1773 (28). Dans son testament en 1821, la châtelaine donne la liste, à l’intention de ses héritiers, des 8 étudiants qu’elle aide à faire leurs études et le montant annuel qu’elle leur donne, qui va de 30 F à 400 F (29).

Ces dons comportaient moins d’altruisme autrefois qu’ils n’en auraient aujourd’hui, car ils faisaient partie d’une obligation morale forte, comme attachée à la condition sociale des riches. Et dans cette pratique on remarque le rôle central d’intermédiaire de solidarité du curé de la paroisse, s’ajoutant ou complétant celui de chef de la communauté religieuse.

Et puis le rôle de l’État a évolué significativement surtout à partir du 18e siècle. Louis XV et son successeur ont décidé de la distribution de boîtes de médicaments, et de l’envoi gratuit de médecins en cas d’épidémie. On ouvrit même des ateliers de charité (30). L’historien Le Roy Ladurie explique bien qu’au fur et à mesure que le sort des gens s’est amélioré, notamment au 18e siècle, les populations acceptaient de moins en moins les ravages des épidémies et des famines. Elles devenaient plus exigeantes. En réponse, l’intervention de l’État se faisait alors dans la conception paternaliste de la monarchie. Le Roy Ladurie explique aussi comment s’est instaurée une impopularité corrélative et paradoxale du donateur royal dans ces interventions croissantes (31).

L’histoire des ravages opérés pendant la Révolution sur les institutions de charité, à cause de la lutte antireligieuse, ne se résume pas facilement. Et dans ce domaine aussi il faut distinguer l’affichage des intentions, de la réalité. On verra en 1790 la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie demander à garder une partie des biens du prieuré-cure lors de leur confiscation (32). Telle que fonctionnait la société du Bocage Vendéen d’alors, appauvrir les curés revenait en partie à augmenter la misère du peuple. Les défendre n’était pas qu’une manifestation de sa foi religieuse, mais comportait une dimension matérielle importante. Ce point est une des causes de la guerre de Vendée, où les habitants ont défendu leur religion pour se défendre eux-mêmes. Au début du 19e siècle, l’État se préoccupa de créer des asiles pour les handicapés mentaux considérés comme dangereux. Les conseils généraux financèrent la prise en charge d’autres handicapés comme les aveugles. Et vers la fin du 19e siècle on voit apparaître le premier bureau de bienfaisance à Saint-Fulgent. A cet égard tout se passe comme si le 19e siècle prolongeait le 18e siècle, avec une intervention accrue de l’État de plus en plus concerné par la misère. Mais derrière cette apparente continuité on trouve une innovation issue de la Révolution française : une forme de démocratie qui organise la délégation à l’État des devoirs et des droits politiques des individus. Il s’en suivit qu’au 20e siècle le rôle de l’État fut transformé en ce domaine sous l’influence de diverses écoles de pensées politiques, y compris religieuses, soit à visée réformatrice soit à visée révolutionnaire. Pour certains, la notion même de charité fut rejetée comme antinomique de la société idéale de justice à promouvoir. De toute manière les sciences humaines contemporaines et l’économie politique posent comme dogme que l’homme est mû par son propre intérêt. C’est pourquoi notre époque a beaucoup de mal à comprendre l’altruisme, pourtant jamais démenti par l’expérience. Il est vrai que le don de soi ne se résume pas à une façon de penser, c'est une façon d’être. Seule une théorie de nature à intégrer la pluralité des motivations humaines, souvent intéressées, parfois désintéressées, ou incluant des motivations de nature mixte, parait acceptable pour comprendre l’altruisme (33).


(1) Registre de la confrérie de la Charité de Chauché, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 28-1.
(2) Marie Aimé Rivière, Henri de Barillon (1639-1699), 1981, Archives du diocèse de Luçon, bibliothèque.
(3) Armand Baraud, Les établissements de Charité en Bas-Poitou sous l’Ancien Régime, Revue du Bas-Poitou, 1908-1, p. 42 (vue 23) et s.
(4) Aveu du 31-8-1584 du Bignon Guymard à la Merlatière, Archives de Vendée, G. de Raignac, Dépouillements d'archives publiques et privées concernant les familles vendéennes : 8 J 101, vol. 12, page 68.
(5) Armand Baraud, ibid.
(6) Confession de M. de Barillon, dans Don Fonteneau, T. 65, f. 578, à la bibliothèque municipale de Poitiers, cité par l’abbé boisson : 7 Z 92, les visites pastorales, aux Archives du diocèse de Luçon.
(7) Maladie caractérisée par de petites taches pourprées, nettement circonscrites, et produites par une hémorragie cutanée sous-épidermique. Elle ne paraît pas bien déterminée, et a dû être confondue parfois avec des rougeoles et des scarlatines malignes ou la petite vérole.
(8) Jean Artarit, Les docteurs en médecine de Montpelllier en Bas-Poitou, au moment de la Révolution, Éditions du CVRH no 22 (2015-2016), page 125 et s.
(9) J. Lacouture, les Jésuites, Seuil, 1991, T. 1, page 241
(10) Jacques Hussenet, Louis XVI, le prisonnier de Varennes, Éditions Terres d’Argonne, 2018, page 37.
(11) E. Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, 2004.
(12) Edgar Bourloton, Le clergé de la Vendée pendant la Révolution, Revue du Bas-Poitou, 1904, page 121.
(13) Le site internet Loipri.over-blog.com donne les ascendances de Jacques Basty en remontant au roi de France Louis VI.
(14) Réplique du 14-4-1678 de Chitton à Jacques Basty, Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 48.
(15) Docteur Mignen, Paroisses, églises et cures de Montaigu, 1900, page 51.
(16) Propagande (école de) de Montaigu, dans le dictionnaire toponymique de la Vendée, en ligne sur le site internet des Archives départementales de la Vendée.
(17) Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis, 1896, tome 25, p.130, citées par le site famillesvendennes.fr : Chevigné de (Branche de Preigné et la Grassière).
(18) Estimation des biens du couvent de Saint-Fulgent à la Javelière le 29 germinal an 7, Archives de Vendée : 1 Q 218.
(19) Bail du 10-10-1721 de la baronnie des Essarts à Merland, page 5, Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1135.
(20) Procuration de la Confrérie des Essarts du 21-10-1787, Archives de Vendée, notaire des Essarts, J. P. Benesteau : 3 E 15/11-3.
(21) A. Baraud, L’instruction primaire en Bas-Poitou avant la Révolution, dans la Revue du Bas-Poitou, 1909, page 68.
(22) Titre nouveau de rente de 18 £ due par Rose Verdon aux sœurs de la charité des Herbiers, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(23) Arrentement du 26-4-1764 de 400 livres au profit de la Charité de la Rabatelière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/3.
(24) Armand Baraud, ibid, Les établissements de Charité en Bas-Poitou sous l’Ancien Régime.
(25) Revue du Bas-Poitou, 1905, pages 432 et 424.
(26) Rabatelière, dîmes et boisselage, dons aux pauvres, épingles aux domestiques, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 58-9.
(27) Les Montaudouin, testament du 28 et 29 novembre 1754 de M. Montaudouin de la Rabatelière, ibidem : 7 Z 64.
(28) Ibidem note (23).
(29) Caveau des Bruneau et héritage de Mme de Martel, ibidem : 7 Z 48-2.
(30) Armand Baraud, Les établissements de Charité en Bas-Poitou sous l’Ancien Régime, Revue du Bas-Poitou, 1908-2, p. 146 (vue 17) et s.
(31) Emmanuel Le Roy Ladurie, Histoire humaine et comparée du climat, Fayard, 2044, page 232.
(32) Rapport du 3-11-1790 de Goupilleau au district de Montaigu sur la pétition de la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie : no 6, 4. Médiathèque de Nantes, collection Dugast-Matifeux, vol. 67.
(33) Michel Terestchenko, Un si fragile vernis d’humanitéBanalité du mal, banalité du bienLa Découverte, M.A.U.S.S. 2005.


