samedi 2 avril 2011

Pierre François Mandin, adjoint au maire de 1826 à 1830


Pierre François Mandin remplace François Fluzeau, comme adjoint du maire de Saint-André-Goule-d’Oie, à une date que nous ne connaissons pas. Ce dernier est mort en 1824. Mandin apparaît dans cette fonction dans des registres conservés aux Archives à partir du 1e janvier 1826, le maire étant alors François Cougnon. Il restera adjoint du maire suivant nommé dans les deniers temps de la Restauration monarchique : Léon de Tinguy. Mandin démissionnera, comme le maire, en 1830 pour protester contre l’arrivée du nouveau roi citoyen, Louis Philippe, après que la Révolution de juillet 1830 eut détrôné Charles X. Le maire et son adjoint étaient au service du gouvernement depuis la constitution de l’an III en 1795, y compris dans une composante partisane. Les changements de régimes entraînaient donc fréquemment des changements de partisans chez les maires et leurs adjoints.

Dans les archives de la paroisse on relève que Pierre François Mandin fut membre du conseil de la fabrique de Saint-André dès 1805. Il signera un procès-verbal de la fabrique le 10 avril 1836 comme président, trois ans avant son décès. Mais c'est sa vie de combattant vendéen qui a laissé plus de traces et mérite d’être racontée.

François (le prénom Pierre est parfois oublié) Mandin, a été capitaine dans l’armée vendéenne, ce qui pour un paysan le fait sortir du lot. Dans le contrôle nominatif des anciens officiers, sous-officiers et soldats vendéens blessés, qui sont proposés pour recevoir les secours accordés par l’ordonnance royale du 3 décembre 1823, on relève le capitaine Mandin Pierre François, né le 25 février 1769. Il y est dit qu’il « a fait les premières campagnes. »

Dans un autre document on note que Mandin Pierre François, « capitaine, distingué, a commandé des volontaires en corps d’élite. » En 1828, un nouveau contrôle nominatif le dit toujours capitaine, avec la notation : « A passé la Loire. Mérite. » Il est le 3e capitaine connu de Saint-André dans les armées vendéennes, après François Cougnon du Coudray et François Fluzeau de la Brossière. Nous avons publié leur biographie sur ce site.

Les recherches de l’historien Alain Gérard sur la guerre de Vendée montrent les manipulations et mensonges véhiculés parfois avec de faux documents. Ainsi en est-il de la déclaration, il est vrai particulièrement « trop belle pour être vraie », de Westermann, triomphant après le massacre de Savenay. Nous ne pouvons plus la reprendre sans tenir compte des travaux d’A. Gérard. Il en est de même avec les méticuleuses vérifications d’A. de Guerry à propos de la participation des frères Royrand aux combats de la guerre de Vendée. C’est pourquoi nous reprenons cet article pour le rectifier sur ces deux points.

Sa famille


Pierre François Mandin est né le 25 février 1769 à Saint-André-Goule-d’Oie et est décédé le 21 janvier 1839 dans la même commune. Il était fils de François Mandin (1745-1829) et de Marie Roger (1745-1809), demeurant au bourg de Saint-André.

Son père était sacristain de la paroisse et sa présence est fréquente sur les registres clandestins (1793-1794) du prieur Allain, alors que ce dernier était obligé de se cacher à Chavagnes-en-Paillers, au village de la Maigrière ou dans la forêt de Gralas. Il enterrait les morts et devait sans doute suppléer à l’absence du prêtre dans ces circonstances pour conduire quelques prières. Le grand-père, Jean Mandin (1711-1756) et l’arrière-grand-père, François Mandin (1681-1756), étaient aussi sacristains. Le père de ce dernier l’était aussi, ainsi que nous avons pu le relever sur le registre paroissial de Saint-André en 1670 (voir page 79 de mon livre). Et l’avant-dernier de ses fils, Jean Mandin, le sera aussi. Cette fonction de sacristain constituait un emploi partagé avec celui de cultivateur, longtemps resté dans la même famille.
Pierre François Mandin était l’aîné d’une famille de 8 enfants dont 6 survivants.

Pierre François Mandin dans les premiers combats des gens de Saint-André-Goule-d’Oie


Il a fait partie des jeunes gens de Saint-André-Goule-d’Oie qui se sont engagés sous les ordres de Charles de Royrand (1726-1793), demeurant alors à la Burnière de Chavagnes-en-Paillers. Le « bounhomme Rouérand », comme l’appelaient les paysans, était un ancien officier du régiment de mousquetaires de Navarre, puis d’Armagnac. Il avait été blessé à la bataille de Raucoux (1746) et avait été distingué par le titre de chevalier de Saint Louis. Il fut proclamé à Saint-Fulgent par les paysans des environs comme leur général, en même temps choisi par d’autres chefs de bandes, officiers comme lui venant d’autres régions du bocage. Il remporta la première bataille rangée des révoltés vendéens contre des troupes de ligne le 19 mars 1793. En septembre 1793, son territoire du centre de la Vendée étant tenu par les bleus, il se joignit à l’armée des Mauges et participa ensuite, par discipline militaire et malgré ses convictions, à la Virée de Galerne, où il y mourut. Un autre frère Royrand, Charles Augustin, fut fusillé à Vannes en 1795 après le désastre de Quiberon, trois jours après son neveu, Charles César.

François Mandin se retrouva aussi en compagnie d’un autre « gouledoisien », officier membre de l’état-major du général de Royrand, propriétaire au bourg de Saint-André-Goule-d’Oie, Jean Aimé Jacques de Vaugiraud. Celui-ci était né à Mortagne le 4 janvier 1753 et avait été officier de marine, comme le vice-amiral Pierre René Marie de Vaugiraud (1741-1819), son cousin. Son père était Jean Gabriel de Vaugiraud, chevalier seigneur du Coudray en 1753, et sa mère Marie Jacquette Boutiller.

Maurice Maupilier, dans son livre sur l’Histoire de Saint-Fulgent, raconte que vers la fin de 1792 les rapports de police signalent dans la région de Montaigu la présence d’Aimé de Vaugiraud qui se cache dans ses terres (il était noble). Cité à comparaître devant le directoire du département de la Vendée, il ne se présente pas. Le 2 mars 1793 le directoire se plaint que le district de Montaigu ne fait rien pour le chercher. Ambroise Martineau, membre du directoire du département, charge alors son frère Benjamin, membre de la municipalité de Saint-Fulgent, en vertu de ses fonctions, de « requérir la force publique » pour exécuter l’arrêté d’arrestation de Vaugiraud. La brigade de Saint-Fulgent n’a pas pu intervenir : la maison de Vaugiraud à Saint-André était gardée par un rassemblement de paysans que Benjamin Martineau qualifie, pour se justifier, de « formidable ».

Les administrateurs nomment alors Rouillé pour rechercher Vaugiraud. Il réquisitionne des citoyens de Fontenay membres de la garde nationale. Les « soixante hommes furent enveloppés en un clin d’œil » (selon Mercier du Rocher) à Saint-Fulgent par des paysans. Il n’y eu pas de bataille mais une fuite de Rouillé et de ses hommes, suivis par Benjamin Martineau et son beau-père Simon Charles Guyet, pour se protéger des insurgés.

Vaugiraud assista le général de Royrand au moment de sa mort le 5 décembre 1793, près de Baugé, après qu’il eut été blessé à la bataille de Granville. Il réussit à repasser la Loire et continuera d’habiter le bourg de Saint-André (il est parrain en 1806 et témoin d’un mariage en 1808).

Comme Aimé de Vaugiraud, et avec d’autres hommes de Saint-André, François Mandin participa à la Virée de Galerne. Citons aussi François Girard (natif de la Chevaleraye) qui fut chargé au Mans par le généralissime de La Rochejaquelein, de retourner en Vendée porter une lettre à Charette lui demandant des secours. Il réussit à rejoindre ce dernier, mais trop tard pour empêcher le désastre de la Virée de Galerne.

Cependant, tous les jeunes de la paroisse ne passèrent pas la Loire. Ainsi le capitaine de paroisse, François Cougnon, fit le choix avec d’autres, de rester pour se battre dans l’armée de Charette et celle du Centre reconstituée par Sapinaud de la Rairie.

Dans la Virée de Galerne


Jules Girardet : La défaite de Cholet
L’expression signifie que les combattants et les fuyards, femmes et enfants (on sait que la vicomtesse de Linière en faisait partie), ont traversé la Loire à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) en octobre 1793, pour se diriger en direction du Nord. Le vent de galerne désignait le vent du nord. Cette traversée a été comme une fuite éperdue, après une défaite militaire, pour rejoindre un hypothétique débarquement d’alliés sur la côte normande. Elle a concerné 35 000 hommes combattants, traînant avec eux 15 000 femmes, vieillards et enfants.

