vendredi 1 juillet 2016

Les droits féodaux de la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie

Sur la route D 37 de Chauché à Saint-Fulgent, un calvaire érigé en l’honneur d’un combattant vendéen décédé lors de la bataille de Savenay en décembre 1793, Pierre François Cougnon (1765-1793), marque le départ de la route qui conduit à la Porcelière (voir sa biographie dans notre article publié sur ce site en avril 2011 : Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830

Calvaire de la Porcelière
On trouve un autre calvaire à l’entrée du village de la Porcelière. D’une hauteur ostentatoire, sa croix porte un christ dont le revêtement de couleur argentée parait comme neuf. Elle s’élève sur un joli socle d’un mètre de haut, comportant une colonne en chacun de ses angles. On fait bien les choses ici : ce calvaire est entouré d’une haie de laurier coupée au cordeau, avec à l’intérieur du petit enclos bien entretenu, notamment un yucca et un tuya taillé en pointe. Une stèle porte la date de 1925, avec un nom : Henri Herbreteau. Ce patronyme fait partie de l’histoire du village et de ceux aux alentours depuis longtemps.

Encore de nos jours le village de la Porcelière est important par le nombre de ses maisons. On en comptait au moins une quinzaine en 1701, soit avec un toit d’une seule pente, soit à chapt comme on disait autrefois (toit à deux pentes avec un faîte au milieu), soit en appentis adossé à une autre maison. Le plus souvent elles n’avaient qu’un niveau, parfois deux avec un étage pour le grenier, appelé le « plancher ». Certaines avaient un toit couvert avec des tuiles, et d’autres avec une couverture en chaume.

On voit maintenant des maisons neuves avec leurs jardins d’agréments, d’autres plus anciennes aux façades blanches, dont les angles des murs et les pourtours des portes et des fenêtres sont décorés de briques rouges. D’autres aussi ont conservé leurs murs anciens, avec les pierres apparentes et leurs croix de fer rouillées. Quelques restes de vieux murs et de vieux chênes, rappellent une implantation ancienne. On devine le passé, mais c’est surtout le mouvement du temps qu’on retient en parcourant les rues du village. Une charpente de grange en un très vieux bois noueux, peut-être rescapée des incendies de la guerre de Vendée, côtoie une maison neuve. À côté d’un gros arbre têtard, dont les branches ont pris une hauteur à désoler les grands-pères du temps jadis, poussent des pins maritimes plantés récemment, et un massif de bambous.

Ce mouvement du temps, nous l’observons aussi dans les documents du chartrier (archives du château) de la Rabatelière, conservés aux Archives départementales de la Vendée. Ils nous permettent d’aborder plusieurs sujets que nous développerons ici. Commençons par les droits féodaux en vigueur avant la Révolution de 1789.

Le tènement de la Porcelière


Au début du 16e siècle le village de la Porcelière faisait partie du tènement du même nom, c'est-à-dire du terroir aussi appelé fief, concédé à sa création par un seigneur, probablement celui du Coin, à des teneurs pour l’exploiter, moyennant le paiement de devoirs féodaux. Normalement le mot tènement était réservé à une terre roturière ou censive et le mot fief à une terre noble, mais l’usage, au moins dès le 17e siècle dans la contrée, entretenait parfois une certaine confusion entre les deux termes. Mais de cette création du tènement nous n’en pouvons parler que par déduction, faute de documents. 

Près du village de la Porcelière
À l’origine il y avait trois terroirs distincts qui furent réunis ensuite : le tènement de la Porcelière, le fief Canteteau et le tènement des Barbries, les trois se joignant. Au départ de leur création par défrichement, ils étaient distincts. Le fief Canteteau était situé entre le tènement du Landreau (Chauché) et la Porcelière. Il contenait au 14e siècle 14 boisselées en jardins, 6 journaux en prés, et 3,5 septrées en terres labourables, soit l’équivalent d’environ 11,5 hectares. La surface de jardin signifie la probable présence de maisons. Le fief était tenu par Jean Canteteau à foi et hommage plain et à 5 sols de service annuel, du seigneur de Languiller à cause de la seigneurie du Coin Foucaud. Il est précisé que le fief était « tombé en la main » du Coin Foucaud, l’expression voulant dire que ce dernier l’avait acquis probablement par saisie féodale à la suite de difficultés de Jean Canteteau que nous ne connaissons pas. Les désastres du début du 14e siècle, causés par la guerre de Cent Ans, la famine et l’épidémie de peste sont probablement à l’arrière-plan de ces difficultés. De ce fait les teneurs de domaines dans le fief relevèrent ensuite directement de Languiller à cause du Coin. C’étaient des habitants du village de la Porcelière, qui payaient un cens de 10 sols et une rente de 3 septiers et 6 boisseaux de seigle. Le fief avait droit de seigneurie, basse voirie (basse justice foncière) et ventes et honneurs (droit de mutation des biens fonciers). Sous l’aveu de Jean Canteteau étaient tenues deux rentes déjà au 14e siècle. La première de 7 boisseaux seigle, à 1 denier de service à la nativité de Saint-Jean-Baptiste, tenue par les héritiers de Jean de Saint Martin. Il appartenait à une famille qui possédait le droit de fief de la Bourolière à la même époque. La deuxième d’un truel d’avoine et 8 deniers, à 1 denier de service à la nativité de Saint-Jean-Baptiste, tenue par les héritiers d’un nommé Racinous (1). Le mot de truel rencontré ici fait penser à la mesure en trulleau de l’avoine utilisée par les seigneurs de la Boutarlière et dans la seigneurie des Bouchauds (Essarts).

En 1550 le fief de Canteteau est décrit dans un aveu du Coin avec les mêmes surfaces qu’un siècle plus tôt, et sont mentionnés des maisons et masurits, rues, ruages et quaireux (2). Les masurits étaient des maisons en ruine. Après quoi l’habitat du village a disparu, peut-être intégré dans celui de la Porcelière proche. On devine dans ce constat le probable désastre de l’appauvrissement et de la dépopulation de la fin du Moyen Âge. Après 1550, la notion même de fief disparut et les terres concernées, intégrées au tènement de la Porcelière, devinrent censives. 

Nous n’avons pas trouvé d’antériorité au tènement des Barbries, mouvant du Coin Foucaud, situé entre la Porcelière, le Plessis-le-Tiers et la Landouinière. Il contenait 10 boisselées de terre et en journaux 2 hommes de pré en 1606 (3). Il n’avait pas d’habitat dans les textes connus.

Quant au terroir de la Porcelière, on voit au 14e siècle un Pierre de la Grolle tenir du Coin Foucaud à foi et hommage plain, à rachat et à 5 sols de service annuel, des biens au tènement de la Porcelière : une rente de 7 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts, et une dime sur les laines, lins et menues bêtes (4). Et le prieur de Saint-André tenait de Pierre de la Grolle une rente de 7 boisseaux de seigle sur le tènement de la Porcelière à 1 denier de service par an (5). Cela voudrait dire qu’une partie au moins du terroir de la Porcelière était de nature noble comme le fief Canteteau. Mais dans l’aveu en 1550 du Coin Foucaud, la Porcelière est devenue une terre censive.  

Dès le 17e siècle ne subsistait que l’habitat de la Porcelière pour ces trois tènements, réunis en un seul pour le paiement des droits féodaux. Quoique situé pour l’essentiel et rattaché à la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie, une partie du tènement s’étendait sur la paroisse de la Chapelle de Chauché. En 1838, le cadastre napoléonien découpe le tènement entre la section du Plessis-le-Tiers et celle de la Jaumarière, ignorant les noms de Canteteau et Barbries.

Dans un aveu de 1610 on lit les confrontations des trois tènements ensemble (6). Au nord son espace s’arrête vers le Plessis-le-Tiers (dépendant de la seigneurie de la Mancellière), puis au tènement de la Jaumarière (dépendant de la seigneurie du Coin Foucaud), vers le sud-est au tènement de la Boninière (dépendant aussi du Coin), puis au tènement du Landreau (dépendant du seigneur de la Macairière à Boulogne) et aux tènements de la Fesselière et de la Landouinière (dépendants des seigneurs de la Rabatelière et de la Vergne Ortie à Chauché). La description détaillée de ces confrontations en 1767 révèle les nombreuses haies qui entouraient les pièces de terres et les prés. Elles participaient depuis longtemps probablement à la composition du paysage. 

Droits seigneuriaux dus au seigneur suzerain


Van Gogh : Champ de blé avec gerbes (1888)
Le plus important des droits était le droit de terrage consistant à donner une partie des récoltes, soit 1/6 à la Porcelière comme très souvent ailleurs dans la région. En 1550 le seigneur en prélevait la moitié et l’autre moitié allait au prieur de Saint-André qui la tenait en franche aumône des prédécesseurs du seigneur du Coin (7). En 1619 la part du prieur avait disparu, comme dans beaucoup d’autres tènements à Saint-André, supprimée par le seigneur de Languiller, probablement Jules de Belleville, un chef protestant qui avait besoin d’argent. Le terrage s’appliquait à cette date à « toutes sortes de blés, pois, fèves, mil, raves et lin » (8). En 1619 ce droit ne s’appliquait pas à toutes les terres labourables, mais seulement « sur la moitié des dits tènements de la Porcelière fief Canteteau et Barbries, qui pourraient valoir 40 ou 50 boisseaux de tous blés ». Cette dernière quantité est donnée ici à titre indicatif, puisque cela dépendait de la récolte et donc des conditions climatiques de l’année.

C’est ce qui explique l’importance de deux rentes s’ajoutant au droit de terrage. Une rente de 60 boisseaux de seigle et une autre de 40 boisseaux d’avoine, livrables à la fête de Notre Dame d’août (assomption), à la mesure des Essarts, où un boisseau de seigle valait 17 kg au 17e siècle. Mais déjà le fief Canteteau n’avait pas de droit de terrage, remplacé par une grosse rente de 54 boisseaux de seigle. Et le tènement de la Porcelière ne payait qu’une faible rente noble de 6 boisseaux de seigle et 40 ras d’avoine. Ce sont ces deux rentes qui ont été regroupées ensuite. Dans un partage en 1779 de la succession du seigneur de la Rabatelière on relève la rente noble due sur la Porcelière de 72 boisseaux de seigle et 40 boisseaux avoine, ajoutée aux 7 livres 6 deniers de devoir (9). 

Venaient ensuite d’autres droits seigneuriaux dont le montant était bien faible au 17e siècle. Il y avait la dîme sur « les agneaux, veaux et cochons croissant et régissant sur les tènements de la Porcelière, fief Canteteau et tènement des Barbries », à raison de 1/10e de la valeur des naissances, prélèvement plus fort ici que dans d’autres tènements de Saint-André, où le quantum de la dîme était de 1/12e.

