dimanche 1 juillet 2012

Décembre 1790 : le curé de Saint-André-Goule-d'Oie sous surveillance.

Dans les archives de la médiathèque de Nantes, 24 quai de la Fosse, on trouve une lettre du curé de Saint-André-Goule-d'Oie au procureur-syndic de Montaigu, en date du 24 décembre 1790 (1). Nous la reproduisons à la fin de notre article. À cette date la Révolution est commencée depuis un an et demi, mais nous sommes encore loin des débuts de la guerre de Vendée, en mars 1793. Et déjà le curé de la paroisse est surveillé par les nouvelles autorités politiques.

Goupilleau de Montaigu
Quelles sont ces nouvelles autorités ? Les départements ont été mis en place à partir du mois de mars 1790. Puis dans chaque département on a installé des districts, dont celui de Montaigu, comprenant le canton de Saint-Fulgent. Le président du district de Montaigu est un médecin, Rousse, et son procureur-syndic est un avocat, vendéen d’origine, Philippe Charles Aimé Goupilleau. Chargé de l’exécution des lois, le procureur-syndic apparaît comme le représentant du pouvoir exécutif. Avec Philippe Charles Aimé Goupilleau, on se trouve en présence d’un militant sourcilleux et dévoué de la cause révolutionnaire. Il sera élu député de Vendée l’année suivante et il se distinguera alors par ses motions contre les prêtres et les nobles. Le 17 avril 1792, il dénoncera à la tribune de l’Assemblée législative les prêtres de Vendée comme fauteurs de guerre civile. Il a cultivé un anticléricalisme virulent jusqu’à la fin de sa vie. Bref, pour le curé de Saint-André-Goule-d'Oie, c’était un manque de chance d’être surveillé par lui. La Vendée est connue pour ses contrerévolutionnaires, on ne reconnaît pas assez l’importance de ses propres révolutionnaires pour expliquer ce qui s’y est passé à cette époque.

Mais le curé, Louis Marie Allain, avait du caractère, comme il le montrera pendant toute la période des persécutions religieuses. Dans une lettre à l’abbé Pierre François Remaud de Chavagnes en 1817, il écrit : « Je ne parlerai point de moi. On sait que j’ai été traîné de prison en prison, maltraité, condamné à la déportation, et ai souffert tout ce qu’on peut souffrir, excepté la mort, que je n’ai évité que, parce qu’en me sauvant des prisons de Rochefort, j’ai été assez heureux pour n’être pas tombé sous le couteau de nos ennemis. » On voit ici, avec les mots employés dix-sept ans après l’arrêt des persécutions, la violence des luttes.


La constitution civile du clergé


Avant d’examiner la lettre du curé, rappelons brièvement son contexte. Depuis l’été de 1789, l’Assemblée constituante, appelée Assemblée nationale, a voté les principales lois donnant naissance à un nouvel ordre politique. On appelait à l’époque ces lois des décrets le plus souvent, émanant de l’Assemblée nationale.

Depuis quelques mois une municipalité a été élue à Saint-André-Goule-d'Oie, avec son premier maire, Jean Bordron, maréchal au bourg. N’ayant aucune archive le concernant, nous ignorions quand il avait été élu. Avec cette lettre du curé, nous apprenons que la commune avait commencé sa vie municipale comme généralement partout en France, en 1790.

La grande affaire qui préoccupait les curés comme celui de Saint-André en cette fin d’année 1790, était la confiscation des biens du clergé, votée en novembre 1789. Le déficit des finances publiques était énorme. En s’appropriant les biens de l’Eglise pour les revendre aux particuliers, on comptait ainsi renflouer les caisses de l’État.

Caricature du ministre des Finances

























Talleyrand








Le promoteur de l’initiative, le très anticlérical évêque d’Autun, Talleyrand, expliquait que la propriété de l’Église était particulière. Celle-ci n’était que dépositaire de ses biens, et pour assurer ses missions religieuses et sociales il suffisait d’organiser les choses autrement. Votée le 12 décembre 1790, une Constitution civile du clergé créa une nouvelle organisation de l’Église de France. Pour remplacer les biens confisqués, mais qui assuraient pour partie la subsistance des membres du clergé, l’État versera désormais un salaire à ces derniers. De plus on réorganisa les évêchés et on décida d’élire les curés, et même les évêques, opérant ainsi une coupure avec l’Église de Rome, c’est à dire imposant un schisme au sein de l’Église catholique. Vu d’aujourd’hui cela peut paraitre très cavalier, révolutionnaire pour tout dire. Vu de l’époque, ce l’était un peu moins à cause du penchant à l’indépendance de l’Église de France à l’égard du pape depuis au moins plus de deux siècles (appelé le gallicanisme), très partagé dans la sphère politique d’alors.

Le curé de Saint-André-Goule-d’Oie en accusation


À partir de là, les conditions d’un conflit entre les révolutionnaires et les catholiques sont réunies. Et c’est ce qui ressort de la lettre du prieur Allain du 24 décembre 1790. En fait le prieur répond à une lettre du procureur-syndic de Montaigu dont nous n’avons pas connaissance. Ce dernier lui demande de s’expliquer sur des accusations portées contre lui et il le menace de le traduire en justice.

Qui a porté ces accusations ? Le curé lui-même indique qu’il aimerait bien connaître ses délateurs, comme il les appelle. On peut évidemment soupçonner quelques révolutionnaires de Saint-Fulgent comme le médecin Martineau ou le maître de postes Guyet ou le marchand Louis Merlet. On peut même s’interroger sur quelques notables de la municipalité de Saint-André, Jean Bordron notamment, le maire de la commune. On le verra rester dans le camp des partisans de la Révolution jusqu’au bout. Mais on ne connaîtra pas ces délateurs.

Quelles sont ces accusations portées contre le curé ? Le prieur Allain rempli mal son rôle d’information des paroissiens sur les décrets de l’Assemblée nationale, il complote pour demander la suspension de la vente des biens de la cure, il prétend les acquérir lui-même, il intervient à tort dans les délibérations des assemblées de citoyens de sa commune, et il a même une mauvaise influence dans son confessionnal. C’est beaucoup d’accusations, mélangeant l’intérêt matériel, la politique et la religion. Elles constituent un de ces nombreux faits qui ont concouru, avec d’autres et par accumulation, à créer et alimenter l’explosion populaire de mars 1793. Examinons ces accusations l’une après l’autre.
 

Publication des décrets au prône de la messe du dimanche


Rappelons que la religion catholique était religion d’État sous l’Ancien Régime et que le roi était chef de l’Église catholique, choisissant les évêques proposés ensuite à la nomination du pape, suivant un concordat conclut entre le roi de France et le pape au temps de François 1e. L’administration locale n’existait pas et les paroisses en tenaient lieu, le curé ayant un rôle administratif. Il fournissait des statistiques à l’Intendant de la province, tenait l’état civil (les registres paroissiaux), informait les paroissiens des lois nouvelles, etc. Il s’occupait de l’éducation et de l’action sociale, distribuant à l’occasion des subsides royaux en cas de calamités. L’éducation et la santé entraient dans les compétences exclusives de l’Église.

Chaire portative (cathédrale de Luçon)
Décorée par Mgr Nivelle
Ce bref rappel de la situation est nécessaire pour éviter de comprendre l’action des révolutionnaires, seulement avec les yeux d’aujourd’hui sur l’Église catholique, en ignorant le contexte de départ. Les députés avaient « du pain sur la planche », si l’on peut dire, pour créer un État moderne plus impliqué au service des français. Les autres nations européennes ont évolué dans le même sens, chacune à sa manière, la France ayant commencé sa démarche dans une débauche de passions anticléricales, dont l’examen de la lettre nous donne un petit aperçu.

Le curé de Saint-André-Goule-d'Oie a-t-il lu à ses fidèles, de manière neutre et exhaustive, la Constitution civile du clergé, pour ne prendre que cette loi ? Nous n’avons pas de compte-rendu indépendant et objectif pour répondre, mais il est arrivé aux oreilles de procureur-syndic des informations négatives sur ce point. Celles-ci ne sauraient nous surprendre, néanmoins. Mais le curé s’en défend. J’ai tout publié, écrit-il, même les textes les plus longs. Parfois j’ai abrégé la lecture, en expliquant le sens du texte. Mais je l’ai fait de bonne foi et avec l’accord des paroissiens. On peut conclure de cet échange que le curé admet la légitimité de la remarque, même s’il en conteste le bien-fondé. Il sait ce qu’il doit à César, si l’on veut paraphraser l’Évangile.