Commencés spontanément en divers lieux en mars 1793, les premiers combats vendéens furent victorieux jusqu’à la défaite devant Nantes en juin 1793. Après la défaite devant Cholet en octobre 1793, les combattants des armées d’Anjou et du Poitou (sauf Charette qui était resté dans sa contrée de l’ouest de la Vendée), suivis de celles et ceux qui fuient les incendies et les massacres, ne savent pas où aller. Deux chefs suggèrent alors de rejoindre le Maine où des partisans devraient venir les renforcer. Du 18 octobre au 23 décembre, une longue colonne de Vendéens alla jusqu’à Granville où elle échoua à prendre la garnison. Sans l’aide promise inconsidérément, elle reflua ensuite chez elle dans un cortège de misères, se fit massacrer devant le Mans (où la vicomtesse de Linière a été sauvée par un jeune chef : Forestier) et courut éperdue vers la Loire. Des 50 000 Vendéens qui ont traversé le fleuve deux mois plus tôt il ne reste plus que 15 000 survivants. Devant Ancenis ils échouent à passer la Loire, bien gardée par les républicains.

L’historien E. Gabory indique que « la faim, la dysenterie en tuèrent plus que le fer ; rien ne les fit trembler. Ils battirent Kléber, Marceau, Westermann en dix rencontres : ils s’emparèrent d’une dizaine de villes. Sans vivres, sans vêtements, ils parcoururent 170 lieues de chemin en moins de deux mois. Ils traînaient avec eux des femmes, des enfants, des vieillards, des malades- tout un peuple -et leurs difficultés étaient surhumaines. Nulle défaite ne fut plus glorieuse. »

Le massacre de Savenay


Bloqués devant Ancenis, alors ils fuient vers Savenay en passant par Nort et Blain pour rejoindre la Bretagne, où peut-être ils pourront trouver refuge. Ils ne sont plus que 7 000, dont 5 000 en état de se battre. Ils se retrouvent le 22 décembre à Savenay. Au sud, la Loire immense et infranchissable, à l’est l’ennemi qu’ils fuient, au nord des marécages vers la Vilaine, à l’ouest les immenses marécages de la Grande Brière. Vers 13 h les soldats du général républicain Westermann arrivent aux avant-postes vendéens qui ont résolu de vendre chèrement leur vie. À la nuit tombée les républicains cessent le combat malgré leur supériorité en nombre, mais craignant leurs adversaires dans les combats nocturnes.

Le 23 décembre au matin Westermann se frotte les mains, les bleus sont maintenant à quatre contre un. Les Vendéens attaquent les premiers, prennent deux pièces de canon. Pliant sous le nombre, ils sont refoulés dans Savenay, où le combat continue au corps à corps, furieux. Peu d’entre eux peuvent s’échapper, environ 2 000 Vendéens y réussiront. Les autres sont voués au massacre. La chasse à l’homme durera huit jours. Pour l’abréger, on promet la vie sauve à ceux qui se rendront : 1 200 fugitifs s’y laissent prendre : ils sont fusillés au bourg de Savenay.

François Mandin présent a réussi à s’échapper du massacre de Savenay. Son évasion de cet enfer a été racontée dans un livre publié à Abbeville en 1894 : « Paysans et ouvriers – Héros et martyrs », par C. Paillart, Imprimeur-Éditeur. Voici l’extrait intitulé « Les deux Mandin » :

« Nés à Saint-Fulgent, au village de la Chaunière (1), les deux cousins ne se ressemblent guère. L’aîné fit toute la grande guerre et passa la Loire : il se conduisit en vrai Vendéen pendant cette lamentable campagne d’outre Loire et parvint à échapper au désastre de Savenay. Monté avec un autre Vendéen dans une moitié de barrique, il se laissa aller au cours de l’eau et parvint à aborder sur la rive gauche de la Loire, cette nuit-là, la lune brillait de tout son éclat, les fugitifs furent aperçus pendant leur périlleuse navigation par les chaloupes armées qui défendaient les rives du fleuve. Malgré les balles qui sifflaient à leurs oreilles, les hardis navigateurs firent une heureuse traversée, et après avoir couru maints dangers parvinrent à rejoindre Saint-Fulgent. »

Sa femme dans les épreuves de la guerre


À son retour François Mandin épousa le 11 janvier 1798 (ou 21 nivôse an VI - vue 16 à Saint-André) la veuve de son ancien camarade de combat, François Cougnon, un cousin des frères Cougnon, les intrépides capitaines de paroisse de Saint-André-Goule-d’OieIl était mort à la bataille de Savenay. Leurs arrière-grands-parents étaient communs.

Au sujet des morts à la bataille de Savenay, il faut rappeler qu’un certain nombre de prisonniers furent emmenés à Nantes et fusillés dans les fameuses carrières de Gigant. En souvenir des fusillés à Gigant, eux et les autres, une rue de Nantes, située à l’emplacement de ces tragiques carrières, porte le nom de « rue des martyrs ». Elle est située entre la rue du colonel Desgrées du Lou et la rue Bouchaud. Et une stèle, conservée près du trottoir d’un immeuble moderne au no 7 de la rue des martyrs, existe toujours. Une croix en fer y est incrustée, et deux inscriptions y sont gravées : « 1793-1794 » et « passants priez pour eux ». Un petit espace devant la stèle n’a pas été pavée pour y lasser pousser des fleurs (2).

La veuve de François Cougnon s’appelait Jeanne Guilmineau. Le contrat de mariage fut passé devant le notaire des Essarts, Vincent Frappier, le 9 frimaire an VI, soit le 29 novembre 1797 (3). Suivant l’usage, tous les proches parents, oncles, frères et sœurs, cousins, sont présents des deux côtés et cités dans le contrat de mariage. Celui-ci a pour objet de faire entrer le nouvel époux dans la communauté existante entre la mariée et son jeune fils âgé de six ans, né de son premier mariage. La part du marié, égale à chacune des deux existantes de la mère et du fils, est évaluée à trois cent francs, que devront verser ses parents.

La Bergeonnière
Il éleva aussi l’orphelin survivant, Pierre François (4). Le couple vécut au village de la Bergeonnière et eut ensuite quatre enfants : Pierre né le 15.09.1799, Jeanne Françoise née le 17.12.1802 et décédée le 25.10.1803, Jeanne née le 25.09.1804 et décédée le 22-10-1805, Geneviève Jeanne née le 08.05.1808.

Son épouse, Jeanne Guilmineau, après avoir perdu son premier mari, vit elle-même la mort de près. L’Abbé Charpentier, dans son ouvrage (1906) : « Saint-André-Goule-d’Oie - Chez nous en 1793 », rapporte l’anecdote suivante, parlant de la femme Mandin : « Un jour, sur le seuil de la maison de Mandin, des cavaliers bleus qui passaient, obligèrent sa femme, Jeanne Guillemineau, à se mettre à genoux. Ils voulaient la fusiller. Le premier lui tire un coup de pistolet : le pistolet rate. Le second l’ajuste : le pistolet rate encore. Un troisième lui met son arme sur le front : le pistolet rate toujours… » La scène s’est déroulée au village de la Bergeonnière. Elle a été rapportée par la petite-fille de Jeanne Guilmineau, Véronique Gilbert (habitant la Rabatelière) à l’auteur, quelques dizaines d’années après les évènements, et écrite par lui. On ne peut donc pas garantir l’authenticité des détails. Mais il n’y a aucune raison de mettre en doute l’exactitude du fait lui-même.

Dans les « Chroniques paroissiales » des abbés Aillery et Pontdevie (1891), les auteurs racontent un autre épisode de la guerre de Vendée concernant ce Mandin qui avait « échappé au désastre de Savenay et passé la Loire sous le feu des chaloupes canonnières ». Voici en résumé ce qu’ils écrivent.