Enfin était dû un cens en argent de 7 livres par an à payer en plusieurs termes, tous désignés par des fêtes du calendrier religieux : à Noël : 1 livre 6 sols, à la Saint-Jean-Baptiste : 16 sols six deniers, à Pâques : 2 livres, et à Notre-Dame d’août : 2 livres 17 sols 6 deniers. À raison de 20 sols pour une livre, le total faisait bien 7 livres. En 1694, un boisseau de seigle valait 30 sols ou 1,5 livre (10). À la veille de la Révolution ce sera 8 livres par boisseau, mais dans un moment de spéculation. En cas de défaut de paiement, comme on le voit aux assises de Languiller en 1535, où deux teneurs, Jean Fauchard et Pierre Bordron, étaient poursuivis pour tous les autres teneurs, les différentes dates d’échéances servaient à calculer les arrérages dus. L’amende décidée cette année-là à cause du défaut de paiement, fut fixée au maximum prévu dans le coutumier du Poitou : 7 sols 6 deniers (11).

Pour l’anecdote, il est aussi intéressant de relever l’existence d’un droit de rivage perçu à la Porcelière, de 7 sols 6 deniers, payables à noël (12). Nous avons déjà rencontré ce droit ailleurs à Saint-André, et il était censé représenter à sa création le droit de faucher les herbes sauvages (roseaux) croissant sur les rives d’un ruisseau, ici la Petite Maine (dictionnaire Godefroi).

À la Porcelière, comme dans d’autres tènements de la seigneurie du Coin Foucaud, les corvées seigneuriales existantes au Moyen Âge avaient été transformées en cens, dès avant 1550. Leur total avait été de trois journées par an, de cinq charrettes tirées par six bœufs, pour des charrois à la demande. Leur valeur est incluse dans le montant du cens indiqué plus haut. Dans la seigneurie de la Rabatelière proche, elles avaient été conservées. Seules subsistaient pour la seigneurie du Coin Foucaud les corvées des métayers à l’égard des propriétaires des métairies, dérivant des baux. Mais elles étaient contractuelles et non plus seigneuriales.

Toutes ces redevances étaient collectives, dues par l’ensemble des teneurs du tènement. Elles étaient réparties entre les propriétaires au prorata des surfaces possédées. Des arpentements avaient permis de calculer ces surfaces pour éviter les conflits possibles.

Chaque déclarant reconnaissait au seigneur un « droit de solidité sur moi et autres propriétaires des dits tènements ». Cette « solidité » était l’obligation des débiteurs de payer un seul pour tous, la somme qu’ils devaient en commun, même en cas de défaillance des autres débiteurs. Autrement dit c’était une solidarité obligatoire, suivant le mot moderne.

Dans l’énumération des redevances il ne faut pas oublier les droits de lods et ventes, sorte de droits de succession payé au seigneur lors des transmissions des biens. Son prélèvement en Poitou représentait 1/6 de la valeur du bien roturier.

Toutes ces redevances étaient régies en cas de conflits par le droit de basse justice du seigneur, qui allait de pair avec la juridiction foncière ou censière concernant les cens, rentes et autres droits fonciers du seigneur. Celui-ci jugeait donc des affaires foncières le concernant, étant juge et partie en même temps. Cela venait du droit romain, où le propriétaire était juge de son colon. À cette époque l’exercice de cette justice seigneuriale se trouvait entre les mains de fonctionnaires locaux qui achetaient leur charge au seigneur. On pouvait faire appel de leurs décisions devant la haute justice de la baronnie des Essarts, ou la justice royale à Fontenay-le-Comte.

Autres redevances dues à divers créanciers


On trouve d’autres redevances au gré des déclarations éparpillées chez les créanciers, et dont les archives font partie du chartrier de la Rabatelière. L’origine de ces droits ne nous est pas souvent indiquée. On soupçonne que ce sont des dons, quand le créancier est membre du clergé, ou des droits seigneuriaux vendus quand le créancier est un noble ou bourgeois. Mais ce n’est pas certain. Sous forme de rentes la plupart du temps, elles peuvent trouver leur origine dans une vente ou un bail à rente. Et ces rentes ont pu être vendues plusieurs fois. Si son propriétaire est un noble, cela ne veut pas dire que nous sommes en présence d’une redevance féodale pour autant. A la Porcelière la nature de ces diverses rentes est indiquée, mais pas toujours. Elles révèlent un certain éparpillement des droits féodaux, par vente au détail dès avant notre période d’observation.

Entrée du village de la Porcelière
Le seigneur de la Boutarlière prélevait pour le compte de la baronnie des Essarts « des cens et rentes nobles, féodales et primitives sur plusieurs tenanciers et exploiteurs des villages et tènements situés ès paroisses des Essarts, Saint-André, Chauché, la Chapelle de Chauché, Chavagnes, Boulogne, la Merlatière, et autres circonvoisines » (13). Dans un aveu de 1517 de la Boutarlière, il y avait à la Porcelière le droit de « métivage », payé à l’occasion du battage du seigle et de l’avoine lors des moissons, se montant à 2 boisseaux. Un droit particulier appelé « hommage », était perçu à chaque fête de la nativité de Notre-Dame, de 26 sols pour les teneurs de la Porcelière, et rendable à la « cohue » (halles) des Essarts. Il était partagé par moitié avec le seigneur des Bouchauds (14).

En 1606, le seigneur de la Guiffardière (Essarts) possédait un terrage au 1/6 des récoltes sur les Barbries seulement (15). Nous sommes là en présence d’un droit seigneurial qui a été vendu.

En 1767 on découvre dans un gaulaiement (calculs de répartition des redevances de chaque propriétaire en fonction des surfaces possédées) une rente noble annuelle due à la baronnie des Essarts à la fête de Notre-Dame d’août de 11 boisseaux de seigle, et 6 sols 6 deniers aussi de devoir noble à noël (16).

Le seigneur de Landelière percevait 2 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts, et 13 sols en argent, aussi de rente noble aux fêtes de Notre-Dame d’août et noël (16). Il appartient à la branche de Landelière de la famille Baudry d’Asson, demeurant au château de Beaumanoir à Dompierre-sur-Yon.

Le prieur de Saint-André-Goule-d’Oie, à cause de son prieuré, perçoit une rente seconde foncière de 12 boisseaux de seigle mesure des Essarts à la fête de Notre-Dame d’août (16).

Enfin est due une rente seconde foncière, sur les tènements de la Porcelière et Canteteau seulement, aux héritiers Chedanneau et Marchais, de 20 boisseaux ¾ de seigle à la mesure des Essarts à chaque fête de Notre-Dame d’août (16). Cette dernière rente donnera lieu à un long conflit décrit en septembre 2016 sur ce site : Plus de 60 ans de procès à la Porcelière de Saint-André-Goule-d’Oie.

Me Pierre Robin, marchand, et Louise Gueriteau sa femme, demeurant à la Robinerie (Chauché), percevait la rente foncière annuelle et perpétuelle de 2 boisseaux de seigle, mesure des Essarts, sur le village et tènement de la Porcelière et le tènement des Chopinières. L’historique connu de cette rente remonte à 1627, mais il va plus loin, sans qu’on en connaisse la nature. La rente a fait l’objet d’une reconnaissance par 10 propriétaires en 1754 (17). 

Le seigneur de la Rabatelière percevait en 1651 une rente de 36 boisseaux de seigle à la mesure des Essarts (18). En tant que propriétaire de la métairie de la Porcelière, qui était un bien roturier, le seigneur de la Rabatelière devait normalement participer pour sa quotte-part au paiement de cette rente due à lui-même. Les documents conservés ne le font pas apparaître clairement néanmoins. Et quand il acheta en 1745 la seigneurie de Languiller avec la seigneurie annexée du Coin Foucaud, sa métairie, plutôt son métayer, devait bien sa quote-part des rentes à son suzerain, en même temps son bailleur.

Les teneurs ou propriétaires de la Porcelière venaient présenter leurs déclarations ou reconnaissances de redevances aux assises de la seigneurie (tribunal seigneurial). Celles-ci étaient convoquées par son sénéchal (juge) et s’adressaient à tous ses justiciables, pour rappeler les règlements en vigueur, enregistrer les déclarations des devoirs seigneuriaux, communiquer les contrats d’acquisition, d’échange ou d’arrentement, entraînant le paiement des droits de rachats ou lods et ventes. 

À l’assise de la Rabatelière du 17 mai 1632, ce sont 6 propriétaires de la Porcelière qui sont venus en personne faire leur déclaration dans la salle « basse » (rez-de-chaussée) du château de la Rabatelière. Une vingtaine de villages étaient convoqués ce jour-là et on imagine la petite foule où on attendait son tour par petits groupes. Parfois certains particuliers déclaraient une rente personnelle ou un achat, afin d’en payer les droits de mutations. C’est ainsi qu’à l’assise du 4 juin 1637, Jean Bertrand et les Prudhomme déclarent une rente de 6 boisseaux de seigle sur la Porcelière, rendables au Coin à chaque terme de mi-août, dont il leur faut payer les lods et ventes (droits de mutation) (19).

Après 1745, date de l’achat de la seigneurie de Languiller par le châtelain de la Rabatelière, les droits seigneuriaux de la Porcelière furent perçus par ce dernier. Non pas tous, puisque que nous venons de voir des rentes nobles dues aux Essarts et au seigneur de Landelière. Et encore notre source, le chartrier de la Rabatelière, ne paraît pas livrer une information exhaustive. C’est ainsi que dans un acte notarié du 9 août 1789, on voit apparaître le seigneur de la Jaumarière voisine (de Vaugiraud), percevoir le droit de terrage sur une pièce de terre du tènement de la Porcelière, appelée le « Pâtis du Citre ». Elle ne fait que 6 boisselées, et révèle bien le morcellement des redevances seigneuriales.

Cet acte de 1789 concerne un arrentement pour 14 livres par an concernant cette petite pièce de terre, et aussi deux planches de vergers contenant 40 gaulées, et une petite masure avec un petit jardin au-devant, le tout situé à la Porcelière. Les domaines autres que la pièce de terre relèvent de la Rabatelière indique le notaire dans l’acte (20). Pour racheter cette rente, l’acquéreur déboursera 317 livres 3 ans plus tard en 1792 (21).
 

Le tènement des Chopinières


Les officiers de la seigneurie de la Rabatelière rattachaient à la Porcelière un tènement limitrophe non habité : les Chopinières. Il était situé près du Puy-Sallé entre les tènements de la Porcelière, de la Jaumarière, et les landes de la Baritaudière. Il était mouvant du Coin Foucaud et ses teneurs, parmi lesquels le seigneur de la Rabatelière en 1579, lui devaient leurs déclarations roturières (22). En 1637 ses terres étaient la propriété des Verdon et de Jean Fouchard. Ceux-ci devaient chaque année à la Rabatelière une rente de 2 boisseaux de seigle et un cens de « 16 sols payables à la Saint-Jean et à noël par moitié ». En 1550 le terroir des Chopinières contenait « trois septrées, tant en chaintres que en terres labourables et gast (friches) ». Il était situé près du Puy-Sallé entre les tènements de la Porcelière, de la Jaumarière, et les landes de la Baritaudière.