L’urgence, pour les nouveaux fonctionnaires, de mettre en place les communes et de faire remplir ce rôle d’information par de nouvelles autorités municipales apparaît clairement ici. Et c’était en train de se faire. Alors pourquoi quereller le curé sur un sujet appelé rapidement à disparaître ? Il y a bien des façons de pratiquer l’action politique, Goupilleau de Montaigu ignore ici la souplesse et se braque le clergé inutilement.

Requête pour conserver les biens de la cure de Saint-André-Goule-d’Oie


Les biens d’Église à Saint-André-Goule-d'Oie comprenaient, outre le presbytère et l’église, des rentes foncières, une borderie dans le bourg, la métairie de Fondion, un moulin et d’autres domaines que nous ne connaissons pas. Une part des revenus allait au prieur, et le reste remontait à l’abbaye de Nieul au Moyen Âge. Au début du 18e siècle la communauté de Nieul fut supprimée supprimée au profit de l’évêché de La Rochelle. À la suite, ce dernier abandonna son droit de présentation du titulaire du prieuré, mais il garda les bénéfices en provenant (2).  

Au départ, les membres de la première municipalité de Saint-André, élus au début de l’année 1790, paraissent en harmonie avec les lois votées l’année d’avant. Dans cette unanimité on voit même la garde nationale de Saint-André commandée par le seul militaire de formation habitant dans la commune, Jean Aimé de Vaugiraud. Quelques mois après, et sur le problème de la religion, les élus vont se diviser. Le destin de quelques-uns nous est connu, le maire va se découvrir "républicain", et la majorité des autres conseillers vont se découvrir "royalistes", deux catégories nouvelles, forgées par le processus révolutionnaire. 

Au cours de l’année 1790, la municipalité de Saint-André-Goule-d'Oie avait envoyé une requête à l’Assemblée nationale pour conserver à la cure un peu de biens. Cette idée de garder un lopin de terre aux curés de campagne avait d’ailleurs été plaidée, sans succès, par l’abbé Grégoire à Assemblé Nationale (3). Dans une lettre du 3 novembre 1790, Goupilleau de Montaigu avait répondu par une protestation ferme à la municipalité, là aussi dépourvue de nuances : « c’est une position criminelle », avait-il affirmé (4). 

La démarche de ces élus tendant à ne pas appliquer intégralement une loi votée par l’Assemblée nationale constituait donc un crime pour ce révolutionnaire intransigeant qu'était Goupilleau. Et il accuse le prieur de la paroisse d’avoir exhorté ses paroissiens dans cette démarche.

Ce dernier répond que l’idée n’est pas venue de lui, et il qu’il a même prédit son échec. Mais il ajoute qu’on se soumet au refus en bons citoyens. Ce « on » concerne la communauté de Saint-André-Goule-d'Oie, alors que le curé affirme n’avoir pas été dans le coup. N’est-ce pas ambigu ?

Dans cette lettre de Goupilleau on apprend que le curé Allain voulait lui-même acquérir des biens de la cure. Mais on ne sait pas pourquoi cela ne s’est pas fait. S’il en avait personnellement la capacité financière, il s’assurait ainsi un complément de revenus dont on ne saura pas ce qu’il voulait en faire. Après tout, dans le département voisin de la Vienne on a compté 116 curés ayant acquis des biens d’Église par conviction révolutionnaire, par goût de la propriété et de la terre, ou par sens pratique (5). 


Acquisition des biens de la cure


En cette fin d’année 1790 les adjudications pour la vente des biens d’Église avaient commencé à Saint-André. Le curé avait fait une offre pour acheter en son nom, des membres de la municipalité aussi. Nous ne savons pas s’ils se sont concertés. Mais cela ne plaît pas à l’administration du district de Montaigu.

Dans sa lettre, le prieur justifie sa démarche, autorisée selon lui par la loi. Il informe avoir expliqué aux membres de la municipalité comment monter le dossier de soumission à l’adjudication. La commune n’avait pas l’autonomie pour acheter ces biens, il s’agit donc de démarches personnelles de conseillers municipaux. 

Voulant apaiser son interlocuteur, le prieur informe dans sa lettre à Goupilleau de Montaigu qu’il abandonne son offre d’achat au profit des membres de la municipalité. Mais il le fait avec une accusation voilée de duplicité de leur part. Faute d’en savoir plus, on reste étonné de cette allusion. D’autant que le maire Jean Bordron, s’il participa à des élections locales du côté des révolutionnaires en 1799, aida en 1792 le curé de Saint-André à tenir le registre paroissial alors que ce dernier se cachait comme prêtre réfractaire. Les faits sont rares et la documentation inexistante pour les expliquer. Les interrogations ne manquent donc pas. Néanmoins Bordron, le futur républicain, n’est visiblement pas un extrémiste, et les divisions politiques parmi les habitants de la commune à Saint-André paraissent être restées à l’abri de l’hystérie la plus terrifiante à Paris.   
Assignats gagés sur la vente des biens nationaux

On ne peut pas non plus écarter l’idée que le prieur cherche ici à brouiller les pistes. Les jésuites avaient été expulsés du royaume de France, mais le prieur Allain aurait pu être leur élève, quand on observe ses attitudes en cette période. La fermeté dans ses convictions ne l’a pas privé de souplesse d’exécution, à l’occasion notamment des nombreux serments auxquels il a été soumis, les refusant quand la religion lui paraissait en cause, et les acceptant quand l’enjeu ne lui semblait que politique. Dans l’adversité il a montré du courage pour rompre avec les autorités au péril de sa vie, tout en essayant de garder la tête froide, comme on le voit dans cette lettre.

Sur ces ventes des biens d’Église, indiquons que la métairie de Fondion fut vendue le 28 février 1791 à René Robin de Sainte-Florence. Celui-ci avait déjà effectué des achats identiques dans sa paroisse. Le 14 avril 1791 le « temporel du cy-devant prieuré de Saint-André-Goule-d'Oie » fut adjugé à Nicolas Lefeuvre Couzartière de Cholet, pour le prix de 45 500 livres. La borderie de la cure fut adjugée à Jean de Vaugiraud le 5 mai 1791 pour 7 000 livres et le 19 mai suivant une rente de 4 boisseaux de seigle due sur le village de la Maigrière, provenant du prieuré de Saint-André-Goule-d'Oie, fut acquise par Jean Boisson, bordier au Cormier de Chavagnes-en-Paillers, pour le prix de 200 livres. Jean Boisson est connu pour se situer plutôt du côté royaliste.

Intervention dans les délibérations de la dernière assemblée


Le prieur se justifie d’être intervenu dans le déroulement de la dernière assemblée à Saint-André-Goule-d'Oie. On ne nous précise pas de quelle assemblée il s’agit. Ce pouvait être une assemblée délibérative de la municipalité, mais on voit mal ce que le prieur y avait à faire. Plus probablement il pourrait s’agir d’une assemblée élective concernant tous les citoyens actifs. À l’époque les isoloirs n’existaient pas et les votes constituaient une nouveauté à laquelle il fallait s’initier. Ils avaient lieu en assemblée. Devait-on voter par acclamation, en levant la main, avec un bulletin ? Tout le monde ne savait pas lire et écrire. On sait que bien des formes ont été pratiquées à cette époque, et les procès-verbaux ont disparu dans les combats ensuite. Les étudiants qui ont eu la chance de fréquenter les « assemblées générales » de nos facultés contemporaines, où sont officiellement décidées les manifestations politiques diverses, pourront se faire une idée de ce que furent les pratiques des votes dans les débuts de la démocratie élective en 1790.