Illustration de la revue 
du Souvenir Vendéen
La maison de ce Mandin, ou plutôt de sa future femme Jeanne Guilmineau, a été épargnée lors du passage d’une colonne infernale au mois de mars 1794 à la Bergeonnière. L’histoire de ce « miracle » commence au soir de la bataille de Chauché du 2 février précédent, gagnée par les Vendéens sous les ordres du général Charette, contre trois colonnes infernales, l’une venant de St Fulgent, l’autre des Essarts et la troisième venant de St Denis la Chevasse. À l’issue des combats, Charette donna l’ordre d’exécuter un prêtre assermenté et un inconnu soupçonné d’être un espion (5). L’exaspération avait monté parmi eux avec les tueries des colonnes infernales. L’heure était désormais dans le camp vendéen à la vengeance. Au soir de la bataille, un capitaine des « bleus » s’égare dans les champs en voulant se cacher des poursuites des cavaliers vendéens. Il arrive au village de la Bergeonnière et frappe à une porte pour demander l’hospitalité. C’est la maison où loge Pierre François Mandin, revenu lui aussi de la bataille de Chauché. Il accepte de lui donner à manger et de le loger pour la nuit. Le lendemain matin, il le conduira vers Saint-Fulgent. Sur ce dernier détail le narrateur a sans doute simplifié après coup, car Mandin n’a habité chez sa femme normalement qu’à partir de 1798.

Deux mois plus tard, la colonne militaire du général Grignon (ou de Dufour selon le comte de Chabot, les deux semblent avoir sévi à Saint-André-Goule-d’Oie) remonte de Chantonnay vers Montaigu. À partir de l’Oie, les destructions sur le côté gauche de la Grande Route sont confiées au capitaine sauvé par Pierre Mandin. La troupe arrive ainsi au village de la Bergeonnière et son capitaine reconnaît tout de suite la maison hospitalière où il fut hébergé au soir de la bataille de Chauché. Il place une sentinelle devant pour la protéger. Toutes les maisons du village furent incendiées sauf celle de Jeanne Guilmineau, rapportent les auteurs du récit un siècle plus tard.

Jeanne Guilmineau est décédée à la Bergeonnière le 28 octobre 1828, à l’âge de 60 ans. Elle avait fait son testament le 9 septembre 1726 devant Guesdon, notaire à Saint-Fulgent (6). Elle habitait alors au Coudray, étant déjà malade, probablement dans la maison des parents de son deuxième mari. Elle lègue tous ses biens à son mari. Le même jour, son mari a dicté son testament au même notaire (7). Comme elle, il laisse tous ses biens au conjoint survivant.

On relève la déclaration de succession de Jeanne Guilmineau dans les registres de l’Enregistrement au bureau de Montaigu à la date du 10 avril 1829 (6).

Il avait été nommé à la nouvelle fabrique de la paroisse en 1805/1806, constamment réélu jusqu’en 1836 ensuite, année où il est président (7). En plus de sa fonction d’adjoint au maire, on voir par là que le personnage était considéré parmi les siens. 

Devenu veuf, Pierre François Mandin s’est remarié le 10 février 1835 à Saint-André (vue 55) avec Marguerite Grolleau. Il avait alors 66 ans, quatre ans avant sa mort en 1839. L’aîné de ses enfants, Pierre, est témoin du mariage sur le registre. La nouvelle épouse a 52 ans alors ; elle est veuve elle aussi, de André Lumineau. Elle est la fille de Jacques Grolleau et de Jeanne Pouzet. Jacques Grolleau était meunier à la Boutinière et cette famille a été profondément éprouvée, elle aussi, par les massacres des bleus (vue 137 en 1827 sur le décès de sa mère Jeanne Pouzet).


(1) : Il y avait aussi un François Mandin à Saint-Fulgent, qui n’a rien à voir avec celui de Saint-André, ce qui a entraîné l’erreur ci-dessus sur la bonne personne.
(2) Pageot Auguste, Nos rues nantaises, Nantes 1952, cité par l’abbé Boisson, Archives historiques du diocèse de Luçon : 7 Z 113, iconographie et notes biographiques de Vendéens.
(3) Archives de Vendée, notaires des Essarts, étude (B) Vincent Frappier (1782-an VII), Contrat de mariage de François Mandin et Jeanne Guilmineau du 9 frimaire an VI vues 147 et 148 sur le site internet des Archives.
(4) Le petit fils de François Cougnon fit ériger en 1886 un calvaire en mémoire de son aïeul mort à Savenay le 21 décembre 1793. L’édifice, situé sur la route de Chauché au carrefour de la Porcelière, a été restauré par l’association Le chant de la Pierre en 2008.
(5) Lionel Dumarcet, François Athanase Charette de la Contrie, une histoire véritable, édition Le grand livre du mois, 1998, p. 321.
(6) Archives de Vendée, notaires de St Fulgent, étude Guesdon : 3 E 30/21, testament de Jeanne Guilmineau du 9-9-1826 et testament de Pierre François Mandin du 9-9-1826.
(7) Archives de Vendée, déclaration de succession au bureau de Montaigu le 10 avril 1829 vue 32.
(8) Inventaire des effets et mobiliers appartenant à l’église de Saint-André-Goule-d’Oie pour l’an 1836, ibidem : carton no 28, chemise II.

 Emmanuel FRANÇOIS, tous droits réservés
Avril 2011, complété en août 2023

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mercredi 2 mars 2011

Marcel de Brayer, maire et poète de Saint-André-Goule-d’Oie.

Nous avons publié en janvier et février 2011 le journal du jeune maire de Saint-André-Goule-d’Oie relatant sa vie dans la commune, et principalement les évènements de la guerre de 1870/1871. Un peu après, Marcel de Brayer, puisqu’il s’agit de lui, écrit un texte retrouvé comme brouillon dans ses archives personnelles, pour évoquer sa vie à Linières. Il a l’apparence d’une lettre à un ami, mais qu’importe, c’est le poète qui s’exprime. Voici ce qu’il observe de la campagne de Saint-André-Goule-d’Oie, au temps des bougies, il y cent quarante ans. En voici le texte, ou plutôt le projet de texte, un premier jet (1) :

« Nous nous sommes promis mon cher ami de nous communiquer par lettre toutes les impressions que les circonstances diverses feraient susciter dans nos deux vies…

La vie que je mène ici est vous le savez fort monotone, loin de la ville et d’une route fréquentée, notre château n’offre comme distraction que la ferme et les bois qui l’entourent. Il faut aimer la campagne pour s’y plaire, tout y est calme, tranquille, et l’on oublierait vite les hommes si les liens du cœur ne vous attachaient à quelques-uns d’entre eux. Aussi n’attends pas dans les lettres que vous recevrez de moi des impressions bien variées, celles que j’éprouve ici dans mes courses au milieu des bois, qui suivent de cette existence solitaire, sont de ces impressions que l’on sent, mais qu’on ne peut décrire.
Eglise de Saint-André-Goule-d'Oie

C’est un point de vue, un horizon changeant à chaque minute d’effet et de couleur, comme les flots de la mer. C’est une clairière au milieu des bois toute remplie de la vapeur légère du matin, c’est le soleil le soir avant de disparaître sur la cime des grands arbres et les toits de chaume de la ferme, c’est la cloche de l’église voisine qui sonne à cette heure de demie obscurité qui précède la nuit. Ce sont ces mille voix de la nature qui sont si douces à qui les entend, si chères à qui sait les comprendre. Vous riez habitants de la ville, et vous m’appelez poète et rimeur. C’est que vous ne comprenez rien à ce que je vous dis. Vous qui ne connaissez que la lumière des bougies d’un bal ou le pâle soleil qui enchante les villes et vos rues, chers citadins que vous êtes, que devez-vous vous moquez de nos bougies !

Mais je vous ferai grâce de toutes ces belles choses qui ne sont pas à votre hauteur, prenez ceci comme vous l’entendez…

Vous savez quel a toujours été mon goût pour la politique, non comme application, mais comme conviction. Cette science qui apprend aux hommes à se régir en société a toujours eu d’attrait pour moi.

Ici dans ma solitude je passe en rêve tous ces sujets…C’est une bien belle et bien noble tâche que cette recherche des meilleures lois par lesquelles se puissent gouverner les hommes. Mais c’est une tâche aussi qui nous montre d’une façon bien désillusionnante le peu de perfection dont nous sommes capables…Vous ne savez pas combien il est doux de rêver à toutes ces choses sous l’ombrage de mes arbres chéris, au milieu de ces campagnes charmantes que le soleil rend si fécondes, le cœur et les yeux remplis de cette harmonie de la nature, qui, celle-là du moins, ne se trouble jamais. »

On sait que le paysage du Bocage a disparu à Saint-André-Goule-d’Oie à la fin du 20e siècle avec le remembrement des parcelles foncières. Petites et dispersées, leur agrandissement était nécessaire à l’utilisation plus facile et rentable du tracteur agricole et des autres outils de travail modernes. La survie des exploitations exigeait un abaissement des coûts de production. Du coup on arracha les haies et le Bocage disparu, offrant à la vue un paysage dénudé tout nouveau. Très vite, on s’aperçut qu’on était allé trop loin en oubliant les bénéfices apportés par les haies à l’agriculture. Certes, on n’avait plus besoin de bois de chauffage, ni d’alimenter l’artisanat en matière première. Mais les haies filtrent et absorbent l’eau, protègent de l’érosion des sols, et nourrissent la faune nécessaire à la terre.