Château de la Rabatelière
À l’assise de la Rabatelière du jeudi 4 du juin 1637, Jean Verdon, pour lui et deux autres propriétaires (Jacques Roturier et André Martineau), apporte leur déclaration roturière et promet de payer le lendemain les arrérages des trois dernières années passées. Il avoue devoir acheter pour cela les 6 boisseaux de seigle d’arriérés, signe très probable de mauvaises récoltes passées (23).

Il indique aussi avoir procédé à un achat. Alors le sénéchal ordonne qu’il apporte son contrat au procureur fiscal et qu’il se purge par serment avec le vendeur. Verdon indique aussi que les héritiers Chaillou prennent une rente de 2 boisseaux sur les Chopinières. Le sénéchal ordonne que le procureur appelle ces derniers à en faire reconnaissance. On voit bien ainsi dans le registre des assises de la Rabatelière l’aspect inquisitorial et fiscal de cette justice seigneuriale.

À l’assise du mardi 4 de janvier 1639, André Martineau, au nom des 11 autres propriétaires comparaissant tous en personnes, « mis ès mains dudit procureur une déclaration en papier », par ailleurs non signée (24). Le sénéchal décida de donner un délai de huit jours aux déclarants pour fournir une autre déclaration en bonne forme, c’est-à-dire en parchemin et signée. Cette obligation du parchemin cessera apparemment quelques années plus tard. La déclaration est enregistrée à l’assise suivante du 25 mai 1639.

Bagarres pour les droits seigneuriaux


Anciennes pièces de monnaie
Même perdant de leur valeur au fil du temps, car les valeurs forfaitaires en argent étaient fixes, alors que la monnaie se dévaluait, les droits seigneuriaux ont fait l’objet d’âpres bagarres pour leur possession. C’est qu’il n’y avait pas que l’argent en cause.

Comme dans bien d’autres tènements relevant de la mouvance du Coin Foucaud, Jules de Belleville, alors seigneur de Languiller et du Coin Foucaud, vendit ses droits seigneuriaux à la Porcelière en 1579 à Jean Giguet, bourgeois de Montaigu (25). Le vendeur avait réservé le droit de fief de la seigneurie du Coin Foucaud pour lui, continuant à en rendre l’hommage aux Essarts.

Nous avons déjà décrit cette situation particulière au Coin, à la Boutinière, à la Machicolière, etc. L’acquéreur rendait à Languiller une « déclaration noble » pour les droits seigneuriaux acquis. Ce n’était pas un aveu dans le sens que ces droits n’étaient pas tenus à foi et hommage. C’était comme une déclaration roturière de biens tenus roturièrement, mais les biens étant de nature noble on parlait alors de déclaration noble. En 1610, c’est Julien Giguet, fils de Jean, qui rendit sa déclaration (26). Il déclare devoir un douzain au seigneur de Languiller pour chaque année à la fête de la chandeleur. Un douzain valait douze deniers ou un sol.

En 1617, les Assises de Languiller poursuivent Gilles Giguet, fils du précédent (27). Il fit sa déclaration au seigneur de Languiller en 1619, où il est dit qu’il demeurait à Montaigu (28). Elle présente un contenu intéressant en énumérant les teneurs de la Porcelière. Défilent les noms de familles, souvent habitant dans les environs : Boudaud (Boninière), Fulneau (Landreau), Gobet (Jaumarière), Guerreau (Fesselière), Martineau (Guignollière) ; du Plessis-le-Tiers : Borgleteau, Maillet, Larduer, Cailleau, Fourqueteau, Grolleau ; de la Bordinière : Ardouin, Herbreteau, Caillé. Habitants la Porcelière on a : Martineau, Caillé, Fouchard, Robin, Audureau, Guesdon. Parmi les propriétaires se trouve la veuve de Jacques Bruneau, celui-ci appelé « monsieur de la Giroulière ». Elle possède la métairie du village qui passera ensuite entre les mains du seigneur de la Rabatelière. Par ailleurs un François Verdon est aussi propriétaire (28).

Le gendre de Gilles Giguet, Jules Bellanger, vendit le tiers de ses droits sur la Porcelière en 1644, à Jacques Moreau, sieur du Coudray, probable fermier-régisseur de Linières, ou officier de la seigneurie (29), et sénéchal (juge) de la Rabatelière. Cette acquisition passa par héritage à son fils Pierre Moreau, aussi sieur du Coudray et sénéchal de Bazoges. Ce dernier fit l’acquisition d’un autre tiers des droits seigneuriaux à François Maillard en 1668, sieur du Hallay (Notre-Dame-du-Hallay), avocat au parlement de Bretagne, que ce dernier avait eu par décret (adjudication judiciaire) de la prévôté de Nantes du 10 décembre 1649 sur Joseph Bellanger, héritier de Gilles Giguet. Ce tiers s’appliquait aux rentes de 60 boisseaux de seigle et 40 ras d’avoine, au cens de 7 livres, au tiers du terrage et dîme de blés et autres fruits, veaux, agneaux et porcs dus sur la Porcelière, avec le droit de fief de la Porcelière, Canteteau et Barbries (30).

Porcelière
François Bellanger, fils de Julien et probable petit-fils de Gilles, maître chirurgien demeurant au bourg de Vallet en Bretagne, vendit le 10 septembre 1669 à Pierre Moreau sieur du Coudray demeurant au bourg de Saint-André, des rentes de 6,66 boisseaux de seigle, 4,75 boisseaux d’avoine, plus la 9e partie de 7 livres en argent, plus la 9e partie des terrages et dîmes, sur le tènement de la Porcelière. Ces droits étaient alors affermés à un nommé Fouchard. Ces 9e parties faisaient partie, avec les parts de Claude et Anne Bellanger ses frères et sœurs, du tiers des redevances du fief. Le sieur du Coudray était chemier (principal possesseur) comme étant aux droits du sieur du Hallay (Jules Bellanger), dont il a eu le 1/3 dudit fief, l’autre tiers appartenant à Me René Vaslet sieur de la Renaudière (31).

Dans un compromis de vente du 28 octobre 1685, Pierre Moreau acquit une dernière partie des droits seigneuriaux sur le fief de la Porcelière, de René Vaslet, un habitant de Nantes agissant pour sa femme, Perrine Bellanger, héritière de Gilles Giguet. L’acquisition s’était faite par arrentement à raison de 40 livres par an, que Pierre Moreau pouvait amortir à volonté (c'est-à-dire racheter). Nous « en passerons acte à Pâques prochain » avaient écrit les deux hommes, sauf qu’ils sont morts peu de temps après, dont Pierre Moreau le 3 mars 1687, et les choses restèrent en l’état (32). La veuve Vaslet fit condamner par la cour des Essarts, Marie Hullin veuve Moreau, le 6 septembre 1689, à régler le paiement correspondant à cette transaction. Celui-ci eut lieu en 1690 (33).

De plus, Marie Hullin avait acheté le 28 août 1688 une rente de 35 livres par an, représentant le reste des droits féodaux de la Porcelière, à la veuve de Claude Bellanger, autre héritière de Giguet (34). Les Moreau, sieur du Coudray, possédaient ainsi tous les droits seigneuriaux dus par les propriétaires de la Porcelière. Ils en étaient devenus les seigneurs, même sans titre de noblesse. Depuis des décennies ils avaient accumulé, placé, et s’étaient enrichis. Mais leur prétention aux attributs de la noblesse supposait de ne rencontrer aucun obstacle.

C’était sans compter sur le toujours combatif Philippe Chitton, seigneur de Languiller depuis une vingtaine d’années. En racontant l’histoire du Coin, de la Mancellière, de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière, nous avons exposé ses combats dans les arcanes du droit féodal de l’époque. Il en va de même à la Porcelière. Nous savons qu’il n’était pas homme à se laisser faire en effet. Écrire l’histoire de Saint-André-Goule-d’Oie c’est nécessairement découvrir sa combativité dans cette deuxième moitié du 17e siècle pour faire respecter un ordre juridique féodal qui sombrera près d’un siècle plus tard dans la Révolution française. C’était un parvenu de la noblesse, au zèle inoxydable, qui fit des procès aux quatre coins de la paroisse de Saint- André.

Pour mettre de l’ordre dans ses fiefs et faire reconnaître ses nombreux droits, il avait obtenu des lettres de terrier. Celles-ci n’ont pas été retrouvées, alors qu’on a celles du roi Louis XV pour le commandeur de Launay à Sainte-Cécile. Elles étaient signées d’une autorité judiciaire, édictant les obligations de tous les vassaux et teneurs dans une seigneurie : faire les fois et hommages, aveux, déclarations, exhibitions et éditions de contrats, paiements des droits dus et échus. Les lettres étaient publiées et affichées « partout où besoin sera ». Choisis par le seigneur de Languiller et normalement officialisés par une autorité judiciaire, les notaires de Saint-Fulgent eurent pour rôle de vérifier les titres de propriétés en application des lettres de terrier, c’est-à-dire d’obtenir des propriétaires la reconnaissance qu’ils tenaient leurs domaines de la seigneurie de Languiller, à qui ils devaient des devoirs bien précisés.

Porcelière
Ainsi voit-on chez les notaires Proust et Arnaudeau, défiler 19 petits propriétaires de la Porcelière, entre le 6 août 1701 et le 23 mars 1702, pour établir leurs déclarations roturières. Cette reconnaissance prenait habituellement la forme des aveux et dénombrement pour les terres nobles, et des déclarations roturières pour les terres roturières ou censives. Les nobles possédant des terres non nobles faisaient des déclarations roturières, alors que les non nobles possédant des terres nobles faisaient des aveux. Dans la réalité juridique, seule comptait le caractère noble ou censif du fief, définissant les redevances à payer, quel que soit le statut social du propriétaire. Un fief noble obligeait à la foi et hommage précédant l’aveu et dénombrement, un fief censif se contentait d’une déclaration, quelle que soit sa désignation. Dans le premier cas le nouveau propriétaire (par mariage, succession, achat) payait un droit de rachat (un an de revenu, sauf précision différente), et dans le deuxième cas un droit de lods et vente (plus important : 1/6 de la valeur du bien selon la coutume du Poitou). On a indiqué plus haut que pour des biens nobles tenus sans foi et hommage, les notaires de la région rédigeaient ce qu’ils appelaient une déclaration noble.