Emmanuel François, tous droits réservés
Avril 2017, complété en avril 2022




mercredi 1 mars 2017

La vente des biens du clergé à Saint-André-Goule-d’Oie

On sait qu’il y eut trois sortes de biens nationaux pendant la Révolution : ceux provenant de l’Église (première origine), ceux confisqués aux nobles (seconde origine), et ceux provenant du Roi (troisième origine). À Saint-André-Goule-d’Oie on vendit les premiers au début de l’année 1791, comme partout. Puis les ventes reprirent après les combats de la guerre de Vendée en juillet 1796. Les premières ventes de biens d’origine noble ne commencèrent qu’en août 1796 dans cette paroisse.

Nous nous intéresserons ici aux biens d’Église. Leur vente illustre trois facteurs des tensions qui se formèrent au milieu de l’année 1790 entre les nouvelles autorités révolutionnaires et la population : esprit d’indépendance des habitants, maladresse des nouvelles autorités et anticléricalisme.
Mais tout d’abord, quels étaient ces biens d’Église dans la paroisse ?

Les biens du prieuré-cure


Pièce du chartrier de la Rabatelière
La lecture du chartrier de la Rabatelière, avec quelques centaines de documents concernant la commune de Saint-André, nous permet de dresser une liste des biens et revenus du prieuré avant la Révolution. Elle n’est pas complète à cause de certains documents détériorés et de la nature même de leur contenu

La propriété du prieuré-cure comportait l’église paroissiale et le presbytère, avec son mobilier. La fabrique, sorte d’association cultuelle avant la lettre, ne possédait pas de biens fonciers ou de rentes, contrairement à d’autres paroisses dans la région. Mais le prieuré possédait la métairie de Fondion, et une borderie dans le bourg de Saint-André, aussi un moulin à vent. La métairie de Fondion avait été donnée, très probablement au Moyen Âge, « à franche aumône » au prieuré par le seigneur du Coin Foucaud ou son prédécesseur pour l’entretien de la chapelle érigée sur les lieux, et le service « d’y dire et célébrer par chacune semaine trois messes en silence (messe basse) ». Le texte qui en fait état ne précise pas à quelle intention ces messes devaient être dites. Comme n’importe quel propriétaire, le prieur, suivant l’usage au 18e siècle, était parrain de l’aîné des enfants du métayer, sa sœur aussi parfois était marraine. 

Et on a relevé des rentes et devoirs seigneuriaux dus au prieuré dans la période moderne postérieure au Moyen Âge, résultat probablement de dons :
  • une rente de 112 boisseaux de seigle par an prélevée sur les propriétaires du Fief du Prieuré. C’était un tènement ou terre censive proche des villages de la Brossière et des Gâts. Nous n’avons pas d’informations sur la provenance de la rente, probablement une concession en franche aumône, et peut-être du même seigneur du Coin Foucaud.
  • le tiers d’une dîme au Pin sur les agneaux, la laine, les veaux et les cochons.
  • la moitié des dîmes d’agneaux, veaux, pourceaux et laines, et des terrages sur le lin au tènement de la Bergeonnière. Cette dîme était de 1/10e de la valeur d’un animal nouveau. S’y ajoutait la moitié du droit de terrage qui était à 1/8e des récoltes.
  •  un tiers des dîmes des pourceaux, de la laine et du lin aux villages du Coin et du Peux (valant 1/12e de l’accroissement des animaux et de la récolte d’une année).
  •  une rente de 16 boisseaux de seigle due à la mi-août sur le tènement de la Machicolière.
  •  une rente de 5 boisseaux de seigle à la Maigrière.
  •  une rente de 2 boisseaux de seigle au fief de la Bequetière (au village de la Brossière).
  •  une rente seconde foncière de 12 boisseaux seigle due sur le tènement de la Porcelière.
Le curé recevait ces redevances comme n’importe quel autre seigneur ou bourgeois qui en aurait été propriétaire. Il en était le possédant, et bien sûr après lui, elles allaient à son successeur. La valeur des dîmes données par les seigneurs était assez faible en réalité. En revanche elle était significative pour le droit de terrage, mais il y en avait bien peu pour le prieur de Saint-André-Goule-d’Oie. Seules les quelques rentes en seigle représentaient un revenu significatif.

Nous ne connaissons pas toutes les ressources provenant des possessions foncières : moulin, métairie, borderie. On peut estimer à la veille de la Révolution un revenu annuel d’une centaine de livres pour le moulin, et presque autant pour la borderie. La métairie de Fondion était louée en 1783 moyennant le paiement annuel de 400 livres (1)

Émile Cardinal : L’Arbre
De même nous n’avons pas d’indication sur les revenus ecclésiastiques  proprement dits : la grosse dîme sur les récoltes au profit de l'Eglise et le boisselage. À Saint-André la situation était plus complexe comme dans d’autres paroisses de la région, à cause du droit de boisselage qui remplaçait en partie ou en totalité la dîme sur les céréales au profit de l'Église. Il s’en distinguait par un prélèvement fixe et modéré d’un boisseau de seigle sur chaque métairie et borderie en 1700 (2), comme la dîme qui ne s’adressait qu’aux propriétaires des récoltes et à leurs métayers. À cette date son montant total à Saint-André était de 60 boisseaux, alors que dans une étude de Marcel Faucheux publiée en 1953 (3), on relève que vers 1770, le boisselage rapportait 119 livres par an à Saint-André-Goule-d’Oie, s’ajoutant aux 710 livres provenant des autres sources de revenus pour le prieuré. Le total de 829 livres aboutit à un revenu important pour une paroisse de 1 200 âmes environ. À la même époque le roi fixait à 300 livres par an le revenu minimum du curé de campagne. Tout ne restait pas au prieuré de Saint-André, la plus grande partie remontait à l’autorité ecclésiastique dont dépendait la cure. Le prieur percevait ce qu’on appelait « la portion congrue », avec un minimum fixé par le roi. Cette valeur d’un boisseau par métairie est confirmée dans un document concernant la Chevaleraye, où on a relevé la déclaration d’un propriétaire : « je paye aussi au sieur prieur de Saint André de Gouledois un boisseau de seigle pour droit de boisselage » (4).

Quant à la grosse dîme, appelée ainsi parce qu’elle était prélevée sur les gerbes de blés dans les champs, elle se montait au 1/13e des récoltes dans le bourg de Chauché, et probablement autant à Saint-André (5). Elle ne se prélevait pas, sauf exception, sur les terres déjà sujettes à terrage pour le seigneur, et à Chauché les 2/3 du prélèvement allaient au curé primitif ou à l’abbaye fondatrice, et le reste au curé de la paroisse. Pour Saint-André nous n’avons trouvé qu’un seul champ sujet à cette dîme. À la place le prieuré percevait au sortir du Moyen Âge la moitié du terrage dans la plupart des tènements relevant du Coin Foucaud, mais cette part fut confisquée au seul profit du seigneur suzerain dans la période des guerres de religion. On est tenté de faire un lien entre cette confiscation et l’existence du droit de boisselage, mais notre documentation disponible est insuffisante pour l’établir.

