samedi 1 octobre 2011

Le catéchisme des trois Henri : le curé de Chauché attaque son évêque.

Jules Alexis Muenier : La leçon de catéchisme
Dans le registre paroissial de Chauché, le curé Jude Bellouard écrit pour l’année 1757 : « En mille sept cent cinquante-sept, Monseigneur de Verthamon a voulu faire enseigner dans notre diocèse un catéchisme rempli d'erreurs ; les curés et viquaires de saine doctrine n'ont point voulu souscrire à l'enseignement d'un tel catéchisme. Ceux qui l'ont enseigné, ce sont des curés et vicaires étrangers poussés par un vil intérêt ou par d'autres motifs terrestres. Ce catéchisme mauvais est appelé le catéchisme des trois Henri. » (1)

Diable ! est-on tenté de s’exclamer... ou mon Dieu ! Sur Saint-André-Goule-d’Oie ou Saint-Fulgent, on ne trouve pas d’allusion à ce catéchisme au nom apparemment « pas catholique ». En revanche l’évocation du clergé étranger ne nous étonne pas, puisqu’à cette époque le diocèse de Luçon manquait de vocations et avait dû faire appel à des prêtres venus de l’étranger. Ainsi de Jean Baptiste Poulain, prêtre de la province de Normandie, inhumé le 30 octobre 1688, d’Eustache Madeline, inhumé le 6 juillet 1699, qui était originaire de Vire en Normandie, ainsi que de Guillaume Burk, prêtre irlandais du diocèse de Cloufart (province de Conacy), décédé le 15 novembre 1701 dans la maison noble de Boisreau, et inhumé à Chauché comme les deux précédents (2).

Quant aux « motifs terrestres et au vil intérêt de ces prêtres », Jude Bellouard ne précise pas sa pensée. Peut-être fait-il allusion au laisser-aller de ses prédécesseurs à Chauché au temps des évêques jansénistes de Luçon. Ainsi Jacques Dorinière, prêtre, inhumé à Chauché le 24 janvier 1687, avait eu un fils à l’âge de 27 ans avec Suzanne Ayrault (qui fut inhumé à Chauché le 7 août 1674). Il était diacre au moment de cette naissance. Peut-être aussi avait-on gardé le souvenir de la querelle, au début des années 1600, entre le curé Barbot et son vicaire Normandin, pour la possession de la cure (3). Bref, Chauché avait connu un clergé indigne autrefois.

Mais cette attaque du titulaire de la modeste cure de Chauché envers l’évêque de Luçon, sur le terrain même de la religion, étonne. Alors, de quoi s’agit-il ?

Le catéchisme des Trois Henri doit son nom au prénom des trois évêques qui le propagèrent à la fin du XVIIe siècle dans leurs diocèses, celui de Luçon (Henri de Barillon), celui de la Rochelle (Henri de Laval) et celui d’Angers (Henri Arnaud). Rédigé de manière simple, souvent avec des questions/réponses, il avait pour but d’enseigner la religion catholique dans les familles. À cette époque, chaque évêque écrit ou approuve un manuel d’enseignement dans son diocèse, appelé catéchisme, pour bien se démarquer de l’hérésie protestante. Publié en 1676, le catéchisme des Trois Henri fut interdit ensuite en 1701 dans le diocèse de Luçon par les successeurs de Mgr de Barillon, Mgr de Lescure et Mgr de Rabutin, très antijansénistes. C’est que Mgr de Barillon avait eu des sympathies pour le jansénisme et son prédécesseur, Mgr de Colbert, avait pris position contre le pape, quand celui-ci avait condamné Jansénius. Cette interdiction du catéchisme des trois Henri relevait d’une chasse au jansénisme en considération des personnes, plus que du texte même incriminé.

Ce monseigneur de Barillon avait été généreux envers la confrérie de la Charité de la paroisse de Chauché. À sa mort il lui avait légué une somme de 50 livres. Elle fut mise au coffre de la confrérie le 2 août 1699 en présence des officières, par le curé Clément Thibaud et le procureur des pauvres, maître Jacques Basty, sieur de la Perrauderie (4).

Jansenius
Le jansénisme est né d’une fausse interprétation de la pensée de saint Augustin, faite par Jansénius, évêque catholique d’Ypres. Publiée en 1646, dans son livre l’Augustinus, la doctrine présente l’homme comme irrémédiablement vicié par le péché originel. Son rachat par la grâce est réservé aux âmes prédestinées, niant à la fois le libre arbitre de l’homme et la volonté divine de sauver tous les hommes (5). Cette doctrine fut condamnée par les papes à plusieurs reprises, mais elle séduisait des catholiques, en général des milieux cultivés, épris d’austérité morale. Ils refusèrent d’obéir au pape, à une époque où son infaillibilité n’était pas un dogme. Le pardon des péchés exigeait de longues pénitences selon les jansénistes, et la communion était réservée à des fidèles très pieux.

Louis XIV, chef de l’Église catholique de France, réprima les jansénistes avec brutalité, créant de ce fait un problème politique. Dans cette querelle, l’ordre des jésuites se mit en avant pour défendre le pouvoir du pape. Les deux camps ennemis, les jansénistes et les jésuites, ne s’alimentaient que d’exclusives, mettant aussi en œuvre les moyens judiciaires et politiques à leur disposition, puisque l’Église et l’État étaient fortement liés l’un à l’autre à cette époque. L’État national français, centralisé et bureaucratique est né au 17e siècle, la Sorbonne s’affichant plus nationaliste que jamais et l’Église de France penchant vers le gallicanisme. Aussi quand le pape demanda aux jésuites d’influer pour faire appliquer sa bulle Unigenitus contre les jansénistes, ils apparurent transnationaux, aux ordres de l’étranger représenté par le pape, se heurtant à la fin du règne de Louis XIV à la naissante affirmation du nationalisme français. D’une affaire de religion on avait fait une affaire politique.

Mrg de Verthanon, de tendance janséniste, fut nommé évêque de Luçon en 1737. Par ses maladresses et ses provocations il ralluma dans son évêché la querelle des jansénistes et des jésuites (6). Ceux-ci enseignaient au séminaire et ils avaient dans le même camp qu’eux, la majorité des chanoines de la cathédrale, et aussi les Ursulines de Luçon. L’évêque prit des mesures (nominations) qui mirent le feu aux poudres. On en vint aux mains dans la cathédrale et au couvent des Ursulines. En 1751 il décida de rétablir l’usage de l’ancien catéchisme des Trois Henri, remplacé depuis 1701. Ce manuel rappelait de manière classique l’essentiel des dogmes catholiques pour l’éducation des gens simples. Il était exempt de toute hérésie. Mais beaucoup refusèrent dans le clergé vendéen de l’enseigner, par sectarisme envers l’évêque, accusé à juste titre de jansénisme. Le parlement de Paris fut saisi, qui confirma la décision de l’évêque d’expulser les jésuites du séminaire de Luçon. On s’en rapporta au pape, qui refusa de condamner le catéchisme des Trois Henri. La querelle ne prit fin dans le diocèse qu’avec la mort de l’évêque en 1758.

Dans son livre récent, Mme Françoise Hildesheimer, Rendez à César, l’Église et le pouvoir, met en lumière l’enjeu politique du jansénisme à cette époque. D’abord il y avait les rapports de l’Église de France et du roi depuis le concordat de 1516, conclu entre François 1er et le pape. Il eut pour conséquence de placer les évêques dans un rôle d’instrument de direction de l’opinion au service du roi de France. Ensuite des spiritualités nouvelles, fruits de la contre-réforme catholique, comme le jansénisme, répondirent à un besoin d’absolu. Mais l’absolu de Dieu risquait d’apparaître comme une renaissance de l’insoumission protestante, alors que l’esprit d’autorité triomphait dans l’Église et le royaume. En promouvant une conscience plus indépendante, le jansénisme portait un potentiel de désobéissance civile. Alors que les jésuites, au début utilisés par le pouvoir politique contre les jansénistes, portaient eux un esprit universaliste, mais au service du pape, ce qui les éloigna des philosophes des lumières et du parlement de Paris au 18e siècle.


(1) Rapports des chefs de service au Conseil Général de la Vendée, lors de sa 2e session en 1899. Voir 2e chapitre du rapport, page 85 (vue 342 sur Gallica)
(2) Rapports des chefs de service au Conseil Général de la Vendée, lors de sa 2e session en 1899. Voir 2e chapitre du rapport, page 82 (vue 339 sur Gallica)
(3) Rapports des chefs de service au Conseil Général de la Vendée, lors de sa 2e session en 1899. Voir 2e chapitre du rapport, page 84 (vue 341 sur Gallica.fr)
(4) Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 28-1, registre de la confrérie de la Charité de la paroisse Saint-Christophe de Chauché, page 54.
(5) H. X. Arquillière, Histoire de l’Église (1941), Éditions de l’École, page 343
(6) J. F. Tessier, de Verthanon évêque de Luçon jalons pour un itinéraire, 2e partie, annuaire de la société d'Émulation de la Vendée, 1988, page 73 et s.

Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2011, complété en mars 2018

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La vie privée de Guyet-Desfontaines (1797-1857)

Naissance et éducation


La naissance de Guyet-Desfontaines le 26 avril 1797 a fait l’objet d’une fausse déclaration sur l’identité de ses parents. Il s’agissait alors pour sa mère, toujours mariée au vicomte Charles Auguste de Lespinay, parti guerroyer contre les révolutionnaires dans les rangs des émigrés, de cacher cette naissance adultérine et ses liens amoureux avec le jeune républicain originaire de Saint-Fulgent, Joseph Guyet. On déclara un faux père : Desfontaines. Ses parents naturels, mariés en 1804, l’adoptèrent légalement en 1824 (la loi exigeait alors d’avoir l’âge minimum de 50 ans pour adopter). Il prit ainsi le nom de Guyet-Desfontaines.

Sur la jeunesse de Marcellin Guyet-Desfontaines, nous disposons de peu d’informations. Le peintre Delacroix a été son camarade au lycée impérial de la rue Saint Jacques à Paris (actuel lycée Louis Le Grand). Avec des parents fortunés, propriétaires du domaine de Linières (Vendée), le jeune Marcellin a dû recevoir une solide éducation, comme il le montrera plus tard dans sa vie d’adulte. Après le baccalauréat il a fait son droit.

Dans son milieu familial, il a grandi avec le culte des principes nouveaux nés de la Révolution française. Mais il a dû aussi intégrer la partie royaliste de son « patrimoine génétique », avec l’histoire de sa mère, et les du Vigier de Mirabal. Les enfants du grand-oncle Jean Baptiste du Vigier, qui s’était fait massacrer en tant que garde du corps du roi le 10 août 1792, avait une autre vision de la Révolution Française. Un petit-fils participera à l’âge de 16 ans, dans la troupe des zouaves pontificaux en 1860 contre les piémontais, à la sanglante bataille de Castelfidardo (1).

Ajoutées à un héritage culturel aussi contrasté, les conditions rocambolesques de la déclaration de sa naissance, l’attente du délai de son adoption officielle par ses parents naturels en 1824, la mort de sa demi-sœur en 1811, Henriette de Lespinay, tous ces éléments lui ont donné une enfance et une adolescence peu banales. Indiquons tout de suite que dans sa vie d’adulte, il a beaucoup contribué au bonheur de ses proches, et il s’est consacré au service des autres dans l’action politique, donnant l’image d’un homme responsable et équilibré.

Tout juste remarque-t-on un détail dans sa signature : le mot Guyet a une écriture penchée vers la gauche et le mot Desfontaines, à l’inverse a une écriture penchée vers la droite, avec dans les deux cas une graphie différente. Quel sens pourraient donner des spécialistes de la graphologie à cette observation ? Guyet à gauche et Desfontaines à droite, voilà bien qui concorde parfaitement avec la réalité historique en tout cas ! 

Ses débuts d’homme de lois et sa rencontre avec Emma Duval


Après son droit il a débuté dans la vie comme avocat près la cour d’Assise de Paris, en 1817 dit une biographique (2). Il est alors âgé de 20 ans et c’est aussi ce qu’on lit dans un certificat d’exemption du service militaire. On suppose qu’il était alors plutôt en stage. Il était conscrit de la classe 1817, susceptible d’être tiré au sort pour faire son service militaire. Il a été libéré de cette obligation à cause d’une exemption pour myopie. Dans le certificat qui en fait état, on lit qu’il mesurait 1,67 m (3). Il était donc relativement petit, comme son grand-père Simon Charles Guyet de Saint-Fulgent. 