Nous avons déjà vu au tènement du Coin le propriétaire des droits seigneuriaux, Laheu, prétendre au titre et attributs de seigneur des lieux. Philippe Chitton avait obtenu contre lui en 1686 sur cette prétention, une sentence du tribunal de Fontenay-le-Comte. Le seigneur en titre du Coin Foucaud était le seigneur de Languiller, qui pour cela rendait hommage au baron des Essarts. Qu’importe que les composantes matérielles de la seigneurie aient été vendues à d’autres, lui seul restait le seigneur du Coin Foucaud. La même situation juridique a donné lieu à un combat de près de deux siècles entre les seigneurs de Saint-Fulgent et de Languiller, pour les tènements de la Boutinière, Chevaleraye et Javelière.

Philippe Chitton obtint un jugement du tribunal de Fontenay-le-Comte du 30 décembre 1684 condamnant Pierre Moreau à faire ses déclarations, exhiber ses contrats d’acquisition et payer ses droits pour tous les domaines situés dans la seigneurie de Languiller. Ce dernier ne dut pas répondre comme le demandait le seigneur de Languiller. Une autre instance fut intentée contre sa veuve le 25 janvier 1693, Marie Hulllin, pour les mêmes motifs, puis une autre encore y associant son fils, Claude Prosper Moreau, le 4 mai 1693 (35).

Ce même 4 mai 1693 Prosper Moreau signait un mémoire en défense à l’intention du sénéchal de Fontenay. C’est dire si des deux côtés on avait décidé de ne rien céder (36). Il avait 20 ans et faisait ses études de droit à Poitiers, mais il devait sans doute s’appuyer sur de solides conseillers, ne serait-ce que son curateur aux causes, son parent Jean Hullin, dont le rôle était d’assister un mineur émancipé dans des actions judiciaires (âgé de moins de 25 ans).  

Prosper Moreau indique d’abord qu’une partie des droits seigneuriaux achetés par son père à François Maillard, l’avait été en exerçant un retrait féodal. Ce droit consistait pour un seigneur suzerain à prendre la place de l’acquéreur lors de la vente par un vassal d’un bien se trouvant dans sa mouvance. Il affirme que ce droit de retrait était venu à son père du seigneur de Languiller, et qu’en conséquence le successeur de ce dernier n’avait aucun droit de suzeraineté à réclamer.

Pour les autres acquisitions de ses parents, correspondant au reste des droits seigneuriaux de la Porcelière, Prosper Moreau répond favorablement à la demande de fournir une copie des contrats d’acquisition et de payer les lods et ventes. Il offre aussi de faire ses déclarations dans la forme qui plaira à Philippe Chitton.

Le seigneur rendant la justice. 
Miniature (XVe siècle)
Mais le « sieur du Coudray ne voit pas par quelle raison il (Chitton) prétend que ledit sieur du Coudray n’ait pas sur les tenanciers dudit fief tout droit de justice et juridiction foncière ». Pour lui les anciens seigneurs de Languiller et du Coin Foucaud ont vendu la féodalité avec tous les droits qui la matérialisaient. On le voit, l’enjeu du conflit portait ici sur un pouvoir de justice. Or on sait que sur ce point le tribunal de Fontenay avait déjà donné raison par ailleurs au seigneur de Languiller.

De son côté, Philippe Chitton voulait plus que les attributs de justice, et il réussit par devenir propriétaire des droits seigneuriaux en deux étapes.

La première consista à exercer lui aussi son droit de retrait féodal. Le 14 janvier 1694, deux notaires des Essarts, Proust et Merland, se présentèrent dans le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie « vers la personne et domicile de maître Prosper Moreau, sieur du Coudray », à la demande de « dame Bénigne de la Bussière, femme non commune en biens de messire Philippe Chitton, écuyer seigneur de Fontbrune, conseiller du roi, prévôt général du Poitou de lui néanmoins autorisée, demeurant à Languiller, paroisse de la Chapelle de Chauché où il fait élection de domicile ». Rappelons ici que c’est la justice de la baronnie des Essarts qui s’appliquaient directement à Saint-André-Goule-d’Oie, comme à Sainte-Cécile et sur la paroisse de la Chapelle de Chauché, d’où la compétence de droit des notaires, dont le statut de l’époque en faisait des officiers de justice. Il n’est pas sûr que ce choix ait été obligatoire, et peut-être était-ce une simple précaution.

Les notaires indiquent dans leur acte que la « dame veut et entend retirer par retrait féodal, parce qu’ils sont dans la mouvance de la maison de Languiller et dépendances », les deux tiers des droits seigneuriaux de la Porcelière récemment acquis. Suivant la règle de la coutume, le montant des acquisitions se trouve entre les mains du notaire Proust pour être payé comptant dès la signature des contrats organisant le transfert de propriété. Sur le champ Prosper Moreau donna son accord, car il savait ne pas pouvoir faire autrement, mais en ajoutant « ne vouloir point recevoir son remboursement, qu’au préalable il n’ait compté de toutes les affaires qui sont entre eux, désirant les finir totalement et n’avoir point de procès » (37).

Ce retrait féodal permettait à un seigneur suzerain de racheter les biens vendus par ses vassaux pour éviter la dispersion des fiefs, ou la venue d’un indésirable parmi ses vassaux. Il ne lésait pas financièrement le vassal, qui était remboursé du prix payé par l’acquéreur. Dans la coutume du Poitou, le droit ne courait qu’après l’exhibition du contrat d’acquêt (communication obligatoire au seigneur), et se prescrivait par trente ans (article 26). Il existait aussi en parallèle le retrait lignager, qui était un droit au parent le plus proche d’un vendeur d’un bien de le reprendre en remboursant l’acheteur. C’était là aussi le moyen permettant aux biens de rester dans les familles, révélateur de ce droit féodal de la propriété, collectif au profit de la famille et du suzerain. La Révolution lui donnera un caractère plus exclusif au profit de l’individu, l’érigeant au statut d’un des droits de l’homme.

Languiller
Le 4 avril 1694, Prosper Moreau donna quittance au notaire Proust, sieur de la Barre, de la somme de 1 724 livres correspondant au rachat et frais pour les deux tiers des droits seigneuriaux de la Porcelière (38). C’est cette situation qui est reproduite dans les déclarations roturières de 1701/1702 que nous avons évoquées ci-dessus, où les droits payés allaient au 2/3 au seigneur de Languiller et pour un tiers au sieur Moreau du Coudray.

On la retrouve aussi dans une « déclaration noble » du 20 avril 1694 de Prosper Moreau au seigneur de Languiller pour le tiers restant des droits féodaux (39). Dans les 12 deniers de devoir féodal dus par la seigneurie du Coin au baron des Essarts pour la Porcelière, le sieur du Coudray en verse 4. En revanche le fief du Coin Foucaud donne lieu à l’hommage au baron des Essarts par le seul seigneur de Languiller.

Puis le temps passa, Prosper Moreau devint parisien et fit des dettes, Philippe Chitton s’effaça au profit de son fils Charles Auguste Chitton. Le 12 août 1709, c’est le prieur-curé de Saint-André-Goule-d’Oie, Pierre Lemaçon, qui, munit d’une procuration spéciale de Prosper Moreau, signa chez les notaires des Essarts, Landais et Boivineau, la vente du dernier tiers des droits seigneuriaux de la Porcelière à Charles Auguste Chitton (40). En même temps Prosper Moreau vendit une rente de 12 boisseaux de seigle qu’il possédait sur le tènement, apparemment non féodale. En tout cas le nouveau propriétaire ne s’embarrassa pas du détail en l’agrégeant à celle déjà existence, de nature féodale, de 60 boisseaux de seigle. Son montant devint 72 boisseaux. Le prix convenu se montait à 900 livres, « payé comptant en espèce d’écus valant 3 livres 10 sols pièce, louis d’or valant 13 livres pièces et autres monnaies ayant cours du poids et prix des ordonnances royaux suivant le dernier édit de sa majesté ».

Prosper Moreau mourut ruiné et sans descendance. Le fils de Charles Auguste Chitton mourut jeune, lui aussi sans descendance (voir notre article publié sur ce site en juin 2014 : Les Moreau de Saint-André-Goule-d’Oie du 16e au 18e siècles. En 1745, c’est le plus gros propriétaire à la Porcelière, le châtelain de la Rabatelière, qui acheta Languiller et ses droits seigneuriaux sur ces propriétaires.

Dans un prochain article nous relirons les déclarations roturières déjà citées, pour voir comment se répartissait la propriété foncière à la Porcelière entre grande métairie et borderies. Puis dans un autre article, nous verrons comment un procès autour d’une petite rente de 20 boisseaux de seigle a pu durer au moins 63 ans au cours du 18e siècle à la Porcelière.


(1) Notes no 5, 10 et 13 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(2) Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 61, aveux du Coin Foucaud et du Vignault du 2-7-1605 aux Essarts – deuxième copie d’un aveu de 1550.
(3) 150 J/A 12-3, aveu du 12-8-1606 d’Hélie de Saint-Hilaire à Languiller pour la Guiffardière et 11 autres lieux à Saint-André. Et note sur la Barberie à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(4) Note no 7 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(5) Note no 8 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(6) 150 J/G 7, déclaration noble du 11-5-1610 de Julien Giguet à Languiller.
(7) Note no 3 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 3.
(8) 150 J/G 7, déclaration noble du 15-6-1619 de Gilles Giguet à Languiller.
(9) Partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 31, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 68.
(10) 150 J/G 5, retrait féodal du 14-1-1694 du seigneur de Languiller sur les droits de Moreau à la Porcelière et Bergeonnière.
(12) 150 J/G 45, gaulaiement en septembre 1767 de la Porcelière avec la liste des devoirs et rentes dus.
(13) Archives nationales, chartrier de Thouars : 1 AP/1136, aveu des Essarts du 13-5-1677, page 16.
(14) 150 J/G 39, copie de l’aveu du 26-1-1517 du seigneur de la Boutarlière aux Essarts.
(15) Idem (3).
(16) Idem (12).
(17) Reconnaissance du 10-1-1754 d’1 rente de 2 boisseaux seigle à Robin par les teneurs de la Porcelière, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/114.
(18) 150 J/A 12-10, terrier de 1651 de la Rabatelière.
(19) 150 J/E 2, registre d’assises de la Rabatelière de 1637 à 1651, jeudi 4 juin 1637 : page 54.
(20) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/12, arrentement du 9-8-1789 d’André Grolleau farinier demeurant à la Boutinière à André Bonin, bordier demeurant au Plessis le Tiers, de domaines à la Porcelière.
(21) Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/13, amortissement du 26-6-1792 de la rente de 14 livres par André Bonnin aux héritiers Grolleau sur des domaines à la Porcelière.
(23) Idem (19).
(24) 150 J/E 2, registre d’assises de la Rabatelière de 1637 à 1651, journée du mardi 4 janvier 1639 : page 122.
(25) Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, mémoire de Claude Moreau contre Chitton du 4-5-1693 sur des fiefs de St André au sénéchal de Fontenay.
(26) Idem (6).
(27) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1617, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 36, page 11.
(28) Idem (8).
(29) 22 J 29, quittance à Jacques Moreau pour achat à la Porcelière du 23-4-1644.
(30) Idem (24). Et notes no 12 et 15 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(31) Note no 11 sur la Porcelière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(32) 150 J/G 5, pièces annexées à la vente du 13-7-1688 de Bellanger à la veuve Moreau pour la Porcelière avec le compromis de vente en date du 28 octobre 1685.
(33) 150 J/G 5, vente du 13-7-1690 de Bellanger à la veuve Moreau du tiers de droits seigneuriaux sur la Porcelière.
(34) 150 J/G 5, vente du 28-8-1688 de Bellanger à la veuve Moreau d’une rente foncière sur la Porcelière de 35 livres.
(35) 22 J 29, exploit d’huissier du 4 mai 1693 de Chitton contre Prosper Moreau.
(36) Idem (25).
(37) Idem (9).
(3) Idem (10).
(39) 150 J/G 6, déclaration noble du 20-4-1694 de Prosper Moreau à Languiller.
(40) 150 J/G 5, vente du 12-8-1709 au seigneur de Languiller par Moreau de droits de fief de la Porcelière et d’une rente.