Henri Leys : Prêcheur
Il semble qu’ici les organisateurs de l’assemblée, président et scrutateurs, aient été désignés « de vive voix ». Et puis l’assemblée devait renouveler les « membres et les notables ». On l’a fait en votant avec des billets au lieu d’utiliser le tirage au sort selon les instructions reçues. Rappelons que l’administration de la commune appartenait à un conseil général composé d’un conseil municipal et de notables, tous élus pour deux ans par les citoyens actifs. Dans la lettre, le curé évoque un changement des membres et des notables. Nous n’en savons pas assez, faute d’archives, pour comprendre à quel changement d’élus on a procédé ici. On pense à une manœuvre de certains d’entre eux pour échapper à la fin de leur mandat.

Ce qui est intéressant de noter sur ce point c’est que le prieur se justifie de sa prise de position lors de cette assemblée. Il s’est mêlé de politique, même si le sujet était de pure procédure, tout au moins apparemment. 

Le prieur s’est rangé, dit-il, du côté des instructions officielles et de l’administration. Mais alors, pourquoi Goupilleau a été mal renseigné ? Ne serait-ce pas trop facile de soupçonner un de ces révolutionnaires bien connus de Saint-Fulgent ? Le délateur ne serait-il pas plutôt un notable de Saint-André-Goule-d'Oie auquel le prieur s’est opposé dans cette affaire de vote ? Il ne faudrait pas sur ce point plaquer sur cette époque les idées de maintenant, plutôt défavorables à l’intervention des curés dans la vie politique locale. Ils étaient souvent les chefs naturels des communautés, ils ont été élus parfois maires de leurs communes dans plus de 50 communes de la Vienne par exemple en 1790 (6).

Confesseur de mauvaise influence


Comment oser évoquer ce qui se passe dans mon confessionnal ? Goupilleau a osé le faire et le prieur lui répond que cela ne le regarde pas. Il veut bien rendre à César ce qui est à César, mais il rendra à Dieu, ce qui est à Dieu. Sur ce précepte, le curé est péremptoire et sa réponse est brève. On sent qu’il ne s’en laissera pas compter par le procureur-syndic.












On le voit, même s’il nous manque des détails sur les sujets évoqués pour tout comprendre, cette lettre nous apporte plusieurs informations sur la situation politique à Saint-André-Goule-d'Oie en cette fin de 1790 :

-        Le conseil municipal a été installé au cours de cette année-là. Le maire Jean Bordron aidera ensuite le prieur à tenir le registre paroissial, à partir du moment où ce dernier a dû se cacher dans l’été 1792, et avant l’entrée en vigueur de l’état-civil officiel au 1-1-1793. À cause de la suite et de cette lettre, on devine que lui et le curé n’ont pas toujours été d’accord dans la mise en œuvre des réformes. Mais les deux hommes semblent n’avoir jamais rompu leurs relations.  

-        Le rôle central du curé dans les paroisses sous l’Ancien Régime ne pouvait que l’impliquer d’une manière ou d’une autre dans le processus révolutionnaire à ses débuts. Ses rapports avec les autorités locales émergentes (districts et municipalités) ont dû constituer un élément essentiel de l’acceptation du nouveau régime par les populations. Et dans ces rapports, le politique avait autant d’importance que l’ecclésiastique.

-        La vente des biens d’Église dans le bocage vendéen ne semble pas avoir posé de problèmes si l’on en croit la plupart des historiens de la guerre de Vendée des deux bords. En revanche, tous mettent l’accent sur la Constitution civile du clergé. À Saint-André-Goule-d'Oie, cette vente a fait débat et le prieur a participé au débat, même si nous cernons mal son rôle sur ce point.

-        Les modalités de vote dans les assemblées électives ont constitué un élément novateur important pour les populations. On sait qu’elles ne sont pas nées du néant, faisant suite aux assemblées de paroisses. On sait aussi qu’elles furent assimilées au parti révolutionnaire et finirent par être rejetées par les royalistes. Elles ont contribué, telles qu’elles ont été pratiquées, à couper les populations du bocage vendéen des partisans de la Révolution. Mais sait-on à quel point ?


(1) Bibliothèque municipale de Nantes, collection Dugast-Matifeux : I, volume 25, no 1.
(2) Charles Arnaud, Petite Histoire de l’abbaye de Nieuil-sur-l’Autize, Éditions des régionalismes, 2013, page 42 ; et Histoire du Poitou par Thibaudeau, 1839, page 187.
(3) Ségolène de Dainville-Barbiche, notes bibliographiques dans la revue d’Histoire de l’Église de France, no 102, 2016, page 176 sur le livre de Rodney J. Dean (2014), l’Assemblée constituante et la réforme ecclésiastique. 1790 : la constitution civile du clergé du 12 juillet et le serment ecclésiastique du 27 novembre. 
(4) Fichier historique du diocèse de Luçon, Saint-André-Goule-d'Oie : 1 Num 47/404.
(5) Jacques Peret, Histoire de la Révolution française en Poitou-Charentes 1789-1799, Projets Éditions, 1988, page 267
(6) Jacques Peret, Histoire de la Révolution française en Poitou-Charentes 1789-1799, Projets Éditions, 1988, page 96.

 Emmanuel Françoistous droits réservés
Juillet 2012, complété en octobre 2017

POUR REVENIR AU SOMMAIRE


Texte de la lettre :

Le 24 décembre 1790
Monsieur
Les connaissances que vous avez exigées de ma conduite et les menaces que vous m’avez fait faire en cas de délit, m’annoncent qu’on vous en a imposé sur mon compte. La confiance que j’ai toujours eue en vous et les avis que j’en ai reçu sur les affaires du temps, auraient dû vous prévenir en ma faveur et empêcher qu’on ne parvienne si parfaitement à vous indisposer contre moi. Si vous eussiez daigné me faire connaître mes délateurs et leurs dépositions, je vous aurais témoigné la plus vive reconnaissance et n’aurais pas eu de peine à vous faire connaître mon innocence, et si quelqu’un, témoin et indigné des faussetés qu’on débite contre moi, n’en eut la charité de m’en instruire, j’aurais été coupable à vos yeux sans savoir pourquoi et sans jamais penser à me disculper, ce que ma sensibilité me fait entreprendre aujourd’hui.
Vous vous êtes informé, Monsieur, si j’étais exact à publier les décrets qui nous sont envoyés par l’assemblée nationale, j’ignore la réponse qu’on vous a fait à ce sujet, mais je prends à témoin mes paroissiens et leur demande qu’ils vous disent en âme et conscience si jamais j’ai manqué à publier indistinctement, au prône de notre messe paroissiale, les décrets et les ordonnances qui nous viennent soit de l’assemblée nationale, soit du département, soit du district ? Je me suis permis quelques fois de représenter qu’on pouvait peut-être se dispenser de publier au prône certains décrets, mais que malgré mes observations, j’ai toujours publié pour ne pas être répréhensible. Je me suis aussi permis quelques fois de les abréger lorsqu’ils étaient multipliés et que la lecture exigeait au moins deux heures de temps, et me suis contenté d’en expliquer le sens. Je croyais en cela entrer dans les vues de l’assemblée nationale et dans les vôtres, et c’était le vœu des paroissiens et de la municipalité.
On m’impute, Monsieur, d’avoir exhorté mes paroissiens à présenter une requête à l’assemblée nationale pour conserver un peu de biens fonds à leur curé. Cette idée n’est jamais venue de moi. J’en ai eu connaissance il est vrai et ne l’ai eu que pour prédire et assurer qu’elle serait inutile, ce qui est arrivé ; mais je puis vous assurer qu’on en a vu le refus avec toute la soumission possible aux décrets.
On m’impute d’avoir fait ma souscription pour l’acquisition de ce même bien ; n’y étais-je pas autorisé par les décrets ? N’en ai-je pas d’ailleurs donné connaissance aux membres de la municipalité ? Ma souscription empêchait-elle la leur ? Ne leur ai-je pas au contraire expliqué plusieurs fois la manière dont ils devaient la faire pour qu’elle fût valide ? Au reste j’abandonne mes prétentions en leur faveur, que ne vous adressent-ils donc encore leur souscription, s’ils désirent autant qu’ils veulent le paraître faire l’acquisition de ces biens, ce n’est donc feinte de leur part ?
On m’impute de m’être récrié à l’occasion de la dernière assemblée pour le changement des membres et des notables. Serais-je coupable, Monsieur, pour avoir désiré, ce à quoi je n’ai pu cependant parvenir, qu’on suivit la forme qui nous est prescrite dans les instructions pour la tenue des assemblées, et notamment de la dernière, où on a proclamé de vive voix le président et les scrutateurs, et où, au lieu de tirer au sort pour le changement des membres et des notables, on a préféré de faire des billets, contre l’avis de plusieurs, pour faire sortir les uns et faire enter les autres ; le serment n’oblige-t-il pas à observer la loi telle qu’elle a été portée et à suivre invariablement les décrets pour la composition du bien commun.
Enfin, Monsieur, on a porté les choses jusqu’à vous entretenir de ce qui se passait à ce sujet au tribunal de la pénitence, avouez donc que l’esprit de parti est porté à son comble, convenez que ce tribunal n’est pas de votre ressort et que je ne dois là compte de ma conduite qu’à Dieu seul, convenez aussi que je ne suis cité à votre tribunal que parce que je prêche la fidélité aux décrets que je me suis toujours fait un devoir d’observer exactement et plus exactement que ne le désirent mes délateurs. Et si je leur parais coupable en cela, c’est une faute dont je ne me corrigerai jamais. J’aurais cru agir contre ma conscience et ma religion si je leur avais parlé un autre langage sur tout ce qui s’est fait jusqu’à ce moment. Je reconnais trop ce que peut exiger une puissance temporelle pour ne pas m’y soumettre avec autant de plaisir que je me soumets à ce qu’exige de moi la puissance spirituelle. Voici ma profession de foi sur laquelle vous voudrez bien décider.
J’ai l’honneur d’être avec les sentiments les plus distingués, Monsieur, votre très humble et très obligé serviteur.
Allain prieur-curé de Saint-André-Goule-de-d'Oye.