Il est entré le 15 juin 1818 dans une étude de notaires parisiens, Me Colin de Saint-Miege et Chauvin, pour commencer son temps de cléricature, y débutant comme 4e clerc. Il est passé 3e clerc le 2 avril 1820. Puis il a poursuivi chez Me Chaulin à partir du 25 septembre 1823, comme 2e clerc, et 1e clerc le 1e décembre 1823. Au total il a rempli la condition nécessaire de temps de stage pour être nommé notaire, d’au moins 7 ans, dont 2 ans comme 1e clerc. C’est ce qu’a vérifié la chambre des notaires de Paris lors de ses séances des 20 et 28 avril 1826. Celle-ci a constaté qu’il avait l’âge requis d’au moins 25 ans, qu’il était libéré du service militaire et elle s’est portée garante, après enquêtes, des capacités et moralité du candidat. Elle a aussi vérifié auprès de la mairie du domicile (2e arrondissement de Paris) qu’aucun cas de suspension ni privation de ses droits civils et civiques nécessaires à l’exercice d’une fonction publique, n’était relevé à son encontre. Guyet-Desfontaines a été interrogé par les membres de la chambre sur ses connaissances en droit, lesquels s’en sont déclarés satisfaits. Cet examen professionnel a donc remplacé l’exigence d’un diplôme universitaire. Et pourtant on pourra apprécier plus tard ses bonnes connaissances en droit, tant à la chambre des députés que dans ses échanges avec le préfet quand il fut maire de Marly-le-Roi. Sa demande de nomination comme notaire à Paris, déposée à la chambre des notaires le 11 mai 1826, était en remplacement de la démission de Me Breton (du 13 avril précédent) en sa faveur, dont il avait acheté l’étude pour 400 000 F. Le prix, quoique considérable, fut jugé en rapport avec son volume d’activité. Un relevé des actes passés dans les 10 dernières années dans cette étude fut fourni : 4590 minutes et 3578 brevets, produisant pour le fisc, peu gourmand à l’époque, 859 192,71 F de droits d’enregistrement (4). Son père possédait à son décès 4 ans plus tard des immeubles à Paris et des valeurs financières, plus en Vendée 485 hectares dans les marais et 930 hectares dans le bocage. Il était riche et c’est lui qui paya l’étude à son fils. Guyet-Desfontaines a été nommé à son office du no 6 rue du Faubourg-Poissonnière (ancien 2ème arrondissement de Paris), à l’âge de 29 ans le 30 mai 1826. Son étude devait être importante. À son endroit, on notera l’expression de « riche notaire parisien », employée dans un document.

Nous savons qu’il était passionné de théâtre, de peinture, de musique et de littérature. Il aimait fréquenter des artistes comme son ami Delacroix. Un de ses clercs de notaires, Félix Arvers (1806-1850), embauché en 1830, connut le succès en tant que poète à son époque. Un biographe de ce poète a écrit : "Par devoir, il devient clerc de notaire ; par vocation, il rime. Au surplus, quel délicieux endroit pour donner rendez-vous aux Muses que l'hospitalière étude de ce bon M. Guyet-Desfontaines Imagine-t-on un notaire de cette sorte ? Le siècle n'en vit qu'un et ce fut celui-là. Cet aimable officier ministériel ne s'hypnotisait pas, tant s'en faut, sur les cartons verts. Il aimait les arts, chérissait les artistes, fréquentait chez les lettrés, comptait des amis illustres, à l'Académie, dans les cénacles et dans les salons où l'on cause. On jouait chez lui la comédie de société. Chez son patron, Félix Arvers rencontre Delacroix, Dumas." Il quitta l’étude en 1836 en tant que 2e clerc.

Marcellin avait 33 ans quand son père est mort. C’est à la même époque qu’il rencontra sa future femme chez Isidore Guyet, dont il était un neveu. Journaliste au Courier Français, Isidore habitait au no 26 boulevard de Boule. Républicain, il avait bien sûr signé la pétition contre la première des cinq ordonnances de Charles X du 26 juillet 1830 suspendant la liberté de la presse et rétablissant la censure. Contre la majorité des journalistes de l’époque, c’était un homme cultivé et instruit. Il avait notamment réalisé une bonne édition de Voltaire.

Mais cet homme recevait aussi chez lui sa nièce et son neveu, les enfants d’une sœur de sa femme : Emma Chassériau et Amaury-Duval. Emma Pineu Duval s’était mariée avec A. Chassériau, mais était devenue veuve.

Elle faisait alors pour son oncle « le résumé des principaux articles des journaux de Paris, peut-être un ministre, auquel ce résumé était envoyé », selon ce qu’écrit Amaury-Duval dans son livre de souvenirs (5). Il continue en expliquant la rencontre des deux futurs époux. Nous avons consacré un article spécialement sur cette rencontre.Voir l’article publié en septembre 2011 : La rencontre de Marcellin Guyet-Desfontaines et d’Emma Chassériau.

Guyet-Desfontaines s’intéressa à l’ancêtre de la photographie. À ce titre, on lui doit des clichés de daguerréotype, dont certains d’entre eux furent vendus aux enchères à Drouot-Richelieu en décembre 2008. Ils étaient estimés dans le catalogue à 200/300 €. La daguerréotypomanie, comme l’appela un caricaturiste, s’empara des gazettes vers 1839. Le 6 mars 1841, à onze heures du matin, Louis Philippe se fit daguerréotyper dans la cour des Tuileries et l’opération dura trois minutes. Le 19 août 1839, François Arago, savant et homme politique, déclara à l'académie des Sciences que la France venait d'acheter un brevet révolutionnaire : elle « dote noblement le monde entier d'une découverte qui peut tant contribuer aux progrès des arts et de la science ». L'invention de Daguerre connaît en 1841 un succès fulgurant. Rien qu'à Paris se vendent cette année-là 2 000 appareils et 500 000 plaques photographiques. Mais le succès est éphémère, le daguerréotype est vite dépassé par la photographie (6).


Ingres :
Guyet-Desfontaines (Musée Bonnat)
Néanmoins, c’est un des plus grands peintres français, Ingres (1780-1867), qui nous permet de montrer Guyet-Desfontaines dans un dessin, à la mine de plomb et rehauts de blanc (32x24.3 cm). Il est conservé au musée Bonnat de Bayonne et provient du fonds Amaury-Duval, légué à son élève Froment-Delormel. Marcellin nous apparaît élégant et sûr de lui, sensible et observateur, à l’aise dans les contacts humains, avec un air malin.

Son entrée dans le cercle familial de son épouse


Emma, revenue habiter chez son père après la banqueroute de son premier mari et sa fuite en Amérique du sud, fréquentait le salon des Nodier à l’Arsenal, un des lieux réputés de rencontre des artistes romantiques. Elle avait elle-même créé son propre salon chez son père, qui avait un logement de fonction, quai Conti à Paris. Il était en effet secrétaire de l’Académie des Inscriptions et belles lettres. Elle y réunissait des écrivains, des musiciens, des chanteurs et des comédiens. Après son mariage, elle emmena tout ce monde chez son mari au no 36 de la rue Anjou-Saint-Honoré.

Guyet-Desfontaines aimaient les artistes, nous l’avons vu, son épouse aussi. Léon Séché, dans son Études d’Histoire romantique Alfred de Musset (1907), écrit à propose de son étude notariale : « Déjà fréquentée par les écrivains et les artistes, elle était déjà devenue, à partir de son mariage avec Mme veuve Chassériau, fille, sœur et nièce des trois Duval (7), une manière d’académie, un salon où passaient et repassaient, chaque semaine, les habitués de l’Arsenal, à commencer par la famille Nodier. On y dansait, on y faisait de la musique, on y disait des vers, et les clercs de l’étude étaient de toutes les fêtes. »

Ingres : 
Mme Guyet-Desfontaines
(musée Bonnat)
La personnalité d’Emma, les nombreuses lettres qu’elle a écrites, la notoriété de ses fréquentations, la réputation de son salon, forment un ensemble qui mérite plusieurs exposés particuliers sur cette femme, même si cette présentation oblige à séparer artificiellement la part de vie commune du couple, notamment leur vie mondaine et familiale. Ils feront l'objet d’articles à venir au premier semestre 2012 sur le présent site.

Guyet-Desfontaines perdit sa mère en avril 1833. Il se trouva alors à la tête d’une importante fortune, ayant recueilli l’héritage de ses parents et de sa demi-sœur. Voir notre article publié en juillet 2014 : La fin du domaine et du château de Linières. Il possédait le domaine de Linières (Vendée) bien sûr, mais aussi son étude de notaire, des fermes dans le marais vendéen et des immeubles à Paris.

Il va aider son beau-père, Amaury Duval. Celui-ci s’était porté caution pour son gendre, Adolphe Chassériau, quand ce dernier, quittant l’armée après Waterloo, s’était lancé dans une affaire d’édition de livres. Et à la date du 19 août 1836, M. Guyet-Desfontaines était créancier de M. Pineu Duval d’un capital de 29 116,09 F.

Les 10 et 30 octobre 1836, ce dernier dû vendre à son gendre la totalité de ses objets mobiliers, livres et gravures, moyennant le prix de 4 094 F. Sa dette se trouva ainsi réduite à 25 022,09 F. M. Duval signa ensuite les mêmes jours une reconnaissance de dette à son gendre pour ce dernier montant. Il fit une affectation hypothécaire pour la garantir, sur sa maison de campagne de Montrouge, laquelle était déjà grevée à cette date de privilèges et hypothèques pour une somme de 74 000 F au profit de divers créanciers, avec une délégation sur une compagnie mutuelle d’assurance. Autant dire que la garantie au profit de son gendre avait peu de valeur. En complément, il fit une délégation à M. Guyet-Desfontaines des sommes qui lui étaient dues : traitements et émoluments de l’Institut de France, pension de retraite, indemnité de logement (depuis qu’il avait quitté son logement de fonction du Quai Conti), et perception des loyers de la maison de Montrouge. Ces dispositions n’empêchèrent pas la dette du beau-père à l’égard du gendre d’augmenter. À sa mort elle s’élevait à 27 850,11 F.

M. Pineu Duval, comme membre de l’Institut de France, eu droit à une escorte d’honneur d’un détachement militaire (payé 50 F à l’État-major par son gendre) lors de son enterrement. Ses effets, linge, hardes, bijoux et autres objets servant à son usage personnel furent évalués après son décès à la modeste somme de 201 F. Dans l’inventaire de ces objets, on note deux petits anneaux en or, une croix d’officier de la légion d’honneur, une croix de chevalier de la légion d’honneur, et un costume de membre de l’Institut.

L’actif de sa succession ne fut pas calculé, car proche de zéro. Le passif s’éleva à 108 846,91 F (8). M. Guyet-Desfontaines dû intervenir après coup, mais la documentation nous manque pour savoir comment et de combien. On a seulement relevé qu’une main levée fut obtenue le 15 décembre 1838 sur une créance remontant à 1831, et gagée sur la maison de Montrouge (9).

Les écrits et papiers personnels de M. Pineu Duval ont été recueillis par son fils Amaury-Duval, peintre d’histoire. Ils se trouvent conservés avec ceux du peintre et ceux d’autres membres de la famille, dans la bibliothèque de la société Éduenne des lettres, sciences et arts, au musée Rolin de la ville d’Autun.     

Marcellin adopta la fille de son épouse, issue de son premier mariage, Isaure. Celle-ci avait 11 ans quand elle vint habiter chez son beau-père. Ce dernier l'a reçue et l’adopta comme sa propre fille, lui procurant les moyens d’une éducation d’un enfant de la haute société. Au jour de son mariage il la dota de 150 000 F.

Amaury-Duval : Isaure
Ses lettres personnelles où il a évoqué ses relations avec sa fille adoptive n’ont pas été conservées. Faute de mieux on se contentera de ses testaments. Les textes et leurs contenus sont intéressants à cet égard. Déjà dans un premier testament en 1833, près de 2 ans après son mariage, il donne un capital de 400 000 F et une rente de 18 000 F à sa jeune épouse, outre son mobilier. Ces legs iraient à la fille de sa femme, Isaure Chassériau, si Mme Guyet-Desfontaines venait à décéder avant lui. On voit ici à la fois l’importance du patrimoine, et la place occupée par cette petite fille dans sa vie (10).