Emmanuel François, tous droits réservés 
Juillet 2016, complété en octobre 2023

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mercredi 1 juin 2016

La Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien Régime

Une création du seigneur de la Mancellière.

Bordé par le ruisseau du Vendrenneau, dont un méandre fait une avancée dans les terres de Chavagnes-en-Paillers, le fief noble de la Roche Mauvin faisait face au village du Rochais de l’autre côté du ruisseau. Au nord et à l’ouest il était limité par le champ du Vignaud faisant partie de la seigneurie de la Mancellière, et le chemin qui va de Chavagnes à Saint-André. Au sud, il touchait au village de la Bucletière, disparu au Moyen Âge. Le mot roche dans le langage d’autrefois désignait un creux dans les rochers, une carrière, une caverne ou une grotte. C’est probablement de là que vient le mot roche appliqué à ce lieu, comme aussi celui de la Roche-Herpière près de la Javelière.

Roche Mauvin

On sait que la Roche Mauvin et la Mancellière relevaient tous deux des Bouchauds (Essarts). De plus, ces deux fiefs voisins de Saint-André-Goule-d’Oie ont appartenu à la fin du Moyen Âge à la même famille Amauvin, à laquelle succéda par mariage les Prevost. Une « Prevoste » en effet avait épousé un Amauvin (on féminisait les patronymes à cette époque). En 1471 et en 1479 un Philippe Prevost, écuyer, était seigneur de la Mancellière (1). En 1487 on fit un partage dans la famille Prevost, dans lequel la Mancellière et la Frissonnière (Essarts), provenant tous deux des Amauvin, échurent à Jean Prevost (2). C’est donc le seigneur de la Mancellière, un nommé Amauvin, qui est à l’origine du fief de la Roche Mauvin, lui donnant son nom. Auparavant il s’appelait Boissonnet (3). Sur cette origine on ne sait rien, soit c’est un ancien tènement transformé en fief au profit du seigneur de la Mancellière, suivant diverses modalités possibles. C’est une hypothèse vraisemblable à cause de l’habitat proche d’une rivière, propice à un habitat ancien. Soit c’est un défrichement d’une terre concédée ou déjà possédée en fief à l’initiative du seigneur de la Mancellière. Puis, sans savoir comment, le fief passa dans les possessions de la famille d’Aubigné au début du 16e siècle. Le nom de Roche Amauvin a été longtemps utilisé sous l’Ancien Régime, concurremment avec celui simplifié de Roche Mauvin qui finira par s’imposer définitivement. Encore en 1729, le chargé d’affaires du propriétaire de la Rabatelière écrivait dans ses lettres : « La Roche Amauvin ».

Amblard de Guerry a trouvé dans les archives de la Vienne qu’un Maurice Amauvin, miles (chevalier), est témoin dans une charte donnée par Hugues de Thouars pour un don à l’hôpital de Montaigu en 1215. Il a aussi repéré un Nicolas Amauvin faisant une transaction en 1419, et aussi Jean Amauvin, valet (écuyer), seigneur de la Frissonnière au début 15e siècle (village disparu près du Clouin, situé aux Essarts). De même le Plessis Duranceau aux Essarts avait eu pour ancien nom le Plessis Amauvin (4). Par ailleurs un Pierre Amauvin tenait vers le début du 15e siècle la terragerie de la Bourolière sous l’hommage de Guichard, seigneur de la Guichardière (Rabatelière) (5). L’aveu de Languiller en 1550 (6) mentionne la moitié des terrages et dîmes du village de la Borelière (disparu) prélevés par Nicolas du Plessis avec les héritiers de feu Pierre Amauvin. 


La famille d’Aubigné


C’est au début du 16e siècle qu’Hervé d’Aubigné possède le fief de la Roche Mauvin, et aussi celui de la Parnière (Brouzils), appartenant à une famille dont les branches sont nombreuses. Il épousa en 1509 Catherine de Sainte-Flaive, fille du seigneur de Languiller, Sigournais, Puybelliard et Chantonnay, et déjà veuve de Louis de Villeneuve en Anjou. En 1522 elle était veuve quand elle donna une procuration à Moreau, son fermier, pour offrir la foi et hommage deux ans plus tard en 1524 aux Assises de Languiller pour la Roche Mauvin (7).

Le grand-père paternel d’Hervé d’Aubigné était Thibaut d’Aubigné né en 1402, qui avait épousé en premières noces en 1443 Jeanne de la Parnière (Brouzils). Sa famille avait plusieurs possessions à Chauché notamment. Sur cette famille nous avons publié un article en octobre 2010 sur ce site : Les seigneurs et habitants de la Parnière des Brouzils (1350-1871).

Le fils d’Hervé d’Aubigné, René d’Aubigné, était écuyer seigneur de la Jousselinière (près du Pin-en-Mauges, Maine-et-Loire), de la Roche Baraton, de la Peronnière et des Nouhes. Il devait la foi et hommage plain, baiser et serment de fidélité, droit de rachat à un cheval de service pour le fief de la Roche Mauvin à la seigneurie des Bouchauds. Il en fit l’offre de foi et hommage le 22 juillet 1546 (8) en donnant procuration au fermier des lieux, Guillaume Moreau. Celui-ci a été reçu par le sénéchal de Languiller et des Bouchauds, établi aux Essarts.

Dans un aveu du seigneur de Languiller de 1550, la seigneurie des Bouchauds, qui dépendaient de la baronnie des Essarts, n’est pas citée, non plus que le fief de la Roche Mauvin qui était dans sa mouvance. Le baron des Essarts avait gardé la moitié des droits des Bouchauds et sa relation avec Languiller, concernant cette seigneurie, était compliquée. Mais le seigneur René d’Aubigné y est plusieurs fois cité à d’autres titres dans l’aveu de Languiller (9). Il y était indiqué étant en indivision avec Jarnigault, écuyer seigneur de la Benetière (Chauché). Ailleurs dans l’aveu, René d’Aubigné tient avec Jean de Ligny (seigneur du Boisreau à Chauché), « des choses » au village de la Chataigneraie (Essarts) sous l’hommage du Coin Foucaud, appartenant à Languiller. 

                                   

La Roche Mauvin passa dans les possessions de sa sœur Antoinette (ou Catherine), dame de la Touche d’Aubigné (Maine-et-Loire), ainsi que de la Parnière (Brouzils) et de la moitié de la Limouzinière (Chauché). Elle avait épousé en 1535 Jean III de Rortais, seigneur de la Durbelière (Deux-Sèvres). On verra en 1598, une foi et hommage de la Parnière à la Chapelle Begouin, pour la moitié du fief de la Limouzinière de Chauché (10). Elle a été faite par Urbain de Rorthais à René Begaud, au nom de sa nièce, Renée de Rorthais. Il était abbé de Beaulieu, aumônier de la reine Catherine de Médicis, et choisit en 1592 par Henri IV pour l’évêché de Tours.

Le beau-père d’Hervé d’Aubigné, Guy de Sainte-Flaive, était possesseur de la seigneurie suzeraine de la Roche Mauvin, les Bouchauds (Essarts). Celui-ci était le petit-fils de Jean de Sainte-Flaive qui l’avait acquise le 14 novembre 1437 par échange avec le gouverneur du château des Essarts, Bertrand de Pouez écuyer seigneur de Gastinie et du Pin (Ille-et-Vilaine) (11). C’était la 2e vente après celle de son possesseur initial, Aubin d’Aubigné, qui l’avait vendue le 9 juillet 1436 (12). On ne sait pas faire de lien, probable, entre cet Aubin d’Aubigné et Thibaut d’Aubigné, seigneur de la Parnière à la même époque.

La seigneurie des Bouchauds, ainsi que le Coin Foucaud et Languiller, passa dans l’héritage de la petite-fille de Guy de Sainte-Flaive, Jacquette, qui avait épousé en 1503 Jean IV Harpedanne-Belleville. 


Un fief noble devenu métairie


Le fief de la Roche Mauvin comprenait au 16e siècle une partie des landes communes avec les tènements de la Porcelière, du Charprais (proche de la Bordinière et du Plessis-le-Tiers) et du Coin. Dans un aveu de 1607, le village occupe une surface de 7 000 m2 et le terroir comprend 5 ha de prairies le long du ruisseau et 44 ha de terres labourables, landes et pâtis (13). Ce qui est particulier ici, c’est que la plus grande partie du fief, peut-être la totalité à cette date, est occupée par une importante métairie. Les archives n’ont pas conservé de déclarations roturières de petits teneurs pour la Roche Mauvin. On trouve en 1703 dans les comptes de l’ancien fermier des Essarts, Joachim Merland, un arrérage de droits dus sur la Roche Mauvin de 14 livres 6 sols (14). Dans un partage en 1779 la Roche Mauvin est indiquée comme une métairie noble, et son suzerain, devenu alors son propriétaire, prélève une rente noble de 2 boisseaux de seigle et 15 boisseaux d’avoine, avec 6 sols et 4 deniers de cens (15). Le fief et la métairie ne firent qu’un très probablement dès l’origine de sa constitution. Dit autrement, la réserve seigneuriale directe des terres fut assez rapidement affermée à un métayer.

Et ce n’est pas les anciens droits prélevés par la Boutarlière au Moyen Âge qui changent le constat. On constate leur disparition ici à l’époque moderne, comme ailleurs à Saint-André-Goule-d’Oie. La Roche Mauvin devait en effet à la Boutarlière 4 boisseaux pour droit de « métivage » (moisson) du seigle et de l’avoine, et 7 sols pour droit « d’hommage », sorte de cens rendable à la « cohue » (halle) des Essarts au jour de la fête de la nativité de Notre-Dame. Ce dernier droit était partagé par moitié avec le seigneur des Bouchauds (16). Le mot « hommage » fait penser à l’ancien hommage de corps dû autrefois par les serfs. Mais ceux-ci avaient disparu depuis longtemps dans le Poitou, et le droit était de nature collective sur les teneurs du fief. 