Il n’est pas le lieu ici de savoir si on aurait pu sauvegarder certaines haies. Déjà que le nouveau découpage froissa des intérêts de propriétaires, alors comment choisir les haies à conserver ? Certains d’entre eux replantent des arbres maintenant.

Pour accompagner les mots du poète Marcel de Brayer, il est intéressant de ressusciter ce Bocage disparu grâce à un Vendéen de souche, Edmond Bocquier (1881-1948). Originaire de Chaillé-sous-les-Ormeaux, enseignant, homme de lettres, journaliste, érudit, voici des extraits d’un de ses écrits en 1901.

« La campagne est un système palpable, animée, vivante, où l’âme se plaît à admirer, à se reposer, à vivre. Je veux parler de la campagne boisée, accidentée, sillonnée de rivières encaissées et pittoresques, d’une terre sauvage comme le Bocage …

Des haies, des champs, des collines de chez nous, il se dégage comme une essence légère, ce charme intime qui agit tant sur l’âme, cette poésie, qui le pénètre et captive …

Mais ici, l’artiste ce n’est plus l’homme, mais le Bocage lui-même, le sauvage et mélancolique poète aux milles voix, qui parle par ses vallées ombreuses, ses chemins encaissés, ses chênes aux plaintes susurrantes, par ses habitants même et leurs travaux.

…. Mais cette mélancolie semble s’allier à quelque chose de fantastique et d’un peu sombre … L’esprit populaire, essentiellement inventif et lyrique, l’esprit du « bocain » surtout, un peu froid et naïf, ne pouvait mieux placer ses légendes bizarres, ses contes, ses farouches histoires de sortilèges, d’évocations, de revenants, que dans ce Bocage mystérieux et sauvage, au cadre rude et sévère. … Nos arbres aussi ont leur poésie, et j’ose le dire, j’en ai presque le culte, amoureux que je suis des vieux noms, des vieilles choses, de tout ce qui a vécu et souffert, de tout ce qui a un nom et une place dans le passé …

Mais ce qui charme le plus dans notre Bocage, ce sont les grands coteaux et les landes recouverte de genêts aux cimes ondoyantes et aux fleurs jaunes … Jadis nos aïeux, les Pictons, et les fiers gaulois du pays d’Herbauges, chantaient les louanges des vieux chênes … Les fiers Celtes, les druides austères, les Immobiles sacrés, ne sont plus : mais le Bocage aura encore, parmi les humbles, des bardes naïfs et inspirés pour chanter ses beautés et les travaux et ses robustes enfants… » (2).



(1) Lettre à un ami de M. de Brayer, Archives de la société éduenne d’Autun, Fonds Amaury Duval : K8 36.
(2) Edmond Bocquier, Le Petit Poitevin, 26-9-1901, p 19.

Emmanuel François, tous droits réservés
Mars 2011, complété en juillet 2024

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Palluau, juin 1832 : Le juge de paix a peur

Le 2 juin 1832, la jeune épouse parisienne de Guyet-Desfontaines, le propriétaire de Linières sur la commune de Chauché, avait écrit en Vendée à un cousin de son mari pour s’inquiéter des menaces d’insurrection courant dans la région. C’est la lettre de réponse du cousin que nous publions ici, datée du 6 juin 1832.

L’auteur de cette lettre, Benjamin Charles Martineau est alors juge de Paix à Palluau. Il était né à Saint-Fulgent le 13 février 1792. Il était le fils aîné de Catherine Guyet, mariée à Benjamin Martineau, médecin et républicain au comportement extrémiste dans les années 1790/1799 à Saint-Fulgent. Catherine est la sœur aînée de Joseph Guyet, celui-ci ayant acheté Linières en 1800 à sa future femme, l’ex vicomtesse de Lespinay. Benjamin Martineau est donc cousin du fils de Joseph Guyet et Félicité du Vigier de Mirabal : Marcellin Guyet-Desfontaines, marié depuis le 26 décembre 1831 à Emma Duval (1) (à qui est adressée la lettre). Entre les Martineau et les propriétaires de Linières, la proximité familiale et politique est ancienne, allant jusqu’à loger un temps les Martineau à Linières en 1798/1799. Plus tard, dans les années 1844, Emma Guyet-Desfontaines hébergera des petits-cousins Martineau, venus faire leurs études à Paris.

Palluau
L’auteur de la lettre a commencé par être notaire à Machecoul, puis il s’est marié en 1824 avec Mlle Lansier demeurant à La Chapelle-Palluau, où il est venu habiter. Il venait d’être nommé juge de paix du canton de Palluau, peu de temps avant la date de la présente lettre que nous publions. Il sera élu au conseil général de la Vendée.

Le principal sujet évoqué dans cette lettre porte sur les troubles en Vendée de juin 1832Après le renversement de Charles X en juillet 1830, les oppositions politiques s’exacerbent en Vendée plus qu’ailleurs, à cause de la guerre de 1793/1799, des souvenirs qu’on s’en est construits dans les deux camps ennemis et des soubresauts qui l’ont suivie, notamment en 1815.

Les « militants » royalistes légitimistes, nombreux en Vendée et soutiens des Bourbons renversés, pensent à reprendre les armes contre les « militants » "libéraux" qui soutiennent majoritairement le nouveau roi installé, Louis Philippe, de la famille des Orléans. Le père de ce dernier, rallié aux révolutionnaires et qui se faisait appeler Philippe Égalité, avait voté la mort de Louis XVI en 1793. Le 21 novembre 1795, Charette avait écrit au général Dumouriez, qui lui conseillait de se rallier au duc d’Orléans, futur Louis Philippe : « Dites au fils du citoyen Égalité qu’il aille se faire foutre. » C’est dire si les passions politiques pouvaient s’alimenter aux événements du passé. Les administrations et l’armée sont aux ordres du nouveau pouvoir parisien, et les descendants des révolutionnaires ont une revanche à prendre sur le camp d’en face après quinze ans de Restauration monarchique par les frères de Louis XVI. La vie démocratique, qui exige par nature du consensus, est vécu comme un combat par les Français depuis 1792, d’où leur difficile et laborieuse éducation en la matière tout au long du XIXe siècle et même une partie du XXe siècle, nous semble-t-il.
           

 Drapeau blanc des légitimistes      Drapeau tricolore des orléalistes et républicains

Le terme de « libéraux » désigne à l’époque les opposants aux Bourbons de la branche aînée : ils ont été républicains en 1793, en majorité bonapartistes en 1800. Beaucoup sont désormais orléanistes, se situant dans le camp du soutien aux idées et acquis de la Révolution française, comme les Guyet qui possèdent Linières et leurs cousins Martineau et Grandcourt de Saint-Fulgent. Napoléon leur a imposé le respect de la liberté religieuse, mais ils restent quand même anticléricaux chez beaucoup d’entre eux. La lutte pour laïciser l’enseignement vient constituer, notamment, alors, le nouvel enjeu politique au service d’une conviction intime qui les habite : la nécessité de libérer la société de « l’obscurantisme des prêtres ». Pour eux, religion et croyances de sorcellerie ne font qu’un et continuent d’enchaîner les paysans arriérés du bocage au service des nobles et des curés.

Nous avons une traduction de ces tensions politiques dans les visites pastorales de Mgr Soyer, évêque de Luçon de 1817 à 1845. Avant la révolution de 1830, ce dernier était souvent accueilli dans les paroisses au milieu d’une liesse populaire avec des cris de « vive le roi ! ». Après 1830, l’évêque, dont les opinions politiques favorables aux Bourbons renversés n’échappaient à personne, dû changer de ton. Les paroissiens se firent généralement plus discrets. Surtout, la troupe l’accompagnait à chaque fois, pour lui rendre les honneurs officiellement ! En réalité il s’agissait de surveiller les éventuels agissements politiques du prélat (2). 

Dans ce contexte, les jeunes réfractaires au service militaire (une habitude très minoritaire, et pas seulement en Vendée) se mêlent dans les faits et les discours aux insurgés politiques, pour former des bandes rebelles qui terrorisent les autorités et leurs soutiens politiques locaux (souvent des propriétaires et des notables : voir mon livre page 137 et s. sur ce qui s’est passé à Saint-André-Goule-d’Oie : Les châtelains de Linières à Saint-André-Goule-d’Oie). Les « bleus » (ou plutôt les « culottes rouges », car les soldats ont changé d’uniformes) sont de retour, on ne va pas se laisser faire. Comme en 1793, pense-ton chez les royalistes « légitimistes » et activistes, l’heure est au soulèvement.