Dans un testament rédigé à l’âge de 55 ans, on voit Guyet-Desfontaines préoccupé par Isaure. Il est daté du 31 janvier 1852, juste après la séparation de corps et de biens de sa fille, qu’il désigne comme un notaire et un grand-père à la fois : « ma chère fille, Charlotte Berthe Isaure Chassériau, épouse séparée de corps et de biens de M. Alfred de Brayer ». Il y fait de sa femme sa légataire universelle. Et dans un codicille c’est sa fille qui hériterait de tout, pour le cas où sa mère viendrait à mourir avant elle. Pour les biens meubles, il précise une réserve à l’intention de sa fille, bénéficiaire d’objets spéciaux. Et pour s’assurer que cette réserve est suffisante, il fixe à 150 000 F la valeur minimum de ses biens meubles, quitte, pour atteindre ce montant, à prendre sur ses biens immeubles. Cette réserve concerne tout le mobilier meublant qui garnit l’appartement de sa fille à Paris dans sa maison, aussi bien que celui qui se trouve dans la petite maison qu’elle occupe personnellement dans sa propriété de Marly. Sa fille conserve ainsi la pleine propriété de tous les meubles s’y trouvant, y compris ceux prêtés par ses parents.

Pour la totalité de ces biens immeubles, sa femme en a l’usufruit sa vie durant, et sa fille la nue-propriété, pour en recueillir la jouissance seulement après l’extinction de l’usufruit de sa mère. Ces biens rentreront naturellement sous l’empire des stipulations de son contrat de mariage aux termes duquel tous ses biens sont soumis au régime dotal. Ce rappel lui parait nécessaire après la dilapidation par Alfred de Brayer d’une partie de sa dot. Et il ajoute avec des mots touchants qu’il donne en plus à sa fille, une rente viagère annuelle de 6 000 F. Cette rente doit être dans sa totalité incessible et insaisissable.

Pour son petit-fils il a aussi des mots de tendresse d’un grand-père, et laisse à sa femme le soin de choisir « un petit souvenir spécial qu’il conservera en mémoire d’un grand-père qu’il a rendu si heureux ». Dans un codicille il suggère de lui donner sa bibliothèque (sauf quelques volumes à en détacher), et encore sa montre et le pupitre sur lequel il travaillait journellement depuis près de 30 ans. Dans un dernier codicille du 19 avril 1853, il ajoutera qu’en cas de décès de Mme de Brayer avant lui, toutes les dispositions contenues en sa faveur dans le testament et les codicilles, profiteront à son fils Marcel de Brayer. La santé de la mère devait déjà donner des signes d’inquiétudes au grand-père pour lui faire ajouter cette disposition. D’ailleurs elle mourra un an après.

Dans les autres codicilles, il met les points sur les « i » touchant les implications juridiques de ses dispositions testamentaires au regard du régime dotal du contrat de mariage de sa fille. On sent la méfiance envers le gendre, qui n’est que séparé de corps et de biens, mais dont le contrat de mariage existe toujours, le divorce n’existant pas à l’époque. D’ailleurs dans le premier codicille il nomme comme exécuteur testamentaire son notaire, Me Poumet, auquel il donne pour cela un « diamant » de 5 000 francs. Le mot désignait une gratification, apparemment utilisée pour les exécuteurs testamentaires, synonymes de « poignée de main », « épingles » ou « pot de vin » dans d’autres milieux de la société que celui des notaires parisiens.

Ce testament témoigne de ce qu’ont été les liens d’affection existant entre l’oncle, la nièce et la sœur depuis le temps de leur vie commune au Quai Conti. Puis ce noyau s’est élargi au mari fortuné Guyet-Desfontaines, et au petit-fils adoré Marcel de Brayer. 

Guyet-Desfontaines accueillit aussi le frère de son épouse, Amaury-Duval. Ce dernier avait son atelier de peintre et son domicile à Paris, mais cela ne plaisait pas à sa sœur Emma, une sorte de « mère poule ». Avec l’accord de son mari, Emma réussit à faire revenir habiter son frère chez eux. Ils avaient beaucoup d’amis communs dans le monde des arts. À titre d’exemple, on relève que l’étude de Guyet-Desfontaines était au nombre des trois études de notaires qui recueillirent des dons au bénéfice des incendiés du théâtre de la Gaîté du 21 février 1835 (11).

Ce fut une famille unie, y compris dans les difficultés, tous amis des arts, sinon artistes eux-mêmes. Après Joseph Guyet, propriétaire de 1800 à 1830, les trois propriétaires qui se sont succédés à Linières sont : M et Mme Guyet-Desfontaines (de 1830 à 1868), Marcel de Brayer, leur petit-fils (de 1868 à 1875) et Amaury-Duval (de 1875 à 1885), le grand-oncle du petit Marcel, et frère de Mme Guyet-Desfontaines.

Bayard : Amaury-Duval
L’histoire personnelle de chacun d’eux est intimement liée à celle des autres. Ils appartiennent tous à une même famille très unie par de forts sentiments. C’est ce qui explique que l’universitaire Véronique Noël-Bouton-Rollet, centrée dans ses recherches pour sa thèse de doctorat sur l’homme Amaury-Duval et sur son œuvre, s’est intéressée naturellement à ses proches : M. et Mme Guyet-Desfontaines, leur fille Isaure de Brayer et leur petit-fils Marcel de Brayer.

Aussi nous devons souligner dès maintenant la place éminente de Marcellin Guyet-Desfontaines parmi les membres de cette famille, y compris pour sa belle-fille et pour son beau-frère. Elle va au-delà de l’épaisseur de son porte-monnaie. Il est l’exemple même d’un homme de cœur et aussi du service que peut rendre l’argent qu’on a.

Le premier domicile de Guyet-Desfontaines au moment de son mariage est celui de son étude notariale rue du Faubourg-Poissonnière. Rapidement il emménagera au no 36 de la rue Anjou-Saint-Honoré. C’était un immeuble datant du XVIIIe siècle, détruit en 1861 lors du prolongement du boulevard Malesherbes et situé à la place de l’actuel No 28. Talleyrand a habité au no 35 (12). Plus tard Guyet-Desfontaines habita au no 13 rue de la rue de Tivoli, devenue ensuite rue d’Athènes.

Voyages, Marly, les arts et le théâtre


Avec son épouse ils voyagèrent beaucoup, découvrant l’Italie, notamment Venise, l’Allemagne et la vallée du Rhin, la Suisse, la Hollande, l’Angleterre, où ils continuaient de fréquenter des amis des Duval, les Heath. À ce propos nous avons dû constater avec un certain étonnement la crainte engendrée à l’époque par les voyages, même en Europe, liée il est vrai aux risques de mortalité du temps. Nous la voyons chez Guyet-Desfontaines, ayant de la peine à le croire craintif de tempérament, quand il rédige son testament à l’âge de 36 ans. Il y écrit que son geste est motivé par un petit voyage qu’il s’apprête à faire, et dont il espère revenir « sain et sauf ».  D’ailleurs son épouse, âgée alors de deux ans de moins que lui, fit de même son propre testament ! (13).

Ils découvrirent les bains de mer, dont la mode a été lancée à leur époque. Un auteur écrivit en effet en 1843 qu’aux Sables-d’Olonne des baigneurs se donnaient rendez-vous sur la plage dans les années 1840 (14). Guyet-Desfontaines et son épouse choisirent un endroit pas trop éloigné de Paris : Étretat sur le rivage de la Manche. 

Ils eurent leur résidence de campagne aussi, délaissant Montrouge pour rester proches de leurs amis installés dans l’Ouest parisien. Ce fut un pavillon, loué semble-t-il dès 1835, à Luciennes (devenu Louveciennes). Le peintre Roqueplan a exposé au salon de 1856 une vue « du pavillon de Louveciennes, prise des hauteurs de Marly et appartenant à Guyet-Desfontaines. » (15)

En 1847 Guyet-Desfontaines achète un château à Marly-le-Roi, à côté de Luciennes. Aujourd’hui disparue, la propriété était située à proximité de celle de la comédienne Rachel, dont le terrain est actuellement occupé par des lycées, à l’orée du parc royal et de l’Abreuvoir. Le chemin de fer de la gare Saint-Lazare à Saint-Germain-en-Laye avait été inauguré en 1837 et son trajet durait 25 minutes. On était proche de la gare de Saint-Germain. 

Dans son livre, Les environs de Paris (1856), Adolphe Joanne écrit : « De la place de l’Eglise (Marly), sur laquelle on remarque une belle maison de campagne, appartenant à M. Guyet-Desfontaines, on atteint en deux ou trois minutes une porte qui donne accès dans la forêt ». Le village de Marly, alors une commune de 1200 habitants, est bâti sur un promontoire dominant d’environ 150 m la Seine, proche. Le château, ou villa "les Délices", a disparu aujourd’hui. Depuis 1830, de nombreuses personnalités s'installèrent à Marly : Geneviève Lambert de Sainte-Olive, veuve du baron Guillaume Dupuytren, Charles Duveyrier dit "Mélesville", Rachel. Alexandre Dumas habitait à Saint-Germain, tout à côté (16).

Villa "Les Délices" à Marly le Roy
À Marly, Guyet-Desfontaines put aussi cultiver, si l'on peut dire, une autre de ses passions : l’horticulture. Ses compétences le font admettre comme membre de la Société d’Acclimatation pour la protection de la nature, dans sa séance du 11 mai 1855 (17). Il engagea du personnel pour entretenir les jardins et les serres, sous les ordres d’un jardinier en chef, Jean Aimé Lesueur (1815-1897). Ce dernier a travaillé ensuite à Boulogne pour le grand parc Rothschild (parc James) (18). Guyet-Desfontaines s’est tellement plu à Marly qu’à partir de la fin des années 1840, il préférait y rester le plus possible plutôt que de retourner à Paris. C’est sans surprise qu’on note sa nomination de maire de Marly-le-Roi du 26 juin 1849 au 4 janvier 1852. Il fut élu conseiller général de la Seine-et-Oise. Les courtes biographies de lui, qui indiquent qu’après avoir perdu les élections législatives de 1848 il s’est « retiré sur ses terres en Vendée », ne sont pas exactes sur ce point.

Marly fut aussi le lieu privilégié d’une passion qu’il partagea avec sa femme : le théâtre. Mais dans le couple, le rôle principal en ce domaine était tenu par elle et nous l’évoquerons à son sujet. On peut cependant noter qu’en pleine Révolution de 1848, l’amour du théâtre et sa réputation en ce domaine, font nommer pour un temps Guyet-Desfontaines membre de la commission devant décider du choix du nouveau commissaire du gouvernement à la Comédie Française. Celle-ci venait de faire elle aussi sa révolution en acclamant le gouvernement républicain et en faisant déclamer La Marseillaise par Mlle Rachel, célèbre comédienne et amie proche des Guyet-Desfontaines. On y célébrait aussi la suppression de la censure sur ses activités et la dissolution de la commission de surveillance du théâtre. En lui confiant cette courte mission, les républicains victorieux de 1848 signifiaient que Guyet-Desfontaines n’était pas un de leurs ennemis politiques.

La politique


La grande passion de Guyet-Desfontaines, en dehors des arts, ce fut la politique.

Il était partisan du nouveau régime de la Monarchie de Juillet. En digne membre de la famille Guyet, Marcellin Guyet-Desfontaines avait applaudi au renversement de la branche aîné des Bourbons. Le nouveau régime avait besoin de gagner à sa cause la circonscription législative des Herbiers en Vendée, où se trouvait Linières sur la commune de Chauché. Elle était représentée par un député légitimiste, ennemi du nouveau régime, Gabriel du Chaffault. À l’époque la fonction de député n’était pas rémunérée, mais Guyet-Desfontaines possédait précisément une fortune suffisante pour lui permettre de se consacrer à cette fonction. 

Par lettre du 1e décembre 1835, l’année d’après sa première élection de député, adressée au roi, Guyet-Desfontaines démissionna de ses fonctions de notaire, en faveur de Me Poumet. Il lui avait vendue son étude pour 380 000 F. L’état des 10 dernières années d’activité compte 3380 brevets et 4486 minutes, soit 7 866 actes correspondant à 68 386,22 F de droits d’enregistrement (19). C’est un peu moins que les 10 années précédentes, peut-être à cause d’un temps trop souvent consacré aux arts par le notaire. Il vécut ensuite des rentes procurées par son important patrimoine.

Il devint député de la Vendée de 1834 à 1848. Son activité de parlementaire est décrite dans mon livre, Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oie, et ses campagnes électorales auprès de ses électeurs ont déjà fait l’objet d’un article spécial sur le présent site,  publié en novembre 2010 : .Le candidat Guyet-Desfontaines aux élections législatives en Vendée (1834-1849).