De la Roche Mauvin dépendait en 1626 un tènement aux Essarts, appelé les Nouhes, et tenu à foi et hommage (17).


La métairie en 1659


Le fief-métairie de la Roche Mauvin a été acheté par le seigneur de la Rabatelière à la fin du 16e siècle. Pour cela, Charles Bruneau, Ier du nom, fit un échange avec Jean III de Rorthais, écuyer sieur de la Durbelière (18), peu après 1591 (19). Dans le papier censaire de la Parnière à cette date, la métairie de la Roche Amauvin est au nombre des métairies formant le domaine de la Parnière (20). Puis le seigneur de la Rabatelière rendit aveu pour la Roche Mauvin à Languiller le 4 mai 1607 (21).

On a trouvé aussi qu’un nommé Joseph Bereau a vendu vers 1610 à Renée de la Motte, veuve du seigneur de la Rabatelière, une rente foncière annuelle et censive, de 6 boisseaux de seigle, perçue sur la Roche Mauvin et le tènement du Coin Foucaud. Joseph Bereau, sieur de Grand-Maison, est indiqué comme habitant alors le bourg de St André Goule d’Oie. Il a reçu 35 écus, revenant à 115 livres (22).

En 1651, le terrier de la Rabatelière nous apprend que les métayers de la Roche Mauvin cette année-là, s’appellent Nicolas et Jean Moreau. La métairie a un bon rapport pour le propriétaire : 192 boisseaux de seigle et 64 boisseaux d’avoine, plus 20 livres pour le croît du bétail. Le tout est estimé à 232 livres. Et les menus suffrages aussi sont importants : 1 chevreau, 3 moutons non tondus, 8 poulets, 4 oisons, 20 livres de beurre, 4 chapons et un millier de fagots. Les fermiers doivent aussi façonner une portion de vigne située au château de la Rabatelière (23). Tous ces revenus tirés de la métairie laissent à penser que leur montant tient compte de l’absence de droits seigneuriaux sur les métayers, même si le texte ne l’indique pas. En revanche, dans un bail de 1771, les menus suffrages dus par le métayer ne sont plus que de 26 livres de beurre et 6 poulets (24).

En 1659, les héritiers de Charles II Bruneau, seigneur de la Rabatelière, demandèrent une estimation des biens de sa succession (voir l’article publié sur ce site en juin 2015 : La saisie féodale de la Mancellière à Saint-André-Goule d’Oie. Cela nous vaut de bien connaître la métairie de la Roche Mauvin à cette date, décrivant les surfaces et valeurs de la vingtaine des parcelles foncières la composant. On arrive à un total de 38 hectares, le même qu’en 1838, au moment de l’établissement du premier cadastre. Entre temps, nous avons sa description en 1798 pour sa vente comme bien national, totalisant 32 hectares. Mais cette dernière n’est peut-être pas à prendre au pied de la lettre, compte tenu des circonstances. D’autant que son estimation par experts en janvier 1797 indique une surface de 296 boisselées environ (36 ha) (25).

L’arpentement et estimation de 1659 donne les surfaces précises de chaque parcelle (26). Les plus importantes d’entre elles ont une surface qui sort de l’ordinaire pour Saint-André-Goule-d’Oie. Le « Champ des Métairies » contenant près de 5 ha, le « Champ de l’Aire » contenant 5,4 ha, et le « Champ du Moulin » contenant 4,6 hectares. Chaque champ est évalué séparément. Le prix moyen de la terre est de 9,3 livres la boisselée, allant de 4,5 à 13,5 livres. Le prix moyen des prés est de 16,3 livres la boisselée. Le prix moyen de la vigne est de 17,3 livres la boisselée. Les bâtiments et jardins sont estimés 850 livres, uniquement comme bien noble. La métairie était dite « noble », mais ici les arpenteurs n’ont pas tranché la nature de chaque parcelle foncière, indiquant pour chacune d’elle sa valeur comme bien noble et comme bien roturier. Dans le premier cas, l’ensemble des terres et prés, hors bâtiments, est évalué à 3 557 livres, et dans le deuxième cas à 3 427 livres.

Il existait une vigne qui ne paraît pas dans l’inventaire du bien national en 1798 de 5,1 boisselées (6 200 m2), et les bâtiments, aires et jardins avaient une surface de 3 boisselées (3 745 m2). Les prairies naturelles occupaient une surface de 37, 2 boisselées (4,5 hectares). 


Le sort de la métairie dans les crises du tournant des 17e et 18e siècles


En 1679, les métayers sont Louis Moreau et Louis Moreau l’aîné (27). En 1686, les métayers sont Jean Gaborieau et Catherine Auvinet (28). En 1698, la ferme de la métairie est toujours de 232 livres (29). Ce n’est pas la plus importante des nombreuses métairies appartenant à la Rabatelière. La plus petite à l’époque est celle de la Mancellière affermée à 150 livres par an, et la plus grosse est celle de la Maison Neuve affermée à 460 livres. Ces montants apparaissent dans une liste qui n’est peut-être pas exhaustive. Et ils doivent être pris avec prudence, car ils ne tiennent pas seulement compte de la surface des métairies, mais aussi de la valeur des terres et des rentes qui pèsent sur elles. Le château lui-même de la Rabatelière est affermé pour 1 200 livres. Mais derrière le prix qui ne bouge guère dans le temps, on trouve une situation dégradée. Bien des domaines n’ont pas été entretenus depuis longtemps. La longue querelle entre les héritiers de Charles II Bruneau et leurs créanciers en est la cause.

En 1700, nous apprenons qu’il y a toujours un adjudicataire judiciaire ayant pris en ferme l’ensemble des domaines de la Rabatelière, Laurent Trotin. Pour engager des réparations, il a obtenu du parlement de Paris le droit de faire faire des visites des biens pour constater leur nécessité et les évaluer. Le sénéchal de Fontenay-le-Comte a nommé en juillet 1700 un charpentier et un maçon de Chavagnes, assistés d’un notaire demeurant à Chauché pour rédiger le procès-verbal, Christophe Basty. Ces trois personnes, en présence de Me Ceaux, procureur de l’adjudicataire, viennent à la Roche Mauvin le 16 août 1700, pour leurs constatations (30).

Ils sont accueillis par Jean You, le métayer, et commencent par regarder la maison d’habitation : sa couverture en tuiles est « ruinée » et elle n’a pas de doublage. Les murs d’un appentis appuyé à l’un de ses murs sont tombés en grande partie. Un mur de la grange est à reconstruire, ainsi que toute sa charpente et ses lattes. Il en est de même pour le « toit aux bœufs ». Et il faut faire 10 portes en tout, soit qu’il n’y en a point, soit que « la plupart où il y en a, elles ne peuvent plus servir, comme aussi avons remarqué qu’il y faut 3 milliers de tuiles, 4 milliers de clous, un tonneau de chaux, pour le tout faire faire du moins 320 livres ». On relève que la toiture de la maison d’habitation est recouverte de tuiles, alors que nombre d’autres le seront de chaume ou autre végétal séché jusqu’à la fin du 19e siècle dans la région.

Sanction de cet abandon, et probablement aussi des conséquences des calamités climatiques de l’époque (Petit Âge Glaciaire), le fermage a été ramené à 220 livres vers 1720 (31).

Le 29 mars 1705, le procureur de la baronne des Essarts, Marie Jeanne Baptiste duchesse de Savoie, dite mademoiselle de Nemours, signe un mémoire adressé à la chambre des requêtes du parlement de Paris. Il y réclame le paiement de droits seigneuriaux par imputation sur la saisie de la Rabatelière, Jarrie et Jaunière, dont la Roche Mauvin. Et encore, compte tenu d’une situation apparemment peu brillante, il prévoit le paiement des arrérages dus par échelonnement jusqu’en 1711 (32).

Les métayers et les prix de ferme au 18e siècle


Champ à la Roche Mauvin et les arbres 
plantés au bord du Vendrenneau
En 1713, le métayer s’appelle Jacques Drapeau (33). On imagine qu’après l’achat des domaines par Montaudouin en 1725, la situation s’améliora, bénéficiant en même temps de la prospérité générale au cours du 18e siècle. Le chargé d’affaires du propriétaire écrit à ce dernier en 1729, que le métayer de la Roche Mauvin, Jules Rigault, est venu le voir. Il lui a expliqué qu’il veut se séparer de son fils et demande que le bail soit renouvelé à la Saint-Georges 1730 seulement avec lui, en congédiant son fils. Apparemment il y a mésentente dans la communauté. Et le chargé d’affaires de donner son avis : le père est « un bon métayer, bon payeur, qu’il ne faut pas perdre, car ils sont rares » (34). Le châtelain changea alors de métayer, car en 1733 c’est Jean et Jacques Drapeau qui apparaissent sur les livres de compte, payant une ferme annuelle de 255 livres. Ce montant datait au moins de 1726 (35). Le 12 août 1750 il a été convenu avec Jean Drapeau qu’à compter de la Saint Georges prochaine, il commencerait une nouvelle ferme pour 9 ans et 260 livres par an, plus 20 livres de beurre et 6 poulets au titre des menus suffrages (36).

En 1759 les archives nous offrent à lire une ferme dont le prix est de 290 livres par an, plus en menus suffrages 20 livres de beurre et 10 poulet(36). Le fermier est toujours Jean Drapeau et sa femme Marie Champaigne. Ils sont reconduits dans un nouveau bail pour 9 ans (1760-1769). Son beau-frère, Louis Boisson et sa sœur Marie Drapeau, se joignent à eux en communauté (37). Ceux-ci possédaient quelques terres à la Brossière, probablement insuffisantes pour en vivre (38). En 1761 on refit le bousillage du plancher (grenier au-dessus du rez-de-chaussée) de la métairie, payé par le château (39). Ce mur en bousillage était constitué d’un  mélange de terre détrempée et de chaume. Le grenier de la métairie de la Porcelière était aussi en bousillage.

Le mari Louis Boisson est mort en 1765, laissant Marie Drapeau continuer la ferme avec un frère de son mari, aussi prénommé Louis (40). En 1765 ces derniers afferment, avec un autre frère Charles Boisson, une borderie à la Cornuère, Rochais et Bretaudière (Chavagnes), à prix d’argent pour 45 livres par an. C’était plus intéressant pour ces bordiers de venir travailler sur une grande métairie.