La guerre civile s’installe progressivement en Vendée en 1831 et 1832, chaque camp a peur de l’autre et se livre à de graves provocations (vols, pillages, voire assassinats). À l’inverse de ce qui s’est passé en mars 1793, ce sont des nobles qui rassemblent des troupes parmi les paysans. Dans une lettre précédente du 6 avril 1832 à Emma Guyet, le juge de paix avait déjà écrit : « Notre situation dans la Vendée ne s’améliore pas du tout. Ce jeudi dernier on nous menaçait d’un soulèvement général. »

Thomas Lawrence : Duchesse de Berry
La duchesse de Berry, belle-fille du roi déchu et surtout mère du futur héritier « légitime » (Henri V), arrive en Vendée le 16 mai 1832 pour ordonner le soulèvement des provinces de l’Ouest et renverser le pouvoir qui avait lui-même renversé son beau-père. Elle a donné l’ordre du soulèvement général pour le 4 juin prochain. Ce fut un échec total, prévu dans les deux camps par la majorité des personnes sensées.

La liberté religieuse n’était pas en cause et le pouvoir officiel n’était pas perçu comme odieux, sauf pour une minorité, même s’il paraissait illégitime pour beaucoup de gens dans la région (il faut dire que depuis 1792, on était habitué aux coups de force pour s’emparer du pouvoir à Paris !) La masse des Vendéens n’avait pas envie de prendre les armes et une partie des personnes influentes, dans le clergé en particulier, s’y opposait. De plus, beaucoup de chefs de l’insurrection trouvaient l’ordre du 4 juin inopportun au plan tactique, et il y eu des contre-ordres.

Le souvenir des morts : une revanche ou une réconciliation, c’est l’affaire des vivants, qui sont les seuls maîtres de leur choix ; ce sont eux qui font parler les morts ! Voyons comment ce choix s’est effectué en Vendée en 1832 chez les survivants et les héritiers de la grande guerre de 1793, dans le camp des bleus en l’occurrence, en prenant connaissance de cette lettre du juge de paix de Palluau :

Bourbon-Vendée le 6 juin (3)

Ma bonne Emma,

Je viens de recevoir votre lettre du 2 courant. J’y vois avec peine les inquiétudes que vous fait notre position sur le rapport sanitaire et politique.
Notre situation politique est tellement grave que nous n’avons guère le temps de nous occuper des ravages du choléra morbide qui, du reste, n’a jusqu’ici fait que fort peu de ravages dans le département. (4)


(1) Acte de mariage de Guyet-Desfontaines et d’Emma Duval du 26-12-1831 : Archives privées Fitzhebert (dossier no 10).
(2) Article d’A. Billaud cité par l’abbé Boisson : 7 Z 92, les visites pastorales de l’évêque, Archives du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé boisson.
(3) Nom de la Roche-sur-Yon à l’époque.
(4) Le choléra s’était déclaré à Paris fin mars 1832. Dans sa précédente lettre du 6 avril B. C. Martineau avait déjà écrit à Emma Guyet-Desfontaines : « Il faut aujourd’hui que je vous écrive pour vous témoigner toute l’inquiétude que nous inspire votre position dans Paris infesté par le choléra. » Le chef du gouvernement, Casimir Périer, en est mort le 16 mai suivant. À l’époque il n’existait pas de vaccin. En Vendée, l’épidémie a concerné quelques communes de l’arrondissement des Sables. Le 19 juillet 1832, le Préfet de la Vendée, pour lutter contre la maladie, incitait les maires à surveiller et réglementer le rouissage du chanvre et des lins, « en ce qu’il corrompt les eaux dont les émanations sont généralement regardées comme pernicieuses »


La commune de la Chapelle-Palluau, dans l’étendue de laquelle je demeure, est, peut-être, de tout le département, celle qui offre le plus de cas de choléra morbide. On cite 4 ou 5 morts. 
Cela ne vaut pas la peine qu’on y fasse attention dans l’état actuel des choses. (5).
Grâce aux concessions sans fin, aux molles et coupables complaisances du gouvernement, voilà le pays dans toutes les horreurs de la guerre civile (6).
La nuit du 3 au 4 de ce mois était fixée pour une intervention générale ; en effet elle éclata sur une grande portion de la rive gauche de la Loire qui s’étend de Nantes jusqu’à Montaigu et Legé. 
Soldat de 1830
Des gardes nationaux et la troupe de ligne (7) sont de suite partis des villes et de tous les cantonnements, se dirigeant sur les points principaux de rassemblements, et il est probable que dans ce moment les bandes ont été rencontrées et dispersées sur plusieurs points, car la majeure partie de la population ne marche qu’à contre cœur et ne tiendra pas contre des troupes bien disciplinées et plein d’ardeur (8).
On annonce déjà qu’un rassemblement de 3 à 400 individus aurait été attaqué et mis en fuite sur la limite qui sépare la Loire-Inférieure de la Vendée. Il y aurait eu quelques morts du côté des insurgés, une vingtaine de prisonniers et à peu près autant de blessés.
L’exaspération de la troupe et des gardes nationaux est telle que des lettres arrivées aujourd’hui de Nantes, annoncent que tous les prisonniers auraient été fusillés (9), à l’exception d’un vieux chevalier de Saint-Louis, le colonel de Kersabiec (10), aux cheveux blancs et aux larmes duquel on aurait accordé la vie.
On amène tous les jours ici des chefs influents pris les armes à la main. Le cri de tous les soldats est : « mort aux chefs de l’insurrection » (11).

(5) Pour comprendre cette réaction, il faut se rappeler que les progrès de la médecine et de l’hygiène ont commencé une cinquantaine d’années plus tard, et auparavant la mortalité des adultes était importante comparée à ce qu’elle est devenue depuis.
(6) L’auteur de la lettre et sa lectrice appartiennent au camp des « libéraux » qui a peur des royalistes locaux. Sur place on réclame une protection, c'est-à-dire une répression contre les insurgés. En revanche, le nouveau roi au pouvoir est conscient de la faiblesse de son adversaire et veut éviter de lui donner des martyrs, d’où l’impression donnée de « mollesse » par le gouvernement à ses fidèles comme notre juge de paix.
(7) L’armée était constituée de volontaires engagés et de conscrits tirés au sort. La Garde nationale était une milice de citoyens, formée dans chaque ville, pour le maintien de l’ordre et la défense des droits constitutionnels.
(8) En plein déroulement de l’action, il faut remarquer que les informations du juge de paix ici correspondent à ce que les historiens ont reconstitué ensuite.
(9) Les exactions et excès n’ont pas manqué dans les deux camps, caractéristiques de la « hargne » propre à toute guerre civile. Mais la propagande s’attachait à une présentation acceptable : ce n’est que par exaspération, bien sûr, qu’on a fusillé les prisonniers.
(10) Sochian de Kersiabec, breton, avait été fait prisonnier dans le nord-Vendée.
(11) Nous sommes ici en langage de propagande, peut être inconscient chez l’auteur. Les autorités proclamaient leur sévérité à l’égard des instigateurs et des chefs, et leur mansuétude pour les « égarés » qui ont suivi les appels au soulèvement. Tout pouvoir, qui se prétend populaire, ne peut pas supporter d’avoir le peuple contre lui. Moyennant quoi il n’est pas étonnant, en pratique, de trouver beaucoup de chefs chez les insurgés

Louis Daudeteau : 
Place Napoléon, la Roche-sur-Yon
Jusqu’à ce moment l’insurrection n’a pas fait le progrès qu’on espérait ou qu’on craignait, car, malgré la présence douteuse de la duchesse de Berry dans notre pays (12), les rassemblements ne se sont presque pas grossis depuis deux jours, et si l’on parvient à la rencontrer tout sera fini dans quelques jours. Tout ce que l’on craint c’est qu’ils ne se dissipent avant d’avoir reçu une sévère correction (13). 
Ma femme, mes enfants et moi, à la vue des événements qui se préparaient, nous sommes réfugiés à Bourbon (14), où nous comptons rester jusqu’au retour de jours meilleurs. 
Les rassemblements dispersés, il ne faut pas s’imaginer que la tranquillité du pays sera établie pour cela. De longtemps les hommes compromis se tiendront en petites bandes et agiteront les campagnes. Il sera fort difficile de les détruire en raison même de leur peu d’importance ; et les hommes égarés et livrés à leur férocité naturelle ne s’épargneront aucun crime (15).
Au total, ma chère Emma, de longtemps notre position sera bien déplorable.
Vous avez bien raison de me gronder, ma bonne cousine, vous ne méritiez pas le silence que j’ai gardé avec vous jusqu’à ce moment. Mais l’inquiétude que me causait l’absence de ma femme et de mes enfants qui étaient restés à Douin (16), pendant que j’étais ici occupé et anxieux du contexte général, ne me laissait pas la plénitude de ma raison (j’espère pouvoir être plus exact et plus soigneux à l’avenir).