La disparition d’Emma Guyet-Desfontaines


Après la mort de son mari en 1857, Emma est restée seule avec son frère Amaury et son petit-fils Marcel, alors âgé de quinze ans. Elle a cinquante-huit ans. Il lui reste onze ans à vivre.

Pour s’occuper du domaine de Linières elle a fait appel sur place à un cousin, Narcisse de Grandcourt, qui habite Saint-Fulgent, marié à Élise Agathe Martineau. Cette dernière était née à Linières en 1799 et les liens entre les Guyet-Desfontaines et les de Grandcourt sont toujours restés proches. À Paris et à Marly-le-Roi, la sœur des frères Grandcourt, mariée à un officier qui s’appelait Franco, fréquentait régulièrement les Guyet-Desfontaines. Amaury-Duval a peint son portrait.

Eugène de Grandcourt
C’est Narcisse de Grandcourt sans doute qui a dû régler une demande de la commune de Saint-André-Goule-d’Oie. Dans une délibération du conseil municipal du 18 juillet 1867, on cite Mme veuve Guyet-Desfontaines, à propos d’un projet d’échange entre le champ dit Pré aux chevaux, lui appartenant, et une parcelle de terrain vague appartenant à la commune et située au lieu-dit la Croix fleurette. Cet échange était nécessaire pour construire la route de Saint-André-Goule-d’Oie à Vendrennes.

Aidée par son frère et ses amis, la vie reprend son cours pour Emma. Le 2 octobre 1862 on joue la Vanité Perdue à Marly. C’est un drame en un acte d’Arnaud Berquin, mis en vaudeville par M. Émile Van der Burch. Le 17 septembre 1864 au théâtre de Marly-le-Roi, l’ami Melesville (1) joue dans La Sœur de Jocrisse (de MM. Varnet et Duvert). Il est accompagné de son gendre (Alfred Van der Vliet), de sa petite-fille Louise et de son petit-fils Maurice. L’auteur du prologue ironise sur la censure au théâtre (Napoléon III a supprimé la liberté acquise en 1848) et souligne que Louise, la plus jeune actrice, a dix ans. 

La principale préoccupation de Mme Guyet fut de suivre l’éducation de son petit-fils. Elle publia deux livres aussi en 1862 et en 1868, comme on l’a vu.

Elle a souffert longtemps de maux de rhumatismes, s’en plaignant déjà à l’âge de quarante-cinq ans. En 1850 elle écrivait : « Au milieu de cette distraction, je ne passe pas un jour sans souffrir, c’est désolant. » Et en vieillissant le mal s’est accentué, mais elle est morte subitement le 11 octobre 1868 en fin d’après-midi, elle avait soixante-neuf ans. 

Elle avait joué au billard et s’était habillée pour recevoir à dîner une quinzaine de ses amis.  En attendant, elle lisait au coin du feu le petit livre de poésies que son petit-fils venait de faire publier et qui avait paru la veille, intitulé Odes. Quand son petit-fils Marcel est entré dans le salon, elle s’est retournée et est tombée foudroyée. Amaury-Duval est arrivé cinq minutes après et c’est à lui que nous devons ces détails sur la mort de sa sœur. Il a écrit deux semaines plus tard dans une lettre à un ami : « Je ne vous dirai pas mon désespoir, vous savez ce qu’elle était pour moi, l’affection maternelle dont elle m’entourait. Je me trouve tout seul à présent et je tourne ma pensée vers mes bons amis, vous surtout, qui me donnez tant de preuves d’affectueux dévouement. Marcel aussi est bien cruellement éprouvé, il adorait sa grand-mère. » (2)

Parmi les lettres de condoléances, voici celle de Mme Lehmann, épouse d’un peintre qu’Amaury-Duval a connu chez Ingres et habituée du salon des Guyet-Desfontaines avec son mari :

Henri Lehmann, esquisse  pour une 
fresque du château de Linières
« Mon pauvre cher Amaury,
Nous avons un profond chagrin de la perte de votre chère sœur, nous sentons avec vous tout ce que vous devez souffrir. Cette séparation est toujours bien terrible, mais quand elle vient rompre une si longue, si parfaite union de deux cœurs et de deux esprits, on est comme dans un désert. Henri (3) a couru de suite chez vous, chez ce pauvre jeune homme qui perd trop tôt cet ardent foyer d’affection, de vigilance, de protection… Quand je l’ai revue à Étretat, elle n’avait plus pour moi que des jours de grâce, j’en ai été profondément émue ; et quand elle m’écrivait le 6 de ce mois : « rien ne me guérit, je m’en attriste, faut-il donc déjà partir, quitter tout ? Cela me ferait beaucoup de peine. »

Dieu lui a épargné cette peine, ses derniers regards, ses dernières paroles ont été pour vous deux qu’elle aimait tant…Elle croyait et espérait ; moi aussi. Je crois et j’espère qu’elle n’a pas été trompée.

Quant à nous pauvres humains, qui n’avons pas de consolation pour ces douleurs suprêmes, nous avons nos cœurs, pour vous et le cher Marcel. Nous vous prions tous deux, de compter sur notre profonde affection.
A. Lehmann » (4)

Un des petits cousins vendéens venu faire son droit à Paris, Frédéric Martineau habitant Marans, fut hébergé chez les Guyet-Desfontaines. Il écrit à Marcel de Brayer après le décès d’Emma : « Ce n’est pas elle qui me devait de la reconnaissance. C’est moi qui ai été comblé, sa vie durant, de ses bontés et qui en ai gardé un souvenir ineffaçable. Pour moi qui ai eu le bonheur d’être admis dans son intimité pendant mon séjour à Paris, elle a eu les attentions d’une mère, et j’ai conservé de ces trois années une impression qui me charme encore à vingt ans de distance. » (5). Elle lui avait donné un capital de 20 000 F dans son testament, pour le remercier, lui et son père, des soins apportés dans la gestion de ses biens dans le Marais. 