Après cette approche d’une réalité chiffrée des biens et revenus du prieuré de Saint-André, entrons maintenant dans une autre réalité : la politique, ses luttes de pouvoir et son ambition d’un monde nouveau avec la Révolution française.

Goupilleau de Montaigu


Rappelons pour commencer que l’Assemblée Nationale adopta en novembre 1789 une solution au déficit abyssal des finances publiques, à l’origine de la convocation des États Généraux, en s’appropriant les biens d’Église. Puis, votée en décembre 1790, une constitution civile du clergé créa une nouvelle organisation de l’Église de France. Pour remplacer les biens confisqués, mais qui assuraient entre autres la subsistance des membres du clergé, l’État versera désormais un salaire à ces derniers. De plus on réorganisa les évêchés et on décida d’élire les curés, et même les évêques.

Les révolutionnaires parachevaient ainsi l’œuvre de François Ier et de Louis XIV, soumettant l’Église de France à l’État. De plus, la vente des biens d’Église pour renflouer le trésor royal, n’était pas une nouveauté. Des millions de livres avaient été récupérés sur le clergé au temps des derniers Valois, qui avaient aussi instauré une redevance forcée collective appelée « don gratuit », qui perdura jusqu’à la Révolution. La vente des biens d'Église était réclamée par les huguenots, et le roi argumentait auprès de l’Église de la nécessaire lutte contre ces derniers, onéreuse en dépenses militaires. Mais le roi obtenait à chaque fois l’accord du pape pour procéder à ces aliénations.

De même il faut se souvenir de l’empereur d’Autriche, Joseph II, frère de la reine de France, qui de 1780 à 1790, promulgua près de 6000 décrets concernant la vie religieuse dans ses États. « L’empereur sacristain », comme certains l’appelèrent, voulait, entre autres, mettre l’Eglise au service de l’Etat, se heurtant au clergé et au pape, mais sans aller jusqu’à la rupture avec ce dernier néanmoins.

V. Lacueille : Voltaire, ou Le Jeu des Lumières
Mais à la différence du très pieux empereur d’Autriche, certains révolutionnaires français ne cachaient pas leur anticléricalisme, à commencer par l’influent évêque d’Autun, Talleyrand, qu’on avait forcé à devenir prêtre. Et ils prirent avec légèreté le risque d’une coupure avec Rome, ce qui constitue un schisme pour les catholiques. D’ailleurs on lit dans le registre d’état-civil de Chauché l’expression significative de « catholiques romains » pour désigner les récalcitrants aux nouvelles mesures.

En conséquence, la mise en œuvre de cette politique opéra une rupture dans la société, transformée en guerre civile en l’espace de deux à trois années, entre la masse des Vendéens du Bocage et du Marais Breton et les nouvelles autorités révolutionnaires, minoritaires dans les gros bourgs. Parmi les causes de ce drame, cette rupture tient une place essentielle.  

Les départements avaient été mis en place à partir du mois de mars 1790. Dans la même période on avait vu à Saint-André-Goule-d’Oie s’installer la première municipalité, avec la création des communes. On créa aussi une garde nationale avec pour commandant le seul ancien militaire de la commune, habitant régulièrement sur place, Jean de Vaugiraud. Elle participa, a-t-on écrit, avec 18 autres communes du Bocage au rassemblement de l’Oie le 30 mai 1790. Les rassemblements avaient pour but de manifester l’attachement à la patrie. Ils devaient aboutir à la fête de la Fédération du 14 juillet 1790, à l’origine de notre fête nationale comme chacun sait.

Puis dans chaque département on avait installé des districts, dont celui de Montaigu, comprenant le canton de Saint-Fulgent. Le président du district de Montaigu était un médecin, Rousse, et son procureur-syndic était un ancien avocat au parlement de Paris de 1776 à 1780, qui avait fait son droit à Poitiers, Vendéen d’origine, Philippe Charles Aimé Goupilleau (1749-1823). Il fut procureur syndic de la Rocheservière en 1789, puis du district de Montaigu en 1790 (6). Chargé de l’exécution des lois, le procureur-syndic apparaît comme le représentant du pouvoir législatif parisien.

Goupilleau de Montaigu
À la suite du soulèvement vendéen en mars 1793, Goupilleau de Montaigu fut envoyé en mission en Vendée de mai à août 1793. Il s’y opposa aux exécutions, qu'il jugeait inutiles. De 1793 à 1795 il semble s’être montré très scrupuleux dans ses fonctions de représentant en mission dans le Midi de la France (7). De janvier à mars 1796 il s’opposa à Hoche, l’accusant de rallumer la guerre de Vendée en protégeant les nobles et les prêtres. Il fut soutenu par son ancien collègue de Pouzauges à la Convention, Dominique Dillon, contre ce que ce dernier appela la « faction hochique » (8). Pour une compréhension du personnage, nous renvoyons au livre de Mireille Bossis et Philippe Bossis, Goupilleau de Montaigu : les apprentissages d'un révolutionnaire vendéen (1763-1781) (9). Un des traits dominants de son action politique est son anticléricalisme. Un de ses traits de caractère est sa raideur. Voyons-les à l’œuvre.

Goupilleau de Montaigu s’oppose à la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie


Le 2 septembre 1790, les tout nouveaux élus de Saint-André écrivirent une pétition à l’Assemblée nationale pour protester contre le projet de mise en vente de tous les biens du prieuré. On n’a pas le texte de leur lettre, mais on a en réponse un réquisitoire de Goupilleau à ses collègues en date du 3 novembre 1790 (10). Il propose une réponse musclée comme on le voit :  

« Dans le réquisitoire du procureur syndic du district de Montaigu – extrait du registre des délibérations. »
« No 4                                           Du 3 novembre 1790
Le procureur syndic a dit messieurs

Chargé par état de veiller à l’exécution des lois, je ne dois pas garder le silence lorsque je suis informé qu’on s’y oppose. La municipalité de Saint André de Goule d’Oie a, non seulement osé le faire, mais encore s’est coalisé avec des municipalités étrangères. Elle a fait plus, elle a osé vous adresser une pétition en date du 2 septembre dernier, tendant à vous faire adopter une façon de penser aussi criminelle, et en vous priant de vous opposer à ce que les biens qui dépendent de leur cure fussent vendus, attendu que leur jouissance en était indispensable à leur curé. 
C’est sans doute, messieurs, un égarement de la part de ceux qui ont souscrit une demande aussi étrange. Pourrait-il en être autrement puisqu’ils s’adressent pour la faire adopter, à vous qui avez fait serment d’être fidèles à la même loi qu’ils vous proposent de violer ? (puisque). Ces mêmes biens, dont ils voudraient empêcher la vente, leur curé lui-même s’est soumis pour (en) acheter; (et que) son intérêt personnel devant céder à celui de l’État, il ne doit pas s'effrayer des enchères.
Mais, messieurs, quoiqu’il paraisse évident que les officiers municipaux aient été séduits et trompés, nous n’en devons pas moins un exemple. Votre silence sur une pétition de cette nature, pourrait en autoriser d’autres, et l’aliénation des biens nationaux, cette question dont dépend en partie le salut de l’État, serait arrêtée dans notre district, tandis que tout doit exciter et encourager la confiance. Je vous demande donc que cette pétition des officiers municipaux de Saint André Goule d’Oie du 2 septembre dernier, que je laisse sur le bureau, soit proscrite par vous comme inconstitutionnelle, que défense soit faite d’en faire de pareilles à l’avenir, et que vous preniez pour la publicité de vos décisions, telles précautions que vous dictera votre sagesse. »