(12) Elle se cachait en réalité et sa présence en Vendée était une rumeur pour le grand public à cette date. Quelques mois plus tard elle fut découverte par la police dans une cachette à Nantes.
(13) Benjamin Charles Martineau, digne fils de son père, n’aime pas les royalistes partisans des Bourbons et de l’Ancien Régime. Il exprime ici son ressentiment dans un courrier à caractère privé, où il se « lâche ». 179 ans après nous ne pensons pas manquer au respect de sa mémoire en publiant sa lettre intégralement. L’historien lui est même reconnaissant de sa confidence personnelle, tellement humaine ! Quel passionné de politique n’a pas prononcé en privé de paroles semblables pour se défouler ? Ajoutons ici que le juge de paix qu’il était n’avait pas de compétence en matière répressive. Détail à retenir : son interlocutrice est la jeune épouse du futur député orléaniste de Vendée (deux ans plus tard) : Guyet-Desfontaines.
(14) Les villes et les gros bourgs, avec la présence des militaires, protégeaient les libéraux et républicains, tandis que les campagnes étaient le refuge des royalistes légitimistes.
(15) L’auteur se trompe et les troubles cessèrent rapidement sous l’effet d’une politique où l’apaisement a succédé à une ferme répression. Son sectarisme ici s’alimente d’une image négative de ses adversaires qu’il voit comme des ennemis. Passion débordante, mère d’un aveuglement inconscient, les deux s’associant dans la peur : une facette de l’Histoire des hommes, pas seulement en 1832... Son cousin de Linières, Guyet-Desfontaines, était certainement plus politique, c'est-à-dire devant maîtriser mieux ses passions en politique.
(16) le lieu-dit de sa propriété dans la commune de La Chapelle-Palluau. Il a à cette date trois garçons de 7 ans, 5 ans et 4 ans.

Je n’ai point précisément de nouvelles de Saint-Fulgent (17), mais j’ai des raisons de croire qu’on se porte bien et qu’on y est sans inquiétude du côté des chouans (18).
Adieu, ma bonne Emma, ma femme et moi sommes bien sensible à l’affectueux intérêt que vous nous témoignez et dont nous ne pouvions douter. Nous vous en remercions de tout notre cœur et vous embrassons de tout notre cœur ainsi que votre cher Marcellin (19) et votre fille (20).
Votre cousin bien aimé.
B. C. Martineau

On ne connaît encore d’ici Nantes que deux rassemblements de 4 à 500 hommes chacun, qui, selon toute apparence, ne se grossissent pas beaucoup.

(17) Où habitent ses trois sœurs, deux mariées à deux frères de Grandcourt et une avec le juge de paix Gourraud. Ses « raisons », notablement subjectives, ne renseignent pas forcément sur le climat régnant chez les libéraux de Saint-Fulgent à l’époque. En tout cas, on n’a pas noté de faits d’armes dans cette région. Le registre d’état-civil de Saint-André ne révèle pas non plus de morts consécutifs à ce soulèvement.
(18) C’est à cette occasion que les autorités de l’époque ont popularisé le mot « chouan » pour désigner tous les insurgés des départements de l’Ouest de la France, y compris en remontant aux soulèvements antérieurs. Un souci de faire simple par amalgame, et surtout on ne pouvait pas les traiter de royalistes ! À cette cause partisane et militante a succédé plus récemment l’ignorance des fabricants d’enseignes commerciales pour continuer à populariser cette « étiquette », historiquement fausse en Vendée.
(19) Prénom de Guyet-Desfontaines, qui se présentera aux élections en 1834 et sera élu député de la Vendée dans la circonscription des Herbiers.
(20) Emma était veuve quand elle s’est mariée avec Marcellin l’année précédente et elle avait déjà une fille, née Isaure Chassériau, âgée de 12 ans en 1832.

Général Lamarque
Pour conclure sur ces événements de 1831/1832 en Vendée, il est intéressant de lire un extrait du rapport écrit par le général Lamarque, après une enquête sur place à la fin de 1830. Il avait été le commandant en chef des troupes de Bonaparte en 1815 dans les départements de l’Ouest, au moment du soulèvement vendéen d’alors. Ce dernier s’était soldé par un échec, à la veille de la défaite de Waterloo. Là aussi, des chefs royalistes avaient tenté de soulever les paysans pour s’opposer au retour de Napoléon de l’île d’Elbe, chassant le roi Louis XVIII. Le passage du rapport reproduit ici est cité par J. Crétineau-Joly, dans son Histoire de la Vendée militaire (1840), T 4, page 439 :

« La situation en Vendée n’est inquiétante que relativement…Les royalistes regretteront longtemps le gouvernement déchu ; mais si l’on ne prend à leur égard que des mesures dictées par la justice et par l’intérêt qui doit s’attacher à des adversaires qui ont été si dangereux, nul doute que l’on parviendra aisément à leur faire entendre raison…Partout j’ai entendu le même cri : « qu’on nous laisse tranquilles avec nos prêtres, qu’on ne nous persécute pas, qu’on ne nous accable pas de nouveaux impôts, qu’on ne nous contraigne pas à aimer un gouvernement que jusqu’à présent nous avons le droit de regarder comme notre ennemi, et nous ne ferons aucune démonstration contre lui…Les nobles et les prêtres ont de l’influence, mais cette influence est raisonnée, et elle ne pourrait jamais les entraîner au-delà de leur volonté… La Vendée est un malade qu’il faut chercher à guérir par des calmants, et que, par des moyens irritants, il est très facile de jeter dans le désespoir. Ici le désespoir se transforme en guerre civile. Que personne n’oublie cette vérité, et ils ne s’en souviendront plus. »

Apparemment les autorités ont globalement écouté les conseils du général Lamarque. Notre juge de paix semble avoir moins de recul que ce vieux général expérimenté.

Anne Louis Girodet : chateaubriand
Chateaubriand partageait l’opinion du général Lamarque. Il a écrit : « la Vendée est une oriflamme vénérée et admirée dans le trésor de Saint-Denis (21) sous laquelle la jeunesse et l’avenir ne se rangeront plus. » (22) Le grand écrivain appartient au camp adverse, celui des Bourbons renversés, mais il ne croit plus à leur avenir quand il écrit Les Mémoires d’Outre-Tombe. Nous nous gardons bien de citer Chateaubriand pour son autorité politique. On le sait maladroit dans sa pratique du pouvoir et paradoxal dans ses idées. Ce qui est intéressant de noter dans sa phrase, c’est le sens qu’il donne au mot de « Vendée ». Celui-ci est pour lui, comme pour ses amis royalistes et leurs adversaires aussi, déjà, un symbole, celui de la contre-révolution, donc celui de la royauté. La portée de ce mot va bien au-delà d’un nom de département, et tant pis pour leurs habitants. Ainsi, déjà en 1830, on faisait de la politique avec les morts de 1793 ! Est-ce terminé ? D’où l’incompréhension de la réalité vendéenne par le reste de la nation encore de nos jours trop souvent.

Enfin, cette lettre nous conduit à nous intéresser à l’aspect plus familial de son contenu. On y voit la complicité entre les Guyet de Paris et Linières et les Martineau de Palluau. Or les Archives de la Vendée ont récemment acquis deux lettres autographes et signées d’Amaury-Duval, le châtelain de Linières à partir de 1875 (23). Celles-ci nous montrent la continuité de cette relation complice. Son auteur s’adresse dans les années 1871 et 1876 à son « cher monsieur Martineau », qui habite Nantes.

Il s’agit de Joseph Martineau, notaire à Nantes et conseiller municipal de la ville au temps de Napoléon III. Il était le fils de Benjamin Charles Martineau, l’auteur de la lettre ci-dessus. Le jeune notaire avait un ami, membre avec lui de la société d’archéologie de Nantes, Charles-Édouard Robinot-Bertrand, qu’Amaury-Duval invite à Linières. C’est que ce dernier était avocat et surtout poète. Voilà qui lui donnait un sérieux passeport pour susciter l’invitation.