La fille de Jean Drapeau et Marie Champaigne, Jeanne Drapeau, s’était mariée à la Rabatelière le 18 février 1751 (vue 88), avec Jean Maindron, originaire de Saint-Fulgent, fils de Pierre Maindron et Perrine Barbot. Jean Maindron et Jeanne Drapeau prirent à ferme à la Saint-Georges 1760 la métairie de la Bleure, appelée Blure Brillouet, encore située à Chauché à cette date (41). Le fils du couple, Pierre Maindron, naîtra à la Bleure et sera baptisé à Chauché le 24 septembre 1766 (vue 49). Il deviendra capitaine du général Charette, homme de confiance de la châtelaine de la Rabatelière, maire de Chauché, et terminera ses jours à Linières.

Le bailleur en 1759 est le nouveau propriétaire de la seigneurie de la Rabatelière, Thomas Montaudouin, qui avait succédé à son frère Nicolas Montaudouin, mort quelques mois auparavant. Ce dernier avait succédé à René Montaudouin, son frère et fils aîné de l’acheteur de la Rabatelière.

Le texte du bail est conforme à ce qu’on trouve habituellement à cette époque dans les baux. Les menus suffrages ont été réduits par rapport à un siècle auparavant : 20 livres de beurre et 10 poulets. On continue toujours de demander au métayer de la Roche Mauvin d’aller entretenir un quartier de la vigne du château de la Rabatelière.

Le 4 avril 1771, Louis Boisson et sa femme Marie Drapeau signent un renouvellement de bail pour 5 ans (1770-1775), au même prix de 290 livres par an et avec les mêmes menus suffrages (42). 

Pour effectuer un partage entre héritiers chez les Montaudouin en 1779, on fit évaluer les revenus des propriétés. Cette année-là, ceux de la Roche Mauvin se montaient à 364 livres et 15 sols (43). De 1786 à 1788, la ferme se montait à 370 livres (44). La ferme de la métairie est donc passée de 290 livres en 1775 à 370 livres en 1779. Mais cette hausse de 80 livres, soit 27 %, représente pour l’essentiel l’incorporation dans le prix de ferme des redevances seigneuriales, et peut-être une revalorisation de la ferme elle-même en même temps. On fait le même constat à la métairie de la Racinauzière à la même époque, ainsi que dans l’analyse de tous les revenus des biens nobles de la terre de la Rabatelière (45).

La métairie en 1788


Pour terminer l’exploitation des modestes archives de la Roche Mauvin, deux documents nous apportent des informations intéressantes, concernant les métayers et l’exploitation agricole. Il s’agit d’un procès-verbal d’une visite des lieux en 1788. À l’occasion du changement de métayers, on faisait un état des lieux, objet de deux pièces d’archives, entre le propriétaire, le sortant, ici Charles Boisson, et l’entrant, Jean Allain. Chacun des métayers désignait son expert, qui procédait en commun avec son collègue aux constats et évaluait d’éventuels dégâts. Il y eut deux visites, la première le 28 avril 1788 pour les bâtiments, et la deuxième le 10 mai suivant pour les prés et les terres (46).

La maison comprenait deux pièces au rez-de-chaussée, et à l’étage deux greniers. Voilà pour loger un couple, avec ses enfants, ses vieillards et ses domestiques. Malheureusement, le mobilier, appartenant au métayer, ne fait pas partie de l’état des lieux, ainsi que l’éclairage et les moyens de chauffage. On s’intéresse surtout à l’état des portes, avec son mode de fixation et de fermeture, et les sanitaires n’y existaient pas.

La pièce principale comprenait deux portes, l’une sur le devant et l’autre sur le jardin, et une fenêtre sur le devant, donnant sur la voie d'accès. À remarquer ici que la serrure de la porte d’entrée ne tient plus, mais il y a un verrou. La fenêtre est une planche de vergne (aulne), protégée par « trois grillons de fer » (barres), mais comportant « une petite ouverture au milieu avec son volet et targette ». Il n’est donc pas noté de verre. Les murs étaient enduits à la chaux.

La deuxième pièce du rez-de-chaussée comprend une porte donnant sur la voie d'accès, avec un verrou. Mais son accès par la pièce principale se fait par une « porte à bordonneau » ou bordeneau et sans serrure, c'est-à-dire coulissante. Les autres portes à genevelle tournaient sur des gonds. On n’indique rien sur l’état de l’enduit de ses murs, sans doute parce qu’il n’y en a pas. De même, pas de remarque sur l’état des sols. On sait qu’ils étaient en terre battue, mais encore vérifiait-on normalement qu’il soit entretenu et plat.

Van-Gogh : Chaumes de Cordeville 
(musée d’Orsay)
Pour monter à l’étage on empruntait un escalier en bois le long d’un mur, protégé par « une petite séparation faite avec des lattes ». On entrait dans un grenier, communément appelé « le plancher », par une porte munie d’un verrou. De là on passait dans un autre grenier par une porte à bordonneau, comprenant trois petites ouvertures, avec leurs fermetures à bordonneau.

Rappelons que les greniers constituaient l’espace réservé dans les métairies au stockage des céréales pour être nettoyées l’hiver des mauvaises graines, ainsi qu’aux fruits des vergers. 

De manière étonnante le procès-verbal de visite conservé ne fait état que de la grange parmi les bâtiments d’exploitation. On relève « la place toute mal plange et pour l’aplanir il faut la somme de … ». Le mot « plange », venant du fonds des âges, faisait partie du patois local et veut dire plat.

La métairie comprend deux espaces réservés au jardin. Il était interdit d’en enlever la terre, alors que des métayers peu rigoureux s’en servaient en guise d’engrais. C’est ce qui s’est passé dans notre cas, où il est indiqué qu’il faudra trente charretées pour la remplacer, coûtant 36 livres. De plus un quart de la première parcelle est en friche, qu’il faut labourer pour la remettre en état. La deuxième parcelle est entièrement en friche et sans barrière d’accès. Et de plus, un prunier a été coupé, ce qui vaut une indemnisation de 5 livres au propriétaire. En effet, les arbres ne pouvaient pas être coupés sans la permission du bailleur dans les baux des métairies. Les arbres de haute futaie (bois de charpente) ne pouvaient être ébranchés non plus sans cette permission.

En visitant les prés et les champs ensuite, les experts inspectent les haies et les barrières systématiquement. Celles-ci doivent être « en état de servir », c’est à dire de fermer. Pas de trous dans les haies non plus, qu’il faut enfermer s’il en existe. Et on relève l’âge des « gits » (jeunes pousses ou rejetons) de leurs arbres et arbustes. Normalement ils doivent avoir au moins cinq ans, avant d’en couper un cinquième par an. Certes, la réalité n’est pas toujours celle-ci, mais à condition de ne pas trop s’en éloigner. Et les arbres têtards, émondés selon cette règle, ne doivent pas être abattus. Ce sont des chênes qu’on trouve ainsi à la Roche Mauvin dans les haies, tandis que des frênes poussent le long du Vendrenneau en 1788.

La visite de chaque pièce de terre nous apporte des précisions intéressantes à relever pour approcher l’agriculture de l’époque en ce mois de mai, malgré l’absence d’indication des surfaces. Mais nous les connaissons dans l’estimation de 1798 comme bien national, rapportées ici entre parenthèses. Le champ du « Verger du Bargerit » (1 boisselée) est semé de lin au deux tiers et le reste en « étouble » (chaume), ce qui veut dire en jachère ou repos à cette saison. Il est situé près du toit à brebis, d’où coule une « rouere » (rigole) qui le traverse, creusée et comportant des buses d’écoulement.

À côté, « l’Ouche du Quaireux » (3 boisselées) est en friche, ce qui dénote un état assez critique de la métairie au départ de l’ancien métayer. Nous le remarquerons régulièrement dans l’état des haies et des barrières. Ceci pourrait ne pas mettre en cause son professionnalisme, car il a pu manquer de bras suite à des décès par exemple. Quoiqu’ici plusieurs indices trahissent un comportement manquant de motivations. Au final, les réparations demandées au métayer sortant s’élèvent à une somme importante de 212 livres, dont 45 livres pour le propriétaire et 167 livres pour la métairie et le métayer entrant.

Dans le pré « de la Fontaine » (24 boisselées) près du Vendrenneau, une rouere est en mauvaise état. Le long de la rivière il n’y a point de haie, mais une rangée d’arbres, et trois frênes et deux aulnes ont été coupés. À cet égard il faut noter l’attention portée aux arbres dans un partage de succession de la seigneurie de la Rabatelière en 1779. Au nombre des biens nobles, obéissant à des règles de successions particulières, il y avait des bois nommément désignés, « plus les bois chênes et taillis épars dans les dépendances » de plusieurs métairies nobles. La Roche Mauvin entrait dans cette catégorie. Dans un autre partage de 1788 on indique « les arbres futaie épars et vergnes » (47). D’ailleurs le régisseur du château adjugea un marché d’abattage de vergnes à la Roche Mauvin en 1758, et en reçu au total 162 livres (48).

Le « Grand Pré » (10 boisselées) a été pacagé jusqu’au 5 avril, est-il noté. C’est que suivant les usages, souvent repris dans les baux, une partie des prés ne devait pas être pacagée (broutée par les bêtes) dès le début du printemps pour la laisser au bétail du métayer entrant. D’ailleurs on a noté dans le précédent pré, dit de la Fontaine, qu’il n’a pas été pacagé.

Et il en a été de même dans le « Pré Long » (4 boisselées), où les experts ont relevé sur un côté « comme un petit champ emblavé (ensemencé) en seigle »

Dans le « Pré Barreau » (3 boisselées), une rouere a besoin de réparation et il y a des pieds de chênes âgés de quatre ans dans un petit espace, ce qui dénote un manque d’entretiens de ce pré. Les baux précisaient d’ailleurs que les prés seront tenus par les métayers « bien épinés et étaupinés afin qu’ils soient fauchables de haies en haies ».

Dans le « Grand champ de Coudrette » (10 boisselées) se trouve un petit espace, où pousse du genêt, qui est en « agast » (friche) est-il dit. Les « gast » étaient une terre anciennement cultivée puis abandonnée (lexique d’Amblard de Guerry). C’est que le repos en jachère consistait à laisser pousser, voire semer des genêts et autres plantes poussant dans les landes, et de les enlever au bout d’une dizaine d’années. Mais cela se faisait selon des règles d’assolement des sols, non respectées ici selon les experts.