Une adresse  en 1790
à l’Assemblée Nationale
L’idée de garder quelques terres aux curés de campagne avaient été plaidée, sans succès, par l’abbé Grégoire à l’Assemblée nationale (11). La mise en œuvre de cette loi relevant de la compétence du district, c’est à lui de répondre à la lettre des élus. Dès les premiers mots on comprend que la démarche est illégitime pour le procureur syndic. Le droit de pétitionner, de donner son avis, que possédaient avant la création des communes les assemblées des habitants des paroisses n’est plus de mise. Sauf à être du bon côté, celui des révolutionnaires. On ne s’en priva d’ailleurs pas à Paris, où les assemblées reçurent beaucoup de pétitions, des « adresses » » comme on disait à l’époque. Ce fut même un des procédés parmi les plus efficaces dans la dynamique du processus révolutionnaire parisien, sans même évoquer plus tard les intimidations, même accompagnées de violences, subies par les députés. Pour Goupilleau, la municipalité de Saint-André ne disposait pas de ce droit, c’était même criminel d’en user. 

Son objectif, indiqué à la fin de son réquisitoire, est de réclamer à ses collègues un exemple : la pétition doit être proscrite comme anticonstitutionnelle. Il faut empêcher le renouvellement de ce type de pétitions, en édicter l’interdiction tout simplement et le faire bien savoir. Par ailleurs, il rappelle l’urgence de la vente des biens « nationaux », dont « dépend en partie le salut de l’État ». Et il n’avait pas tort, au regard de l’état des finances publiques. Les deux points de vue, celui des édiles d’un côté, celui du procureur-syndic de l’autre, se comprennent parfaitement. Fallait-il qu’ils s’affrontent ? Goupilleau avait fait le choix de répondre non à la demande de la municipalité, ce qui était son droit, son devoir aussi. Il y avait néanmoins plusieurs façons de le faire, même avec fermeté, et même à son époque. Il aurait pu expliquer la loi pour atténuer les incompréhensions suscitées, et souligner son approbation par le roi. Le procureur-syndic a contribué à la naissance des tensions à Saint-André en cette fin de 1790, obtenant ce qu’il a suscité. Il faisait partie de ces révolutionnaires locaux qui se savaient en minorité. De là peut-être son intransigeance. 

Mais pour comprendre Goupilleau il faut pénétrer le système de pensée des révolutionnaires. Ils étaient dans une logique d’idées : l’Assemblée exprimait la volonté du peuple, autorité suprême, libératrice, incontestable et indépassable. De cet absolu doctrinal où la loi est l’expression de la volonté générale, il s’en suit qu’il n’était pas possible de l’amender dans son exécution. Cette approche par la logique est une bonne tactique en même temps. Goupilleau écrit en effet : « C’est sans doute, messieurs, un égarement de la part de ceux qui ont souscrit une demande aussi étrange. Pourrait-il en être autrement ? ». Plus loin, il concède que les « criminels » ont pu être « trompés ». Voilà notre idéologue moins extrémiste qu’il n’en avait l’air. Les « criminels » manquent de logique, et voilà ses collègues du district, à qui il s’adresse, enfermés dans son raisonnement. C’est habile à première vue à leur égard.  

L’absolu de la loi était une idée ancienne et avait déjà été affirmée en lien avec la souveraineté absolue du roi par le théoricien Jean Bodin au 16e siècle. On en avait gardé l’emprunte dans la montée de l’absolutisme monarchique, symbolisé par le mot apocryphe de Louis XIV : « l’État c’est moi ». Mais cet absolutisme, parce qu’il prétendait se soustraire aux contingences des conflits internes dans la société politique, portait avec lui sa fragilité. Ainsi, en prenant l’habitude de reculer dans les conflits, Louis XVI avait perdu son pouvoir faute de se reconnaître légitime à négocier. Les révolutionnaires, tout empressés à refonder l’absolu de la loi dans une nouvelle légitimité, n’ont pas vu le danger. C’est ce qui explique, entre autres, un de leurs traits dominant : une divergence ne peut pas être résolue par la persuasion ou le compromis, mais par l’imposition du silence au contradicteur. Suivront plus tard la prison, la déportation puis la mise à mort. En explorant les racines de ce trait on trouverait par exemple la politique d’éradication du protestantisme par Louis XIV. Ainsi pour Goupilleau un nouveau credo, celui de la « loi » devait s’imposer, vue comme l’incarnation de la démocratie à bâtir. Il a ajouté sa manière tatillonne de le mettre en œuvre et a entretenu des divisions. On sait que le mépris contre les bourgeois « arrogants », les « patauds » comme on disait, fut une antienne très répandue dans les rangs des insurgés pendant la guerre de Vendée. Certains y ont laissé leur vie en représailles.

Caricature anticléricale à l’époque révolutionnaire
Qui était ce « pataud » ? Vendéen d’origine, Philippe Goupilleau appartenait à une famille de bourgeois fournissant au moins un prêtre à chaque génération (13). Il avait fait son droit à Poitiers et exerça le métier d’avocat au parlement de Paris de 1776 à 1780 (14). Aussitôt élu député en septembre 1791, il s’inscrira le mois d’après au club des Jacobins à Paris. Il se distinguera alors par ses motions contre les prêtres et les nobles. Le 17 avril 1792, il dénoncera à la tribune de l’Assemblée Législative les prêtres de Vendée comme fauteurs de guerre civile. Il a cultivé un anticléricalisme virulent jusqu’à son dernier souffle de vie. Nous renvoyons à sa courte biographie dans le dictionnaire des Vendéens, sur le site internet des Archives départementales de la Vendée.  Un des traits dominants de son action politique est son anticléricalisme. 

Les ventes des biens du prieuré de Saint-André-Goule-d’Oie


On trouve aux Archives départementales de la Vendée, dans le sommier des adjudications des domaines nationaux faites par le district de Montaigu, coté 1 Q 232 chapitre 26, les ventes suivantes des biens d’Église à Saint-André :