J. A. Barre : Guyet-Desfontaines
Pour sa participation à ces élections, Marcellin avait son pied à terre aux Herbiers, au château du Bignon, chez un frère de son père, Louis René Guyet (1776-1853). Le manoir du Bignon avait été acquis en 1828 par cet oncle à la famille des vicomtes de Rouault. Le nouveau propriétaire avait entrepris de remanier le pavillon central et sa façade du XVIIe, en ramenant des pierres taillées de l'abbaye de la Grainetière. Voici ce que Louis Guyet écrivait à son neveu, député de la Vendée le 5 avril 1844, parmi des nouvelles diverses des amis et membres de la famille : « Je t’annoncerai que j’ai reçu en apparence bien conditionné deux paniers de vin de champagne (20). À ton prochain voyage dans notre bocage, et lors de ton séjour au Bignon nous nous assurerons si l’intéressé est en aussi bon état, en attendant reçois mes remerciements… Aurais-je le plaisir cette année d’embrasser les bonnes joues dodues de ma nièce. Dis-lui en attendant que je te charge de lui donner un compte de baisers » Et puis il y a toujours les inévitables « pistons » demandés au député : « Timoléon a écrit à A. Guyet pour son frère Adolphe : aura-t-il l’espoir d’être placé ? C’est un jeune homme qui par son âge, la raison de son avancée, est bien longtemps à obtenir un léger avancement. »

Son engagement chez les libéraux conduira, on le sait, Guyet-Desfontaines à participer aux évènements qui préparèrent la Révolution de 1848, mais il n’était pas pour autant du camp des républicains. Il restera fidèle jusqu’à la fin de sa vie à la famille d’Orléans, lui rendant visite dans son exil londonien. On a un texte du petit-fils de son épouse (issu du premier mariage de celle-ci), Marcel de Brayer, à l’âge de 9 ans, rendant visite à la reine en 1851 à Claremont dans la banlieue de Londres, emmené par ses grands-parents.

À Marly-le-Roi, Guyet-Desfontaines utilisa les fonds recueillis par ses soins lors des spectacles privés qu’il organisait dans sa propriété, pour les donner à sa commune dont il fut le maire de 1849 à 1851, à la charge pour celle-ci d’assurer des secours pour les indigents. Et si à Saint-André-Goule-d’Oie on construisait des routes, à Marly le maire perçait de nouvelles rues. Guyet-Desfontaines mis de l’ordre dans les concessions privées des eaux provenant de la machine de Marly. Il a sauvegardé aussi le service de voiture entre Marly et la gare de Saint-Germain, récemment ouvert. Il avait été élu maire par le conseil municipal le 26 juin 1849 par 10 voix sur 11. Il fut aussi élu au conseil général de l’ancien département de la Seine-et-Oise. Il présida son dernier conseil municipal le 18 novembre 1851. Puis il démissionna après le coup d’État du 2 décembre suivant du président de la République se proclamant empereur avec le nom de Napoléon III. Il ne l’aimait pas. De toute façon, la nouvelle loi électorale, qui exigeait une durée de 3 ans (au lieu de 6 mois) de résidence dans la commune, entraînait sa radiation de la liste des électeurs de sa commune. Son changement d’adresse était trop récent (21).

Sa résidence de Marly s’est transformée en résidence principale dans les années 1855/1856. En effet, son hôtel particulier de la rue d’Anjou Saint-Honoré a été détruit en 1861, lors du prolongement du boulevard Malesherbes à Paris. On sait aussi qu’en 1854 il louait une maison rue Duphot à Paris (22), et qu’au moins dès 1855, Guyet-Desfontaines habita dans une maison achetée, située au no 13 de la rue de Tivoli, devenue ensuite rue d’Athènes. Marly a dû constituer un havre de paix, loin des travaux dans Paris et des embarras du déménagement.

Marcellin Benjamin Guyet-Desfontaines est mort à l’âge de soixante ans le 22 avril 1857. La Revue de Bretagne et de Vendée écrit après sa mort : « De son côté le département de la Vendée a perdu récemment deux de ses anciens députés, M. Guyet-Desfontaines et M. Isambert. M. Guyet-Desfontaines était un homme aimable, un homme d’esprit et de talent, et qui savait faire d’une belle fortune un heureux usage : député de la Vendée de 1834 à 1848, puis membre du conseil général de Seine et Oise et maire de Marly le Roi jusqu’en 1851, il est mort à Paris le 22 avril dernier, une huitaine de jours après M. Isambert » (23). La revue, marquée à droite, a salué l’homme au-delà de ses convictions politiques qu’elle ne partageait pas.


(1) Journal L’ami de la Religion et du Roi (1860), page 25.
(2) Lacaine et Laurent, Biographies et nécrologies des hommes marquants du XIXe siècle, tome 7, 1844-66, extrait copié dans les archives privées Fitzhebert (dossier no 11).
(3) Certificat d’exemption du service militaire de Guyet-Desfontaines du 19 mars 1819, archives privées Fitzhebert (dossier no 3).
(4) Dossier de nomination de Guyet-Desfontaines aux fonctions de notaire à Paris, Archives privées Fitzhebert (dossier no 3).
(5) Amaury-Duval, Souvenirs (1829-1830), Plon (1885), page 251.
(6) Nouvelle de France Info du 19 août 2021.
(7) Amaury le père (membre de l’académie des Inscriptions et Belles lettres, écrivain et ancien directeur des Beaux-arts sous Napoléon), Amaury-Duval le frère (peintre reconnu de l’école classique), Alexandre l’oncle (membre de l’académie française, dramaturge à la mode).
(8) Inventaire après le décès de M. Amaury Duval du 19 novembre 1838, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV/776.
(9) Main levée du 15-12-1838 par Mme veuve Boulé au profit de M. Amaury Duval, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV/776.
(10) Actes testamentaires de Marcellin Guyet-Desfontaine, Archives nationales, études notariales de Paris, Me Pitaux : MC/ET/XIV/850. 
(11) Journal l’Indépendant du 26-2-1835.
(12) A. Castelot, Talleyrand ou le cynisme, Perrin (1980), pages 205 et 353.
(13) Idem (10).
(14) E. de Monbail, Notes et croquis sur la Vendée, réimpression en 1978 par Laffitte Reprints de l’édition de 1843, page 154.
(15) Revue universelle des arts 1855 T2, page 82.
(16) Nous avons cité les noms d’amis des Guyet-Desfontaines seulement.
(17) Bulletin de la Société d’Acclimatation pour la protection de la nature (juin 1855).
(18) Lettre de Denis Lesueur, un descendant rencontré sur le web (novembre 2010).
(19) Dossier de démission de Guyet-Desfontaines aux fonctions de notaire à Paris, Archives privées Fitzhebert, (dossier no 4).
(20) Le nombre de bouteilles dans un panier a varié avec les époques. Dans ces années 1840 la technique du bouchonnage des bouteilles de vin de champagne avait fait des progrès avec les capsules.
(21) Emmanuel François, Marcellin Guyet-Desfontaines maire de Marly-le-Roi de 1849 à 1851, dans la revue de la « Société historique, archéologique et artistique du Vieux Marly », 2015, page 69 et s.
(22) Inventaire du 29 mai 1854 après le décès de Mme de Brayer, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV 839.
(23) La Revue de Bretagne et de Vendée (Tome 1-Nantes-1857, numérisé au Harvard college library).

Emmanuel François, tous droits réservés
Octobre 2011, complété en août 2021

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lundi 19 septembre 2011

La rencontre de Marcellin Guyet-Desfontaines et d’Emma Chassériau

Guyet-Desfontaines et son épouse Emma furent propriétaires de Linières de 1830 à 1868. Emma Pineu-Duval s’était mariée à l’âge de 18 ans avec un officier, Adolphe Chassériau. Ce dernier venait de quitter l’armée après la défaire de Waterloo et la Restauration monarchique qui l’a suivie. Il s’était lancé dans une affaire de librairie et d’édition mais il fit faillite. Pour refaire fortune il partit en Amérique du Sud, laissant femme et enfant seuls à Paris. Il est mort à Caracas en 1828.

Académie au quai Conti
Ainsi abandonnée, Emma Chassériau est venue habiter chez son père en 1824, quai Conti. Celui-ci, secrétaire perpétuel de l’Académie des inscriptions et belles lettres, y avait un logement de fonction. Elle y retrouva son jeune frère, devenu depuis le peintre Amaury-Duval, plus jeune qu’elle de 9 ans. Elle avait 29 ans quand elle devint veuve.

Sans ressources, son père étant dans la gêne car il s’était porté caution des créances de son gendre, Emma Chassériau fit face avec courage à sa situation, multipliant ce qu’on appelle aujourd’hui les petits boulots. Elle exécuta des travaux de secrétariat pour Adolphe Thiers, elle confectionna des bourses en filet de soie et des sacs pour dames, vendus auprès d’amis et par un marchand du palais royal, elle donna des cours de chants et de musique. Ce qui ne l’empêchait pas, de temps en temps, de sortir au théâtre (quand elle recevait un billet d’invitation) et de fréquenter les salons de Sophie Gay (une amie de sa mère dont elle était sa filleule) et de Charles Nodier. Elle recevait des amis aussi chez elle, quai Conti, où bientôt, elle eut ses réceptions où se retrouvaient nombre d’artistes.

Devenue veuve, les prétendants ne se firent pas attendre. Au mois de janvier 1829, elle écrit à son frère : « T’avais-je dit que M. Decomberousse devait me présenter le petit de B…, et devait le présenter comme prétendant ? Eh bien ! il est venu mardi. De ta vie tu ne verras un costume pareil : pantalon collant, bas de dentelle, brillants tout le long de sa chemise ; serré à étouffer, vu qu’il est horriblement gros ; claque à la main, chaîne de montre, chaîne de lorgnon, bague à tous les doigts…Enfin, inouï. Il a fait révolution. Tout ce qu’il a dit a répondu à son costume. Associé d’agent de change il n’a parlé que de sa caisse et de rentes ; il m’a offert du jus de réglisse dans une petite bonbonnière en or…Me vois-tu la femme d’un homme comme cela ? C’est que je lui plais excessivement. »

Son frère est en Grèce et au mois de mai suivant, elle lui écrit à nouveau : « L’excellente madame D… va bientôt retourner à Tours ; en la perdant, je vais perdre beaucoup. Est-ce qu’elle ne veut pas me faire épouser un prince ! Me vois-t-tu princesse ? Ma foi ! Cela amuserait. Delphine Gay aussi veut me marier à M. E. de G…. (1) Elle me le vante, elle m’en parle et reparle : si bien qu’il vient chez moi, que je reçois son journal, et tous les livres qui paraissent. »

Deux jours plus tard, dans une nouvelle lettre elle revient sur le sujet : « Maintenant, je te demanderai un mari, puisque tu trouves tant de bonnes choses en Grèce, mais un mari français, bien aimable, bien riche, bien spirituel, bien bon, bien fait, qui comprenne toutes mes folies, et qui m’aime surtout ».

Emma Chassériau fréquentait un oncle, Isidore Guyet, qui avait épousé Félicité Tardy, une sœur de sa mère. Le père d’Emma avait aidé son beau-frère avec des collaborations au journal de La Décade philosophique autrefois, dont il était un des fondateurs. L’oncle était maintenant journaliste au Courrier Français, après être revenu d’un exil à Bruxelles en raison de ses opinions politiques (c’était un opposant aux royalistes et aux Bourbons). Contre la majorité des journalistes de l’époque, c’était un homme cultivé et instruit. Il avait notamment réalisé une bonne édition de Voltaire.

Le père de cet oncle, originaire de Saint-Fulgent, avait été le frère de Simon Guyet, le maître de poste de Saint-Fulgent, le républicain massacré le 14 mars 1793 à Saint-Vincent-Sterlanges par les royalistes. Ce dernier était aussi le grand-père de Marcellin Guyet-Desfontaines, qui allait bientôt hériter du domaine de Linières.

Nous connaissons la suite, le dénouement ne fut pas long chez son oncle par alliance, Isidore Guyet, où Emma Chassériau rencontra Marcellin Guyet-Desfontaines. Écrivant ses souvenirs à Linières dans les années 1880, Amaury-Duval apporte la précision suivante sur la rencontre de sa sœur et de son beau-frère : « aimable homme, spirituel, qui fut touché du récit de cette courageuse existence, aussi de la grâce et du charme que ma sœur possédait encore. Elle n’avait que trente-deux ans. Un amour très vif succéda à l’admiration, et, en 1832, Guyet-Desfontaines mit aux pieds de Madame Chassériau sa brillante fortune. » Tout est dit dans ces quelques lignes. D’abord le souci de la précision et de la vérité de l’auteur, écartant toute emphase, s’effaçant pudiquement derrière son sujet, loin de toute attitude romantique. Sa sensibilité aussi, pour énumérer d’un mot les qualités et les sentiments des protagonistes. Un style dépouillé et sensible, c’est tout l’homme Amaury-Duval. Et qui en dit beaucoup sur la naissance de cet amour. Quand Marcellin rencontre le sourire d’Emma et la vivacité de son regard, il est touché aussi du courage de la jeune veuve abandonnée et dans le besoin. C’est dans son âme qu’un être humain puise son énergie et sa force, on le sait. Chez une femme avec plus d’évidence. Or dans le cœur de Marcellin est gravée une histoire de femme courageuse. Celle de sa mère dans la virée de galerne et parmi les condamné(e)s aux noyades à Nantes.