Pourtant, le lien familial entre le beau-frère du cousin Guyet-Desfontaines (Amaury-Duval), et le fils Martineau de Nantes, ajoutait encore une génération supplémentaire. Mais cette distance n’était rien en considération de la solidité du noyau familial, constitué dans les années 1820 à Paris entre Emma Duval, Isaure Chassériau, sa fille née de son premier mariage, et son frère, Amaury-Duval. Ce noyau s’est agrandi en 1831 avec le remariage d’Emma avec Guyet-Desfontaines, puis avec la naissance en 1842 du petit-fils, Marcel de Brayer (fils d’Isaure Chassériau), le petit-neveu d’Amaury-Duval. Ce dernier, resté célibataire, a vécu avec les Guyet-Desfontaines et faisait partie de la famille. À ce titre le jeune cousin Martineau de Nantes faisait partie de la famille des châtelains de Linières. D’ailleurs Mme Guyet-Desfontaines dans son testament de 1868 fit verser un capital de 10 000 F à Joseph Martineau, en souvenir de la « fraternelle amitié » qui la liait à son père (24).


(21) Le tombeau des rois de France est dans la basilique de Saint-Denis.
(22) Chateaubriand, Les Mémoires d’Outre-Tombe, (Pléiade), T II, page 548.
(23) Archives de Vendée, 1 J 2686, L.A.S Amaury-Duval
(24) Testament de Mme Guyet-Desfontaines du 6 mai 1868, Archives nationales, notaires de Paris : MC/ET/XIV/898.

Emmanuel François, tous droits réservés
Mars 2011, complété en septembre 2017

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mardi 1 février 2011

Acte de notoriété du décès de Simon Charles Guyet



L’augmentation des documents numérisés mis en accès internet sur le site des Archives départementales de la Vendée, nous apporte chaque année son lot d’heureuses surprises. Et encore, ce n’est pas tout, son moteur de recherche est vraiment l’ami des chercheurs. On sait que le vrai problème d’un chercheur de documents d’histoire, comme les prospecteurs d’or d’autrefois, ce n’est pas d’explorer, mais de trouver. Il suffit désormais d’écrire : « Joseph Guyet » dans le moteur de recherche des Archives de Vendée, au bout du clic on obtient le certificat de décès de son père en 1793, dans les minutes d’un notaire de Luçon. Qui serait allé dans cette étude pour l’y trouver ?


Dans mon article sur Joseph Guyet, récemment publié en décembre 2010, j’avais rassemblé toutes les informations recueillies après mes recherches sur des registres paroissiaux, et les notes prises dans les diverses publications que j’avais pu lire à son sujet et à celui de ses proches. Mais j’étais resté dans l’ignorance de la date du décès de Simon Pierre Guyet. Reproduisons l'acte de notoriété du décès :

« Acte notarié constatant la mort de Charles Simon Guyet du 7 messidor an 3 (1)
Par devant le notaire public (2) à Luçon en présence des témoins ci-après nommés et soussignés ont comparu
Les citoyens René Rouillon (3) chasseur de la Vendée et François Bossard servant dans les hussards de Cholet- Pierre François Louis Marie Gentils receveur du droit d’enregistrement à Luçon- François Guinaudeau canonnier et Charles Durand réfugié à Gemme-de-la-Plaine, (4)
Étant tous présents à Luçon
Lesquels ont déclaré avoir parfaitement connu le citoyen Charles Simon Guyet maître de poste à Saint-Fulgent district de Montaigu département de la Vendée qui est tombé au pouvoir des rebelles et a été massacré par eux le quatorze mars mil sept cent quatre-vingt-treize (5) en la maison de Durand aubergiste du Chapeau Rouge à Saint-Vincent-Sterlanges, et est mort de ses blessures le lendemain quinze du dit mois de mars (6)
Ce que dessus les comparants affirment sincère et véritable pour en avoir une parfaite connaissance
Dont et le tout qui’allé fait et rédigé le présent acte pour valoir et servir ce qu’il appartiendra
Fait et passé audit Luçon étude de Pillenière (7) le sept messidor an troisième de la République Française une et indivisible en présence du citoyen Philippe Payneau propriétaire et Louis Porché aubergiste demeurant séparément audit Luçon qui se sont, ainsi que les comparants et nous notaire, soussignés après lecture faite. »


(1) 25 juin 1795
(2) La loi du 6-10-1791 avait transformé les « notaires royaux » en « notaires publics ». Ils n’étaient pas officiers chargés de l’état-civil, mais en tant que fonctionnaires publics, leurs actes avaient une force certaine, surtout compte tenu des circonstances.
(3) Ce témoin, comme les autres, nous est inconnu. Trois militaires, un fonctionnaire des impôts et un réfugié. Leur qualité est à la fois d’ « avoir parfaitement connu » C. Guyet et d’avoir « une parfaite connaissance » des circonstances et de la date de sa mort. Ce qui compte ici, on le sait, c’est la signature du notaire.
(4) Le mot « Saint » qui précédait la suite du nom de la commune a disparu, conformément à la loi d’alors. Il s’agissait de « déchristianiser » et « dénobliser » les noms. Mais notre brave notaire ne connaissait pas le nouveau nom de Saint-Fulgent et ne l’a donc pas utilisé. C’est bien excusable, tellement il y a eu de changements de noms. Pour mémoire, rappelons que « Saint-Fulgent » est devenu « Fulgent-des-Bois ». On retrouve ce nom utilisé dans l’acte de rachat de Linières en 1796, par exemple. Même remarque pour Saint-Vincent-Sterlanges.
(5) Le présent acte de décès a donc été rédigé plus de deux ans après la mort qu’il constate. Cela indique que l’acte résulte d’une demande auprès du notaire et qu’il a fallu se donner la peine de réunir tous ces témoins à Luçon, longtemps après les faits. Les fonctions politiques du gendre Benjamin Martineau et celles de son frère Ambroise à  Fontenay, chez les républicains de l’administration du département, ont peut-être été utiles pour aplanir les difficultés à cet égard.
Il paraît naturel d’obtenir cet acte ne serait-ce que pour ouvrir la succession d’un homme, qui plus est devenu riche, laissant une veuve et sept enfants âgés de neuf à vingt et un ans. Dans le désordre des batailles, combien d’actes de décès n’ont pas pu être rédigés ! Et à Saint-Vincent-Sterlanges, comme dans beaucoup d’autres communes du bocage, les archives actuelles de l’état-civil n’ont été conservées qu’à partir de l’an V, toujours à cause de la guerre civile. Quant aux actes reconstitués de cette période, il y en a eu très peu dans cette commune, et ne concernent pas C. Guyet;
Saint-Vincent-Sterlanges
(6) Ce qui s’est passé à Saint-Vincent-Sterlanges se recoupe bien avec les faits de guerre connus. Le 13 mars 1793, les jeunes de Saint-André-Goule-d’Oie, entraînés par Christophe Cougnon (demeurant à la Guérinière et régisseur à Linières), mettent en fuite une troupe de gardes nationaux venus de Fontenay sous les ordres de Charles Pierre Marie Rouillé. (a) C’est sans doute ce jour-là, sinon le lendemain en voyant la tournure des évènements, que Charles Guyet et son gendre Benjamin Martineau s’enfuient avec la troupe de Rouillé (ou la rejoignent) en direction de Fontenay-le-Comte. (b)
Le 13 mars les jeunes du canton se rassemblent au bourg de Saint-Fulgent autour de l’aubergiste Lusson et du procureur de la commune Gautier. (c) Ils convainquent le vieux capitaine d’infanterie Royrand, âgé de 67 ans (riche propriétaire d’une vingtaine de métairies et originaire de la Roussière de Saint-Fulgent et demeurant à la Burnière de Chavagnes), ainsi qu’un de ses neveux de Chavagnes-en-Paillers, de s’engager avec eux et de diriger les combats. (b)
Le 14 mars ils partent vers Fontenay et mettent en fuite à nouveau les gardes nationaux au village de la Brossière de Saint-André-Goule-d’Oie. (d) Ils les poursuivent, passent les Quatre-Chemins, Saint-Vincent-Sterlanges et arrivent à Chantonnay, où à nouveau le lendemain les Vendéens battent les gardes nationaux.
Qu’il y ait eu le 14 mars un massacre de « bleus » et de patriotes de Saint-Fulgent connus, dans l’auberge de Saint-Vincent-Sterlanges, est parfaitement concevable au vu des évènements que nous venons de rappeler.
(7) Acte de décès de Simon Guyet du 7 messidor an III, Archives de la Vendée, notaires de Luçon, étude (I) : vues 311 et 312 du registre numérisé.
Ce notaire, Jean Claude Pillenière s’était marié avec Marie Chauveau à Luçon le 25-1-1780 (vue 102), lequel était présent au mariage de B. Martineau en 1792 à Saint-Fulgent. Or le premier mari de Catherine Couzin, belle-mère de B. Martineau, était Jean Pillenière, fermier. Il y a donc un lien familial, mais non connu, entre la femme de B. Martineau et le notaire. (Voir note au mariage de C. Guyet et B. Martineau dans le dossier S. C. Guyet)