Métairie de Fondion en 2016
  • le 28 février 1791 la métairie de Fondion à René Robin pour 12 000 F. C’était un bourgeois de Sainte-Florence-de-l’Oie, tanneur de profession, et marié avec Marie Péaud.
  • Le 14 avril 1791 « le temporel du ci-devant prieuré » à Nicolas Lefevre Couzartière de Cholet pour 45 000 F. Le temporel en question n’est pas désigné. Or ce n’est pas le presbytère ni la borderie dans le bourg, qui furent vendus plus tard. À cause du prix on ne peut pas croire qu’il ne concerne que les rentes évoquées plus haut et le moulin. Nous savons que cette liste de biens, que nous avons tenté d’établir, est probablement incomplète. L’importance du montant de la transaction intrigue. Peut-être d’autres biens se trouvaient-ils situés dans une paroisse voisine. On lit bien sur le document que le prix a été payé en quatre fois à crédit en grande partie, avec le mot soldé écrit sur le décompte des versements.
  • Le 4 mai 1791 une rente de 4 boisseaux de seigle sur la Maigrière à Jean Boisson de Chavagnes pour 200 F. L’enchère valorise le boisseau de seigle à 50 F de capital, soit à 2,5 F la valeur d’un boisseau, suivant les calculs habituels de l’époque.
  • Le 5 mai 1791 la borderie de la cure et une rente de 29 boisseaux de seigle à Jean Aimé de Vaugiraud pour 7 000 F. Il est le seul habitant de la commune à avoir acheté un bien d’Église. Il appartenait à une famille noble. Il faut rappeler ici que de manière générale, la vente des biens d’Église ne posa pas de difficultés en Vendée. Celles-ci sont spécifiques à Saint-André-Goule-d’Oie.
Jean de Vaugiraud a été protégé par la population quand Benjamin Martineau, membre de la municipalité de Saint-Fulgent et responsable des gardes nationaux de la commune, est venu l’arrêter à la demande des instances du département en mars 1793, au motif qu’il était suspect. Ses voisins se sont interposés en face des gendarmes, les ont injuriés et menacés, et les ont fait fuir. Ce sont pourtant les représentants de cette même population qui avaient milité un an et demi plus tôt pour refuser la vente d’une partie des biens d’Église. L’achat de M. de Vaugiraud avait-il été de complaisance, dans le but d’en faire retour au prieuré ? On connaît des cas de cette nature dans la contrée, c’est pourquoi nous posons la question. Mais faute de preuve, nous ne répondrons pas. D’autant qu’en dehors de Saint-André-Goule-d’Oie, on sait que la vente des biens d’Église n’a généralement pas posé de problème aux populations. Néanmoins les gens de Saint-André ne sont pas les seuls à avoir voulu préserver de la vente une part des biens de la cure. L’argument des revenus ecclésiastiques au bénéfice des pauvres a été utilisé, notamment lors de la révolte d’habitants en janvier 1791 dans le district de Châtillon (15).

Il est intéressant de relever que des métayers de Chauché ont trompé les représentants de l’administration lors de la confiscation des biens du seigneur Durcot de Puytesson. Ils ont réussi à soustraire ainsi 1178 boisselées de terre dans l’inventaire, soit 60 % du domaine ! La manœuvre a permis au propriétaire de les récupérer à son retour d’émigration (16).

Après les ventes que nous venons d’indiquer, les archives ne nous en donnent plus d’autres à constater. En particulier, ni l’église ni le presbytère n’étaient vendus au début de l’année 1793. La guerre de Vendée se déroula pour les habitants de Saint-André de mars 1793 à mars 1796. Les ventes reprirent ensuite, mais réalisées désormais à Fontenay-le-Comte par les administrateurs du département.

La Brossière en 2016
Le 29 juillet 1796 le presbytère et l’église de Saint-André-Goule-d’Oie furent adjugés à François Fluzeau le jeune (1763-1824) pour 1 124 F, un habitant du village de la Brossière (17), qui allait être élu agent de la commune (maire). Il était marchand et appartenait à la couche la plus aisée de la paysannerie, faisant jeu égal de fortune avec les petits bourgeois des bourgs de la contrée. Une estimation de ce montant avait été faite le 24 juillet précédent par Jean Coutaud, cultivateur demeurant à Chavagnes représentant le département, et Jean Rondeau, cultivateur à André-Goule-d’Oie (nom révolutionnaire) représentant le soumissionnaire Fluzeau, en présence de Louis Merlet, commissaire du directoire exécutif près l’administration municipale du canton de Fulgent-des-Bois (nom révolutionnaire). Ils ont estimé que le revenu annuel en 1790 était de 60 livres pour les bâtiments et de 2 livres pour une petite surface de terre. Le premier chiffre a été multiplié par 18, et le deuxième par 22, pour obtenir la valeur totale en capital de 1124 livres. Ce montant paraît bien faible, la seule église de Saint-Fulgent, incendiée, ayant été vendue 3000 livres à Pierre Louis Guyet, frère du châtelain de Linières. Et la présence de Merlet ne rassure pas sur sa sincérité. Voir à cet égard l’article publié sur ce site en février 2017 : Les persécutions religieuses dans le canton de Saint-Fulgent (1796-1799).

Voici comment sont décrits les biens vendus : « la maison ci-devant curiale de la commune de André-Goule-d’Oie consiste dans une cuisine, une chambre, un four, un salon, une chambre au-dessus et une cabine à côté, un cellier et une chambre par-dessus, une cour, deux petites écuries, une poulaillerie et un toit, un jardin, une grange-grenier par-dessus, ensemble (en plus) la ci-devant église dudit lieu, sacristie et ballet (auvent) en dépendant, le tout se joignant, contenant le total environ 2 boisselées de terre (2 430 m2), y compris quelques bâtiments et servitudes qui ont été incendiés. Plus une ouche contenant environ une boisselée appelée les Trois Carrières tenant au chemin qui conduit à Florence. »

Revente de l’église, du presbytère et de la borderie


Deux ans plus tard, le 1e juillet 1798, le presbytère, la borderie et l’église sont à nouveau vendues, mais à René Robin (de Sainte-Florence), pour 23 200 F (18). Il était tanneur et fermier, acheteur de biens d’église.

La borderie avait été reprise par l’administration à M. de Vaugiraud, faute de paiement. On lit en effet sur le sommier de l’adjudication qu’un acompte de 840 F fut payé le 27 mai 1791, puis la notation suivante : « À défaut de paiement le domaine a été revendu par le gouvernement ».

Le motif ne surprend pas. On sait en effet que Jean Aimé de Vaugiraud et son frère Augustin ont habité Paris de mars à septembre 1792, puis son frère fut incarcéré à Nantes à la fin de l’année à titre de suspect (19). À voir les attestations que ce dernier dut produire de sa prison sur sa présence à Paris, son autorisation de voyager, l’attestation sur leur emploi du temps le 10 août 1792 (avec son frère), son serment civique du 6 septembre 1792 à la section de Beaurepaire séante aux Mathurins à Paris, la police était entrée dans la vie privée des personnes cette année-là. Pour des nobles il y avait de quoi avoir peur. Il parait probable que Jean de Vaugiraud s’est caché des autorités officielles au lieu d’aller au district de Montaigu payer son échéance. Pourtant, avec son engagement ensuite dans la guerre de Vendée aux côtés du général de Royrand de l’armée du Centre, on ne lui confisqua pas le reste de ses biens ! Certes, les révolutionnaires du district de Montaigu ont eu bien des tracas pendant cette guerre, mais cela ne les empêcha pas de confisquer par exemple les biens du général de Royrand, son voisin.

Une estimation de la borderie fut faite le 20 janvier 1798 pour 2 200 F, valeur en capital de 1790, ne tenant pas compte de l’enchère de 1791. Elle comprenait environ 7 boisselées de pré et 36 boisselées de terres et jardins dans le bourg (5,2 ha au total).