En 1840, l’historien Jacques Crétineau-Joly, publiera son Histoire de la Vendée militaire en quatre volumes. Il y consacrera une page sur l’histoire de l’ex dame de Linières, sauvée des noyades de Nantes, indiquant que son fils est maintenant député de la Vendée.

Le mariage de Marcellin Guyet-Desfontaines et d’Emma Pineu Duval, veuve Chassériau fit l'objet d'un contrat devant notaire le 21 décembre 1831 (2). Il eut lieu en mairie le 26 décembre 1831 (3).


Adolphe Thiers
Parmi les félicitations reçues par la mariée, nous avons une lettre de Thiers, l’un des hommes politiques parmi les plus marquants du XIXe siècle (4), intéressante à reproduire. Emma connaissait Adolphe Thiers avant que son futur mari, député de Vendée, n’aille le soutenir à la chambre des députés quand il était chef du gouvernement : « Je vous assure qu’au milieu des tourments, des soucis de mille espèces, dont je suis assailli, votre bonheur m’a ému, et réjoui le cœur… Ma satisfaction a été réelle, je l’ai ressentie comme on ressent un bien qui vous est personnel. Si peu d’entre nous, vieux amis que nous sommes, si peu sont heureux, que c’est une fête de régiment quand il y en a un qui arrive au port ! J’irai dîner chez vous mercredi soir. Si je ne suis pas dans l’erreur sur le jour, en tout cas rectifiez ma mémoire. Adieu, soyez heureux, vous me ferez un grand plaisir. Faites agréer mes vœux à votre mari, qui a prouvé en vous choisissant, qu’il vous valait, et ce n’est pas peu de chose.
A. Thiers »

Entrons maintenant dans les aspects matériels de cette rencontre de M. et Mme Guyet-Desfontaines, avec les dossiers des notaires de Paris conservés aux Archives nationales (5). Au moment du décès de sa femme en 1823, le père d’Emma était débiteur de créances hypothécaires sur sa maison de Montrouge pour un montant de 69 400 F. Une partie de ces hypothèques avait concerné M. Chassériau son gendre, mais l’état de la liquidation de ce dernier ne lui laissait espérer qu’un très faible recouvrement de la caution. M. Duval touchait une pension de retraite de l’État de 3 427 F (valeur en 1838). Il dû aussi percevoir des droits d’auteur pour ses livres et ses articles publiés. Nous ne connaissons pas leurs valeurs, mais il est probable que ces revenus irréguliers étaient bien faibles au regard de ses dettes.

Lors de son second mariage avec M. Guyet-Desfontaines, Emma Pineu Duval ne possédait que son trousseau, et son père avait donc beaucoup de dettes. Le contrat de mariage, signé le 21 décembre 1831, prévit la séparation de biens entre les époux. Et Emma Duval ne reçut pas alors de dot de la part de son père, celui-ci n’en ayant pas la capacité. 

Après le mariage, Guyet-Desfontaines, il est vrai fort riche, suppléa aux réclamations des créanciers de M. Pineu Duval. Il fit des avances et paiements pour ce dernier, et prit même le vieil homme chez lui, âgé de plus de 70 ans, qui mourut le 12 novembre 1838. Le portier de l’hôtel lui appartenant avait été mis à la disposition du vieillard. C’est ainsi qu’à la date du 19 août 1836, M. Guyet-Desfontaines était créancier de M. Pineu Duval d’un capital de 29 116,09 F. On comprend mieux maintenant pourquoi la jeune veuve écrivait à son frère qu’elle voulait un mari « bien aimable, bien riche …. ».

Et puis il y avait la petite fille, Isaure Chassériau, âgé de 11 ans au moment du remariage de sa mère. Le décès d’Adolphe Chassériau à Caracas en 1828, a donné lieu à l’ouverture de la tutelle naturelle et légale de sa fille, par sa mère. De plus, il a été procédé à Paris à l’inventaire après le décès de M. Chassériau par Me Chaulin et son collègue, notaires à Paris, le 4 mai 1829, à la requête de sa veuve, ayant agi à cause de ses intérêts nés de la communauté de biens entre elle et son défunt mari, aussi en qualité de tutrice naturelle et légale de sa fille, et enfin comme ayant la jouissance légale des biens de celle-ci jusqu’à ce qu’elle fut émancipée ou qu’elle eut atteint sa 18e année. Étaient présents à cet inventaire un avocat, M. Petit d’Hauterive, subrogé tuteur d’Isaure Chassériau, et l’oncle Isidore Guyet, conseil spécial de la tutrice (marié à une sœur de la mère d’Emma Pineu Duval). Ils avaient été nommés en conseil de famille sous la présidence du juge de paix du 10e arrondissement le 10 mars 1829.

Lors de cet inventaire de la succession, la veuve habitait à Paris chez M. Duval son père, et le mobilier inventorié n’a consisté qu’en quelques objets, linge et hardes à l’usage personnel de la jeune femme, estimés à 402 F. On constata que M. Chassériau aurait dû toucher en 1820 sa part (un quart) dans la succession de sa tante, Marie Jeanne Bertin, pour un montant de 36 384,87 F. Mais le fondé de pouvoir des héritiers de la demoiselle Bertin n’avait toujours pas pu apurer les comptes. Il y avait bien aussi une société de commerce de librairie et d’impression, constituée par M. Chassériau avec un associé nommé M. Devismes, et dont le siège devait être à Carthagène ou toute autre ville de la Colombie. Mais on n’avait pas de nouvelles de l’associé, et on doutait de l’importance de son actif. Tout juste était-on sûr des arrérages échus alors depuis 4 ans environ en 1829, de la pension dont jouissait M. Chassériau sur le fonds de la légion d’honneur, et pouvant s’élever à 1 000 F.

Avant la célébration de son mariage avec M. Guyet-Desfontaines, Mme Emma Duval convoqua la veille le conseil de famille de sa fille mineure, le 20 décembre 1831, présidé par le juge de paix du 10e arrondissement de Paris. Le conseil décida son maintien dans la tutelle de sa fille, ce qui était une décision juridiquement nécessaire à cause de son remariage. Il nomma en même temps M. Guyet-Desfontaines comme cotuteur à cause du futur mariage le lendemain 21 décembre 1831. Par la même délibération l’hypothèque légale de mademoiselle Chassériau, eu égard à la cotutelle de M. Guyet-Desfontaines, a été restreinte sur le château de Linières et « deux métairies contiguës dont les bâtiments sont attenants à la cour du château ». Pour tous les autres immeubles, M. Guyet-Desfontaines en a été affranchi. Enfin la tutelle et la cotutelle ont été complétées par le maintien d’un subrogé tuteur provisoire en la personne de M. Louis Henri Arthur Chassériau, attendu l’absence de M. Petit d’Hauterive, subrogé tuteur en titre (6).

(1) Émile de Girardin, patron de presse, qui épousera bientôt Delphine Gay, la fille de Sophie !
(2) Inventaire après le décès de M. Amaury Duval du 19 novembre 1838, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV/776.
(3) Mariage de Guyet-Desfontaines et Emma Pineu Duval du 26-12-1831, Archives privées Fitzhebert (dossier no 10).
(4) Sous la Monarchie de juillet il fut député, souvent ministre et deux fois chef du gouvernement. Il fut député d’opposition après un bref exil sous Napoléon III. Après la défaite de 1871, il fut désigné comme chef du gouvernement pour négocier avec les Prussiens. Il a été alors le premier président de la IIIe République.
(5) Idem (2).
(6) Tutelle et dot d’Isaure Chassériau, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV/791.

Emmanuel François, tous droits réservés
Septembre 2011, complété en septembre 2017

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mercredi 3 août 2011

Le Coudray à Saint-André-Goule-d’Oie (1250-1789)


Amblard de Guerry
Depuis la publication de cet article en 2011, l’accès récent aux notes d’Amblard de Guerry sur les lieux de Saint-André-Goule-d’Oie nous permet de remonter le temps d’un siècle dans nos recherches, jusqu’en 1342. Les travaux de cet historien sont très importants pour les communes du canton de Saint-Fulgent. Aussi, avant de les utiliser ici dans notre récit sur le bourg, il est juste de le présenter.

Amblard de Guerry (1919-1996) appartient à la famille très connue de Chavagnes-en-Paillers, les Guerry de Beauregard. Son frère, Gilbert de Guerry, a été maire de cette commune de 1942 à 1983, et conseiller général du canton de Saint-Fulgent de 1946 à 1992.

Professeur au Maroc de 1954 à 1988, Amblard de Guerry a en même temps consacré sa vie à la recherche historique et philosophique, réservant à la Vendée et à Chavagnes la première place. Il a fondé l’association « Chavagnes Présence du passé », relancé la Société d’émulation de la Vendée, et co-fondé l’association de la descendance La Rochejaquelein. Il a publié 1988 : Chavagnes Communauté Vendéenne, un livre de 316 pages. Ses autres publications sont des articles historiques et philosophiques dans plusieurs revues.


Les premiers seigneurs connus (v1250-v1580)


Le mot de « coudray », souvent orthographié « coudrais » autrefois, vient probablement du lieu planté de noisetiers, appelés coudriers. Nous savons que le seigneur de Linières possédait au Coudray un bois de haute futaie de vingt-cinq boisselées avant la Révolution. Un autre lieu-dit aux Essarts porte aussi le nom de Coudrais (Coudrais Bertaud), mais aussi ailleurs en Vendée (voir le dictionnaire toponymique sur le site des archives de Vendée).

Dans les papiers anciens, le village portait le nom du Coudray-Loriau, du nom de son fondateur probablement. De cette famille on connaît Aimery Loriau en 1343, clerc de Jean de Thouars, c’est-à-dire son secrétaire ou officier de justice et police. Jean de Thouars était fils de Louis Ier de Thouars, vicomte de Thouars de 1333 à 1370. Il tenait de la baronnie de Montaigu divers droits dans la contrée dont l’hébergement de la Fortecuyère (Boissière de Montaigu) et la ligence de l’Herbergement-Antier (au sud-ouest de Montaigu). À cause de cette dernière il avait des droits au « tènement au Droullin » (bourg) et en deux autres endroits à Saint-André-Goule-d'Oie. Sous lui Aimery Loriau tenait le fief de la Sextenbreische (non localisé) dans la même paroisse (1). À cause de son nom, on suppose que le Coudray fut un tènement à l’origine, concédé ensuite sous hommage à un noble, prenant alors le caractère d’un fief.

Les du Plessis
Vers 1250 Jehanne Guygnère est indiquée dame du Coudray Loriau. Elle était alors veuve et appartenait à une famille noble, étant aussi dame de la Cour Thiré, de Musse (situé à Ligron-Champaumont au nord de la Flèche), et la Boninière (Saint-Martin-des-Noyers ou Saint-André probablement). Elle eut pour fils aîné Jean du Plessis, marié à une Marguerite, d'où Hugues du Plessis marié à Isabeau des Forges (2). « Il est difficile de se reconnaître dans tous les du Plessis vivant à cette époque en Bas-Poitou » écrit G. de Raignac dans sa généalogie Sainte-Flaive (3). Néanmoins, à cause de la proximité géographique, on a relevé que plus tard, en 1443, on trouve une Robinette du Plessis, veuve de Jean Cathus, se remariant avec Regnault de Plouer, descendant d’une famille venue de Bretagne et installée à Saint-Benoist-sur-Mer près de Luçon vers 1392-1395 (4). Regnault de Plouer est seigneur de Saint-Benoist, la Barette (Essarts) dont dépend la Bourolière, Lande Borgère (Vendrennes) et Chopinière (Sainte-Cécile).