Bien plus tard, l’ami proche d’Amaury-Duval, Eugène Froment, revenant sur le caractère d’Emma, écrira : « Malgré ce que je sais de votre sœur, je ne connaissais pas ce caractère dévoué et ferme sous cette gaîté et cette aménité si spirituelle, ce côté de dévouement m’a beaucoup touché et je regrette bien aujourd’hui de ne l’avoir pas connue (ce côté), quand je le pouvais encore. » (6)

Delaval : Édouard Bertin
Le journal d’Édouard Bertin publia un article à l’occasion de sa disparition. Son auteur, Prévost-Paradol (7), écrivit : « La société parisienne vient de perdre en Mme Guyet-Desfontaines, sœur de M. Amaury-Duval, une personne excellente et distinguée, qui commençait à marquer dans le monde des lettres par des nouvelles spirituelles, délicatement contées et pleines d'une malice innocente ; mais son mérite personnel était bien au-dessus de son talent d'écrivain. Mme Guyet-Desfontaines n'était pas seulement agréable par sa bonne grâce, par son esprit aimable, par son affectueux accueil ; elle avait en outre un don de plus en plus rare, et qui rappelait le monde d'autrefois, le don de la franche et simple gaîté. C'était une sorte de bonne humeur involontaire qui se soutenait et brillait toujours en elle et qui se communiquait bientôt à tous ceux qui avaient le plaisir de l'approcher. Elle était pourtant loin d'être insensible aux maux de cette vie, et elle n'avait pas été épargnée par le sort ; elle avait traversé de grandes épreuves qu'elle a profondément senties sans en être jamais abattue. Quant à son frère, quant à son petit-fils, qu'elle a élevé avec tendresse, quant à ses amis qui auront tant de peine à se déshabituer de sa présence, sa mort si soudaine est le premier chagrin qu'elle leur ait causé. » (8)

La résidence de Marly fut vendue. Elle n’a pas été démolie tout de suite, contrairement à ce que laisse entendre l’auteur dramatique Joseph Mery (9). Depuis 1955 elle est la propriété de la société d’assurances Axa, qui a construit dans son parc et à la place de la maison d’autrefois, deux bâtiments de bureaux en arc de cercle disposés perpendiculairement l’un par rapport à l’autre (10). Dans les bosquets conservés, peut-être y a-t-il quelques vieux arbres âgés d’au moins 150 ans, qui pourraient témoigner des soins que leur apportaient Guyet-Desfontaines avec son jardinier Jean Lesueur. Ce lieu de loisirs est devenu un lieu de travail, mais figé par le cadastre, le nom de la propriété demeure : Les Délices.


(1) Mélesville, à l’état-civil Anne-Honoré-Joseph Duveyrier, (1787-1865), est un auteur dramatique. Seul ou en société avec Eugène Scribe et Delestre-Poirson, avec lesquels il signait du pseudonyme collectif d'Amédée de Saint-Marc, il est l'auteur de plus de 340 pièces de théâtre. Il a été longtemps vice-président de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques.
Il eut deux enfants. Sa fille Laure (1812-1883) épousa en 1843 Alfred Van Der Vielt. Ils eurent deux enfants : Louise, mariée en 1874 à M. Filhos et Maurice mariée à Mlle Massing.
Son demi-frère, Charles Duveyrier (1803-1866), fut dramaturge et idéologue saint-simonien.
(2) Archives de la société éduenne d’Autun, fonds Amaury Duval K8 33, lettre d’Amaury-Duval à Froment du 26-10-1868.
(3) Henri Lehmann (1814–1882), d’origine allemande, fut peintre, élève de son père et d’Ingres et ami d’Amaury-Duval, dont il est toujours resté proche. Habitué de Linières, il y a été représenté dans une décoration.
Mme Lehmann était née Clémence Casadavant et avait été veuve de Victor Désiré Michel Oppenheimer.
(4) Archives de la société éduenne d’Autun, fonds Amaury Duval K8 33, Lettre de Clémence Lehmann à Amaury-Duval du 13-10-1868.
(5) Archives de la société éduenne d’Autun, fonds Amaury Duval K8 34, lettre de Frédéric Martineau à Marcel de Brayer du 4-12-1868.
(6) Archives de la société éduenne d’Autun, fonds Amaury Duval K8 33, lettre de Froment à Amaury-Duval du 5-3-1880.
(7) Journaliste politique (1829-1870), surtout au journal des Débats, chantre du libéralisme.
(8) Journal des Débats du 16-10-1868
(9) Dans Ems et les bords du Rhin de Joseph Mery (1794-1866), auteur dramatique, chroniqueur et poète et habitué du salon Guyet-Desfontaines.
(10) C. Neave, Marly rues demeures et personnages, 1983.


Emmanuel François, tous droits réservés
Juillet 2012












vendredi 1 juin 2012

Maires de Saint-André : Augustin Charpentier (1848-1869), et Jean François Chaigneau (1869)

La première pratique du suffrage universel masculin en 1848


Le premier maire élu au suffrage universel à Saint-André-Goule-d’Oie est Augustin Charpentier.

Henri Philippoteaux :
Lamartine devant l'hôtel de ville (1848)
Après la Révolution de février 1848 qui amena la IIe République au pouvoir, le décret du 3 juillet 1848 conserve la nomination des maires par le pouvoir exécutif dans les chefs-lieux de canton et les communes de plus de 6 000 habitants. Pour les petites communes comme Saint-André-Goule-d’Oie, le maire est désormais élu par les conseillers municipaux. Augustin Charpentier fut élu le 6 août 1848 et il rédigea son premier acte d’état-civil le 11 septembre 1848.

À noter qu’après la Révolution de 1848, le chef-lieu d’arrondissement change de nom à nouveau : Bourbon-Vendée laisse la place à la Roche-sur-Yon pour peu de temps, avant de redevenir Napoléon-Vendée. Il faudra attendre la IIIe République pour que cette ville retrouve son nom d'origine : la Roche-sur-Yon.

Augustin Charpentier au-dessus des partis ?


A. Charpentier est propriétaire au village du Clouin et est âgé de 40 ans au moment de son élection. C’est le frère de Louis (47 ans), nommé adjoint en 1832. Les deux frères avaient été rançonnés par les conscrits dans le mouvement de « chouannerie » de 1832. Ainsi, dans son rapport au gouvernement, le Préfet de Vendée, Paulze d’Ivoy, écrit sur les évènements à Saint-André-Goule-d’Oie : « Le 11 octobre 1832 les frères Charpentier, dans la même commune, dont l’un comme adjoint était suspect de patriotisme, sont assaillis par des hommes armés qui, au nom d’Henri V (prétendant légitimiste au trône de France), le mettent à contribution pour une somme de 77Fr. Pour la compléter, la femme de l’un d’eux est obligée de courir chez un voisin qui lui prête 12 Fr. »

Augustin Charpentier avait été désigné secrétaire lors de l’assemblée des électeurs du conseil municipal du 25 mars 1832 à Saint-André-Goule-d’Oie, où le nouveau maire, Pierre Bordron, avait été élu, représentant le parti favorable au nouveau pouvoir orléaniste. Autant pour le maire, on peut déduire de l’évènement ses opinions politiques, autant pour A. Charpentier et pour son frère, qui entra au conseil municipal, il faut rester prudent en l’absence d’autres documents. Même si des jeunes excités, défenseurs des Bourbons de la branche aînée, sont allés les rançonner, l’indice peut être trompeur. On connaît en effet le réflexe trop simpliste de certains militants politiques : « qui n’est pas avec moi est contre moi ». Il est néanmoins révélateur qu’une fracture politique existait à Saint-André à cette époque entre les partisans des deux branches royalistes : les légitimistes et les orléanistes. Les premiers comprenaient les Cougnon du Coudray, et les second  les Charpentiers du Clouin, au moins de réputation. Il est vrai que leur participation aux élections de 1832 constitue un indice sérieux de leur opinion politique favorable aux Orléanistes. Ces derniers étaient favorables aux réformes de 1789 et rejetaient l’évolution que prit ensuite la Révolution.

Une famille respectée du Clouin


Le Clouin
Augustin Charpentier (1808-1869)  était le fils de Louis Charpentier (1761-1815) et de Marie Bouffard. Son père avait été membre de la première municipalité de Saint-André en 1790. Celui-ci s’était marié une première fois avec Marie Papin en 1791, puis avec Jeanne Giraudeau en 1798. Celle-ci mourut en 1801, quelques mois après avoir mis au monde son fils Louis. Son père s’était remarié une troisième fois en 1803 avec Marie Bouffard. Le fils de des derniers, Augustin, est né 2 octobre 1808 au Clouin. Il perdit son père à l’âge de 7 ans. Son demi-frère aîné, Louis, alors âgé de 15 ans, aida sa belle-mère à continuer l’exploitation de leur propriété.