La revente du presbytère et de l’église, deux ans après son achat par François Fluzeau, tient aussi à l’abandon après coup de ce dernier. Il avait démissionné de sa charge d’agent au mois de septembre 1797, plutôt que de prêter le serment prévu par la loi du 19 fructidor an 5. C’était une loi d’épuration concernant tous les fonctionnaires, en les obligeant à prêter un serment de « haine à la royauté ». Fluzeau préféra démissionner. Dans une lettre de Merlet à l’administration du département, on apprend le 27 septembre 1797 que tous les membres de l’administration municipale du canton de Saint-Fulgent, agents et adjoints, à l’exception du président, de deux agents et de deux adjoints, ont donné leur démission en vertu de cette loi. Notamment, Fluzeau, agent de Saint-André, est alors remplacé par Jean Bordron fils, surnommé « La Couette » (20). Aux élections, on substituait désormais les nominations.

Cette démission révèle un désaccord politique entre François Fluzeau et le parti des révolutionnaires de Saint-Fulgent. Ceux-ci, peu nombreux, donnent une image d’eux très particulière, où dominent l’extrémisme, l’intérêt personnel, et les querelles de clans. François Fluzeau avait été « capitaine d’infanterie dans les armées royales », suivant le titre de décoration du Lys qu’il reçut le 1e janvier 1815 (21). Il n’a pas voulu se renier, et abandonna l’achat de l’église en même temps que son mandat municipal.

Il donna asile au curé de Saint-André-Goule-d’Oie pour dire des messes clandestines, chez lui, dans une grange de la Brossière en octobre 1797 (22). Tous ces détails nous incitent à penser qu’il n’avait pas l’intention de détourner l’église de la paroisse de son usage cultuel. Peut-être même son achat avait-il été de complaisance.

D’ailleurs, le nouvel acquéreur de l’église en 1798, la laissait encore au mois de février 1799 à la disposition des fidèles. Ceux-ci venaient les dimanches y prier, même en l’absence très probable de prêtres (23). L’agent de Saint-André successeur de Fluzeau, le fils Bordron, se refusait à cette époque à la fermer. Tout républicain qu’il fût, il vivait au milieu d’une population qui ne l’aurait pas laissé faire visiblement, à commencer par ses proches. C’est le même qui refusa de faire abattre des croix dans la commune. De plus, le presbytère faisait l’objet de locations en cascades. D’abord le propriétaire de Linières, Joseph Guyet, appartenant au camp républicain, le louait au propriétaire pour le sous-louer à un étranger de la commune, Sébastien Mercier, garde champêtre demeurant à la Pelissonnière au Boupère. En 1801 ce dernier le sous-affermait ensuite verbalement à différents habitants de la commune qui le destinaient à l’usage d’un prêtre. Des problèmes d’entretien conduisirent Joseph Guyet à demander un dédommagement au juge de paix de Saint-Fulgent en messidor an IX (juin 1801). Parmi les habitants cités dans l’enquête du juge et s’occupant du presbytère on voit François Fluzeau et Jean Herbreteau du bourg, Pierre Herbreteau maire de la commune, Jean Rochereau de la Boninière et François Cougnon du Coudray (24). Le procès dû s’arrêter après l’enquête car en novembre 1801 le presbytère fut acheté par 38 particuliers.

La vente des biens du « couvent de Saint-Fulgent »


Pour être complet nous évoquerons rapidement quelques biens à la Javelière qui appartenaient à des religieuses établies à Saint-Fulgent. Le commissaire de la municipalité du canton de Saint-Fulgent fit procéder le 27 mars 1799 à l’estimation d’une grange et de neuf parcelles de jardin et terres, totalisant environ 1 ha à la Javelière. Il s’appelait Benjamin Martineau, vivait à Linières chez son beau-frère Joseph Guyet, qui allait acquérir bientôt le domaine de la vicomtesse de Lespinay. Voir l’article publié sur ce site en avril 2011 : Etienne Benjamin Martineau.

Pour désigner ces biens, l’expert originaire de Mouchamps écrit sous la dictée de Martineau qu’ils sont « du couvent de Saint-Fulgent provenant de la ci-devant communauté des filles du dit Fulgent ». Plus loin une précision intrigue : « provenant le tout de la communauté des propagandes de Saint-Fulgent » (25). On sait qu’en 1771 Mme de Chevigné fit une fondation pour créer une école des filles à Saint-Fulgent. L’acte portait que « la maîtresse régente choisira une fille pour l’aider à secourir les pauvres et les malades de la paroisse, et l’entretien des autels de l’église » (23). Jusqu’à la Révolution on eut ainsi à Saint-Fulgent une école dite « de la Charité » et « la confrérie des dames de la Charité », suivant l’historien Maurice Maupilier (27). Dans ses « Chroniques paroissiales » l’abbé Aillery indique que la chambre ecclésiastique du diocèse de Luçon payait avant la Révolution à la Charité de Saint-Fulgent la somme annuelle de 600 livres (28). Saint Vincent de Paul avait réuni l’Union Chrétienne et la Propagation de la foi dans une même communauté, dont les sœurs se consacraient à des activités de soins dans les hôpitaux et d’instruction dans les écoles (29). Le mot de propagation provient du prosélytisme à l’égard des calvinistes, à l’origine de la congrégation religieuse de la Propagation de la Foi, d’où « la communauté des propagandes de Saint-Fulgent ».

la Javelière en 2016
La date de cette estimation intrigue. Cela faisait neuf ans qu’elle aurait dû être faite selon la loi, avec la valeur en cours de l’année 1790. Il est difficile de soupçonner la municipalité de Saint-Fulgent de négligence, quand on se souvient de son zèle révolutionnaire, en particulier de celui de Martineau. Et les bourgeois républicains avaient été suffisamment frustrés par le seigneur local, Agnan Fortin, qui avait raflé l’essentiel des ventes de biens d’Église dans la commune. Mais peut-être une première estimation avait-elle été faite, perdue ensuite à cause des combats qui s’y déroulèrent en 1793 et 1794 ?

Ces biens à la Javelière furent mis d’abord en location par enchère publique. Et un décret impérial en 1808 en affecta les revenus à l’hôpital de Saint-Fulgent, remis en activité en 1804. Désormais il était tenu par les sœurs de Chavagnes, une nouvelle congrégation créée par le père Baudouin (30). 


Le rachat de l’église et du presbytère


Comme les châteaux et les métairies des nobles, les biens des prieurés et des cures restèrent à leurs nouveaux propriétaires qui les avaient acquis légalement, même après la Révolution. Mais les églises et les presbytères posèrent un problème avec la restauration de la liberté religieuse à partir de 1800 par Bonaparte. Comme souvent ailleurs on fit une souscription, et un groupe de fidèles de Saint-André-Goule-d’Oie racheta l’église et le presbytère à son acquéreur.

D’abord un groupe de 16 paroissiens fit l’acquisition de l’église avec sa sacristie pour 300 F auprès de René Robin le 13 avril 1801 (31).

Ensuite, ils ont été 38 particuliers à racheter le presbytère le 26 novembre 1801 au même René Robin, pour 1 324 F (32). Ce montant fut divisé en 78 parts d’une valeur de 17 F chacune. Les plus gros acheteurs ont pris 3,75 parts, d’autres 2, d’autres 1,5 ou 1. La châtelaine de la Rabatelière et celle de Linières ont participé à la souscription. Il est indiqué dans l’acte d’achat que les parties jouiront tous ensemble d’un commun accord, sans pouvoir les diviser ni les vendre et faire vendre par licitation. Les frais d’actes (80 F) sont supportés par François Cougnon. Ancien capitaine de paroisse pendant la guerre, il était plutôt riche à cause de sa femme, et avait dû garder l’habitude de l’exemplarité.