Les Racodet
La fille d’Hugues du Plessis et d’Isabeau des Forges, Marie du Plessis, héritière du Coudray, épousa Pierre Racodet. Ce dernier était fils de Regnault Racodet et de Colette des Nouhes, et un frère de Pierre Racodet, Jean, eut une descendance qui 4 générations plus tard revendiqua une part d’héritage dans le fief du Coudray. On connaît 3 enfants à Marie du Plessis et Pierre Racodet : Maurice, Laurence et Catherine. C’est Maurice Racodet, l’aîné, qui fut seigneur du Coudray. Il épousa vers 1390 Marie Vigier, puis devenu veuf, il se remaria avec Louise de Forges. Son fils, Pierre Racodet, fit aveu du Coudray à Jean de Sainte-Flaive à cause du Coin Foucaud (Saint-André). La date n’est pas lisible, mais on peut la situer entre 1405 et 1441 à cause de Jean de Sainte-Flaive, seigneur de Languiller. Cette suzeraineté du Coin, située dans la mouvance des Essarts en ce début du 15e siècle, ne présume rien sur les liens féodaux du Coudray dans la période antérieure. Des bouleversements importants se sont produits au 14e siècle à Saint-André à cause des guerres, épidémies et refroidissement climatique. Voir à ce sujet l’article publié sur ce site en novembre 2011 : Histoire du Coin et du Peux à Saint-André-Goule-d’Oie sous l'Ancien Régime. Le fief du Coudray était tenu à foi et hommage plain et à rachat selon la coutume du pays, et pouvait rapporter par an 15 septiers (37 quintaux) de blé ou environ. L’espace boisé qu’on appellera plus tard la Forêt faisait partie du Coudray, ainsi qu’une métairie. Le village et tènement voisin de la Bergeonnière était tenu du Coudray (5).

Pierre Racodet, écuyer et seigneur de la Cour de Thiré, épousa Marie Garinière. Veuve, elle demeura à Chiré (Chiré-en-Montreuil), comme ce fut probablement le cas aussi du temps de son mari. Le Coudray n’était donc pour ses propriétaires qu’un héritage géré sur place par un fermier.

Les Audayer
Près du logis du Coudray côté nord (06-2015)
Leur fille, Léonide Racodet, épousa avant 1470 Pierre Audayer (6). Ce dernier, descend de Jean Audayer seigneur de la Gazelière, et s’était marié une première fois en 1430 avec Claire de Parthenay. Après la mort de Leone Racodet, et après 1471, il se remaria avec Jeanne Grignon. Pierre Audayer était, vers 1470, chevalier seigneur de la Maisonneuve à Montournais (7).  Avec Jeanne Grignon il eut Louise, Jeanne et François. Ce dernier épousa Jeanne Mauclerc en 1499 à Apremont et devint le seigneur du Coudray, aussi de Gazelière et Maisonneuve. Il est mort avant 1525, date d’un aveu de Jeanne de Mauclerc présenté aux assises des Bouchauds et du Coin Foucaud (8). Sa sœur, Jeanne Audayer épousa Louis Sauvestre, seigneur de Clisson. Son autre sœur, Louise Audayer, épousa François de Beaumont en 1507, seigneur des Dorides. Le petit-fils de ces derniers, François de Beaumont, épousa Nicole Chasteigner, dame de la Jarrie, Merlatière et Raslière. François Sauvestre et Philippe de Beaumont, firent des querelles d’héritages à leur oncle et tante, François Audayer et Jehanne Mauclerc. Ils ne furent pas les seuls. Bertrand de Forges, petit-fils de Maurice Racodet remarié à Louise de Forges, émit des prétentions.

François Audayer et Jeanne Mauclerc eurent deux enfants, Jean et Loys. Jean l’aîné épousa une dame Brunetière et mourut sans enfant. Loys Audayer, seigneur de Tourton et la Maisonneuve en 1522, épousa Louise de la Tijouère.

Jean Audayer a offert sa foi et hommage plain pour le Coudray à cause du Coin à l’Assise de Languiller le 12 décembre 1532. Il donna ensuite procuration à son fermier de la métairie du Coudray, Colas Boisseau, pour rendre son aveu le 18 décembre 1533 (9). En 1537 il dû payer le rachat advenu au profit de Languiller à cause du décès de son père François Audayer, augmenté des frais de justice et d’une amende (10), fixé le tout à 4 livres, alors que le seul rachat se montait à une livre.
 
Son frère, Loys Audauyer,  rendit un aveu pour le Coudray en 1550 à Languiller à cause du Coin Foucaud. On y lit que le fief contenait 8 boisselées en jardin, 8 journaux de pré et 16 septerées de terres, bois et pacages, le tout faisant environ 36 hectares d’aujourd’hui, et qu’il devait un service annuel de 10 sols à la Saint-Jean-Baptiste (11). Loys Audayer aussi est mort sans enfant. Par l’extinction du lignage de Maurice Racodet, le Coudray revint à la sœur puinée de ce dernier, Laurence. Elle avait épousé Eutrope Vigier, et leur arrière-petit-fils, Bertrand Vigier, hérita de domaines qui comprenaient pour ce qui provenait de ses aïeux Pierre Racodet et Marie du Plessis : l’hôtel et maison noble de la Cour de Thiré, l’hôtel de la Musse assis à Ligron Champaumont, les terres des Brières, l’hôtel de la Boninière, la Petite Barbotière, et le Coudray Loriau. Aux cousins Beaumont et Sauvestre déjà cités plus haut pour contester l’héritage, se joignirent d’autres cousins très éloignés : les descendants de Catherine Racodet, sœur de Maurice, mariée à Gilles de la Forge, et aussi encore plus éloignés les descendants de Jean Racodet, frère de Pierre Racodet marié à Marie du Plessis près de 2 siècles plus tôt (11). Parmi eux, une Jeanne Thomas obtint un temps la possession du Coudrais Loriau, comme on le voit dans un aveu de 1572 (12). Au final le Coudray fut vendu à Toussaint Menanteau à la fin du 16e siècle.

Toussaint Menanteau (v1580-v1617)



Blason des Menanteau
Toussaint Menanteau n’acheta pas la Bergeonnière avec le Coudray. Les possesseurs de droits seigneuriaux sur ce tènement rendirent leur déclaration noble à Languiller, pour raison du Coin Foucaud, directement, et le lien avec le Coudray n’exista plus. C’est ce qu’on constate dans un aveu de 1617. On en déduit que le seigneur de Languiller, probablement non servi pendant la querelle d’héritage, fit une saisie féodale du droit de fief sur la Bergeonnière. On voit aussi qu’en 1618 les possesseurs du village de la Forêt firent une déclaration roturière directement à Languiller (13). Toussaint Menanteau, désigné dans des actes comme sieur du Coudray et de la Girardière, serait né vers 1550 (14). C’était un noble semble-t-il. À la même époque le fermier de la baronnie des Essarts s’appelait aussi Toussaint Menanteau, habitant dans le bourg des Essarts. Nos recherches ne nous ont pas permis de faire un lien entre les deux hommes, et nous en restons à l’idée de deux personnes différentes. Dans le registre des assises de Languiller en 1572 on rencontre un Toussaint Menanteau dont le mot désignant son office dans la baronnie des Essarts a disparu avec le support grignoté à cet endroit. Seul subsiste la lettre « g » (15). Était-il Gouverneur ?

Toussaint Menanteau s’est marié avec Gilone de Gazeau de la Brandasnière, fille de Jean Gazeau (1520-1597) et de Jacquine Vigier (16). Un généalogiste a pu établir que Gilone Gazeau était une descente du roi Louis VI le Gros (roi de 1108 à 1137) à la seizième génération (17).

La branche de la Brandasnière est la troisième de cette famille Gazeau à cette époque. Une tante de Gilone, Louise, avait épousé Alexis Royrand, seigneur de la Patissière (Boufféré) en 1540 (18). Son frère aîné, Léon Gazeau, un marin remarqué, fut seigneur de la Boutarlière (Chauché), qui restera la propriété de ses descendants. Son deuxième frère, François Gazeau, fut l’auteur de la branche du Plessis et des Grandes Maisons. Il épousa Suzanne Royrand le 6 janvier 1583 (19), qui lui apporta la terre de la Limonière de Chavagnes-en-Paillers. Son troisième frère, Jacques Gazeau, fut l’auteur de la branche de la Couperie et du Ligneron. Parmi les descendants de ce dernier, on trouve le futur seigneur de Saint-Fulgent, Louis Gabriel Gazeau, qui assassina J. de Montsorbier en 1719 et vendit la châtellenie de Saint-Fulgent à un négociant nantais en 1720. Gilone de Gazeaux eut aussi deux sœurs : Esther et Lydie.

Toussaint Menanteau et Gilone de Gazeaux eurent au moins une fille née en 1575, Suzanne, et un fils, Sébastien, né en 1580. Sébastien se maria avec Marie Chitton.

Gilone Gazeaux était morte à la date du mariage vers 1597 de sa fille (20).

Les Royrand (1617-1717)


La première foi et hommage de Christophe Royrand, marié à Suzanne Menanteau, pour le Coudray, a été présenté à l’Assise de Languiller le 23 octobre 1614, probablement peu après le décès de son beau-père Menanteau. Il le renouvela le 4 novembre 1617 au nouveau seigneur de Languiller, Maximilien Eschallard, suite au décès en 1616 de feu Philippe Eschallard (21).

On trouve des Royrand dans le Bas-Poitou dès le 14e siècle, un peu partout, possédant des fiefs nobles dès le 15e siècle, à Chauché (Bel Air), Chavagnes (Limonière), Saint-Denis-la-Chevasse (Amblardière, Essiré, Cantetière), Saint-Fulgent (la Roussière), etc. (22). L’historien Guy de Raignac a décrit plusieurs familles portant ce nom, notamment celle d’Alexis Royrand qui épousa Louise Gazeau en 1540. Un Jean Royrand tenait le fief de l’Anssonnière aux Essarts en 1542 à cause de sa femme, Recotte Cicoteau (23). Leur descendance s’établit un temps à la Petite Roussière de Saint-Fulgent en 1627. Le premier général de l’armée du centre pendant la guerre de Vendée en 1793, Charles Aimé (1726-1793), est issu de cette branche. Les Royrand du Coudray sont originaires de Chauché, certains étant qualifiés de sieur de Bel Air. L’inventaire après-décès du prieur Moreau de Saint-André en 1666 nous apporte des précisions complémentaires sur cette famille (24).

Christophe Royrand (1575-1622) habita le Coudray, apporté en dot par sa femme, Suzanne ou Guyonne Menanteau (1575-1642), fille de Toussaint Menanteau. En 1603 la Faguelinière (les Herbiers relevant du Tréhant) est à Christophe Royrand, il en rend aveu en 1604. Sa veuve, Suzanne Menanteau, fut dame de la Faguelinière. Mais en 1607 un aveu pour la Coumaillère, dépendant de la Faguelinière, est rendu par Pierre Royrand pour lui et ses cohéritiers (25). Avant 1621 Cristophe Royrand et Suzanne Menanteau arrentèrent, moyennant 80 livres de rente foncière annuelle et perpétuelle, la moitié du fief métairie de la Faguelinière. Il l’avait eu par partage de la succession de son père, Audet Royrand, sa mère s’appelant Renée Girard. L’acquéreur était Jean Maillocheau, qu’on retrouve seigneur de la Faguelinière plus tard, à moitié avec son beau-frère Thomas Jousselin, seigneur de Seré. L’acte fut signé au Coudray (17). Le 5 avril 1622 Christophe Royrand et Suzanne Menanteau vendirent leur rente de 80 livres pour le prix comptant de 1600 livres à Pierre Royrand sieur des Marchais. L’acte a été passé au tènement des sept Septiers, juridiction de Saint-Fulgent, près de la Gatolière (26). La fille de ce dernier reçut une reconnaissance en 1674 pour la rente de 80 livres d’Éleazar de Goulaines, écuyer seigneur de l’Orvouere et de la Faguelinière, demeurant en sa maison noble du Chastellier, paroisse des Herbiers.

Christophe Royrand, sieur du Coudray, a rendu un hommage à Languiller en 1617 à cause de la seigneurie du Coin, du village du Coudray Loriau, à deux deniers de service annuel et à rachat abonné à vingt sols. Son hommage ne comprend plus alors la Forêt et la Bergeonnière (27).

Christophe Royrand et Suzanne Menanteau eurent au moins Esther, Pierre, Jean, Jonas et Samuel.

Esther Royrand est née à Saint-André en 1605 (vue 3/247 du registre paroissial numérisé de Saint-André-Goule-d’Oie accessible sur le site internet des Archives de Vendée). Sur le registre paroissial de Chauché, on relève son mariage, le 14 juillet 1626 (vue 19/049) avec Pierre Basty, (inhumé à Chauché en 1645) sieur de Villeneuve, fils de feu Jean Basty et de Catherine Durand, sieur et dame de Maurepas, à Chauché. Esther a été enterrée dans l’église de Chauché le 6 avril 1648 (vue 62/084), et sa filiation avec le roi Louis VI s’est transmise à ses descendants, habitants de Chauché.