Augustin s’était marié en 1830 avec Angélique Chatry de la Bourolière, où son père était cultivateur. Ils eurent au moins huit enfants. Il était aussi beau-frère par sa femme d’Augustin Rondeau, marchand au bourg de Saint-Fulgent, de Charles Chatry, boulanger à Saint-Fulgent et de Jean Chatry, tisserand au bourg de Saint-André.

Chanoine Constant Charpentier

Son frère Louis, demeurant aussi au village du Clouin, était marchand de bois et cultivateur. Il s’était marié à Constance Guilbaud, avec qui il eut neuf enfants, cinq garçons et quatre filles. Parmi ces derniers il y eut Alexis, qui fut secrétaire du conseil de fabrique de l’église de Saint-André-Goule-d’Oie, puis son président à partir de 1882 (1). Il s'est marié avec Jeanne Guilmineau. Son fils, Constant Charpentier (1872-1957), ordonné prêtre en 1897, eut une position remarquée dans le diocèse de Luçon : secrétaire des Œuvres diocésaines en 1908 et directeur du secrétariat social de la Vendée en 1922. La modernité et l’importance de son action apostolique en font un des acteurs qui a compté dans le développement de la Vendée au cours du 20e siècle (2).

Deux des frères d’Alexis Charpentier furent prêtres, répertoriés avec leur neveu dans le Dictionnaire des Vendéens, accessible sur le site des Archives de Vendée : Jean Louis Charpentier et Ferdinand Charpentier. Le premier a été archiprêtre de Luçon et le dernier mérite une mention particulière en raison de ses activités d’écrivain. Enfin une sœur d’Alexis Charpentier, épousa Jean Baptiste Fonteneau, et leur fils, Gustave Fonteneau (1865-1925) fut prêtre et curé au Bourg-sous-la-Roche. Voir notre article publié sur ce site en septembre 2018 : Le Clouin à Saint-André-Goule-d’Oie.

Un homme de progrès


Augustin Charpentier, avec son adjoint Chaigneau, a été membre du conseil d’administration du comice agricole de Saint-Fulgent en 1866.

Il a été aussi membre de la Société d’Émulation de la Vendée, qui à cette époque faisait la promotion des activités agricoles pour développer les progrès techniques, tout en faisant une large place à la recherche historique dans ses activités (3). Son frère Louis aurait été le premier à Saint-André à posséder un cabriolet, écrira plus tard le fils Ferdinand dans son livre sur l’Histoire de la commune (page 13). On en a vu un en 1835 au logis du Bourg chez Léon de Tinguy, mais qu’importe, l’information révèle une réputation d'aisance, de progrès et d’initiative dans cette famille.

Nous avons une preuve concrète de son modernisme, relevé dans une revue spécialisée éditée en 1852, et accessible sur le site internet de la Bibliothèque Nationale de France (Gallica.fr). On lit à propos d’une des premières machines à vapeur pour moissonner, l’extrait suivant : « Lorsque la paille n'est pas très longue, que le sciage a eu lieu à mi-hauteur de chaume et que les épis sont bien remplis, cette machine peut battre dans une journée de travail de dix heures, de 150 à 200 hectolitres de froment. Le 24 août 1850, une machine à vapeur appartenant à M. Andureau, à Chauché, et construite par MM. Renaud et Lotz, a battu chez M. Charpentier, propriétaire et maire de la commune de Saint-André-Goule-d'Oie (Vendée), durant l'espace de neuf heures de travail, 200 hectolitres de froment. 

Le 17 du même mois, la même machine avait battu dans la même commune, chez M. Bousseau, 200 hectolitres, dans le délai de sept heures. M. Bossu, propriétaire et habitant la commune de Chauché, près Saint-Fulgent (Vendée), certifie qu'une machine à battre à vapeur sortie de l'usine de MM. Renaud et Lotz, a battu 350 hectolitres de froment en quatorze heures de travail. Le nombre de personnes nécessaires pour desservir ces nouvelles machines à battre est de dix. Un homme coupe les liens, un second place les gerbes sur le tablier de la machine à battre, deux alimentent le batteur, deux apportent les gerbes près de la machine, deux enlèvent les grains qui tombent à terre, enfin deux autres secouent et enlèvent les pailles. » (4) 

Il est intéressant de faire un lien entre ce maire, progressiste dans sa vie professionnelle, d’opinion libérale (au sens de favorable à 1789) lors des élections politiques, et sa vie familiale, une vraie « fabrique à curés ». C’est ainsi que s’exprimeraient sur ce dernier point mains observateurs d’opinion républicaine quelques temps plus tard, les républicains ayant orienté l’opinion libérale en reprenant les luttes anti-religieuses de 1792. La plupart des Vendéens, à cause de leur histoire singulière et pour rester eux-mêmes, n’ont pas suivi ce militantisme laïque d'alors. Ce n’était pas nécessaire pour rester progressistes dans leur vie professionnelle et sociale, comme le montrent la capacité de beaucoup d'entre eux à s'adapter à l'évolution économique depuis le début du 20e siècle, et leur dynamisme des dernières décennies pour créer de nouvelles activités. Ce faisant les Vendéens sont restés dans la même Histoire que celle de la plupart des pays européens.  

La construction des routes


Joseph Vernet : La construction d’un grand chemin

La grande affaire d'A. Charpentier sous son mandat de maire a été la construction des routes passant sur le territoire de la commune. Il a d’ailleurs fait partie, un temps, du jury cantonal d’expropriation publique, dont le principal travail consistait à évaluer les dédommagements dus aux propriétaires chez lesquels on construisait ces routes.




Grâce aux comptes rendus du Conseil général, mises à dispositions par les Archives de la Vendée sur internet, on peut reconstituer l’histoire de la construction des routes de la région au XIXe siècle.

Sous Napoléon, l’ancienne route royale de Saint-Malo à Bordeaux, devenue la route impériale No 137, avait été empierrée dans sa partie vendéenne entre Nantes et la Rochelle. Une impulsion nouvelle à la construction des routes fut donnée par la loi du 21 mai 1836. Une administration nouvelle fut mise en place pour s’occuper des chemins vicinaux sous l’autorité des préfets, les agents voyers. Ils dépendaient ainsi du ministère de l’intérieur, alors que l’administration des Ponts-et-Chaussées, dépendant du ministère des travaux publics, s’occupait de la grande voirie, de la navigation intérieure et maritime.

La loi de 1836 avait rendu obligatoire la prestation en nature créée le 4 thermidor an X (23-7-1802), pour remplacer les corvées de l’Ancien Régime destinées à l’entretien des routes. Chaque contribuable devait trois journées de prestations à la contribution vicinale des voies publiques (entretien, réparation, élargissement, redressement et construction). On pouvait s’en exonérer par le paiement en équivalent d’impôt selon un tarif fixé par le préfet. Dans la période qui nous occupe ce tarif était de 0,70 F/jour. Ce régime s’accordait parfaitement avec la saisonnalité des travaux des champs. C’est le préfet, avec les agents-voyers, qui décidait des travaux bénéficiant de cette prestation. Ainsi on a vu le conseil municipal de Saint-André protester énergiquement en 1869 contre la décision de consacrer une journée de travail des contribuables de la commune sur la voie Saint-Fulgent à Bazoges-en-Paillers, située hors de la commune. À cette prestation s’ajoutaient des centimes additionnels aux quatre contributions directes, votés par la commune. De plus, l’État votait des lois spéciales de création des routes, dotées d’un budget réparti entre les départements, mais utilisable à condition que les collectivités locales fassent elles-mêmes un effort.

Il a existé aussi des routes stratégiques créées en 1833 par l’État dans les départements de l’Ouest, afin d’acheminer rapidement des troupes, tenant compte des derniers soulèvements « chouans » de 1832. En 1862 elles furent reclassées en routes impériales et routes départementales.

La loi du 21 mai 1836 avait créé la voirie vicinale, avec deux catégories :
  • la voirie non classée, dont la construction et l’entretien était entièrement à la charge des communes. Plus tard, des subventions départementales furent décidées pour les aider à les développer.
  • Les chemins vicinaux gérés avec les subventions du conseil général du département, placés sous l’autorité du préfet et classés en deux catégories :
                  -        Les chemins de grande communication. Il en existait 36 en Vendée, classés en 1836 et 1842, pour une longueur de 966 kms. Fin 1848, il ne restait que 77 kms de chemins à adjuger à la construction de ces 36 routes.
                 -        Les chemins vicinaux ordinaires.