À regarder la liste des souscripteurs à chaque fois, on voit les plus importants propriétaires de la commune avant tout. Bien sûr c’étaient de bons catholiques, mais pas plus que ceux qui n’ont pas donné vraisemblablement. De 1791 à 1800 la population de la commune était passée de 1300 à 1032 âmes. En 1826 elle n’avait augmenté que de 9 % par rapport à 1800 (33). Nous n’avons pas de chiffres pour évaluer les ruines, mais on devine l’état de dénuement qui régnait encore dans les maisons rescapées, retapées ou reconstruites. Que la richesse ait été le facteur déterminant dans la constitution de ces deux listes paraît bien incontournable.

Dans l’église restituée légalement à ses fidèles, un nouvel objet précieux avait pris place : la croix de Charette. Désormais elle ferait partie du patrimoine de la paroisse, puis de la commune, classée au patrimoine historique en 1983 (34), et conservée jusqu'à récemment dans l’église pour servir aux cérémonies (elle est maintenant en lieu sûr à la Roche-sur-Yon). Elle est en lames d’argent sur âme de bois, avec gravures. Elle avait été dérobée par les Bleus, puis reprise par les Vendéens. En décembre 1793, après le combat des Quatre-Chemins, Charette avait demandé à ses hommes de confier cette croix au desservant de la première église qu’ils rencontreraient en allant à Montaigu. Grâce à un habitant de la Brossière, elle fut ainsi dirigée vers l’église de Saint-André-Goule-d’Oie (35). La période concernée est 1794/1795, mais on ne sait pas à qui elle fut confiée ni comment elle fut cachée. Naturellement on l’appela la « Croix de Charette », et deux siècles après son nom fut donné à une rue dans le bourg de la commune. La croix de procession comporte un poinçon de la jurande de Nantes, et est datée vers 1623, attribuée à l’orfèvre nantais Denis Sevin. À ce titre elle fut prêtée pour l’exposition de 1989 sur les orfèvres de Nantes organisée dans cette ville au musée Dobrée (36). Le culte de Charette fut aussi marqué à Saint-André-Goule-d’Oie par la célébration d’une messe chaque année le lundi de la passion voulue en 1827 par l’évêque de Luçon, « pour le repos des âmes du général Charette, des braves qui sont morts en défendant la cause sacrée de l’autel et du trône, et des autres victimes de la fidélité pendant la guerre de la Vendée » (37). Elle fut célébrée dans l’église paroissiale de 1827 jusqu’en 1946, date à laquelle le capital initial de 100 F de la fondation de cette messe fut versé par la paroisse de Saint-André à l’évêché de Luçon (38).

Quel lien avec la guerre de Vendée ?


Michel Moy : Sans Titre
Une question importante est d’examiner le lien possible entre ces ventes et la révolte vendéenne. Des historiens ont mis en avant l’accaparement par les bourgeois républicains des biens nationaux, pour en déduire la jalousie des paysans, frustrés de ne pas avoir pu les acheter eux-mêmes. Cette frustration les aurait conduits à une hostilité envers les nouvelles autorités révolutionnaires. Additionnée à d’autres facteurs, elle contribuerait à expliquer l’origine de la révolte vendéenne (39). À Saint-André-Goule-d’Oie, ce facteur n’a pas joué, même si le curé a songé à acheter des biens d’Église. On n’en a vendu qu’à des étrangers à la commune, sauf à Vaugiraud, mais c’est une exception qui est à prendre avec précaution comme nous l’avons vu. Et encore, on aimerait bien connaître la liste des membres de la coalition contre ces ventes, dont Goupilleau accuse la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie de faire partie. Une minorité d’habitants conduite par le maire Jean Bordron, un artisan aisé, se rangea du côté républicain, comme on le voit à sa participation au scrutin de mars 1799 pour l’élection du président de la municipalité cantonale. Mais Jean Bordron collabora avec le prieur de la paroisse pour tenir le registre paroissial au 2e semestre 1792, quand ce dernier dû se cacher pour éviter la déportation. Son frère Pierre, habitant la Ridolière, fut tué par les républicains le 5 décembre 1795. Là encore la documentation fait défaut sur ce premier maire de Saint-André. Et pourtant il serait intéressant de mieux connaître en pleine guerre civile ce républicain non violent et les divisions politiques dans la population.

Le maire républicain de Chauché en 1799, Jean Marie Cailleteau, paraît de la même veine que Jean Bordron. Ses notes sur les registres de sa commune révèlent un esprit cultivé, des opinions politiques fermes et un comportement pacifique. Ce petit extrait écrit par lui après 1796 en témoigne, pour expliquer son annotation du 2e registre clandestin : « C’est par suite de l’affreuse guerre civile qui a eu lieu dans le pays depuis le 13 mars jusqu’en l’an 1796 que ce codicille a eu lieu, les révoltés ayant détruit et renversé les autorités établies par la constitution qu’ils voulaient [] et vainement anéantir. Chose étrange, ce peuple en révolte et aveuglé s’armait contre ceux qui voulaient lui rendre ses droits naturels. Ô inconcevable travers de l’esprit humain ! » (40). Fils du fermier de Languiller, la famille de Jean Marie Cailleteau s’est divisée en politique. Sa sœur Adélaïde épousa en 1802 Pierre Rézeau, un chef vendéen nommé par Charette. Son autre sœur Marie Anne épousa René Bossard, agent républicain de Chauché pendant le Directoire. Son frère Pierre Louis combattit aux Cent Jours. Sa mère logea à Languiller en 1795 le vicaire général de l’évêque de Luçon en exil, accompagné de trois infirmières, une religieuse, deux dames nobles et un jeune enfant. Ces deux maires voisins nous montrent une société villageoise plus tolérante en son sein que beaucoup de récits sur la guerre civile ne pourraient le laisser croire. Leurs attitudes nous montrent aussi que leurs motivations personnelles ne rentrent pas toujours bien dans les cases définies par les écoles de pensée.

La population du Bocage vendéen a manqué des motifs qui ailleurs ont mis le peuple dans un mouvement de révolte, de jacquerie aussi a-t-on écrit, rejoignant les discours et l’action des révolutionnaires en 1789 et 1790. Qui plus est, la révolte de la faim aux Essarts au printemps 1789 avait eu pour cible un convoi de grains appartenant à Charles Guyet, les bourgeois comme lui tenant dès le départ le mauvais rôle pour la population, plutôt que les nobles. Et comme Guyet, d’autres bourgeois se mirent en avant dans le soutien aux grandes réformes de l’été 1789. Pourtant rien ne pouvait laisser croire à cette même date que la majorité de la population devienne « anti » révolutionnaire rapidement, puis « contre » révolutionnaire au bout de trois ans, les armes à la main.

Pour comprendre le phénomène, la société vendéenne d’alors doit être interrogée bien sûr. Mais comme la Révolution elle-même, ce qu’on appelle la Guerre de Vendée ne peut être pris d’un bloc. La première montée des tensions à Saint-André (été 1790-mars 1793), est née de causes entremêlées. Parmi elles, on voit dans cette commune la part prise par l’arrogance de Goupilleau de Montaigu. Son attitude toute en raideur a braqué une population qui ne paraît pas avoir été hostile au départ à la Révolution.