Pierre fut baptisé à Saint-André le 26 novembre 1622 (vue 62/247). Le parrain est le prieur de la paroisse, Pierre Baudry. Nous n’en savons pas plus sur lui, et nous ne savons rien sur son frère Samuel Royrand, sinon qu’il était vivant en 1644 (28), et en 1651 quand il vendit sa part du fief du Coudray (voir plus loin).
Suzanne Menanteau a été inhumée à Saint-André le 14 avril 1642 (vue 3/045), vingt ans environ après la mort de son mari.

Jean Royrand (v1600-1669)
Blason des Royrand
Jean Royrand, seigneur du Coudray et de Bel Air (Chauché), a été repéré par sa descendance. Il s’est marié avec Anne Trochon, qui a été inhumée à Nalliers le 25 septembre 1661 (vue 132/163). Jean Royrand a été inhumé dans l’église de Saint-André le 4 juillet 1669 (vue 24/45). Le 22 janvier 1657 il vendit une maison à la Bergeonnière et à cette occasion on voit qu’il habitait à Bel Air à Chauché lieu qui passa à la Rabatelière (20). Ils avaient eu au moins un fils, Pierre, né le 22 juillet 1646 (vue 121/247) à Saint-André. La marraine est sa tante Esther, dame de Villeneuve. C’est probablement lui qui s’est marié plus tard avec Marguerite de Verdaille. Lors de son inhumation le 26 janvier 1702 (vue 19 à Chauché), celle-ci est notée épouse de Pierre Royrand, écuyer sieur de Bel Air et y demeurant. Ils eurent pour enfants : Marie baptisée à Chauché le 3 novembre 1673, Pierre baptisé le 22 août 1677 et Jacques baptisé le 5 octobre 1684.

Jonas Royrand
Il est parrain en 1645 à Saint-André, sieur de la Martinière (probablement de Chauché avant son passage à la Rabatelière). Il s’était marié avec Élisabeth Grelier, avec qui il a eu deux enfants, baptisés à Saint-André-Goule-d’Oie : Jean d’abord, né le 1e novembre 1652 (vue 144/247), puis Pierre, né le 18 janvier 1656 (vue 153/247). Ce dernier est mort à Saint-André le 25 janvier 1692 (vue 123/175).

Ils sont aussi peut être les parents de Bénigne Royrand, qui se maria à Chauché le 26 février 1660 (vue 45/049) avec René Fourestier, écuyer, seigneur des Coustraux, de la paroisse de Nalliers. C’est à Nalliers que seront baptisés deux de leurs enfants, dont leur fille Marie, baptisée 18 août 1665 (vue 402). Elle a pour parrain Jean Royrand, seigneur du Coudray

Un inventaire des meubles de Jonas Royrand et de d’Élisabeth Grellier son épouse, a été fait le 3 juillet 1651 par Benoît, notaire à Saint-Fulgent (29).

Par sentence du 24 septembre 1667, les deux frères Jonas et Jean Royrand, écuyers, ont été maintenus nobles. Leur blason portait : d'azur à une rencontre de buffles d'or accompagnée de trois étoiles de même, deux en chef et une en pointe (30).

On voit aussi une fille Royrand mariée à Jacques Mandin (cette dernière famille possède beaucoup de ramifications dans la paroisse de Saint-André et son patronyme revient souvent à cette époque).

Élisabeth Grellier a été inhumée à Saint-André-Goule-d’Oie le 29 novembre 1672 (vue 43/045) et son mari Jonas Royrand a été inhumé le 24 février 1687 (90/175) en présence de Jean Royrand son fils, Louis Proust sieur de la Barre et Pierre Arnaudeau (gendre), sieur de la Brunellière (gendre).

Jean Royrand, le fils aîné de Jonas, écuyer et sieur de la Nouhe s’est marié avec Marie de La Personne à Saint-Fulgent le 13 juillet 1673 (vue 18/043). Elle était la fille de feu noble homme Nicolas de la Personne et de feue Anne Petit. La sœur de Marie, Jeanne, épousera Pierre Arnaudeau, sieur de la Brunellière, notaire et syndic de Saint-Fulgent.

Jean Royrand et Marie de La Personne eurent un fils prénommé Pierre, et baptisé à Saint-André-Goule-d’Oie le 29 février 1676 (vue 4/027), où Pierre Moreau, sieur du Coudray, fut parrain (31). Ils eurent aussi une fille, Anne, baptisée à Saint-André le 9 avril 1679 (vue 5/175) et inhumée dans le cimetière de la paroisse le 11 avril 1713 (vue 168/171) à l’âge de 34 ans.

Marie de La Personne fut enterrée dans l’église de Saint-André le 16 février 1717 (vue 30/253). Indiquons à cette occasion que c'est en 1777 qu'intervint la loi interdisant les inhumations dans les églises pour des raisons d'inconfort, et plus généralement pour rétablir l'hygiène dans les églises. Seuls y sont désormais acceptés, les archevêques, évêques, curés, hauts justiciers et fondateurs de chapelles (32).

Les Moreau (1620-1729)


Avec Marie de la Personne disparaît la présence des Royrand au Coudray. Son mari, Jean Royrand, avait vendu une borderie au Coudray à Pierre de Vaugiraud, le dernier des fils de Renée Moreau, à une date inconnue. Le 2 juin 1699 il avait arrenté devant notaire à Fontenay-le-Comte la maison du Coudray et ses dépendances, ainsi qu’un autre domaine non précisé à Artus Corbier et à sa femme, bourgeois de Fontenay-le-Comte et y demeurant (33). Celui-ci s’était marié avec Marie Moreau, fille de Louis Moreau, sieur de Villeneuve et auteur de la branche cadette des Moreau. Bien plus tard, le 12 novembre 1744, son fils Louis Corbier demeurant au Coudray, consenti à Marie Legeay, veuve de Louis Common (capitaine des vaisseaux du roi) demeurant à la Jaudonnière, un nouveau titre de la rente de vingt livres due pour supplément de partage sur le village du Coudray Loriau, et sur d’autres domaines, étant de la succession de feu Jean Royrand, seigneur de la Nouhe.


Nous ne disposons pas des actes de vente ou d’arrentements. Leur existence seulement nous est connue dans d’autres actes qui les mentionnent. Moyennant quoi, il est difficile d’avoir une vue précise de la transmission du fief du Coudray. Mais essayons d’approcher la réalité de plus près.

L’histoire de cette famille de riches bourgeois, habitant le bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, a été racontée dans notre article publié sur ce site en juin 2014 :Les Moreau de Saint-André-Goule-d’Oie du 16e au 18e siècles. François Moreau acheta en 1620 des terres au fief du Coudray pour un modeste montant de 38 livres (34). Ses deux fils, Jacques et René Moreau, achetèrent dans ce village une maison appelée la Cave en 1636 (35). Jacques Moreau seul fit affaire avec Jean Roirand en 1641 pour une petite somme de 22 livres, et on n’en sait pas plus (36). La principale métairie du Coudray, attachée au logis des seigneurs, n’appartenait plus à ces derniers au début du 17e siècle. C’est Jeanne Crémois, femme de Jacques Thomazeau sieur de la Maison Blanche, qui la vendit dans un échange à Pierre Moreau, prieur de Saint-André en 1657, frère de Jacques et René précédemment cités (37). Cet échange est probablement à relier avec une dette de Jeanne Crémois à l’égard du prieur, qu’elle reconnaissait dès 1645 pour la somme de 1 655 livres (38).

Le prieur venait régulièrement dans la maison de sa métairie, ayant pour voisins Jonas Royrand et sa femme Élisabeth Grellier (39). Le prieur avait fait un échange avec Samuel Royrand, frère de Jonas, en 1651, pour acquérir de ce dernier sa part du fief du Coudray. Il y eut d’autres acquisition des Moreau au fief du Coudray, à voir les héritages, ayant probablement échappé aux archives conservées.

Après le décès du prieur en 1665, la métairie du Coudray passa à son neveu Louis Moreau sieur de Villeneuve, qui vint y habiter. Sa belle-mère, Jeanne Masson, était dite dame du Coudray (40), devant y posséder elle aussi des biens. Ensuite la métairie échue en héritage à sa fille Marie Moreau et à son gendre Artus Corbier, après 1676.

Louis Moreau, dit sieur de Villeneuve, était le fils de René Moreau, habitant de Saint-André-Goule-d’Oie. Son frère Jacques Moreau, dit sieur du Coudray et auteur de la branche aînée, fut sénéchal de Saint-Fulgent et fermier ou procureur fiscal de Linières. Celui-ci maria en 1650 sa dernière fille, Renée, avec René de Vaugiraud, seigneur de Logerie à Bazoges-en-Paillers. Dans la succession de Jacques Moreau on trouve une portion de droits de fiefs à la Boninière (Saint-André) « étant de l’hérédité du dit feu seigneur du Coudray », comme il se faisait aussi appeler alors qu’il n’était pas noble (41). Son fils Pierre Moreau acquit d’autres droits féodaux sur des domaines situés à Saint-André, et provenant du fief du Coudray. Son petit-fils Claude Moreau possédait une métairie au Coudray, estimée en capital à quatre mille cinq cent livres en 1726 (42). Elle n’est pas à confondre avec celle de son cousin, héritée du défunt prieur de Saint-André.

On voit ainsi que le fief du Coudray, avec ses domaines et ses droits féodaux, a été vendu par portions et progressivement au profit de plusieurs membres de la famille Moreau. La branche aînée, née de Jacques Moreau, dont les aînés étaient sieur du Coudray, s’est éteinte avec le décès de Claude Moreau en 1729. Ce dernier était alors ruiné, et son héritier naturel, le fils puîné de Pierre de Vaugiraud, a d'abord refusé l’héritage devant notaire en 1740. Les biens de Claude Moreau ont été vendus par ses créanciers à partir des années 1730. Mais Pierre de Vaugiraud acheta à Jean Royrand, seigneur de la Noue, une métairie au Coudray, qu'on retrouve dans la succession de Jean de Vaugiraud en 1814, faisant 19 hectares. S'y trouve aussi une petite maison à un étage avec son jardin.


Les Corbier au Coudray (v1680-1767)


La branche cadette des Moreau, née de René Moreau, sieur de Villeneuve, a conservé et augmenté ses domaines au Coudray, passant par mariage aux Corbier.
Le père d’Arthus Corbier était Jacques Corbier (fils de Pierre Corbier et de Marie Gobin), docteur en médecine à Fontenay (43). Il avait épousé en 1648 Claude Pascaud, fille du procureur royal de Fontenay. Il est mort avant 1682, père de sept enfants.

Arthus Venant Corbier, né le 1e novembre 1654 à Fontenay, se maria deux fois :
-          avant le 10 mai 1689 avec Marie Moreau, fille de feu Louis Moreau, sieur de Villeneuve à Saint-André-Goule-d’Oie. Elle est décédée après juin 1699.
-          le 27 juin 1703 avec Françoise Louise Billaud (née en 1668) dans la paroisse de Notre- Dame à Fontenay-le-Comte (vue 267/287). Elle était la fille de feu Henri Billaud, juge magistrat au siège royal de Fontenay et de Louise Giraud. Arthus Corbier habitait alors au Coudray.

De ce mariage naquit le 22 décembre 1705, baptisé à Notre-Dame de Fontenay, un fils prénommé Louis (vue 77/270). Il resta fils unique avec la mort de son père neuf mois plus tard. Celui-ci fut enterré dans l’église Notre-Dame de Fontenay-le-Comte le 27 septembre 1706 (vue 106/270).

Sa veuve Louise Billaud s’est remariée le 7 octobre 1709 à Notre-Dame de Fontenay (vue 216/270) avec Alexandre de Roannes, écuyer, seigneur des Margues, capitaine au régiment de dragons de Bonelles, présent alors à la garnison de Fontenay, âgé de 35 ans. Il était originaire de la paroisse de Lacaune dans le diocèse de Castres.

Louise Billaud demeurait à Fontenay le 27 septembre 1713, puis elle est venue habiter au Coudray avec son mari et son fils, né Corbier. Le couple ne semble pas avoir eu d’enfants. Alexandre de Roannes fut inhumé dans le cimetière de Saint-André-Goule-d’Oie le 14 mars 1735 (vue 156/253), étant alors chevalier de l’ordre de Saint Louis.

Louise Billaud vivait encore en 1741, alors veuve de A. de Roannes. Mais elle connut des difficultés d’argent et elle dû créer cette année-là, avec son fils Louis Corbier, sur ses domaines de Saint-André-Goule-d’Oie, une rente de 220 livres en contrepartie d’une somme perçue de près de 4 400 livres (44). 