Un décret du 22 septembre 1848 prévoyait 6 millions de francs mis à la disposition des départements pour la construction et l’entretien des chemins vicinaux, ainsi que la possibilité d’emprunter. La Vendée va alors prévoir un plan ambitieux de création de 1583 kms nouveaux de chemins de grande communication, soit presque le doublement de toutes les routes existantes alors dans le département. Il était prévu que le programme s’étalerait sur une quinzaine d’années. C’est en 1848 que fut décidé de classer deux voies en chemins de grande communication, intéressant Saint-André-Goule-d’Oie, son conseil municipal ayant donné un avis favorable :

       Le chemin No 37 : la Roche-sur-Yon/Beaupréau (comprenant la section de Chauché à Saint-Fulgent). Selon le préfet, « l’ouverture de ce chemin mettra les communes traversées en rapport direct avec la ville chef-lieu du département, et ensuite avec les foires de Montfaucon et Montrevault » Ce chemin est ouvert sur une largeur de 8 m avec une chaussée de 3 m. Il repose sur un sol schisteux ou granitique. En 1850, il reste à construire 32 kms sur un total de 41,8 kms, mais déjà cette année-là on adjuge les travaux d’empierrement pour la partie comprise entre la Boninière (Saint-André) et Saint-Fulgent. En 1852 la partie entre la Brallière (près de Boulogne) et la Boninière est en cours de construction. Le pont de la Boninière est construit, ainsi que 1113 m de longueur de chemin, en arrivant à Saint-Fulgent. En 1858, 12 kms sont en cours de construction et seulement 5 kms restent à adjuger. La construction de la partie entre la Roche-sur-Yon et Saint-Fulgent est achevée.

Gustave Courbet : Les casseurs de pierres
Le chemin No 103 : Les Essarts/Saint-Fulgent (passant par le bourg de Saint-André). Au moment de son classement le préfet indique son intérêt « pour faciliter l’accès aux foires des Essarts et pour sortir de l’isolement complet dans lequel se trouve la commune de Saint-André-Goule-d’Oie. » Le conseil général « classe comme chemin de grande communication, sous le No 103, le chemin des Essarts à Saint-Fulgent, en appelant à concourir à sa construction, les communes des Essarts, Chauché, Saint-André-Goule-d’Oie et Saint-Fulgent. » Le chemin est large de 8 m avec une chaussée de 3 m, reposant sur un sol schisteux ou granitique. En 1850 il reste à construire 7 kms sur un total de 9 kms, mais 1,1 km de voie est en construction cette année-là, entre Saint-André-Goule-d’Oie et Saint-Fulgent. En 1852, l’agent voyer indique dans son rapport au conseil général de Vendée : « Des Essarts à Saint-André-Goule-d’Oie, le chemin est à l’état de sol naturel, excepté la traverse des Essarts qui est construite. De Saint-André-Goule-d’Oie à la route nationale no 137, des portions ayant ensemble environ 2000 m de longueur sont construites et à l’état d’entretien ; le surplus est adjugé : le pont Boutin faisant partie de cette adjudication, est édifié. » En 1858 il reste encore 4 kms en l’état de sol naturel et 1,6 kms de voie est en cours de construction, mais la route est terminée en 1860.

Outre la dotation de l’État, les ressources provenaient des impôts spéciaux du département et des communes concernées, autorisés par les lois de 1846 et 1849. Les collectivités locales n’avaient pas d’autonomie budgétaire véritable, une loi devait au préalable décider de la faculté d’augmenter les impôts locaux dans des limites précises de montant, d’objet et de durée. Une nouvelle loi du 25 avril 1855 autorisa en complément l’imposition extraordinaire de 12 centimes additionnels aux quatre impositions pour la construction des chemins vicinaux de grande communication.

La Vendée poussa cette imposition à son maximum de 12 centimes, les élus étant convaincus de l’importance de ces travaux pour favoriser l’approvisionnement des agriculteurs en engrais et les débouchés des produits agricoles, le bétail notamment. Les élus vendéens semblent avoir de tout temps un gêne des routes dans leur "ADN". En 1868 une nouvelle loi vient accélérer l’achèvement des constructions des chemins vicinaux en augmentant les impôts prévus à cet effet. Les communes ont à choisir entre une quatrième journée de prestation en nature ou 3 centimes additionnels.

Au 1e janvier 1867, les chemins de grande communication totalisent 2641 kms en Vendée, car la liste s’est augmentée depuis le plan de 1848. Sur ce total, 8 % de longueur reste à terminer.

Leur entretien, assuré par 452 cantonniers au total dans la Vendée (en 1867), est partagé entre les communes et le département. L’agent voyer indique en 1867, pour la route No 37 « de Boulogne à Saint-Fulgent il existe quelques parties molles ; des bourbes ont surgi sur les accotements au village de la Chapelle » (Chauché). Pour la route No 103 il indique « un bon état de la chaussée et des travaux d’art. Les matériaux employés à l’entretien sont des quartz, grès et cailloux de bonne qualité. » En 1867 les sommes consacrées par la commune de Saint-André-Goule-d’Oie à ces deux routes étaient de 368 F. pour la route No 37 (dont 85 % sous forme de prestation en nature) et de 1156 F pour la route No 106 (dont 24 % sous forme de prestation en nature et 72 % sous forme de prestations rachetées).

Première borne
En 1862, le département de la Vendée décide de la pose de poteaux indicateurs à l’embranchement des routes et chemins vicinaux. L’entreprise Cotton frères, de la Rochelle, les réalisera et ils seront implantés de 1862 à 1864.

Cette même année 1862 on créa une nouvelle catégorie de chemins vicinaux : les chemins d’intérêts communs. Les chemins vicinaux ordinaires classés dans cette catégorie pourraient ainsi profiter de la subvention d’État de 25 millions de F. répartie entre les départements par une loi de 1861. Cette catégorie fut supprimée en 1875. La plupart des routes concernées reviendront alors dans la catégorie des chemins vicinaux ordinaires. Le conseil général du département classa 1013 kms de chemins vicinaux ordinaires en 40 chemins d’intérêt commun, pour en accélérer la construction. Sur ces 1013 kms, seulement 381 kms étaient déjà construits. Trois chemins entrent dans cette catégorie, concernant Saint-André-Goule-d’Oie :

       Le chemin No 5 l’Oie/Saint-Denis-la-Chevasse. D’une longueur de 22,2 kms, seulement 8,4 kms étaient construits en 1867. Il était attendu pour renforcer le rayonnement des foires de l’Oie.

       Le chemin no 6 Saint-André-Goule-d’Oie/Vendrennes. Il fait 5,8 kms de long et seulement 1,5 km sont construits au 1e janvier 1863, à l’approche de Vendrennes. En 1867, on a construit 200 m seulement en plus.
       Le chemin no 12 Les Brouzils/Saint-Fulgent. Il fait 12 kms de long et seulement 1,8 kms sont en cours de construction au 1e janvier 1862. La commune de la Rabatelière s’est vue bénéficier d’une subvention d’État de 3000 F pour ce chemin en 1863. M. de La Poëze, y habitant et étant député et chambellan de l’empereur, est sans doute à l’origine de cette faveur. En 1867 le chemin est construit sur la partie traversant le territoire de Saint-André-Goule-d’Oie, entre Saint-Fulgent et la Rabatelière, sauf 1500 m avant de traverser la Petite Maine.

Saint-André-Goule-d’Oie avait obtenu le classement en chemin vicinal ordinaire de trois voies. Le chemin No 2 de Saint-André à Chauché, classé en 1840, a été construit le premier, sans poser de difficultés semble-t-il. Il n’en a pas été de même des deux autres.

Le chemin No 1 de Saint-André à Chavagnes a donné beaucoup de soucis, faute de subvention départementale suffisante.

Le chemin de Saint-André-Goule-d’Oie à Vendrennes a été classé en chemin d’intérêt commun, de 1862 à 1875, pour obtenir des subventions, mais sans succès.