Et dans la révolte de mars 1793, on peut relever la chasse aux hommes de loi préposés à la vente et à l’enregistrement des domaines. Il n’y eut pas que le refus du recrutement à l’armée et la chasse aux curés assermentés. Ainsi les insurgés arrêtent-ils Louis Chollet le 13 mars à Montaigu, directeur de l’Enregistrement et des Domaines, le poussent devant eux et le font périr. Jean Victor Goupilleau (frère de Charles Aimé évoqué précédemment), aurait été spécialement visé, mais ce jour-là il était à Nantes (41).

(1) Ferme du 10-4-1779 de la métairie de Fondion pour 5 ans, Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Mathurin Thoumazeau : 3 E 30/123.
(2) Livre des recettes du prieuré commencé en 1671, Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 28, chemise IV. 
(3) Marcel Faucheux, Un ancien droit ecclésiastique perçu en Bas-Poitou, le boisselage, Potier, 1953, annexe VII : état des 131 cures à boisselage vers 1770, page 71 et s.
(4) Déclaration roturière du 2-9-1711 de Marguerite Rousseau, veuve Corbière, à Languiller pour la métairie de la Chevaleraye dans Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 58.
(5) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 32, déclaration roturière du 17-12-1745 de la borderie de la Vignolle (Chauché).
(6) Archives nationales, dictionnaires des députés, Philippe Charles Aimé Goupilleau.
(7) Claude Gandrillon, Philippe Charles Aimé Goupilleau de Montaigu (1749-1823), représentant en mission dans le Midi, dans Les Bleus de Vendée, Éditions du CVRH, 2010, page 127.
(8) Médiathèque de Nantes, collection Dugast-Matifeux série Révolution, vol 75, pièce 109, cité par l’abbé Boisson.
(9) Mireille Bossis et Philippe Bossis, Goupilleau de Montaigu : les apprentissages d'un révolutionnaire vendéen (1763-1781) dans Archives de la Vendée : BIB B 3223. 
(10) Rapport du 3-11-1790 de Goupilleau au district de Montaigu sur la pétition de la municipalité de Saint-André-Goule-d’Oie : no 6, 4. Médiathèque de Nantes, collection Dugast-Matifeux, vol. 67.
(11) Compte-rendu par S. de Dainville-Barbiche du livre de Rodney J. Dean (2014), L’assemblée constituante et la réforme ecclésiastique. 1970 : la constitution civile du clergé du 12 juillet et le serment ecclésiastique du 27 novembre, dans Histoire de l’Église de France, no 10, 2016, p. 176.
(12) Archives nationales, dictionnaires des députés, Philippe Charles Aimé Goupilleau.
(13) Ibidem : 7 Z 95, le clergé avant et sous la Révolution
(14) Mireille Bossis et Philippe Bossis, Goupilleau de Montaigu : les apprentissages d'un révolutionnaire vendéen (1763-1781) dans Archives de la Vendée : BIB B 3223. 
(15) Jacques Peret, Histoire de la Révolution Française en Poitou-Charente 1789-1799, Projets Éditions, Poitiers, 1988, page 157.
(16) P. Bossis, Recherches sur la propriété nobiliaire en pays vendéen avant et après la Révolution,  dans l’Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée (1973), page 139.
(17) Vente le 29-7-1796 du presbytère et de l’église de Saint-André-Goule-d’Oie à Fluzeau, Archives de la Vendée, ventes des biens nationaux : 1 Q 240 no 261.
(18) Vente le 1-7-1798 du presbytère, borderie et église de Saint-André-Goule-d’Oie à Robin, ibidem : 1 Q 267 no 1401.
(19) Deuxième réclamation d’Augustin de Vaugiraud du 14-1-1793 aux administrateurs du département de la Loire-Inférieure, et attestation du 31-10-1792 de Charles Joseph Daricourt, Archives de Loire-Atlantique, police des suspects de 1792 incarcérés au château de Nantes : L 241-2. 
(20) Lettre de Merlet à Coyaud du 6 vendémiaire an 6, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 12-II.
(21) Famille Fluzeau à Saint-André-Goule-d’Oie, ibidem : 7 Z 75.
(22) Lettre du 1e brumaire an 6 de Merlet au commissaire du département, ibidem : 7 Z 12-II. Voir aussi l’article d’Edgar Bourloton, Le clergé de la Vendée pendant la Révolution, dans la Revue du Bas-Poitou (1903-3), page 215 et s.
(23) Lettre du 27 pluviôse an 7 de Martineau au commissaire du département, ibidem : 7 Z 12-III.
(24) Copie d’Amblard de Guerry des registres d’état-civil de Chauché et Saint-André-Goule-d’Oie en 1793, et des registres du juge de paix de Saint-Fulgent dans la période révolutionnaire.
(25) Estimation des biens du couvent de Saint-Fulgent à la Javelière le 29 germinal an 7, Archives de Vendée : 1 Q 218. 
(26) Archives Historiques de Saintonge et d’Aunis, 1896, tome 25, p.130, citées par famillesvendennes.fr : de Chevigné (Branche de Preigné et la Grassière).
(27) Maurice Maupilier, Des étoiles au Lion d’or, Saint-Fulgent sur la route royale, Hérault-Éditions, 1989, page 119.
(28) Abbé Aillery, Chroniques paroissiales, Tome 1, 1892, pages 264 et 265.
(29) Propagation (école de la) à Montaigu dans le Dictionnaire toponymique, en ligne sur le site internet des Archives départementales de la Vendée.
(30) Idem (28).
(31) Archives de Vendée, notaires de Mouchamps, étude A, Morisson (an V- an X), vue 613. Transcription par F. Charpentier dans son livre, Chez nous en 1793, Saint-André-Goule-d'Oie, récits d'un vieux Vendéen, éditeur J. Siraudeau à Angers, 1906, page 274 et s. (Voir aux Archives de la Vendée).
(32) Ibidem.
(33) Jacques Hussenet, Détruisez la Vendée, Éditions du CVRH, 2007, page 605.
(34) http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/dapapal_fr. Ce site conduit à la base Palissy des objets mobiliers. Pour ouvrir sur la description de la croix, il faut renseigner la case de texte libre (croix de procession) et celle de la localisation (Saint-André-Goule-d’Oie).
(35) Revue du Souvenir Vendéen, no 213, décembre 2000, page 38.
(36) Courrier du conservateur des musées de Loire-Atlantique en 1889 au curé de Saint-André dans Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton 28, chemise II mobilier (1831-1977).
(37) Recettes et dépenses de la fabrique de Saint-André-Goule-d’Oie (1821-1829)
Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise V : gestion de la fabrique 1812-1851.
(38) Dossier des fondations de messes à Saint-André en 1927 dans Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, carton no 29, chemise VI : Fabrique, fondations 1711-1946.
(39) A-J. Czouz-Tornare, La Révolution française pour les nuls, First Editions, 2009, page 224.
(40) Archives de Vendée, état-civil, registre clandestin de Chauché 1792-juin 1796, vue 2.
(41) Dugast-Matifeux, Débuts de l'insurrection vendéenne à Montaigu, Mortagne et Tiffauges, dans les Échos du Bocage vendéen, 1884, T. 2, p. 43. Et M. Ehlermann-Gandrillon, Jean Victor Goupilleau un républicain dans la tourmente révolutionnaire, Éditions du CVRH, 2019, page 47.


Emmanuel François, tous droits réservés
mars 2017, complété en janvier 2022