Remarque
Encore un compatriote massacré ! Les mots employés par habitude dans les livres pour désigner les ennemis en présence, de « Vendéens » d’un côté et de « bleus » de l’autre, contribuent à masquer cette réalité, qu’on s’est aussi battu entre Vendéens dans cette guerre civile. Le commandant des gardes nationaux, Charles Rouillé le jeune, était avocat-avoué et électeur du district des Sables-d’Olonne. (a) Quant aux gardes nationaux sous ses ordres, beaucoup étaient Vendéens sans doute, de la région de Fontenay-le-Comte.
D’ailleurs, des chercheurs notent le comportement de certains révolutionnaires locaux, comme ayant contribué à attiser le climat de guerre civile, avant, pendant et après le soulèvement.
Benjamin Martineau, le gendre de Charles Guyet, et tous les Guyet, vont porter dans leur cœur la haine de la devise de leurs adversaires « Dieu et le roi ». Nous le constaterons dans les années à venir dans l’histoire de Linières, avec le fils Joseph Guyet qui en deviendra propriétaire.

Ils ont tenu à faire attester de la sépulture de leur père par neuf personnes : sept de Sainte-Cécile, une de Saint-Vincent-Sterlanges et une de Saint-Germain-de-Princay. « Lesquels dits comparants ont dit et déclaré devant nous dits notaires avoir une parfaite et entière connaissance que le feu citoyen Simon-Charles Guyet, propriétaire demeurant au bourg de Saint-Fulgent, est décédé au bourg de Saint-Vincent-Sterlanges en la demeure de la citoyenne Petit, veuve Durand, le 15 mars 1793, vieux style an 2 de la République, le corps duquel dit feu Guyet a été inhumé le lendemain dans le cimetière de ladite commune de Saint-Vincent-Sterlanges, ce que les dits comparants déclarent être sincère et véritable et que foi doit y être ajouté … ». C’est ce qu’écrit en son étude le notaire Gabriel Benesteau de Sainte-Cécile, un cousin des enfants Guyet, le 12 germinal an 12 (8). 


(a) Revue du Souvenir Vendéen no juin 2009, page 22 (article de J. Biteau)
(b) M. Maupilier, …Saint-Fulgent sur la route royale, Herault (1989)
(c) L. de La Boutetière, Le chevalier de Sapinaud …, Salmon (1982), page 32
d) A. Billaud, La guerre de Vendée, Lussaud (1967)

(8) Notoriété du 12 germinal an 12 (3 avril 1804) du décès de Simon Guyet, Archives de Vendée, notaire de Sainte-Cécile, étude A, Gabriel-Jean-Louis Benesteau, 3 E 15 21-2, accessible en ligne : vue 254 à 255/514.

Et après le décès ?
Imaginer ce qui s’est passé juste après la mort du 15 mars 1793, est une question intéressante à explorer. Pour cela, on ne dispose d’aucun document, mais on peut néanmoins retenir d’abord des faits connus :
- La fille aînée de Simon Guyet, Catherine, accouchera à Saint-Fulgent le 3 août suivant (baptême clandestin le lendemain par le vicaire insermenté et avec le maire royaliste et combattant comme témoin, vue 10/78 du registre clandestin).
- Son mari, le révolutionnaire extrémiste Benjamin Martineau, avait fui Saint-Fulgent en même temps que son beau-père, n’assistant peut-être pas à son décès, puisqu’il ne témoigne pas devant le notaire de Luçon, Pillenière, dans la rédaction de l’acte de notoriété. Ce notaire était un ami de la famille, présent à son mariage en 1791 à Saint-Fulgent, et Luçon était à l’abri des révoltés Vendéens.
- Avant que la Convention n’ordonne au printemps 1794 aux habitants de s’éloigner « à plus de 20 lieues » du département de la Vendée, des républicains s’étaient déjà réfugiés vers le nord (Nantes), ou vers le sud (Sainte-Hermine, la Chapelle Thémer etc.), après le début de la guerre en mars 1793.
- Les comités communaux royalistes mis en place après la révolte de mars 1793 ont eu pour consignes de mettre en demeure leurs ennemis de combattre à leur côté ou de quitter la contrée (1). Ils ont aussi confisqué les biens « volés » à l’Église par les républicains lors des ventes de « biens nationaux » en 1791. On le constate à Saint-André, où René Robin, acquéreur de la métairie de Fondion (ancien bien d’Église), s’est vu confisqué ses revenus au moins pour l’année 1794, et n’est rentré dans la disposition de son bien qu’en 1795 (2).
À partir de ces faits, on peut imaginer avec vraisemblance que des garçons comme Charles Jacques (21 ans en 1793 et premier fils de Simon Guyet) ait été envoyé à Champagné (sud vendéen à l’abri des combats) dans la famille de sa mère, où il se mariera. Joseph (19 ans en 1793), était peut-être déjà à Paris chez son oncle Jacques Guyet pour y faire des études de droit. Auguste Jacques, 10 ans en 1793, a pu rester à Saint-Fulgent avec sa mère, sa grande sœur enceinte et sa petite sœur de 9 ans. On hésite sur le cas de Pierre Louis (18 ans), et de Louis René (17 ans). À cette époque, on entrait « dans la vie active » beaucoup plus tôt que maintenant et plusieurs hypothèses sont possibles les concernant.
Quant à s’occuper des affaires de Simon Guyet, il est à craindre pour ses héritiers que les comités communaux royalistes, dans un premier temps, en ait fait leur affaire. Sauf dans le Marais, où la famille (peut-être le gendre Martineau) s’en est certainement occupé. Pas sûr que l’oncle de Paris soit venu à Saint-Fulgent pour déranger les comités royalistes (actif d’avril à environ octobre 1793), et s’exposer ensuite à la haine des républicains sévissant chez les habitants. Son frère Jean Guyet de Sainte Cécile a peut-être pu essayer de s’occuper des affaires de sa belle-sœur. Également François Rouillon de Sainte-Cécile, mari de la sœur Marie Louise Guyet, à moins que bon républicain, il n’ait été obligé de chercher refuge en dehors de la contrée. Mathurin Guyet, autre frère aubergiste à Saint-Michel-Mont-Mercure, y était officier municipal et a dû se réfugier à Sainte-Hermine au plus tard en février 1794 (3). Enfin Claude Rathié, maître chirurgien à Montaigu, veuf d’une autre sœur, Jeanne Guyet, n’était certainement pas le bienvenu dans certaines métairies de son beau-frère, mais il a peut-être pu s’occuper de certaines autres s’il ne s’est pas réfugié lui aussi hors de la contrée.
N’oublions pas que de mars 1793 à décembre 1794, Saint-Fulgent et les environs a perdu au moins 20 % de sa population, et que, pendant ce temps, certaines métairies n’ont certainement pas été capables de produire un revenu, sinon de survie pour leurs métayers. Dans le meilleur des cas il faudra attendre 1795 pour que l’ordre commence à revenir dans le respect des propriétés des uns et des autres (traité de la Jaunaie en février 1795).
L’acte de notoriété du décès de Simon Guyet est de juin 1795, préalable à l’ouverture de la succession. Entre temps, il paraît certain que les frères et sœurs de Simon et de son épouse ont aidé matériellement sa famille. Mais on ne sait pas comment.
(1) Claude Petitfrère, Conseils et capitaines de paroisse : des comportements démocratiques en Vendée ? Actes du colloque La Vendée dans l’Histoire, Perrin, 1994, page 67 à 80.
(2) Acte de non conciliation entre Robin et Allain concernant des bestiaux sur la métairie de Fondion, justice de paix de Saint-Fulgent du 28 messidor an 4, Archives historiques du diocèse de Luçon, fonds de l’abbé Boisson : 7 Z 73-1.
(3) Acte de naissance de Louis Teillet le 16-2-1794 à Saint-Hermand (devenu Sainte-Hermine).


Emmanuel François, tous droits réservés
Février 2011, modifié en février 2024

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