Son fils, Louis Corbier, sieur de Beauvais, bourgeois demeurant au Coudray, épousa à Foussais Charlotte de Puyrousset, par contrat du 17 septembre 1738 (45). Elle était la fille de Paul de Puyrousset, sieur du Deffend (né en 1642 à la Jaudonnière) et de Jeanne Mesnage, maintenu noble en 1715. Paul était le fils de Jacob de Puyrousset (1610-1683), sieur de la Brelaizière (Jaudonnière). L’ancêtre Puyrousset avait été un des pairs de la ville de la Rochelle (46). Sur le registre de Saint-André on note les naissances de deux filles de Louis Corbier et de Charlotte de Puyrousset, mais aucune ne survécut :
-          le 7 juillet 1739 (vue 208), naissance de Louise Corbier, décédée au Coudray le même jour,
-          le 25 octobre 1741 (vue 242), naissance de Louise Charlotte. Elle est morte le 28 juin 1744 (vue 27/275).

Le couple a été parrain et marraine plusieurs fois lors du baptême d’enfants de métayers de la paroisse et pour celui d’un voisin du Coudray le 12 janvier 1743 (vue 252/25) : Louis René Loiseau, fils de René et Marie Gaspard.

On a du mal à distinguer la métairie qu’il possédait au Coudray d’une borderie qu’il y possédait aussi. Soit on appelait métairie ce qui n’était qu’une borderie de surface plus réduite, soit il avait deux exploitations distinctes. On n’a pu trouver qu’une ferme de borderie en 1750, pour 5 années (1751-1756), à partage à moitié des récoltes (47). Le notaire avait écrit d’abord le mot « métairie », puis en grosses lettres, comme pour le cacher, il écrit par-dessus le mot « borderie ». Soit il rectifiait une erreur d’inattention, soit après coup il mettait en cohérence la désignation avec le montant estimé de ses revenus annuels, 90 livres, qui était bien celui d’une borderie. La valeur servait à calculer l’impôt royal du vingtième. Les preneurs sont Jacques Piveteau et Louis Chataigner son gendre, laboureurs, demeurant à la Baritaudière, qui remplacent le fermier sortant, un nommé Cauneau. Les clauses du bail reprennent celles qu’on trouve habituellement sous la plume des notaires de Saint-Fulgent. Néanmoins, on constate un petit arrangement de voisinage. Les preneurs au bail garderont sur les prés et dans le toit de la borderie une vache appartenant au bailleur, seulement la journée. Elle passera la nuit dans le toit du bailleur. De plus les preneurs fourniront la litière pour la vache les cochons et les chevaux du bailleur. Ils pourront profiter du fumier en retour, sauf celui des chevaux. Dans le même temps on lit que les cens et devoirs en argent seront payés par moitié entre eux, contrairement à l’usage qui les mettait en totalité à la charge des fermiers. L’habituelle clause des corvées dues au bailleur contient une précision peu fréquente : le fermier fournira une femme à toutes les lessives que le bailleur fera.

Louis Corbier présenta en 1753 aux Assises de Languiller la foi et hommage pour le Coudray. Il a dû à cette occasion payer 29 années d’arrérages de services annuels et aussi un arriéré de droit de chambellage ou droits de mutations (48). Comme d’autres à cette époque, nobles et roturiers, il n’était pas à jour de ses obligations seigneuriales.

Louis Corbier décéda au Coudray à l’âge de 57 ans, le 13 novembre 1761 (vue 195/275). Il avait fait son testament en faveur de sa femme dix jours auparavant, le 3 novembre 1761, sentant sans doute sa mort venir (49). Charlotte de Puyrousset est morte sans postérité, avant le 7 mai 1784. On la voit en 1763 faire une demande en exonération du paiement de l’impôt royal de la taille, au motif qu’après la mort de son mari, elle aurait repris sa condition de noble qu’elle avait perdue en épousant un bourgeois, ce qui l’exonérait en conséquence du paiement de cet impôt. Nous avons raconté l’histoire dans notre article publié sur ce site en septembre 2013 : Les assemblées d'habitants à Saint-André-Goule-d’Oie au 18e siècle.

René Loizeau (1767-1788)


Village du Coudray
En 1762 Charlotte de Puyrousset loua le domaine du Coudray à son voisin René Loiseau, marchand. Le 8 septembre 1765, celui-ci afferme la « métairie » du Coudray pour 6 ans (1766-1772). Les fermiers sortants ne sont pas indiqués et les nouveaux sont Françoise Loizeau, veuve de Jean Testaud, André, Jean et Françoise Testaud, frères et sœurs et ses enfants, demeurant tous à la Bergeonnière. La ferme est aussi à partage à moitié des récoltes, et les clauses sont les mêmes que 15 ans plus tôt au temps de Louis Corbier, sans particularités qui permettraient de conclure que nous avons à faire à la même exploitation. Cette fois-ci le revenu annuel de la ferme est estimé à 140 livres par an (50). Le partage des fruits, dépendant des aléas de l’exploitation, autorise une approximation, impossible avec les fermes à prix d’argent. C’est pourquoi, on ne dispose pas d’assez d’éléments pour affirmer qu’il s’agit de la même exploitation que la précédente affermée en 1750. Cela est néanmoins probable.

René Loizeau acheta par arrentement le 29 décembre 1767 de Me Henri Billaud sieur de Gallerand ses domaines et rentes qu’il avait dans la paroisse de Saint-André : maison noble et métairie du Coudray, borderies au Pin, aux Gâts et à Villeneuve, et diverses terres et rentes à la Maigrière et la Bourolière (51). 

En 1777 René Loizeau fit une reconnaissance de la rente de 220 livres créée en 1741, et venue à la charge de Me Pierre Henri Billaud, sieur de Gallerand, héritier en partie de Louis Corbier et de Louise Billaud. C’était un frère de Louise Billaud. René Loizeau avait repris cette rente avec la propriété des domaines sur lesquels elle était due, comprenant la maison et métairie du Coudray Loriau, une borderie au Pin, une autre aux Gâts et une autre à Villeneuve, une vigne à la Maigrière et des domaines à la Boninière. À ces domaines s’ajoutaient 3 rentes : 13 livres et 1 sol en argent, plus 3 livres de beurre, 6 livres et 2 chapons, et plus 6,33 boisseaux de seigle. Ces rentes représentaient un revenu annuel d’environ 26 livres. René Loizeau devait la rente de 220 livres à Suzanne Marie Aimée et Anne Brethé, filles majeures et héritières de Jean Victor Brethé, chevalier seigneur de Laubretière, et de Suzanne Aimée Girard. Elles habitaient à la Guignardière de Sainte-Florence-de-l’Oie. C’est Suzanne Girard qui avait versé l’argent en 1741 (52).

La fille de René Loizeau (1711-1788), Jeanne (1751-1830)), se mariera en 1790 avec François Cougnon (1766-1848), capitaine de paroisse durant la guerre de Vendée, et fils du métayer de la Guérinière. Incendié par une colonne infernale pendant la guerre de Vendée, le logis du Coudray fut restauré ensuite (53). Nous avons publié sur ce site en septembre 2014 un article décrivant le logis du Coudray en 1762 : L'ancien logis du Coudray au 18e siècle à Saint-André-Goule d’Oie. Le mois d’après un autre article décrit son intérieur (mobilier, chauffage, éclairage, hygiène, habits, linges, équipements) : Le standing au 18e siècle d'un bourgeois de Saint-André-Goule d’Oie. Enfin en mars 2013, s’agissant de Louis Corbier : La bibliothèque d’un bourgeois de Saint-André-Goule-d’Oie en 1762.

Pour terminer l’histoire du fief du Coudray, indiquons que le fils de François Cougnon, prénommé aussi François (1792-1858), qui fut maire de Saint-André-Goule-d’Oie de 1826 à 1829, mourut sans enfant. Sa propriété fut reprise par un cousin, Chaigneau, puis un gendre de ce dernier, Grolleau, dont les propriétaires actuels sont les descendants.


(1) Aveu en 1343 de Jean de Thouars à Montaigu (roi de France) pour des domaines à Saint-André, no 389, Archives d’Amblard de Guerry : classeur d’aveux copiés aux Archives Nationales.
(2) Note no 5 sur le Coudray à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2. 
(3) Archives de Vendée, G. de Raignac, Généalogies vendéennes des familles, de Sainte-Flaive : 8 J 49, page 11.
(4) http://famillesdevendee.fr/plouer.html
(5) Note no 1 sur le Coudray à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(6) Idem (2).
(7) A. Gouget, Armorial du Poitou, Niort (1866), page 162 : Montournais (élection de Fontenay) : Charles Audayer, seigneur de la Maison-Neuve, porte de gueule à la croix ancrée d’or.
(9) Assises de Languiller et fiefs annexes en 1532, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/M 22, pages 299 et 300. Ibidem en 1533 : 150 J/M 22, pages 320 et 321.
(10) Ibidem en 1537 : 150 J/M 22, page 536.
(11) Archives de Vendée, travaux de G. de Raignac : 8 J 101, aveu de Languiller et autres fiefs aux Essarts le 2 juillet 1605, page 72 et s.
(13) Déclaration roturière du 3-4-1618 d’André et René Chatry à Languiller pour des domaines à la Forêt Loriau, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150 J/G 64.
(14) Voir le site internet : Loipri.over-blog.com
(15) Assise de Languiller en 1572, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150J/M 43, page 23.
(16) E. de Lauzon, Généalogie de la maison de Gazeau, Luçon (1911), page 16 et s.
(17) Idem (14).
(18) Archives de Vendée, G. de Raigniac, Quelques familles anciennes du Bas-Poitou depuis longtemps éteintes, 1ere série (1976) : 8 J 1, les Royrand, page 122 et s.
(19) Louis Pierre d'Hozier, Armorial général de la France, 1741, registre second, première partie, page 463.
(20) Idem (18).
(21) Assise de Languiller en 1617, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150J/M 36, page 18 et 37.
(22) Idem (18). 
(24) Inventaire après-décès de 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, pages 71 et 72
(25) Note no 7 sur le Coudray à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 2.
(26) Inventaire après-décès de Louis Corbier de Beauvais du 8 au 13 février 1762, notaire de Saint-Fulgent, Frappier 1761-1764 : 3 E 30/3.
(27) Note no 6 sur le Coudray à Saint-André-Goule-d'Oie, Archives d'Amblard de Guerry : S-A 2. 
(28) Note no 20 sur la Bergeonnière à Saint-André-Goule-d’Oie, Archives d’Amblard de Guerry : S-A 1.
(29) Idem (24).
(30) Colbert de Croissy et Barentin, État du Poitou sous Louis XIV, page 469. 
(31) Cet acte de baptême est indiqué dans deux registres de la paroisse de Saint-André-Goule-d’Oie : baptêmes avril 1603 – août 1675 (vue 245/247) et baptêmes, mariages, sépulture 1676-1677 (vue 4/027). Ils portent le même nom, la même date, écrite de deux manières différentes, avec les mêmes parrains et marraine.
(33) Idem (24).
(34) Inventaire après-décès de 1666 du mobilier, vaisselle, linge et papiers de Pierre Moreau, Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, page 137.
(35) ibid. page 136.
(36) ibid. page 137.
(37) ibid. page 70.
(38) ibid. page 33.
(39) ibid. page 25, 28 et 130.
(40) Archives de Vendée, chartrier de Roche-Guillaume, famille Moreau : 22 J 29, copie du
testament de Louis Moreau, sieur de Villeneuve du 7 mai 1676.
(41) 22 J 29, partage de la succession de Jacques Moreau entre ses enfants le 1-10-1667.
(42) 22 J 29, sentence d’ordre du 9-9-1727 des syndics des créanciers de Moreau et Menard.
(43) Archives départementales de Vendée, J. Maillaud, Notes généalogiques (T. 10).
(44) Reconnaissance du 28-6-1777 d’une rente de 220 livres due par René Loizeau aux Delles Brethé. Archives de la Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/121.
(45) Archives départementales de Vendée, études notariales de Foussais-Payre, étude de François Fonteny en la châtellenie du prieuré de Foussais (1737-1738) : 3 E 61/3.
(46) Idem (43).
(47) Ferme du 25-10-1750 d’une borderie au Coudray par Corbier, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/113.
(48) Assise de Languiller en 1753, Archives de Vendée, chartrier de la Rabatelière : 150J/M 37, pages 12 à 14.
(49) Idem (26).
(50) Ferme du 8-9-1765 de la métairie du Coudray par Loizeau, Archives de Vendée, notaires de Saint-Fulgent, Thoumazeau : 3 E 30/118.
(51) Ibidem notaires de Saint-Fulgent, Bellet : 3 E 30/123, reconnaissance du 15-11-1778 d’une rente sur la Bourolière à Loizeau. 
(52) Idem (44).
(53) G. de Raignac, De châteaux en Logis, itinéraires des familles de la Vendée, Bonnefonds (1991).


Emmanuel François
Août 2011, complété en août 2023

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