Assolement en vigueur au 18e siècle à St André Goule d’Oie
En général une métairie comprenait une petite part en pairies naturelles, ouches, jardins et vergers, et le reste en trois parties, la première ensemencée en grains et cultivée de fourrages, la deuxième en jachère annuelle et la dernière en jachère permanente, qu’on appelait pâtis, landes ou gast.
Les terres étaient emblavées (ensemencées) deux années (la première en froment ou seigle, la deuxième en d’autres espèces de céréales ou plantes fourragères), puis laissées en guéret (terre labourée non ensemencée), c'est-à-dire en jachère (repos) la troisième année, le tout pendant un cycle de six à huit ans. Après quoi le champ était abandonné à lui-même pour devenir un pâtis, servant au pâturage, qu’on appelait aussi une lande. Il entrait en jachère permanente, quoique ce dernier mot ne soit pas à prendre au pied de la lettre. Mais si cette terre ne produisait pas d’elle-même des genêts par exemple, on en plantait avec les dernières semailles qui précédaient l’abandon en jachère permanente. Puis on cultivait ces landes en laissant une largeur suffisante entre les sillons, où poussaient genêts, ajoncs, bruyères, fougères, suivant la nature du sol. On laissait les plantes croître pendant trois ou quatre années, avant de faire pacager le champ. On a vu que les genêts servaient à fabriquer les bourrées (engrais de plantes pourries), mais on pouvait aussi les vendre, ainsi que les ajoncs, pour alimenter les fours à chaux et à tuile de la région. Ainsi les jachères permanentes subsistaient de six à dix ans et ensuite on les défrichait pour les convertir en terres labourables, mettant fin à un cycle complet d’assolement de la terre.
Cet assolement s’explique par une fertilité insuffisante des terres acides du Bocage et l’absence d’engrais actifs.

 
Aulnes
Ce « Grand champ de Coudrette » comportait un bout de haie le long de la rivière dans laquelle il y avait un échalier. C’était une sorte d’échelle rustique permettant aux gens de passer les haies, mais qui ne permettaient pas aux animaux en pacage d’en faire autant. On les renforçait parfois d’épine noire pour mieux décourager les bestiaux en veine de divagation, et les passants n’y risquaient guère que de légères égratignures (49).

Dans le « champ du Novellié » (27 boisselées), on lit : « nous avons remarqué de la buaille ou chaume qui a formé un agast », et « une partie restée d’étouble (chaume) en genêt naissant ». Autrement dit le champ est à l’abandon depuis au moins la moisson du mois d’août de l’année précédente, et probablement depuis plus longtemps.

Il en est de même dans le « champ du Petit Pâtis » (7 boisselées) « en agast naissant ».

Alors que dans le champ de « l’Ouche des Trois Cormiers » (8 boisselées) « nous avons remarqué qu’il faut labourer ce qui doit être labouré ».

En revanche dans la vigne à complant tout paraît normal.

Dans le « Petit Champ de Coudrette » (6 boisselées) « nous avons trouvé emblavé en seigle ».

Et dans le champ appelé le « Coudras, nous avons remarqué qu’il est en genêt bon ». Tout dépend de la période de cycle labour/landes provisoires/pâtis ou agast, où se trouve chaque pièce de terre, suivant les règles d’assolement. Aussi on relève que le « champ de Vainerit » (13 boisselées) est en genêt de 2 et 3 ans.

Dans le « champ du Chêne Rond » (16 boisselées) « nous avons remarqué un bout de haie en agast ». Les haies devaient être entretenues régulièrement.

Dans les autres champs inspectés nous n’avons pas relevé de remarques différentes que celles déjà notées : « le champ des Landes aux Ouelles, le champ du Vieux Moulin, le Chaume Blanc, le champ de l’Aire et le pré de Coudrette ».

La vente comme bien national en 1798


Le propriétaire en 1788 est René Thomas de Montaudouin, qui émigra pendant la Révolution. En conséquence, ses biens furent confisqués. Puis un partage de ses biens entre sa sœur, Thérèse de Martel, et la République, fut définitivement arrêté le 22 janvier 1797. La métairie de la Roche Mauvin fit partie des biens échus aux autorités. Le 26 février 1798, il fut procédé à sa description et son estimation par un notaire des Herbiers, Me Marcereau, en présence du commissaire de la municipalité du canton de St Fulgent, Merlet (50). Elle aussi fut brûlée pendant la guerre de Vendée, comme ses voisines du Coin et du Peux. Voici ce qui est écrit sur le procès-verbal :
« La maison est en partie brûlée. Il ne reste qu’une chambre de 18 sur 22 pieds (32,5 cm pour un pied) avec un plancher au-dessus. Le surplus de ladite maison consiste en 2 chambres dont les murs sont en le cas de supporter une charpente. Une boulangerie avec le four de 28 sur 15 pieds. À côté sont 2 petits toits, plus une grange de 36 sur 40 pieds. Les toits à bestiaux sont de 66 pieds de long sur 17 de large. » Dans l’estimation du 10 janvier 1797, préalable au partage entre la République et Thérèse de Martel, il est indiqué que les « bâtiments en partie en passable état et partie incendiés ». À cette date, le fermier s’appelle Pierre Maindron, et la ferme est estimée à 420 F (51).

La métairie de la Roche Mauvin fut adjugée à un nommé Bouhier le 2 prairial en 6 (21-5-1798) pour 150 000 F (52). La même année, le même Merlet qui avait fait la visite d’estimation, acheta la métairie de la Mancellière, de olus petite surface, pour 50 000 F.

Dans le cadastre napoléonien de 1838, la Roche Mauvin appartient à Joseph Bordron, mais certaines parcelles sont attribuées à Louis Bordron des Essarts.


(1) Notes no 5 à 8 sur la Mancellière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(2) Ibidem note no 15.
(3) Guy de Raignac, Dépouillement d’archives publiques et privées concernant les familles vendéennes, volume 12, Archives de Vendée : 8 J/101, vue 75.
(4) Notes no 3 à 6 sur la Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(5) Notes no 4 sur la Bourolière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(6) Archives de Vendée, Travaux de G. de Raignac : 8 J 101, aveu de Languiller et autres fiefs aux Essarts le 2 juillet 1605, reprenant un aveu de 1550.
(7) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1524, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 22, pages 9 et 10.
(8) 150 J/G 35, réception d’hommage de la Roche Amauvin du 22-7-1546.
(9) Idem (6).
(10) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/C 21, aveu du 29 octobre 1598 de la Parnière à la Chapelle Begouin pour la moitié de la Limouzinière en Chauché.
(11) Notes no 15 et 16 sur Languiller à Chauché, Archives d’Amblard de Guerry : CH 3.
(12) Archives de la Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/A 12-5, mémoire vers 1680 disant que Languiller est seigneur chemier des Bouchauds.
(13) 150 J/G 35, aveu du 4-5-1607 de la Roche Mauvin.
(14) Inventaire et partage du 1-4-1703 de la succession de Jeanne Jeullin, veuve Merland, Archives de Vendée, famille Babin et Cicoteau : 25 J/4, page 20.
(15) 150 J/C 68, partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 9 et 31.
(16) 150 J/G 39, copie de l’aveu du 26-1-1517 du seigneur de la Boutarlière aux Essarts.
(17) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1626, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 33, page 29.
(18) 150 J/G 35, ferme du 24-11-1591 de droits de rachat à la Roche Mauvin.
(19) 150 J/G 35, échange de terrains du 17-2-1591 au Rochais.
(20) Notes no 8 sur la Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 3.
(21) Vidimus des titres de propriété du seigneur de la Rabatelière faits en 1664, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 49, page 13.
(22) 150 J/A 12-9, achat vers 1610 d’une rente de 6 boisseaux de seigle sur la Roche Mauvin et le Coin Foucaud par Renée de la Motte. À noter que ce rapport a varié dans le temps dans son usage : à la fin du 18e siècle on avait 6 livres pour 1 écu.
(23) 150 J/A 13-1, terrier de 1651 de la Rabatelière.
(24) Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Frappier : 3 E 30/6, ferme de la Roche Mauvin du 4-4-1771.
(25) Archives de la Vendée, domaines nationaux : 1 Q 342, no 117, partage Montaudouin et République du 3 pluviôse an 5 (22-1-1797).
(26) 150 J/A 13-4, arpentements et estimations en octobre 1659 du château de la Rabatelière et autres terres jointes.
(28) 150 J/G 48, signification 31-10-1686 de P. Chitton à 7 métayers de la Mancellière et environs.
(29) 150 J/A 13-3, état des biens et revenus en 1698 dépendants de la Rabatelière.
(30) 150 J/A 13-1, visites en 08 et 09-1700, et estimations des réparations à faire dans les domaines de la Rabatelière.
(31) 150 J/A 13-2, inventaire vers 1720 des revenus de divers domaines de la Mancellière.
(32) 150 J/G 35, requête du 29-3-1705 de la baronne des Essarts sur les droits seigneuriaux contre la Rabatelière.
(34) Lettres du 12-12-1729 et du 20-12-1729 de Bousseau à M. Montaudouin sur les affaires en cours, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/F 7.
(35) Livre de recettes en argent de la Rabatelière (1730-1768), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 1, page 13.
(36) 150 J/E 30, ferme du 9-1-1759 de la Roche Mauvin à Drapeau et Boisson.
(37) Archives du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d’Oie sous l’Ancien régime : AAP, donation du 6-4-1771 de Jean Drapeau à son gendre Louis Boisson (Roche Mauvin).
(38) Archives de la Vendée, don de l’abbé Boisson : 84 J 7, gaulaiement du 18-8-1761 du tènement de la Bequetière, et 84 J 10, gaulaiement du 5-9-1761 du fief du prieuré de Saint-André.
(39) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 6, page 120.
(40) Ferme du 14-4-1765 d’une borderie à Chavagnes par Boisson, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/118.
(41) 150 J/E 36, ferme du 9-1-1759 de la métairie de la Bleure à Jean Maindron et sa femme Jeanne Drapeau.
(42) Idem (24).
(43) Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson : 7 Z 58-12, Rabatelière, partage Montaudouin en 1779.
(44) 150 J/C 68 : partage provisoire du 26-3-1788 de l’indivision entre les Montaudouin frère et sœur, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière.
(45) Livres des recettes et dépenses du château de la Rabatelière (1785-1789), Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/I 55.
(46) 150 J/G 35, visites du 28-4-1788 et 10-5-1788 de la métairie de la Roche Mauvin.
(47) 150 J/C 68, partage du 18-10-1779 de la succession de René de Montaudouin seigneur de la Rabatelière, page 45. Aussi le partage provisoire du 26-3-1788 de l’indivision entre les Montaudouin frère et sœur.
(48) Livre des comptes de la Rabatelière (1755-1767) et titres de propriété, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/K 6, pages 76 et 94.
(49) La Revue du Bas Poitou, Edmond Babin, Au fil du Lay (janv. fév. 1966).
(50) Archives de Vendée, estimation des biens nationaux : 1 Q 218 no 181, métairie de la Roche Mauvin et borderie de la Mancellière à Saint-André-Goule-d’Oie - Procès-verbal de consistance et d’estimation du 26-2-1798.
(51) Idem (25).
(52) Archives de Vendée, vente des biens nationaux : 1 Q 264 no 1194, métairie de la Roche Mauvin à Saint-André-Goule-d’Oie.

Emmanuel François
Juin 2016, complété en mai 2023