Dans le même temps, la construction des chemins de fer en Vendée devenait d’actualité. Une loi du 19 juin 1857 avait concédé la ligne Nantes/la Roche-sur-Yon à la Compagnie d’Orléans, déjà concessionnaire de la ligne Paris/Nantes. Elle avait l’obligation de terminer les travaux pour le 19 juin 1865, mais à cause de retards, la ligne sera mise en service en 1867.

Une autre loi du 2 juillet 1861 autorisa la mise en concession de trois autres lignes concernant la Vendée : la Roche-sur-Yon/la Rochelle, la Roche-sur-Yon/les Sables-d’Olonne, la Roche-sur-Yon/ligne Angers/Niort.

La ligne de la Roche-sur-Yon/les Sables-d’Olonne, appartenant à la compagnie des chemins de fer de Vendée, sera inaugurée le 26 décembre 1866. La même année on acheta les terrains pour la ligne la Roche-sur-Yon/Bressuire, devant rejoindre la ligne Angers/Niort.


Maire sous Napoléon III



Napoléon III
Augustin Charpentier est resté maire de la commune jusqu’à sa mort le 7 juin 1869. A ce moment-là il habitait au village du Pin. Le second empire de Napoléon III, qui avait repris la désignation du maire par le pouvoir exécutif, conserva ainsi ce maire que le suffrage universel avait désigné en 1848. À cet égard il fait penser à l’un de ses prédécesseurs, Simon Pierre Herbreteau, qui fut nommé maire sous Napoléon et sous la Restauration monarchique. Les régimes passent, mais l’intelligence et le dévouement s’imposent. Et pourtant l’administration aux ordres ne se privait pas alors de traquer les opposants au régime en place.


On en a la preuve concernant l’instituteur de Saint-André-Goule-d’Oie. Sous le IIe Empire les instituteurs, comme tous les fonctionnaires, devaient servir le régime et ils étaient surveillés à cet effet, y compris dans leurs opinions. J. Baudry, de Saint-André-Goule-d’Oie, reçut une réprimande du préfet en 1850, accusé d’idées « anarchistes » (5). Ils ont été peu nombreux en Vendée à subir cette sanction. La qualification d’anarchiste stigmatisait apparemment toutes les idées libérales qui ne plaisaient pas au régime de Napoléon III, particulièrement coercitif et anti démocratique. Les instituteurs, nommés par les préfets avec l’assentiment des autorités religieuses, étaient alors surveillés par les curés (6).


Jean François Chaigneau mort prématurément en 1969


Jean François Chaigneau (Coudray), adjoint, avait commencé à remplacer Augustin Charpentier à partir du 1e janvier 1869 et fut nommé maire au 1e juillet 1869. Mais il ne devait pas le rester longtemps. Il est mort le 15 décembre 1869 à l’âge de 35 ans. Jean François Chaigneau était le fils de Jean Chaigneau et d’Angélique Loizeau.

Sa femme, née Henriette Papin, finança le vitrail de la nouvelle église de Saint-André, construite en 1875, qui se trouve dans le transept du côté gauche, en vis-à-vis de celui de Marcel de Brayer. Dans une lettre en 1875 à Amaury-Duval, le curé de Saint-André propose un vitrail à financer par Marcel de Brayer, au moment de la construction de la nouvelle église de Saint-André-Goule-d’Oie. Il prévoit de le « placer dans le transept du côté droit, en entrant dans l’église. En face sera un vitrail de même grandeur qui sera payée par Mme veuve Chaigneau du Coudray. Voici le sujet de ce vitrail : il représentera Saint André offrant le Saint Sacrifice de la messe, à l’Elévation. Dessous l’autel, les âmes du purgatoire qui attendent leur délivrance par l’offrande de la messe, un peu à côté les vivants prosternés, à cause de l’élévation de l’hostie, implorent la divine miséricorde. Au-dessus, en haut du vitrail, Marie est à genoux devant son fils qu’elle regarde avec amour, d’une main lui montrant l’hostie consacrée, de l’autre empêchant l’ange de la justice divine de frapper les coupables. Ce vitrail sera auprès de l’autel de la Sainte Vierge. » (7) Le curé poursuit ensuite la description du vitrail de l’autel de Saint Joseph dans le transept droit. Nous y avons consacré un article publié en janvier 2012 : De Brayer et la nouvelle église de St André Goule d’Oie.


Ajoutons pour l’anecdote que Jean François Chaigneau était le neveu de François Cougnon fils, l’ancien maire de 1826 à 1829, et aussi de Pierre Rochereau, l’ancien maire de 1835 à 1848. La mère de Jean François Chaigneau en effet, Félicité Angélique Loizeau, mariée à Jean André Chaigneau, était la fille de Louis Loizeau, l’ancien fabriqueur de la paroisse de Saint-André avant la Révolution. Celui-ci avait d’abord épousé Marie Anne Godard en 1758, puis devenu veuf, il épousa en 1797, à l’âge de 56 ans, Jeanne Trotin, âgée de 24 ans. A cette occasion n’oublions pas les ravages de la guerre de Vendée parmi la population. Ainsi, l’acquéreur du logis du Coudray, Louis René Loizeau, a été le grand-père par alliance de deux maires (François Cougnon fils et Pierre Rochereau) et l’arrière-grand-père maternel d’un autre (Jean François Chaigneau), tous habitants du village du Coudray.

C’est Pierre Guiberteau (Brossière), autre adjoint, qui le remplaça à compter d’octobre 1869 pour signer le registre d’état-civil. On peut en déduire qu’il était indisponible, sans doute à cause d’une maladie qui l’emporta au bout de quelques semaines. Pierre Guiberteau fait ensuite fonction de maire par intérim jusqu’aux prochaines élections municipales qui eurent lieu en juillet 1870.

Marcel de Brayer, châtelain de Linières, élu avec la nouvelle équipe municipale en juillet 1870, fut choisi pour être nommé maire par le préfet au lendemain des élections.

Cette saga familiale des propriétaires au Coudray, fournissant les maires de Saint-André-Goule-d’Oie, ne serait pas complète sans évoquer la suite. Jean François Chaigneau et Marie Henriette Papin avaient eu deux enfants. L’aîné, Jean Henri, mourut à l’âge de 13 ans. Sa cadette, Henriette Marie Chaigneau, épousa en 1889, un jeune homme venant de la Verrie : Eugène Maixent Guillaume Grolleau, dont les parents avaient été marchands dans le bourg. Il fut élu au conseil municipal de Saint-André-Goule-d’Oie trois ans après. Et naturellement, si l’on peut dire, il fut élu maire en 1896, et jusqu’en 1943 ! En 1938, après 42 ans de mandat, il en fut décoré de la légion d’honneur. Son fils Bernard Grolleau, lui succéda de 1943 à 1947. Enfin, sa fille, Marie Eugénie Grolleau (1890-1969), épouse d’Émile Charriau (1884-1922), lui succéda longtemps comme maire de la commune Saint-André-Goule-d’Oie, de 1947 à 1969.


(1) Archives de la paroisse de Saint-Jean-les-Paillers, relais de Saint-André-Goule-d’Oie, E 2/2, registre des délibérations du conseil de fabrique pour 1881.
(2) Revue du Centre vendéen de recherches historiques no 6 1999, La Vendée, histoire d’un siècle, A. Gérard, « L’Église des mouvements », page 147. 
(3) Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée (1856).
(4) Journal d'agriculture pratique, de jardinage et d'économie domestique, édité par la Librairie de la Maison rustique du XIXe siècle (Paris), Tome 5, série 3, 2e partie, 1852/juillet à décembre, pages 68 et 69.
(5) L. Morauzeau, Aspect vendéen de la IIe République, Annuaire de la Société d’Émulation de la Vendée, (1960), page 86.
(6) J. Rougerie, Le second Empire dans « Histoire de la France des origines à nos jours », dirigée par G. Duby, Larousse, 1995, page 703.
(7) Société Eduenne d’Autun, fonds Amaury Duval : K 8 34, lettre du curé Martin à Amaury-Duval du 7-5-1875.


Emmanuel François, tous droits réservés
Juin 2012, modifié en juillet 2023

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